9 juin 2020
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 18/01586

1ere Chambre

Texte de la décision

N° RG 18/01586 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JPIE

JB

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT



SELARL LEXAVOUE GRENOBLE



la SELARL POIROT BEAUFOUR-GARAUDE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 9 JUIN 2020







Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/01798)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 22 mars 2018

suivant déclaration d'appel du 05 Avril 2018



APPELANTE :



Madame [O] [I]

née le [Date naissance 1] 1969

de nationalité Française

[Adresse 11],

[Adresse 8]

[Localité 5]



Représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Camille DI CINTIO, avocat au barreau de GRENOBLE





INTIMES :



Monsieur [S] [V]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]



Représenté et plaidant par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE





LA SA CLINIQUE DES CEDRES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Garance BARTH, avocat au barreau de LYON





L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM) pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 10]



représentée par Me Corinne BEAUFOUR-GARAUDE de la SELARL POIROT BEAUFOUR-GARAUDE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Juliette RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS









LA SOCIÉTÉ SOLIMUT MUTUELLE DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 9]



Défaillante





LA MUTUELLES DE FRANCE RESEAU SANTÉ prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



Défaillante





LA CPAM prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 4]



Défaillante





COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ   :



Mme Hélène COMBES, Président de chambre,

Mme Dominique JACOB, Conseiller,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,



Assistées lors des débats de Mme Anne BUREL, Greffier, en présence de Madame Catherine MARTIN, greffier stagiaire



DÉBATS :



A l'audience publique du 24 Février 2020, Madame [Z] a été entendue en son rapport.



Les avocats ont été entendus en leurs plaidoiries.



Et l'affaire a été mise en délibéré au 14 avril 2020, puis le délibéré a été prorogé à la date de ce jour en raison de l'état d'urgence sanitaire.




***



FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES



Le 26 décembre 2009, le docteur [S] [V] a réalisé, sur la personne de Madame [O] [I], une réduction de fracture de la cheville par osthéosynthèse, au sein de la clinique des Cèdres.



Les suites opératoires ont été compliquées par un gonflement de la cheville et une inflammation de la cicatrice nécessitant une nouvelle intervention tenant à une réinsertion trans-osseuse pratiquée par le docteur [V].



Les prélèvements réalisés à cette occasion ont mis en évidence la présence d'un staphyloccus aureus multisensible.











Ayant subi plusieurs hospitalisations et diverses interventions chirurgicales, Madame [I] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Rhône-Alpes (CRCI), qui a diligenté une expertise réalisée par les professeurs [N] et [D].



Le rapport d'expertise, déposé le 24 juin 2011, a exclu toute responsabilité du docteur [V] et retenu la responsabilité de la clinique des Cèdres au titre d'une infection post opératoire de type nosocomiale.



Refusant l'offre d'indemnisation de la Clinique des Cèdres, Madame [I] a obtenu, suivant ordonnance de référé du 18 septembre 2013, l'instauration d'une mesure d'expertise.



L'expert, le professeur [Y], s'est adjoint un sapiteur, le professeur [T], et a déposé son rapport le 23 juin 2013.



Suivant exploits d'huissier des 16 et 25 mars 2015, Madame [I] a fait citer la clinique des Cèdres, le docteur [V], l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) et la CPAM de l'Isère, devant le tribunal de grande instance de Grenoble, à l'effet d'obtenir la réparation de ses préjudices.



Par assignation du 23 mai 2016, Madame [I] a appelé à la cause la Mutuelle de France Plus, groupe Solimut.



Par jugement du 22 mars 2018, le tribunal de grande instance de Grenoble, déclarant le jugement commun et opposable à la CPAM de l'Isère et à la Mutuelle de France Plus, groupe Solimut, a :



- dit que l'infection contractée par Madame [I] n'est pas une infection nosocomiale,

- mis hors de cause l'ONIAM,

- débouté Madame [I] de l'ensemble de ses prétentions,

- dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure,

- condamné Madame [I] aux dépens qui comprennent les frais d'expertise.



Suivant déclaration du 5 avril 2018, Madame [I] a relevé appel de cette décision.



Au dernier état de ses écritures du 24 octobre 2019, Madame [I] demande à la cour de :



1) à titre principal, au regard des diverses fautes du docteur [V] et de la clinique des Cèdres, les condamner à l'indemniser intégralement de ses préjudices allant jusqu'à son amputation de la cheville en 2019,



2) subsidiairement :



- dire qu'elle a contracté une infection nosocomiale lors de sa prise en charge par le docteur [V] au sein de la clinique des Cèdres,

- dans l'hypothèse d'une infection dont le taux serait inférieur à 25%, condamner la clinique des Cèdres à l'indemniser intégralement,

- dans l'hypothèse où l'infection nosocomiale présenterait un degré de gravité supérieur à 25% d'incapacité, mettre l'indemnisation des conséquences de l'infection nosocomiale à la charge de l'ONIAM,



3) en tout état de cause,



- ordonner une nouvelle expertise ou, à défaut, ordonner la nullité des opérations d'expertise du docteur [T] et du docteur [Y] et ordonner une nouvelle expertise,

- préciser à l'expert que sa mission portera sur l'évaluation des postes de préjudices consécutifs à l'infection nosocomiale dont elle a été victime,

- condamner le docteur [V] et la Clinique des Cèdres à lui payer une provision de 100.000,00€,





- dire que les sommes mises à la charge du docteur [V] ou de la clinique des Cèdres ou de l'ONIAM porteront intérêts au taux légal depuis l'accident médical du 26 décembre 2009 ou, à défaut, depuis l'acte introductif d'instance du 16 mars 2016,

- condamner le docteur [V] ou la clinique des Cèdres ou l'ONIAM à lui payer une indemnité de procédure de 10.000,00€.



Elle fait valoir que :



- elle n'a jamais eu de problème infectieux,

- les termes de furoncles et prurit sont apparus pour la première fois dans des certificats médicaux du CHU plus de quatre mois après l'opération,

- ces furoncles et prurit ont été causés par l'infection nosocomiale reconnue par les experts [D] et [N],

- avant l'opération, il est noté de simples lésions cutanées sur la jambes, anciennes pour lesquelles aucune origine n'avait été retrouvée, ainsi que le docteur [V] a noté en pré- opératoire,

- le docteur [V] a commis une faute en ne réalisant pas un contrôle biologique en pré- opératoire, ce qui lui aurait permis d'adapter l'antibiothérapie,

- aucun prélèvement de la cheville ou sur la jambe n'est réalisé,

- les experts [D] et [N] se sont trompés sur la question de l'ostéo-arthrite et la pseudarthrose septique persistante,

- le prélèvement dans le nez, qui montre un simple portage à staphylocoque Méti S, n'est pas significatif, 50 % des sujets sains en étant porteurs,

- aucun des 4 experts n'est certain que l'infection post-opératoire soit due au même germe que celui relevé dans son nez,

- le sapiteur [T] ignore les deux informations capitales sur l'ancienneté des lésions cutanées et sur le défaut d'identification,

- le rapport d'expertise judiciaire doit être déclaré nul pour multiples irrégularités,

- ses dires n'ont jamais été communiqués au sapiteur [T] et celui-ci n'a jamais répondu à aucune de ses questions,

- l'expert n'a pas communiqué le rapport du sapiteur,

- aucune pièce ne lui a été communiquée par le docteur [V] et la clinique des Cèdres au mépris du principe du contradictoire,

- de fausses informations médicales, anachroniques, ont été retenues par le sapiteur,

- un état infectieux est ignoré de tous au moment de l'intervention, surtout du docteur [V],

- elle reproche au docteur [V] un seul et unique contrôle post-opératoire alors même qu'une chute en hospitalisation avait été signalée,

- si un risque infectieux existait, une surveillance particulière s'imposait,

- subsidiairement, il sera retenu une infection nosocomiale,

- elle n'avait aucune infection présente ou en incubation lors de l'intervention chirurgicale,

- il n'est pas démontré l'existence de furoncles, le docteur [H], dans son certificat postérieur de 5 mois à l'intervention, ne fait que supposer l'existence de furoncles, c'est à dire qu'il n'émet qu'une hypothèse,

- le prélèvement du nez n'est pas significatif comme indiqué supra,

- le nez n'est, en outre, pas le siège de l'intervention,

- c'est l'incision et la pose de matériel prothétique sur lequel s'est fixé le germe qui constituent la porte d'entrée de l'infection, et non l'existence de lésions cutanées anciennes cicatrisées,

- le docteur [V] et la clinique des Cèdres ne rapportent pas la preuve de l'origine antérieure de l'infection,

- son infection présente l'ensemble des critères de l'infection nosocomiale du fait de :


son absence d'antécédents infectieux,

l'apparition des premiers signes plus de 48 heures après l'opération et moins de 30 jours après celle-ci,

la présence du staphylocoque doré,

le lien entre l'infection et les soins prodigués,

le défaut de preuve d'une autre origine infectieuse,


- une infection préexistante ne se présume pas mais doit être prouvée par divers examens dont aucun n'a été réalisé,







- le tribunal a confondu présence d'un germe et infection présente ou en incubation,

- l'analyse superficielle des experts ne fait que caractériser le caractère endogène de l'infection, lequel ne suffit pas à exclure la qualification de l'infection nosocomiale,

- l'infection nosocomiale a été écartée du fait d'une cause étrangère non démontrée,

- la cause étrangère doit présenter les caractéristiques d'extériorité au demandeur, d'imprévisibilité dans sa survenance et d'irrésistibilité dans ses effets,

- le jugement attaqué n'a fait l'analyse d'aucun de ses éléments,

- des lésions cutanées anciennes sans origine déterminée ne peuvent permettre de présumer une infection présente ou en incubation.



Par conclusions récapitulatives du 19 novembre 2019, le docteur [V] demande à la cour de :



1) à titre liminaire, déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel la demande en nullité du rapport d'expertise et la demande en condamnation à son encontre,



2) au fond, rejeter l'ensemble des prétentions adverses et confirmer le jugement déféré, sauf sur le rejet de sa demande en indemnité de procédure,



3) en tout état de cause, condamner Madame [I] à lui payer une indemnité de procédure en première instance et en cause d'appel de 3.000,00€.



Il expose que :



- l'ensemble des experts a relevé une absence de faute de sa part,

- Madame [I] n'avait jamais développé en première instance de demandes en nullité du rapport d'expertise et en prononcé d'une condamnation à son encontre,

- le tribunal a également relevé un défaut d'imputabilité entre les préjudices alléguées par Madame [I] et les actes médicaux pratiqués par lui,

- depuis 2011, Madame [I] a soutenu qu'il n'y avait aucune faute de sa part mais une infection nosocomiale,

- la demande de contre-expertise est dépourvue de toute utilité,

- Madame [I] a déjà bénéficié de deux expertises et les préjudices ont été évalués dans la première mesure d'investigation,

- tous les médecins, y compris, le médecin-conseil de Madame [I], ont conclu à une absence de manquement de sa part.



Par dernières écritures du 21 octobre 2019, la Clinique des Cèdres demande à la cour de :



1) à titre liminaire, déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande en nullité du rapport d'expertise,



2) à titre principal, rejeter l'ensemble des prétentions adverses et confirmer le jugement déféré, sauf sur le rejet de sa demande en indemnité de procédure,



3) subsidiairement :



- dire que l'infection dont a souffert Madame [I] est guérie depuis le 15 juillet 2010,

- dire que les préjudices de Madame [I] ont été évalués dans l'expertise des docteurs [N] et [D],

- dire n'y avoir lieu à nouvelle expertise,



En tout état de cause, condamner Madame [I] à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,00€.



Elle explique que :



- les experts ont retenu l'existence d'une cause étrangère,

- le sapiteur [T] a indiqué que le constat de lésions anciennes ne signifie pas cicatrisées,







- le germe a été inoculé et a migré, non pas du fait du geste chirurgical, mais par les lésions cutanées de Madame [I],

- le professeur [T] a apporté des explications parfaitement claires sur ce point,





- il a expliqué que la préexistence à l'acte chirurgical du 26 décembre 2009 d'un état cutané anormal et, notamment de lésions de furoncles, constitue une source évidente d'infection à staphyloccus aureus et doit être considérée comme une cause étrangère,

- l'expert [T] a indiqué que le prurit dont souffrait Madame [I] a été pourvoyeur de lésions cutanées qui ont été la cause de l'inoculation du site opératoire,

- dès lors, cette inoculation a été étrangère aux gestes réalisées,

- cette inoculation n'a été rendue possible que par les lésions cutanées présentées par Madame [I],

- en outre, l'expert [Y] a relevé que Madame [I] présente un tabagisme très important qui, classiquement, multiplie par 3 le risque de complications locales du site opératoire,

- l'expert [Y] conclut que «'l'état de santé de Madame [I], tant du fait de son tabagisme chronique que du fait de son état infectieux préexistant, a contribué en totalité aux complications survenues et aux conséquences défavorables du traitement par ostéosynthèse réalisé le 26 décembre 2009'»,

- dès lors, l'infection dont a été victime Madame [I] ne peut être qualifiée de nosocomiale puisqu'elle trouve son origine dans un état infectieux pré-existant constitutif d'une cause étrangère au sens de l'article L1142-1 I du code de la santé publique.



Par conclusions récapitulatives du 2 octobre 2019, l'ONIAM demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de rejeter l'ensemble des demandes adverses.



Il expose que :



- le tribunal a parfaitement retenu que l'infection litigieuse n'est pas nosocomiale,

- dès lors, aucune indemnisation ne peut être mise à la charge de la Solidarité Nationale,

- l'infection trouve sa cause dans l'évolution de la seule pathologie initiale de la patiente,

- à défaut de lien de causalité direct et certain entre un acte de soin et l'infection survenue, celle-ci ne peut être qualifiée de nosocomiale,

- l'infection nosocomiale est définie comme celle qui apparaît au cours ou à la suite d'une hospitalisation et si elle était absente à l'admission à l'hôpital avec appréciation , dans chaque cas douteux, de la plausibilité du lien causal entre hospitalisation et infection,

- le seul critère de concomitance d'un acte de soin et d'une infection ne peut suffire à qualifier celle-ci de nosocomiale,

- le lien causal doit être analysé à la lumière de tous les éléments du dossier,

- le rapport d'expertise est extrêmement détaillé et étayé,

- l'état de santé de Madame [I] a été analysé soigneusement avec la pré-existence de lésions cutanées dont lésions de prurigo et de furoncles disséminés sur son corps,

- l'expert en a déduit que les lésions de furoncles constituaient une source évidente d'infection à staphylocoque doré,

- l'expert ne s'est pas fondé sur la présence de staphylocoque dans le nez pour écarter le caractère nosocomial de l'infection mais sur la présence de lésions associées à une furonculose,

- un furoncle est une infection profonde d'un follicule pilosébacé due à un staphylocoque doré et que la furonculose est la répétition de furoncles sur plusieurs mois, favorisée notamment par l'existence d'un ou plusieurs foyers staphylocociques chroniques,

- l'une des complication associées à la furonculose est la création d'une porte d'entrée septique,

- le professeur [T], sapiteur, rattache directement les lésions retrouvées à la furonculose compte tenu du dossier médical de Madame [I],

- c'est la constatation de l'existence d'une furonculose ancienne à l'origine de lésions cutanées, de la présence au niveau nasal de staphylocoques dorés avant l'intervention litigieuse et postérieurement d'abcès sous cutanés à staphylocoques dorés lors d'injection de Kétamine et sur la prise de greffe iliaque droite qui ont conduit les experts à écarter la qualification d'infection nosocomiale,







- concernant la demande d'expertise, Madame [I] a déjà bénéficié de deux expertises,

- l'expertise judiciaire, particulièrement motivée, démontre de façon claire que l'infection déplorée n'est pas de nature nosocomiale,

- l'organisation d'une seconde expertise est sans objet.







La CPAM de l'Isère, la société Solimut Mutuelle de France, assignées le 5 juillet 2018 à personne habilitée, et la société Mutuelles de France, citée en étude à la même date, n'ont pas constitué avocat.



La décision sera rendue par défaut.



La clôture de la procédure est intervenue le 14 janvier 2020.




SUR CE



1/ sur les demandes de Madame [I]



Sur les demandes de nullité de l'expertise judiciaire et de reconnaissance de la responsabilité du docteur [V]



Ces demandes, présentées pour la première fois en cause d'appel, sont irrecevables par application de l'article 564 du code de procédure civile.



Sur la demande de nouvelle expertise



Madame [I] a obtenu deux expertises, la première, retenant une infection nosocomiale conformément à sa position, a évalué ses divers postes de préjudices, la seconde écartant le caractère nosocomial de l'infection.



Dès lors, la cour disposant des éléments nécessaires pour trancher le litige, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise.



Sur la qualification de l'infection subie par Madame [I]'



Par application de l'article L 1142-1 du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infection nosocomiale sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.



Madame [I] soutient, à titre subsidiaire, que l'infection litigieuse doit être qualifiée de nosocomiale.



Pour retenir le caractère nosocomial d'une infection, il faut démontrer l'existence d'un lien de causalité entre la dite infection et l'acte médical, ici, la réduction de la fracture de la cheville par osthéosynthèse.



L'infection nosocomiale, qui doit apparaître au cours ou à la suite d'une hospitalisation, doit être absente à l'admission.



Le premier rapport d'expertise CRCI conclut en ce sens :



Il s'agit 'd'une infection post-opératoire, associés aux soins, de caractère nosocomial, sans que l'on puisse trouver un manquement à son origine.



L'origine du germe est probablement d'origine endogène, favorisé par le portage cutané à staphylocoques dorés sensibles à la plupart des antibiotiques. L'aspect de l'antibiogramme donne à penser que l'on est en présence d'une souche identique au niveau du foyer opératoire et du portage cutané.'



L'expert judiciaire souligne que le dossier médical de Madame [I] met en évidence, dès le 25 décembre 2009, la présence dans le nez de nombreuses colonies de staphilocoque doré péri-R méti-S, puis le 26 décembre 2009, l'existence de lésions cutanées sur la jambe et la partie distale de la cheville.



Il explique que la complexité du contexte infectieux a justifié l'avis sapiteur du professeur [T], spécialiste en maladies infectieuses et tropicales.



Celui-ci relève que :



- dans les antécédents médicaux de Madame [I], il est rapporté un prurigo diffus depuis des années,



- le dossier de l'intervention du 1er février 2010 mentionne l'existence de multiples petites plaies dans la région de la plaie opératoire,



- les prélèvements profonds réalisés le 12 mars 2010 mettent en évidence la présence d'un staphylocoque doré méticiline sensible,



- la consultation du 17 mai 2010 note la présence de lésions plutôt anciennes pouvant faire évoquer la cicatrisation de furoncles,



- le 28 mai 2010, il est relevé au niveau cutané une furonculose chronique avec des lésions anciennes sur les deux bras, plus récentes sur les deux seins, persistantes malgré une première cure de décolonisation du staphylocoque doré,



- les comptes rendus de visites du docteur [H] des 14 juin, et 15 juillet 2010 font état de l'existence d'une furonculose avec nécessité de décolonisation,



- le 14 février 2013, le docteur [X], attaché au service des maladies infectieuses du CHU de Lyon, relève les très nombreuses lésions cutanées ulcérées superficielles des membres supérieurs, du ventre, des cuisses et des jambes de la patiente, porte d'entrée infectieuse.



Le professeur [T] conclut à la préexistence à l'acte chirurgical du 26 décembre 2009 de lésions cutanées, dont des lésions de prurigo et de furonculose disséminés sur le corps de Madame [I], constituant une source évidente d'infection à staphylocoques dorés.



Il estime que cet état cutané anormal antérieur à l'intervention du 25 décembre 2009 caractérise une cause étrangère permettant d'écarter la qualification d'infection nosocomiale.



L'expert judiciaire [Y] reprend l'existence d'un état infectieux préexistant à l'intervention médicale et note le tabagisme chronique de Madame [I], lequel multiplie par trois le risque de complications locales du site opératoire, qu'il s'agisse de complications infectieuses ou de non-consolidation.



Il valide les conclusions du sapiteur [T] et retient que l'état de santé de Madame [I], tant du fait de son tababagisme chronique que du fait de son état de santé pré-existant, a contribué en totalité aux complications survenues.



Il résulte de ces éléments que le rapport d'expertise judiciaire a analysé de façon beaucoup plus approfondie que l'expertise diligentée par la CRCI, l'état antérieur de Madame [I].



A cet égard, ce premier rapport, qui relève l'existence d'un portage cutané à staphylocoques dorés sensibles avec souche identique au niveau du foyer opératoire, retient néanmoins une origine du germe probablement d'origine endogène.



Ces éléments, présentant une contradiction, auraient justifié une démonstration sur l'absence de lien de causalité entre l'état cutané anormal pré-existant de Madame [I] et la survenance de l'infection déplorée.



L'expertise de la CRCI, trop lapidaire et réalisée uniquement en présence de Madame [I], sans le docteur [V], la clinique des Cèdres et l'ONIAM, n'apporte pas d'éléments probants en faveur de l'existence d'une infection nosocomiale.



En revanche, la démonstration plus complète et motivée du rapport d'expertise judiciaire, qui a répondu précisément aux dires de Madame [I] pour écarter son argumentation, doit être retenue pour trancher le présent litige.





Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'infection subie par Madame [I] ne présente pas les caractéristiques d'une infection nosocomiale permettant l'indemnisation de ses préjudices.



Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.



2/ sur les mesures accessoires



Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par Madame [I] avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,



Déclare irrecevables la demande de Madame [O] [I] au titre de la responsabilité du docteur [S] [V] et sa demande de nullité de l'expertise judiciaire,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Madame [O] [I] aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



Signé par Madame COMBES, président, et par Madame PELLEGRINO, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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