20 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-20.285

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C301147

Titres et sommaires

BAIL PROFESSIONNEL - domaine d'application - caractère lucratif de l'activité exercée - nécessité (non)

L'application des dispositions de l'article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 relatives à un bail à usage exclusivement professionnel ne dépend pas du caractère lucratif ou non de l'activité exercée. Les titulaires d'un bail régi par ce texte, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, ont la faculté de se placer sous le statut des baux commerciaux à condition de renoncer en toute connaissance de cause et sans ambiguïté aux dispositions de l'article 57 A précité

Texte de la décision

CIV.3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2016




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1147 FS-P+B

Pourvoi n° J 15-20.285








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Samd, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 13 avril 2015 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Harmonie mutuelle, venant aux droits de la mutuelle Spheria Val de France, dont le siège est [...] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 septembre 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Brenot, MM. Echappé, Parneix, Mmes Andrich, Dagneaux, M. Barbieri, Mme Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Corbel, Meano, Collomp, M. Jariel, Mme Djikpa, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Samd, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Harmonie mutuelle, l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 13 avril 2015), que, le 31 mars 2006, la société Samd a donné à bail en renouvellement des locaux à usage de bureaux à la Mutuelle Spheria Val de France, aux droits de laquelle vient la société Harmonie mutuelle ; que, par lettre recommandée du 11 juin 2011, la société locataire a donné congé à effet du 31 mars 2012, date à laquelle elle a quitté les lieux ; que la société Harmonie mutuelle a assigné la société Samd en validité du congé et en remboursement du loyer du deuxième trimestre 2012 ; qu'à titre reconventionnel, la société bailleresse a demandé l'annulation du congé et le paiement des loyers jusqu'au deuxième trimestre 2013 inclus et, à titre subsidiaire, l'allocation d'une indemnité égale au montant des loyers exigibles au 31 mars 2015 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Samd fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ne s'appliquent qu'au contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel et, partant, ne s'appliquent pas au contrat de location d'un local affecté à l'exercice d'une activité non lucrative ; qu'en énonçant, par conséquent, pour statuer comme elle l'a fait, qu'en l'absence, dans l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, de précision relative au caractère lucratif ou non de l'activité exercée, c'était à juste titre que la société Harmonie mutuelle considérait que ce point était indifférent, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;

2°/ que si la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer, la renonciation à un droit né et acquis, fût-il d'ordre public, peut aussi bien être expresse que tacite ; qu'en subordonnant, dès lors, pour exclure la soumission conventionnelle du bail conclu le 31 mars 2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux qu'invoquait la société civile immobilière Samd et pour, en conséquence, statuer comme elle l'a fait, l'existence d'une renonciation de la Mutuelle Spheria Val de France à l'application des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 à l'existence d'une renonciation expresse de la Mutuelle Spheria Val de France à une telle application, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil, de l'article 145-1 du code de commerce et de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;

3°/ que si la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer, la renonciation à un droit né et acquis, fût-il d'ordre public, peut aussi bien être expresse que tacite ; qu'en subordonnant, dès lors, pour exclure la soumission conventionnelle du bail conclu le 31 mars 2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux qu'invoquait la société civile immobilière Samd et pour, en conséquence, statuer comme elle l'a fait, l'existence d'une renonciation de la société civile immobilière Samd à l'ensemble des conditions auxquelles est soumise l'application du statut des baux commerciaux à l'existence d'une renonciation expresse de la société civile immobilière Samd à ces conditions, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil, de l'article 145-1 du code de commerce et de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;

4°/ qu'en soumettant expressément le bail qu'elles concluent aux dispositions qui régissent les baux commerciaux, alors que ce bail entre dans le champ d'application des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, et en convenant, au surplus, dans ce bail de stipulations conformes aux dispositions qui régissent les baux commerciaux, mais contraires aux dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, les parties manifestent, sans équivoque, leur volonté de renoncer à l'application à ce bail des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ; qu'en énonçant, dès lors, pour exclure la soumission conventionnelle du bail conclu le 31 mars 2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux qu'invoquait la société civile immobilière Samd et pour, en conséquence, statuer comme elle l'a fait, que la simple référence aux règles du code de commerce ne suffisait pas à caractériser une renonciation qui doit être totalement dépourvue d'ambiguïté, et dont l'objet doit être précisément décrit, que la formulation de l'article du bail prévoyant l'application du statut des baux commerciaux n'était pas suffisamment précise pour caractériser une renonciation en toute connaissance de cause à des dispositions d'ordre public plus favorables, telles que la règle instaurée par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 qui permet de rompre le bail à tout moment par congé donné par lettre recommandée, que le bail litigieux, soumis à tort par les parties au statut des baux commerciaux, ne reprenait pas la possibilité de notifier le congé soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par exploit d'huissier, puisqu'il ne prévoyait que la voie de l'acte d'huissier et que la souscription par le locataire à une telle clause ne pouvait être regardée comme la renonciation à une faculté instaurée par un texte dont les dispositions s'imposent comme étant d'ordre public, puisque, là encore, une telle renonciation ne pouvait être qu'expresse et formulée en connaissance du fait qu'il s'agissait d'une renonciation à un droit acquis connu des parties, quand il résultait de la soumission expresse du bail conclu le 31 mars2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux et de la stipulation que le congé devait être notifié par acte extrajudiciaire que les parties avaient manifesté, sans équivoque, leur volonté de renoncer à l'application à ce bail des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil, de l'article 145-1 du code de commerce et de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la Mutuelle locataire avait pris à bail des locaux à usage de bureaux pour les besoins de son activité professionnelle, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les dispositions d'ordre public de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 4 août 2008, étaient applicables et que le caractère lucratif ou non de l'activité était indifférent ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la faculté d'extension conventionnelle du statut des baux commerciaux suppose que les parties manifestent de façon univoque leur volonté de se placer sous ce régime, que la qualification de bail commercial, la mention dans la convention selon laquelle "le preneur bénéficiera du statut de la propriété commerciale" ainsi que la référence aux règles du code de commerce ne suffisaient pas à caractériser une renonciation en toute connaissance de cause et dépourvue d'ambiguïté aux dispositions d'ordre public de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 permettant de rompre le bail à tout moment par congé donné par lettre recommandée, la cour d'appel a pu en déduire que le congé était régulier ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Samd aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Harmonie mutuelle la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société Samd

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR validé le congé délivré par la Mutuelle Spheria Val de France à la société civile immobilière Samd le 7 juin 2011 à effet au 31 mars 2012, D'AVOIR constaté la résiliation du bail signé le 31 mars 2006 à la date du 31 mars 2012, D'AVOIR condamné la société civile immobilière Samd à rembourser à la société Harmonie mutuelle la somme de 12 298 euros au titre des loyers indûment payés le 30 mars 2012 et D'AVOIR débouté la société civile immobilière Samd de ses demandes principales tendant à ce que soit déclaré nul et de nul effet le congé délivré par la Mutuelle Spheria Val de France à la société civile immobilière Samd le 7 juin 2011 à effet au 31 mars 2012 et tendant à la condamnation de la société Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 147 576 euros, augmentée des intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« il n'existe aucune contestation sur le statut d'Harmonie - Mutuelle, et sur le caractère civil et non commercial de son activité ; / attendu que la Sci Samd invoque la commune intention des parties de soumettre le bail litigieux aux dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, par une extension conventionnelle ; / qu'elle prétend que cela ressort tant de la demande de renouvellement de la mutuelle Spheria que des termes mêmes du bail ; / attendu que l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 concerne " le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel " ; que ce principe édicté par cette loi est d'ordre public ; / qu'en l'absence, dans ce texte, de précision relative au caractère lucratif ou non de l'activité exercée, c'est à juste titre que la partie intimée considère que ce point est indifférent ; / attendu que le statut des baux commerciaux n'est applicable qu'aux baux de locaux utilisés pour l'exploitation d'un fonds de commerce ; / que la faculté d'extension conventionnelle du statut des baux commerciaux n'est pas prohibée, mais suppose des conditions qui vont au-delà de la simple volonté des parties exprimée par la simple mention dans le bail selon laquelle " le preneur bénéficiera du statut de la propriété commerciale " attachée au bien objet du contrat ; / attendu en effet que les parties ne peuvent éluder par ce biais l'application de dispositions d'ordre public que si le droit état acquis, et si la renonciation - nécessairement expresse - a été faite postérieurement à l'acquisition de ce droit ; / que la simple référence aux règles du code de commerce ne suffit pas à caractériser une renonciation qui doit être totalement dépourvue d'ambiguïté, et dont l'objet doit être précisément décrit ; / que la formulation de l'article du bail prévoyant l'application du statut des baux commerciaux n'est pas suffisamment précise pour caractériser une renonciation en toute connaissance de cause à des dispositions d'ordre public plus favorables, telles que la règle instaurée par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 qui permet de rompre le bail à tout moment par congé donné par lettre recommandée ; / attendu que c'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé comme il l'a fait, appliquant les principes en vigueur lors de la conclusion du bail litigieux ; / attendu que l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 prévoit que la notification du congé peut être effectuée soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par exploit d'huissier ; / que le bail litigieux, soumis à tort par les parties au statut des baux commerciaux, ne reprend pas cette possibilité d'option, puisqu'il ne prévoit que la voie de l'acte d'huissier ; / que la souscription par le locataire à une telle clause ne peut être regardée comme la renonciation à une faculté instaurée par un texte dont les dispositions s'imposent comme étant d'ordre public, puisque, là encore, une telle renonciation ne peut être qu'expresse et formulée en connaissance du fait qu'il s'agit d'une renonciation à un droit acquis connu des parties ; / que la partie appelante ne peut être entendue lorsqu'elle invoque l'irrégularité du congé litigieux ; / attendu que c'est donc de façon valable que le bail du 31 mars 2006 a été résilié avec effet au 30 mars 2012 » (cf., arrêt attaqué, p. 6 et 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « la Mutuelle Spheria Val de France, qui n'est pas inscrite au registre du commerce et des sociétés, a pour les besoins de son activité, pris en location auprès de la Sci Samd des locaux, constitués uniquement de bureaux. / Qu'un premier bail, visant expressément les textes applicables aux baux d'habitation a été conclu entre les parties le 25 mars 1994 pour une durée de 12 années ; / qu'à l'occasion de son renouvellement, " bien que l'activité de la Mutuelle Spheria Val de France ne soit pas commerciale " les parties ont convenu de signer cette fois un bail commercial suivant acte sous seing privé en date du 31 mars 2006 pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er avril 2006 jusqu'au 31 mars 2005, résiliable à l'expiration de chaque période triennale, moyennant un congé délivré au moins six mois avant par acte extrajudiciaire ; / que la Mutuelle Spheria Val de France a souhaité résilier le bail avec effet au 31 mars 2012, date de la fin de la deuxième période triennale en adressant à la Sci Samd un courrier recommandé le 7 juin 2011 reçu le 11 juin 2011 ; / attendu qu'il résulte de l'article L. 145-1 du code de commerce [que] le statut des baux commerciaux s'applique aux baux d'immeubles ou de locaux affectés à l'un des usages prévus par ce texte et dans lesquels est exploité un fonds de commerce appartenant soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, lorsque l'activité exercée dans les lieux est commerciale, industrielle ou artisanale. / Attendu qu'aux termes des articles 1er et 2 de ses statuts, la Mutuelle Spheria Val de France est une personne morale de droit privé à but non lucratif régi par le code de la mutualité et mène, au moyen des cotisations versées par ses membres participants et dans l'intérêt de ceux-ci, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide, afin de contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de ses membres participants et leurs ayant droits et à l'amélioration de leurs conditions de vie. / Qu'il en résulte que la Mutuelle Spheria Val de France, qui n'est pas inscrite au registre du commerce et des sociétés, ne recherche pas à faire des bénéfices, ne réalise que des opérations civiles et ne dispose ni d'une clientèle commerciale, ni d'un fonds de commerce, n'est pas commerçante, ce qui est reconnu par les parties, et ne bénéficie donc pas du statut des baux commerciaux. / Qu'en conséquence, le bail du 31 mars 2006 aurait normalement dû être régi par le statut des baux professionnels. / Attendu que la faculté d'extension conventionnelle du statut des baux commerciaux est un principe licite, à la double condition toutefois pour les parties contractantes, d'une part, de ne pas chercher à éluder par ce moyen l'application d'un autre statut locatif à caractère d'ordre public, dès lors notamment que le bail aurait normalement dû être régi par le statut des baux professionnels et d'autre part, d'exprimer leur volonté non équivoque de se placer sous un régime juridique qui n'est pas normalement applicable ; / attendu que le bail signé le 31 mars 2006, intitulé " bail commercial " dispose que " le bailleur donne à bail à loyer, conformément aux dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce relatif aux baux commerciaux à la Mutuelle Spheria Val de France, preneur qui accepte¿Les parties conviennent que, bien que son activité ne soit pas commerciale, le preneur bénéficiera du statut et de la propriété commerciale qui est attachée " et contient des dispositions faisant référence aux articles L. 145-4, L. 145-47 à L. 145-55 du code de commerce. / Mais attendu que la qualification du bail comme bail commercial, les références aux articles du code de commerce régissant les baux commerciaux et la reconnaissance que l'activité de la Mutuelle Spheria Val de France ne soit pas commerciale sont insuffisantes, à défaut d'une renonciation expresse de la Mutuelle Spheria Val de France à l'application des conditions d'application de la loi du 23 décembre 1986, à établir la volonté particulièrement nette et non équivoque de la mutuelle de renoncer à ladite loi normalement applicable et portant sur un droit acquis, et de se placer conventionnellement sous le régime des baux commerciaux ; / qu'il résulte également des dispositions du bail que de son côté, la Sci Samd n'a pas expressément renoncé à l'ensemble des conditions expresses du statut des baux commerciaux et en particulier à l'immatriculation en qualité de commerçante au registre du commerce et des sociétés et à l'exploitation d'un fonds de commerce. / Attendu que la demande de renouvellement de bail commercial par acte extrajudiciaire du 15 février 2006 et la télécopie de la Mutuelle Spheria Val de France du 6 mars 2006 acceptant le renouvellement du bail commercial pour un loyer de 40 000 ¿, pièces visées en page 6 des conclusions de la Sci Samd, ne démontrent nullement que, selon ses propres termes, " les services juridiques de la Mutuelle Spheria Val de France avaient exigé de Monsieur I..., simple agriculteur, qu'un bail de type commercial soit régularisé afin de lui permettre non seulement d'obtenir le renouvellement de son bail, mais encore de pouvoir le céder ainsi qu'il l'avait proposé dans le cadre des pourparlers " ; que le règlement des loyers postérieurs à la date du 31 mars 2012 est insuffisant à établir la volonté non équivoque de la mutuelle Harmonie mutuelle de poursuivre la location au titre d'un bail commercial. / Qu'en conséquence, le bail du 31 mars 2006 doit être soumis au statut des baux professionnels. / Attendu que l'article 57 A de ladite loi, d'ordre public, permet au locataire de rompre à tout moment un tel bail, moyennant un préavis de six mois, par congé donné par lettre recommandée. / Attendu que le congé adressé par la mutuelle Harmonie mutuelle à la Sci Samd n'est pas nul en raison de l'absence de production de l'avis de réception auquel s'est substituée la lettre de la Sci Samd du 21 septembre 2011 reconnaissant la bonne réception de la lettre du 7 juin 2011, dès lors que le seul but recherché par la loi du 23 décembre 1986 est d'établir que le bailleur a bien été averti du congé, aucune sanction légale ne venant dans ce cas sanctionner le non-respect des formes par le preneur. / Qu'en conséquence, le congé délivré par la Mutuelle Spheria Val de France le 7 juin 2011 pour le 31 mars 2012, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue par la Sci Samd le 11 juin 2011, a pu produire ses effets, de sorte que la mutuelle Harmonie mutuelle est fondée à faire constater la résiliation du bail du 31 mars 2006 à la date du 31 mars 2012 et à solliciter le remboursement du montant des loyers postérieurs à cette date et correspondant aux mois d'avril, mai et juin 2012 pour un montant de 12 298 ¿. / Qu'en conséquence, la Sci Samd sera déboutée de sa demande en condamnation de la mutuelle Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 36 894 ¿ représentant les termes des 4ème trimestre 2012 venu depuis à échéance le 1er octobre 2012, 1er trimestre 2013 échu le 1er janvier 2013 et 2ème trimestre 2013 échu le 1er avril 2013. / [¿] Attendu que dès lors que, aux termes de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, désormais applicable à l'espèce, le locataire peut, à tout moment, notifier au bailleur son intention de quitter les locaux en respectant un délai de préavis de six mois, le bail a pris fin normalement et régulièrement à la date du 31 mars 2012, ce dont il résulte qu'aucune indemnité n'est due par la mutuelle Harmonie mutuelle à la Sci Samd » (cf., jugement entrepris, p. 2 à 5) ;

ALORS QUE, de première part, les dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ne s'appliquent qu'au contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel et, partant, ne s'appliquent pas au contrat de location d'un local affecté à l'exercice d'une activité non lucrative ; qu'en énonçant, par conséquent, pour statuer comme elle l'a fait, qu'en l'absence, dans l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, de précision relative au caractère lucratif ou non de l'activité exercée, c'était à juste titre que la société Harmonie mutuelle considérait que ce point était indifférent, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;

ALORS QUE, de deuxième part, si la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer, la renonciation à un droit né et acquis, fût-il d'ordre public, peut aussi bien être expresse que tacite ; qu'en subordonnant, dès lors, pour exclure la soumission conventionnelle du bail conclu le 31 mars 2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux qu'invoquait la société civile immobilière Samd et pour, en conséquence, statuer comme elle l'a fait, l'existence d'une renonciation de la Mutuelle Spheria Val de France à l'application des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 à l'existence d'une renonciation expresse de la Mutuelle Spheria Val de France à une telle application, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil, de l'article 145-1 du code de commerce et de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;

ALORS QUE, de troisième part, si la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer, la renonciation à un droit né et acquis, fût-il d'ordre public, peut aussi bien être expresse que tacite ; qu'en subordonnant, dès lors, pour exclure la soumission conventionnelle du bail conclu le 31 mars 2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux qu'invoquait la société civile immobilière Samd et pour, en conséquence, statuer comme elle l'a fait, l'existence d'une renonciation de la société civile immobilière Samd à l'ensemble des conditions auxquelles est soumise l'application du statut des baux commerciaux à l'existence d'une renonciation expresse de la société civile immobilière Samd à ces conditions, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil, de l'article 145-1 du code de commerce et de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;

ALORS QU'enfin et en tout état de cause, en soumettant expressément le bail qu'elles concluent aux dispositions qui régissent les baux commerciaux, alors que ce bail entre dans le champ d'application des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, et en convenant, au surplus, dans ce bail de stipulations conformes aux dispositions qui régissent les baux commerciaux, mais contraires aux dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, les parties manifestent, sans équivoque, leur volonté de renoncer à l'application à ce bail des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ; qu'en énonçant, dès lors, pour exclure la soumission conventionnelle du bail conclu le 31 mars 2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux qu'invoquait la société civile immobilière Samd et pour, en conséquence, statuer comme elle l'a fait, que la simple référence aux règles du code de commerce ne suffisait pas à caractériser une renonciation qui doit être totalement dépourvue d'ambiguïté, et dont l'objet doit être précisément décrit, que la formulation de l'article du bail prévoyant l'application du statut des baux commerciaux n'était pas suffisamment précise pour caractériser une renonciation en toute connaissance de cause à des dispositions d'ordre public plus favorables, telles que la règle instaurée par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 qui permet de rompre le bail à tout moment par congé donné par lettre recommandée, que le bail litigieux, soumis à tort par les parties au statut des baux commerciaux, ne reprenait pas la possibilité de notifier le congé soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par exploit d'huissier, puisqu'il ne prévoyait que la voie de l'acte d'huissier et que la souscription par le locataire à une telle clause ne pouvait être regardée comme la renonciation à une faculté instaurée par un texte dont les dispositions s'imposent comme étant d'ordre public, puisque, là encore, une telle renonciation ne pouvait être qu'expresse et formulée en connaissance du fait qu'il s'agissait d'une renonciation à un droit acquis connu des parties, quand il résultait de la soumission expresse du bail conclu le 31 mars 2006 entre la société civile immobilière Samd et la Mutuelle Spheria Val de France aux dispositions régissant les baux commerciaux et de la stipulation que le congé devait être notifié par acte extrajudiciaire que les parties avaient manifesté, sans équivoque, leur volonté de renoncer à l'application à ce bail des dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil, de l'article 145-1 du code de commerce et de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société civile immobilière Samd de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 147 576 euros, augmentée des intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QUE « les premiers juges ont rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la Sci Samd sur le fondement du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et quasi délictuelle, dès lors que cette société était partie au bail litigieux ; / que la partie appelante précise que la demande se fonde sur les dispositions de l'article 1134 du code civil, l'associé signataire du bail ayant, selon elle, été trompé, et la mutuelle lui ayant, toujours selon elle, imposé le choix d'un bail commercial ; / attendu qu'il convient d'observer que la Sci Samd, après avoir, dans ses écritures, invoqué la commune intention des parties, ce qui suppose que le signataire représentant cette société avait, de son propre aveu, conscience des avantages que pouvait lui procurer la conclusion d'un bail commercial, pour réclamer dans un premier temps devant le tribunal puis de nouveau devant la cour l'application du statut des baux commerciaux, se contredit en prétendant que cette qualification de bail commercial lui aurait été " imposée " lors de la conclusion du bail litigieux, et que l'associé signataire de cet acte aurait été " piégé " ; / qu'elle ne peut faire état d'aucune faute contractuelle, et que son argumentaire ne saurait être retenu, étant observé que le préjudice qu'elle invoque, à savoir une perte de loyer sur une certaine période, ne serait pas apparu si elle avait, dès que son adversaire lui a proposé de trouver un autre locataire (pièce 18), accepté cette solution transactionnelle, et alors même qu'elle n'a formulé par écrit sa contestation du congé que le 20 avril 2012, soit près de trois semaines après la date prévue pour la libération des locaux ; / qu'elle ne peut donc prospérer en sa demande de dommages-intérêts » (cf., arrêt attaqué, p. 7) ;

ALORS QUE, de première part, la prétention subsidiaire étant formée dans l'hypothèse où la prétention principale serait jugée non fondée, la prétention subsidiaire ne peut être rejetée au motif qu'elle est en contradiction avec la prétention principale ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter la société civile immobilière Samd de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 147 576 euros, augmentée des intérêts au taux légal, que la société civile immobilière Samd, après avoir, dans ses écritures, invoqué la commune intention des parties, ce qui supposait que le signataire représentant cette société avait, de son propre aveu, conscience des avantages que pouvait lui procurer la conclusion d'un bail commercial, pour réclamer dans un premier temps devant le tribunal puis de nouveau devant la cour l'application du statut des baux commerciaux, se contredisait en prétendant que cette qualification de bail commercial lui aurait été « imposée » lors de la conclusion du bail litigieux, et que l'associé signataire de cet acte aurait été « piégé » et en déduisant que la société civile immobilière Samd ne pouvait faire état d'aucune faute contractuelle et que son argumentaire ne saurait être retenu, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;

ALORS QUE, de deuxième part, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter la société civile immobilière Samd de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 147 576 euros, augmentée des intérêts au taux légal, que le préjudice invoqué par la société civile immobilière Samd, à savoir une perte de loyer sur une certaine période, ne serait pas apparu si elle avait, dès que son adversaire lui a proposé de trouver un autre locataire, accepté cette solution transactionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;

ALORS QUE, de troisième part, seule la faute de la victime peut exonérer l'auteur d'un dommage de sa responsabilité ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter la société civile immobilière Samd de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 147 576 euros, augmentée des intérêts au taux légal, que le préjudice invoqué par la société civile immobilière Samd, à savoir une perte de loyer sur une certaine période, ne serait pas apparu si elle avait, dès que son adversaire lui a proposé de trouver un autre locataire, accepté cette solution transactionnelle, quand la société civile immobilière Samd était libre d'accepter ou de refuser la transaction qui lui était proposée par la Mutuelle Spheria Val de France et ne pouvait, dès lors, être regardée comme ayant commis une faute en refusant une telle transaction, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;

ALORS QUE, de quatrième part, seule la faute de la victime peut exonérer l'auteur d'un dommage de sa responsabilité ; qu'aucune disposition n'impose au bailleur d'un bail soumis aux dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 de respecter un délai quelconque pour contester le congé qui lui est notifié par le locataire ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter la société civile immobilière Samd de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 147 576 euros, augmentée des intérêts au taux légal, que la société civile immobilière Samd n'avait formulé par écrit sa contestation du congé que le 20 avril 2012, soit près de trois semaines après la date prévue pour la libération des locaux, quand en se déterminant de la sorte, elle ne caractérisait pas que la société civile immobilière Samd avait commis une faute, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;

ALORS QUE, de cinquième part et à titre subsidiaire, la faute de la victime, si elle ne constitue pas la cause unique du dommage, ne peut totalement exonérer l'auteur d'un dommage de sa responsabilité ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter intégralement la société civile immobilière Samd de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société Harmonie mutuelle à lui payer la somme de 147 576 euros, augmentée des intérêts au taux légal, que le préjudice invoqué par la société civile immobilière Samd, à savoir une perte de loyer sur une certaine période, ne serait pas apparu si elle avait, dès que son adversaire lui a proposé de trouver un autre locataire, accepté cette solution transactionnelle et que la société civile immobilière Samd n'avait formulé par écrit sa contestation du congé que le 20 avril 2012, soit près de trois semaines après la date prévue pour la libération des locaux, quand elle ne caractérisait pas que les faits de la société civile immobilière Samd qu'elle retenait ainsi constituaient la cause unique du dommage invoqué par la société civile immobilière Samd, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil.

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