9 juin 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/12312

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 9 JUIN 2020



(n° / 2020 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12312 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SFI



Décision déférée à la cour : Jugement du 23 Mai 2017 - Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2015F01428





APPELANTE



SCS BANQUE DELUBAC & CIE ayant ses bureaux [Adresse 1], pris en la personne de ses représentants légaux,

Immatriculée au RCS d'AUBENAS sous le numéro 305 776 890

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée et assistée de Me Thierry BISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0481





INTIMÉES



SELAFA MJA venant aux droits de la SCP [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société INTERVAD 2, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 503 420 705, ayant son siège social [Adresse 3],

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 440 672 509

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée et assistée de Me Pascal GOURDAIN de la SCP Société Civile Professionnelle d'Avocats GOURDAIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205





SCP D'ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES [F], ès-qualités d'ancien administrateur judiciaire de la Société INTERVAD 2,

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro [F]

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]



Représentée et assistée de Me Jean-Noël COURAUD de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de PARIS, toque : K178





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2019, en audience publique, devant la cour, composée de :



Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,



qui en ont délibéré.



Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL



ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière présente lors de la mise à disposition.






***



FAITS ET PROCÉDURE:





La société Intervad 2 a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 23 février 2012.

Le 21 janvier 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la résolution du plan de sauvegarde qui avait été adopté le 13 juillet 2012 et ouvert une procédure de redressement judiciaire, la SCP [F] étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire. Ce redressement a été converti en liquidation judiciaire le 8 avril 2015, la SCP [T], prise en la personne de Maître [T], étant désignée liquidateur judiciaire.

Le 27 avril 2015, la Banque Delubac & Compagnie ( la Banque Delubac) a procédé à la clôture du compte bancaire de la société Intervad 2 et a viré à la SCP [T], ès qualités, un montant de 42.576,50 euros correspondant au solde créditeur du compte.

Par courrier recommandé du 12 mai 2015, le conseil de la SCP [T] a mis en demeure la Banque Delubac de lui verser la somme de 361.421,69 euros, correspondant à 13 débits sur le compte à compter du 8 avril 2015 pour 176.421,69 euros et à 7 crédits reçus à compter de cette même date pour un montant de 185.000 euros, montant porté à 365.021,69 euros le 7 juillet 2015.

Le 29 septembre 2015, la SCP [T], prise en la personne de Maître [T], ès qualités de liquidateur de la société Intervad 2, a fait assigner la Banque Delubac devant le tribunal de commerce de Bobigny pour voir déclarer inopposables les paiements et encaissements faits par la banque sur le compte de la société Intervad 2 postérieurement à l'ouverture de la liquidation et condamner cette dernière au paiement de la somme de 365.021,69 euros.

Le 12 juillet 2016, la Banque Delubac a fait assigner en intervention forcée la SCP [F], ès qualités d'ancien administrateur judiciaire.



Par jugement du 23 mai 2017, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal s'est déclaré compétent, a déclaré inopposables à la liquidation judiciaire, d'une part les paiements, d'autre part les encaissements faits par la banque sur le compte de la société postérieurement au jugement de liquidation, dit la banque irrecevable en son assignation en intervention forcée et en sa demande de déclaration de jugement commun formée tant à l'égard de Maître [F] ancien administrateur judiciaire que de la SCP [F] ès qualités d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2, et condamné la Banque Delubac & Compagnie à payer au liquidateur la somme de 322.445,19 euros, la somme de 2.500 euros à la SCP [T], ès qualités, ainsi qu'à la SCP [F] et à Maître [A] [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.



La Banque Delubac & Compagnie a interjeté appel de cette décision, selon déclaration du 20 juin 2017.



Par mémoire du 30 mars 2018 et mémoire complémentaire du 28 mai 2018, la Banque Delubac a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la compatibilité de l'article L641-9 du code de commerce tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui prévoit que le dessaisissement opère de plein droit à partir de la date du jugement de liquidation à 0 heure, avec le principe d'égalité devant la loi, le principe de non rétroactivité des lois et de sécurité juridique.



Par arrêt du 18 décembre 2018, la cour d'appel a dit n'y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée par la Banque Delubac.



Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 30 mars 2018, la Banque Delubac demande à la cour de surseoir à statuer en l'attente de la décision à intervenir sur la question prioritaire de constitutionnalité, juger son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de constater l'absence d'intérêt à agir de la SELAFA MJA en la personne de Maître [R] venant aux droit de la SCP [T], ès qualités, à défaut, la déclarer mal fondée, la débouter de l'ensemble de ses prétentions et la condamner à payer la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation prononcée au profit du liquidateur à la somme de 180.021,69 euros, en tout état de cause, la déclarer recevable et bien fondée en sa demande d'intervention forcée de l'ancien administrateur judiciaire, déclarer commun et opposable à celui-ci l'arrêt à intervenir, débouter la SCP [F] de ses demandes et conclusions, condamner celle-ci au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner in solidum la SELAFA MJA, venant aux droits de la SCP [T] et la SCP [F] aux entiers dépens.



Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 11 janvier 2018, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [R], venant aux droits de la SCP [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Intervad 2, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la Banque Delubac aux entiers dépens.



Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 novembre 2017, la SCP [F], en la personne de Maître [A] [F], prise en sa qualité d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit la Banque Delubac irrecevable en sa demande d'intervention forcée, la dire également irrecevable en sa demande tendant à voir déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à l'administrateur judiciaire, débouter en conséquence l'appelante de ses prétentions à son encontre et la condamner au paiement de 10.000 euros sur fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de Maître Couraud, avocat.




SUR CE,



- Sur la demande de sursis à statuer



La demande de sursis à statuer est devenue sans objet, dès lors que par arrêt du 18 décembre 2018, la cour a dit n'y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée par la Banque Delubac.



- Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la Selafa MJA

La Banque Delubac soutient que le liquidateur, ès qualités, n'a pas d'intérêt à agir, en ce qu'il ne justifie d'aucun préjudice, dès lors que les opérations sur le compte ont été effectuées régulièrement, après validation par l'administrateur judiciaire et ont permis de régler des dettes relevant de la période d'observation et bénéficiant d'un privilège opposable à la liquidation.

La recevabilité de l'action en inopposabilité des opérations effectuées en violation de la règle du dessaisissement du débiteur n'étant pas subordonnée à la démonstration préalable d'un préjudice et les moyens sur lesquels la société appelante fonde la fin de non recevoir relevant de l'appréciation au fond, il convient de rejeter cette fin de non recevoir.



- Sur l'intervention forcée de la SCP [F] ès qualités d'ancien administrateur judiciaire



Le tribunal a jugé que l'assignation en intervention forcée de la SCP [F], en qualité d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2, tendant simplement à ce que le jugement lui soit déclaré commun, était irrecevable en ce qu'elle ne constituait pas une demande au sens procédural du terme.

La Banque Delubac soutient qu'elle a intérêt à appeler à la procédure la SCP [F], ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2, dès lors que celle-ci ayant validé le 7 avril 2015 les opérations, objet du litige, est appelée à confirmer la régularité des opérations, et que par ailleurs sa responsabilité est susceptible d'être recherchée, dès lors que cette validation est intervenue en connaissance de l'impasse de trésorerie dans laquelle se trouvait la société Intervad 2.

La SCP [F] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit irrecevable l'assignation en intervention forcée, faisant valoir qu'en vertu de l'article 32 du code de procédure civile, une partie ne peut pas être mise en cause dans une instance au titre d'une qualité dont elle ne dispose plus et d'autre part qu'une demande de déclaration d'arrêt commun ne constitue pas une demande au sens procédural du terme.

Aux termes du second alinéa de l'article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Le fait que la SCP [F] ne soit plus administrateur judiciaire de la société Intervad 2 ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit appelée en intervention forcée en sa qualité 'd'ancien administrateur judiciaire' de la société, la Banque Delubac se prévalant de l'accord donné par l'administrateur, alors en fonction, aux paiements objet du litige, la contre-signature de la SCP [F] apparaissant sur les ordres de virement.

La Banque Delubac, qui entend, le cas échéant, se prévaloir dans le cadre d'une action en responsabilité de ce qu'elle a débité le compte de la société en considération des autorisations données par l'administrateur judiciaire, justifie d'un intérêt à rendre ce jugement commun à l'ancien administrateur judiciaire, bien qu'il ne s'agisse pas d'une instance en responsabilité.

En conséquence, la cour dira recevable l'intervention forcée de la SCP [F], en sa qualité d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2, le jugement étant infirmé en ce sens.



- sur le fond



Le liquidateur fonde son action en inopposabilité sur le fait que les opérations litigieuses sont intervenues après la prise d'effet du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Intervad 2, en violation de la règle du dessaisissement du débiteur.

Les débits litigieux d'un total de 180.021,69 euros correspondent à 13 virements ayant pour date de valeur les 8, 9 ou 13 avril 2015, et à un chèque de 3.600 euros, émis le 8 avril 2015 et débité du compte le 20 avril suivant. Quant aux crédits revendiqués par le liquidateur , ils ont été portés sur le compte de la société Intervad 2 aux dates des 8, 9, 10 et 13 avril 2015 pour un montant total de 185.000 euros .

Pour déclarer inopposables à la liquidation les opérations passées sur le compte bancaire après le jugement d'ouverture, le tribunal a fait application des régles du dessaisissement du débiteur, édictées par l'article L641-9 du code de commerce.

Au soutien de son appel, la Banque Delubac argue de l'absence de tout préjudice pour la liquidation, dès lors que les opérations portées au débit du compte correspondent à des créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde pour les besoins de la période d'observation, devaient en conséquence être payées à leur échéance et qu'elles ont été expressément validées par l'administrateur judiciaire. Elle fait ensuite valoir que seule la date des ordres de virement, soit la veille du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire, est à prendre en considération, dès lors qu'en vertu de l'article L133-8 du code monétaire et financier l'ordre de virement est irrévocable et qu'elle était tenue à peine d'engager sa responsabilité de les honorer, ajoutant que tous les paiements effectués trouvent leur origine antérieurement au jugement d'ouverture. Elle souligne qu'elle n'avait pas été informée du prononcé de la liquidation judiciaire à la date des opérations litigieuses, le jugement n'ayant été publié au Bodacc que le 24 avril 2015 et que la SCP [T] n'a pas respecté l'obligation d'information prévue dans la convention de compte courant.

La SELAFA MJA réplique qu'il résulte des dispositions de l'article L 641-9 du code de commerce, et de la jurisprudence constante que les paiements effectués postérieurement au jugement de liquidation judiciaire sans l'accord du liquidateur sont inopposables à la procédure collective, que cette inopposabilité erga omnes s'applique dès le jour du jugement d'ouverture et permet au liquidateur d'agir soit contre le bénéficiaire des paiements soit contre le mandataire du débiteur. Elle précise que sans l'intervention de la banque, les créanciers de l'article L 641-13 du code de commerce, qui ont été payés, auraient été primés par le passif superpriviligié et les frais de justice et n'auraient rien reçu, qu'il est indifférent qu'elle n'ait pas informé la banque de l'ouverture de la liquidation judiciaire aucun texte ne l'y obligeant, qu'il en est de même du caractère irrévocable de l'ordre de paiement fût-il régulier, qui à la différence de l'émission d'un chéque ne vaut pas paiement.

Selon l'article L641-9,I du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur .



Les dispositions relatives à la publicité du jugement prononçant la liquidation judiciaire, énoncées aux articles R621-8 et R641-7 du code de commerce, qui visent à informer les tiers, n'ont pas pour effet de reporter au jour de la publication la date d'effet du dessaisissement du débiteur vis-à-vis des tiers.

Il s'ensuit que le dessaisissement du débiteur, qui s'étend à toute opération ayant un caractère patrimonial, prend effet de plein droit par la loi, indépendamment de l'absence de publication du jugement d'ouverture, à la première heure du jour où est prononcée la liquidation judiciaire, en l'espèce le 8 avril 2015 à 0 heure.

L'inopposabilité sanctionnant les actes accomplis au mépris des règles de ce dessaisissement, s'applique de manière générale à un établissement bancaire comme à tout cocontractant du débiteur et consacre une stricte égalité de traitement des cocontractants du débiteur sous procédure. L'application immédiate du dessaisissement dès le prononcé du jugement avant même toute publication étant indispensable pour garantir l'efficacité de cette mesure.

Dès lors, le moyen pris de ce qu'en l'absence de publication adéquate, la sanction d'inopposabilité prive la Banque Delubac du droit à un procès équitable, porte atteinte au principe de la sécurité juridique et de l'égalité des armes n'est pas fondé, étant relevé que dans son arrêt du 18 décembre 2018, la cour a dit n'y avoir à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

Le fait non contesté que les opérations portées au débit du compte courant correspondent selon l'attestation de la SCP [F], administrateur judiciaire, à des dettes de la période d'observation réglées pendant cette période avec son accord, n'est pas de nature à faire échec à la règle d'ordre public du dessaisissement du débiteur, compte tenu de l'effet de plein droit, qui s'attache au jugement prononçant la liquidation judiciaire.

Quant aux articles L622-17, I et L 631-14 alinéa 1er du commerce selon lesquels les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, doivent être payées à leur échéance, ils ne font qu'instituer un régime de paiement préférentiel au profit de certains créanciers et n'affectent pas les effets du dessaisissement, dont la portée est générale.

C'est encore de manière inopérante que la Banque Delubac invoque l'absence de tout préjudice pour la liquidation, dès lors qu'il n'appartient pas au débiteur dessaisi ou à sa banque de procéder au paiement des créanciers aux lieu et place du liquidateur, étant surabondamment observé que selon la Selafa MJA, les fonds disponibles auraient été affectés au paiement de créanciers privilégiés, primant ceux qui ont été réglés.

S'agissant des virements portés au débit du compte, le jour du jugement d'ouverture ou postérieurement, la Banque Delubac soutient que la date à prendre en compte est celle du 7 avril 2015, correspondant à l'ordre irrévocable donné par le débiteur.

Si l'article L133-8 du code monétaire et financier dispose que l'utilisateur de services de paiement ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu'il a été reçu par le prestataire de services, il n'en résulte pas pour autant que la date du paiement correspond à la date à laquelle la banque a reçu l'ordre de virement du débiteur, ces dispositions régissant les rapports entre le client et sa banque et non les rapports avec le bénéficiaire, qui peut ne pas être informé de cet ordre de virement à la différence du chèque qui lui est remis en paiement. La banque serait d'ailleurs amenée à refuser d'exécuter un ordre de virement, fût-il irrévocable, à défaut de fonds disponibles sur le compte. Le paiement d'un virement n'intervenant qu'à réception des fonds par le bénéficiaire ou le banquier du bénéficiaire qui les détient pour le compte de son client, il importe peu que les opérations de virement aient été en cours auprès de la banque du débiteur la veille du jugement prononçant la liquidation judiciaire. Les virements en cause ont donné lieu à paiement après l'ouverture de la liquidation judiciaire, la date de valeur portée sur le compte est d'ailleurs celle du 8 et non du 7 avril 2015. Dès lors, la circonstance que les ordres de paiement ont été donnés par le débiteur et contresignés par l'administrateur judiciaire le 7 avril 2015, n'est pas susceptible de rendre ces virements opposables à la liquidation.

S'agissant du chèque de 3.600 euros, c'est son émission qui transfère de plein droit la provision au profit du bénéficiaire. Or, il résulte de la copie du chèque que celui-ci a été émis le 8 avril 2015 jour du jugement d'ouverture, de sorte que la transmission de la provision au bénéficiaire du chèque est intervenue alors que le tireur se trouvait déjà dessaisi. Le fait que ce chèque a été émis en règlement des honoraires de l'avocat de la société Intervad 2 dans le cadre de la procédure ayant abouti au jugement de conversion est indifférent, le dessaisissement opérant de manière absolue indépendamment de la nature de la créance.

Le titre électronique de paiement (TEP) au profit de l'Urssaf d'un montant de 28.731 euros a également été débité du compte le 8 avril 2015, alors que le débiteur se trouvait dessaisi.

L'ignorance de la liquidation dans laquelle se trouvait la Banque Delubac lorsqu'elle a passé ces opérations n'est pas davantage de nature à faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article L 641-9, I du code de commerce, qui s'appliquent indépendamment de la bonne foi des tiers.

En l'absence de disposition légale l'y contraignant, la Banque Delubac reproche vainement au liquidateur de ne pas l'avoir informée du prononcé de la liquidation judiciaire. Quant aux dispositions de la convention d'ouverture de compte conclue entre le dirigeant de la société Intervad 2 et la Banque Delubac, faisant obligation au client d'informer immédiatement la banque de tout fait susceptible d'affecter la situation de l'entreprise, elles ne peuvent être opposées au liquidateur, étant souligné que les opérations litigieuses ont pour plusieurs d'entre elles été passées le jour même du prononcé de liquidation judiciaire.

Subsidiairement, la Banque Delubac entend voir limiter le montant de la condamnation prononcée au profit de la Selafa MJA à la somme de 180.021,69 euros correspondant aux seuls débits effectués sur le compte, soutenant que le liquidateur ne peut cumuler l'inopposabilité des opérations de débit et la restitution des crédits et qu'elle ne peut pas être tenue de régler les crédits qui lui ont permis d'honorer les virements.

Le liquidateur conteste tout 'double emploi' relevant que si la banque n'avait pas réglé la somme totale de 176.421,69 euros, ce montant serait resté sur le compte de la société Intervad 2 et la liquidation aurait donc été 'plus riche' d'un total de 365.021,69 euros.

Il ressort du relevé de compte versé aux débats, que les crédits suivants ont été enregistrés à partir du 8 avril 2015:



- 8 avril : 100.000 euros, 10.000 euros, 10.000 euros et 10.000 euros

- 9 avril : 40.000 euros

-10 avril : 10.000 euros

-13 avril : 5.000 euros ( le crédit de 88,90 euros n'étant pas invoqué par le liquidateur)



soit un total de 185.000 euros



Si la règle du dessaisissement avait été appliquée dès le 8 avril 2015, aucune opération, ni en débit, ni en crédit n'aurait été passée sur le compte à partir de cette date, de sorte que non seulement le compte n'aurait pas été débité de 176.421,69 euros mais aurait bien été crédité de 185.000 euros.

La Banque Delubac ayant viré au liquidateur le 28 avril 2015 la somme de 42.576,50 euros, n'aura à restituer du chef des crédits qu'un complément de 142.423,50 euros (185.000 - 42.576,50 euros), s'ajoutant au montant de 180.021,69 euros correspondant au débit des 13 virements et du chèque émis le 8 avril 2015

C'est dès lors à juste titre que le tribunal a déclaré l'ensemble de ces opérations inopposables à la liquidation et a condamné la Banque Delubac à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 322.445,19 euros, le jugement étant confirmé de ces chefs.

- Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive sollicités par la Banque Delubac

Il se déduit de la solution donnée au litige que l'action engagée par le liquidateur n'est pas abusive. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la banque Banque Delubac de sa demande de dommages et intérêts.



- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



La Banque Delubac, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens, le jugement étant confirmé de ce chef et en ce qu'il l'a condamnée à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la SCP [T] ès qualités et à la SCP [F], sans qu'il y ait lieu d'y ajouter en appel.







PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit irrecevable l'assignation en intervention forcée de la SCP [F], ès qualités d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2,



Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,



Déclare recevable l'intervention forcée de la SCP [F], ès qualités d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2,



Dit le présent arrêt commun à la SCP [F], ès qualités d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2,



Déboute toutes les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la Banque Delubac aux entiers dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par la SELAS Denovo, en la personne de Maître Couraud, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.









La greffière,





Liselotte FENOUIL



La Présidente,





Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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