19 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-18.849

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C101312

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent - Validation de la procédure par la décision du juge des libertés et de la détention ordonnant la poursuite de la mesure de soins - Portée

La décision par laquelle un juge des libertés et de la détention ordonne la poursuite de la mesure de soins psychiatriques sans consentement, notamment après les douze premiers jours d'hospitalisation complète, valide la procédure antérieure. A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité de la procédure antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure de soins, ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge

Texte de la décision

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 octobre 2016




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1312 FS-P+B+I

Pourvoi n° U 16-18.849

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [D].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 septembre 2016.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme [M] [D], domiciliée [Adresse 2],

contre l'ordonnance de soins psychiatriques sans consentement rendue le 14 avril 2016 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [D], domicilié [Adresse 1],

2°/ au directeur de l'hôpital [Établissement 1], domicilié [Adresse 3],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 octobre 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, conseillers, Mme Guyon-Renard, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, conseillers référendaires, M. Bernard de La Gatinais, premier avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme [D], de la SCP Lesourd, avocat de M. [D], l'avis de M. Bernard de La Gatinais, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par un premier président (Paris, 14 avril 2016), et les pièces de la procédure, que Mme [D] a été admise en soins psychiatriques sans consentement, le 25 février 2016, sous le régime de l'hospitalisation complète, en application d'une décision du directeur d'établissement prise sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique ; que, le 7 mars, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de cette hospitalisation ; que, le 22 mars, la patiente a formé une demande de mainlevée de la mesure ;

Attendu que Mme [D] fait grief à l'ordonnance d'autoriser le maintien de son hospitalisation complète, alors, selon le moyen :

1°/ que nul ne peut être privé de sa liberté ; qu'une personne ne peut faire l'objet d'un internement en hôpital psychiatrique, sous le régime de l'hospitalisation complète sous contrainte, sur décision du directeur d'un établissement de soins, que si ses troubles mentaux rendent son consentement impossible et si son état mental impose une surveillance médicale permanente justifiant un tel internement ; que la décision d'admission du directeur de l'établissement de soins doit être accompagnée de deux certificats médicaux, dont le premier doit émaner d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; qu'en l'espèce, le premier certificat médical a été établi par le docteur [U], médecin psychiatre au sein du centre hospitalier Ballanger, le second certificat étant établi par un autre médecin du même centre ; que Mme [D] a donc été internée contre sa volonté, sans que soient respectées les dispositions légales ; qu'en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a violé, ensemble, l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que l'acte de notification de la décision d'internement psychiatrique mentionne que la notification n'a pu avoir lieu, la patiente étant « sédatée » ; qu'aucun élément du dossier ne permet de s'assurer que Mme [D] a pu avoir connaissance des voies et délais de recours ; que, de ce fait, en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a, de plus fort, violé les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que les irrégularités initiales de la mise en détention de Mme [D] n'ont pu être « couvertes » par la décision de prolongation prononcée par le juge de la liberté et de la détention en date du 7 mars 2016, obtenue par le directeur du centre hospitalier, sans aucun certificat d'un médecin extérieur à l'établissement et sans que la personne internée ait eu la possibilité de contester la décision initiale de mise en détention ; que le conseiller délégué a, pour cette troisième raison, violé les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, § 1, et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que le certificat initial du docteur [U] n'indiquait pas que les troubles mentaux de l'intéressée rendaient le consentement impossible ; que dès lors, en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a violé, de plus fort, les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'à peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge ; qu'ayant constaté que la décision initiale d'hospitalisation complète avait été soumise au contrôle de plein droit du juge des libertés et de la détention, le premier président a, par ces seuls motifs, exactement décidé que la procédure avait été validée par l'ordonnance de ce juge prescrivant la poursuite de la mesure ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme [D]

Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative entreprise

D'AVOIR ordonné le maintien de Madame [M] [D] sous le régime de l'hospitalisation complète sous contrainte

AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déférée faisait état d'irrégularités des certificats médicaux ayant justifié la mesure d'hospitalisation complète dont avait fait l'objet Madame [M] [D] ; que cependant, force était de constater qu'après examen du dossier, et contrairement aux indications contenues dans cette ordonnance, la mesure de soins sans consentement avait été ordonnée au vu d'un certificat médical du docteur [U] daté du 26 février 2016, indiquant que la patiente était mutique et le dialogue impossible, et concluant que son état de santé nécessitait des soins psychiatriques sans consentement ; que ce certificat n'était entaché d'aucune irrégularité et avait été établi le jour de l'admission de la patiente ; qu'il contenait toutes les mentions légales ; que l'erreur matérielle contenue dans le document de notification de la décision d'admission, relativement à la date dudit certificat, n'était pas de nature à vicier la procédure, et ce d'autant qu'il avait été validé par l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention en date du 7 mars 2016, ayant ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète ; que l'ordonnance devait dès lors être infirmée ; que sur le fond, le certificat médical du 26 février 2016 et celui du 27 février 2016 indiquaient que l'état de Madame [D] nécessitait le maintien de soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète, la patiente étant dans un contexte de rupture de suivi et de traitement et d'un environnement familial très hostile, le médecin précisant la nécessité d'une surveillance constante en milieu hospitalier ; que le docteur [K], dans son certificat daté du 30 mars 2016, notait une dégradation de l'état psychique de la patiente, marquée par une réticence à tout entretien, sous tendu par des idées délirantes de persécution et refusant le traitement sous prétexte qu'il l'empoisonnait ; que ce médecin en concluait que son était faisait obstacle à son audition par le juge des libertés et de la détention ; que la cour constatait que l'état de santé de Madame [D] ne s'était pas amélioré depuis cette date, puisqu'à l'audience, elle était mutique et que toute communication avec elle s'était avérée impossible ; que dans ces conditions, au vu des certificats médicaux concordants, Madame [D] devait être maintenue sous le régime de l'hospitalisation complète sous contrainte ;

1) ALORS QUE nul ne peut être privé de sa liberté ; qu'une personne ne peut faire l'objet d'un internement en hôpital psychiatrique, sous le régime de l'hospitalisation complète sous contrainte, sur décision du directeur d'un établissement de soins, que si ses troubles mentaux rendent son consentement impossible et si son état mental impose une surveillance médicale permanente justifiant un tel internement ; que la décision d'admission du directeur de l'établissement de soins doit être accompagnée de deux certificats médicaux, dont le premier doit émaner d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; qu'en l'espèce, le premier certificat médical a été établi par le docteur [U], médecin psychiatre au sein du Centre Hospitalier Ballanger, le second certificat étant établi par un autre médecin du même centre ; que Madame [D] a donc été interné contre sa volonté, sans que soient respectées les dispositions légales ; qu'en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a violé, ensemble, l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et l'article 5, 1° de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

2) ALORS QUE l'acte de notification de la décision d'internement psychiatrique mentionne que la notification n'a pu avoir lieu, la patiente étant « sédatée » ; qu'aucun élément du dossier ne permet de s'assurer que Madame [D] a pu avoir connaissance des voies et délais de recours ; que, de ce fait, en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a, de plus fort, violé les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, 1° de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

3) ALORS QUE les irrégularités initiales de la mise en détention de Madame [D] n'ont pu être « couvertes » par la décision de prolongation prononcée par le juge de la liberté et de la détention en date du 7 mars 2016, obtenue par le directeur du centre hospitalier, sans aucun certificat d'un médecin extérieur à l'établissement et sans que la personne internée ait eu la possibilité de contester la décision initiale de mise en détention ; que le conseiller délégué a, pour cette troisième raison, violé les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, 1° et 6, 1° de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

4) ALORS QUE, en tout état de cause, le certificat initial du docteur [U] n'indiquait pas que les troubles mentaux de l'intéressée rendaient le consentement impossible ; que dès lors, en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a violé, de plus fort, les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, 1° de la Convention européenne des droits de l'Homme.

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