20 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-28.866

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C201565

Titres et sommaires

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - préjudice - réparation - droit à réparation - exclusion - cas - perte de sa vie

La perte de sa vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime. Seul est indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel a indemnisé les souffrances morales de la victime qui a eu la conscience inéluctable de l'imminence de son décès au seul titre des souffrances endurées

Texte de la décision

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2016


Rejet


Mme FLISE, président


Arrêt n° 1565 FS-P+B

Pourvoi n° R 14-28.866





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. R... X...,

2°/ M. P... X...,

tous deux domiciliés [...] ,

contre l'arrêt n° RG : 13/000321 rendu le 5 décembre 2013 et les arrêts n° RG : 14/02142 et 14/03051 rendus le 4 septembre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige les opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] ,

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 21 septembre 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Vannier, M. Besson, Mme Gelbard-Le Dauphin, M. Boiffin, conseillers, M. Becuwe, Mmes Touati, Isola, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de MM. R... et P... X... , de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 5 décembre 2013 et 4 septembre 2014, n° RG : 14/02142 et 14/03051), qu'B... H... épouse X... a été tuée de plusieurs coups de couteau sur son lieu de travail ; que son époux, M. R... X..., et son fils, M. P... X... (les consorts X...), agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit d'B... X..., ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction en réparation des préjudices subis ;

Attendu que les consorts X... font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à obtenir réparation du préjudice né d'une perte de survie, alors, selon le moyen, que l'atteinte à la vie par réduction de sa durée constitue un préjudice réparable qui est né du vivant de l'intéressé et qui est transmissible à ses héritiers ; qu'en affirmant que le droit de vie jusqu'à un âge suffisamment déterminé n'est pas suffisamment certain au regard des aléas innombrables de la vie quotidienne et des fluctuations de l'état de santé de toute personne pour être tenu pour un droit acquis entré dans le patrimoine de la victime de son vivant, et comme tel transmissible à ses héritiers, lorsque survient l'événement qui emporte le décès, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la perte de sa vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime ; que seul est indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine ; qu'ayant relevé dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que, du fait de ses blessures, Mme X... avait éprouvé une souffrance physique et morale et avait eu la conscience inéluctable de l'imminence de son décès, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en indemnisant ce préjudice au seul titre des souffrances endurées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour MM. R... et P... X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté MM. R... et P... X... de leurs demandes tendant à obtenir réparation du préjudice né d'une perte de survie ;

AUX MOTIFS QUE les consorts X... sollicitent la somme de 20.000 ¿
au titre du pretium doloris et celle de 40.000 ¿ au titre des dommages tirés de l'imminence de la mort et de la perte de chance de survie, alors que le Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d'autres Infractions offre la somme de 5.000 ¿ au titre des souffrances endurées, incluant la souffrance psychologique tirée de la conscience de l'abrégement de la vie, et s'oppose à toute indemnisation liée à une perte de chance de survie ; que la souffrance physique et morale éprouvée par Madame B... H... épouse X... avant son décès du fait de ses blessures, et la conscience inéluctable de l'imminence de son décès, doivent être indemnisées au titre des souffrances endurées ; qu'au regard de l'importance et de la nature des blessures subies, et de l'absence d'éléments connus pour apprécier le temps écoulé entre le moment de l'infraction et le décès de la victime, il convient de réparer ce préjudice par la somme de 5.000 ¿ offerte par le FGTI ; que le droit de vie jusqu'à un âge statistiquement déterminé n'est pas suffisamment certain au regard des aléas innombrables de la vie quotidienne et des fluctuations de l'état de santé de toute personne pour être tenu pour un droit acquis entré dans le patrimoine de la victime de son vivant, et comme tel, transmissible à ses héritiers lorsque survient l'événement qui emporte le décès ; qu'en conséquence l'existence d'une perte de chance de survie n'est pas caractérisée et ne peut être indemnisée ;

ALORS QUE l'atteinte à la vie par réduction de sa durée constitue un préjudice réparable qui est né du vivant de l'intéressé et qui est transmissible à ses héritiers ; qu'en affirmant que le droit de vie jusqu'à un âge suffisamment déterminé n'est pas suffisamment certain au regard des aléas innombrables de la vie quotidienne et des fluctuations de l'état de santé de toute personne pour être tenu pour un droit acquis entré dans le patrimoine de la victime de son vivant, et comme tel transmissible à ses héritiers, lorsque survient l'événement qui emporte le décès, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.


DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. R... X... de la demande qu'il avait formée afin d'obtenir la réparation d'un préjudice économique ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur R... X... soutient qu'il a réglé aux lieu et place de son épouse des factures adressées par la société ASIELAND à son épouse décédée pour l'émission de titres de transport au profit de clients de l'agence de voyage et qu'il a ainsi subi un préjudice économique lié au décès de son épouse, pour lequel il demande réparation pour une somme de 8.555 ¿ ; que le Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d'autres Infractions s'y oppose au motif que la Cour a déjà statué sur cette demande et subsidiairement parce qu'elle n'est pas justifiée ; que l'arrêt du 5 décembre 2013 n'a pas statué sur ce point ; que les pièces versées aux débats démontrent que la SARL MARITON AIR LINES, dont Madame B... X... était la gérante, a été dissoute par décision de son assemblée générale du 20 novembre 2011 et que Madame X... a été nommée liquidateur, puis qu'elle s'est inscrite au registre des métiers le 21 décembre 2012 en qualité d'auto entrepreneur comme "organisateur de voyages" ; que les factures que Monsieur R... X... a réglées, ont été émises les 29/02/2012, 3/06/2012, 17/07/2012, 28/07/2012 et 16/08/2012 par la société ASIELAND au nom de "[...] " pour l'achat de billets d'avion au profit de clients ; que faute d'éléments complémentaires indiquant si ces factures étaient dues par la SARL MARITON AIR LINES (et devaient être traitées dans le cadre de la liquidation de cette société) ou par Madame B... X... en sa qualité d'auto entrepreneur, Monsieur R... X... ne démontre pas l'existence d'un préjudice économique résultant du décès de la victime ; que cette demande non justifiée, sera rejetée ;

ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en décidant que les documents versés aux débats ne permettaient pas de déterminer selon que ces remboursements étaient dues par la SARL MARITON AIR LINES, et devaient être traitées dans le cadre de la liquidation de cette société, ou par Mme B... X... en sa qualité d'auto entrepreneur, la Cour d'appel qui a refusé de trancher entre les deux branches de l'alternative dont elle posait les termes, a violé l'article 4 du Code civil.

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