26 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-82.463

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CR05300

Titres et sommaires

DOUANES - Agent des douanes - Pouvoirs - Droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes - Article 60 du code des douanes - Mesures autorisées - Rétention des personnes - Limites - Détermination - Portée

Nul ne peut être retenu contre son gré au-delà du temps nécessaire à l'exercice du droit de contrôle prévu par l'article 60 du code des douanes avant d'être placé en retenue douanière. Encourt la cassation l'arrêt qui, pour rejeter la demande de nullité de la retenue douanière tirée du maintien du prévenu sous la garde des fonctionnaires de police, retient qu'il n'a montré aucune réticence ni opposition à se maintenir sur place lorsque les agents des douanes, qui devaient se lancer à la poursuite du conducteur d'un véhicule qui avait pris la fuite, ont requis les policiers de la police des frontières pour rester avec lui


DOUANES - Agent des douanes - Pouvoirs - Droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes - Article 60 du code des douanes - Domaine d'application - Saisie de téléphones portables

Les agents des douanes, agissant dans le cadre d'un contrôle effectué en vertu de l'article 60 du code des douanes, peuvent appréhender matériellement les indices recueillis à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité. Encourt la censure l'arrêt qui, pour rejeter la demande de nullité de la saisie de téléphones portables se trouvant dans le véhicule d'une personne contrôlée sur le fondement de ce texte, se prononce par des motifs qui ne font pas apparaître que les téléphones appréhendés aient fait l'objet d'un inventaire ni qu'ils aient été remis dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire ni enfin que des mesures aient été prises pour garantir leur intégrité

Texte de la décision

N° Q 16-82.463 F-P+B

N° 5300

SL
26 OCTOBRE 2016


CASSATION


M. GUÉRIN président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par M. [N] [E], contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 17 mars 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande de marchandises prohibées, en récidive, et tentative d'évasion aggravée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 11 juillet 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 1er septembre 2015, à 7 h 33, les agents des douanes de la brigade de surveillance intérieure du [Localité 3], en service de contrôle routier à la grande barrière de péage du [Localité 1] sur l'A9, dans le sens Espagne-France, ont constaté l'arrivée d'un véhicule Seat Leon immatriculé en France et occupé par le seul conducteur ; qu'ayant décidé de procéder à son contrôle, ils ont adressé les injonctions d'usage au chauffeur, qui a obtempéré et s'est arrêté à leur niveau ; qu'avant de sortir de son véhicule, il s'est saisi d'un téléphone portable mais a accepté de le reposer lorsque les douaniers le lui ont demandé ; qu'à 7 h 35, les douaniers ont constaté l'arrivée à la grande barrière de péage d'un second véhicule Mercedes ; que malgré les injonctions qui lui ont été adressées, son chauffeur a refusé de s'arrêter et a pris la fuite ; que, souhaitant se lancer à sa poursuite, les agents des douanes ont requis les policiers du service de police aux frontières pour "rester" avec M. [E] ; qu'à 7 h 37, les douaniers ont retrouvé le véhicule Mercedes, son chauffeur ayant pris la fuite à pied ; que la fouille de ce véhicule, mise en oeuvre à 8 heures, a conduit à la découverte, notamment de 325,5 kilos de résine de cannabis et d'un téléphone portable Nokia allumé ; que les agents des douanes sont revenus à la grande barrière de péage du [Localité 1] et ont informé M. [E] qu'ils allaient le soumettre à un contrôle en application de l'article 60 du code des douanes ; que celui-ci s'y est soumis et qu'en sa présence ont été découverts, notamment, des téléphones portables dont la comparaison avec celui découvert dans le véhicule Mercedes a fait apparaître des numéros de téléphone identiques avec des noms différents ; qu'à 8 h 40, M. [E] a été placé en retenue douanière ; que la fouille réalisée sur sa personne, dans une pochette trouvée en sa possession et dans le véhicule Seat Leon, a permis de découvrir une somme de 8 000 euros en numéraire, trois téléphones portables et une barrette de 8 grammes de résine de cannabis dissimulée dans le plafonnier ; que le 1er septembre 2015 à 20 h 15, M. [E] a été placé en garde à vue ; que le 2 septembre 2015, à 19 h 05, alors qu'il était toujours en garde à vue, il a tenté de s'évader après avoir exercé des violences sur un policier ; que, le 4 septembre 2015, à l'issue de sa garde à vue, il a été présenté au juge d'instruction qui lui a notifié sa mise en examen des chefs de transport, détention et importation de stupéfiants en état de récidive légale, tentative d'évasion par violence ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours et contrebande de marchandise non autorisée en récidive ; que M. [E] a déposé devant la chambre de l'instruction une requête en nullité d'actes et pièces de la procédure qui a été rejetée ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 60 et 323-3 du code des douanes, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la nullité de la retenue douanière de M. [E] prise de ce que ce dernier a fait l'objet d'une mesure de contrainte physique d'une durée excédant le temps nécessaire à l'exercice du contrôle prévu par l'article 60 du code des douanes ;

"aux motifs que, sur le report du contrôle débuté à 7 h 33 et le placement en retenue douanière intervenu à 8 h 40, aux termes de l'article 60 du code des douanes, en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transports et à celles des personnes ; qu'ainsi ce texte emporte l'obligation pour toute personne de se soumettre aux injonctions des douaniers qui ne se bornent pas à celles qui tendent à l'immobilisation du moyen de transport mais à toutes celles destinées à permettre la recherche de la fraude au moyen de la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes ; qu'en l'absence de référence légale à la durée de ce maintien à disposition, en un temps où aucune infraction flagrante n'a encore pu être constatée, celui-ci ne peut durer que le temps strictement nécessaire à la mise en oeuvre dudit contrôle et ne peut s'accompagner d'aucune mesure de coercition sur la personne en faisant l'objet ; qu'en l'espèce le procès-verbal litigieux mentionne que c'est sans recours à la contrainte physique que le contrôle du véhicule a été opéré, son conducteur restant libre et se soumettant au contrôle ; que cette mention apposée par trois fonctionnaires des douanes, à savoir MM. [H] [O], [Y] [F] et Mme [B] [G], sur un procès-verbal qu'ils ont signé, fait foi jusqu'à inscription de faux par application de l'article 336-1 du code des douanes aux termes duquel "les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de toute autre administration font foi jusqu'à inscription de faux des constatations matérielles qu'ils relatent" ; que la réquisition des policiers de la police aux frontières aux fins de "rester avec le conducteur de la Seat Leon" n'apparaît pas incompatible avec la mention susvisée, dès lors qu'il n'est nullement établi que ces mêmes policiers aient dû faire usage de la contrainte pour maintenir le conducteur sur place ou soient même intervenus de quelque manière que ce soit ; que, d'ailleurs, M. [E] n'a, à aucun moment, tant à l'occasion de son unique audition mise en oeuvre à l'occasion de sa retenue douanière que lors de ses auditions en garde à vue, fait état de ce qu'il aurait été privé de sa liberté au cours de ce délai, alors qu'il a su invoquer les confusions qui, selon lui, auraient été opérées par les douaniers entre les téléphones retrouvés dans les deux véhicules ; que le laps de temps écoulé entre le début du contrôle du véhicule Seat à l'occasion duquel le conducteur avait tenté de s'emparer de son téléphone et le placement en retenue douanière mis en oeuvre dès la constatation d'un délit douanier flagrant, soit 1 h 07, n'apparaît pas critiquable compte-tenu de la nécessité pour les douaniers de se lancer à la poursuite du conducteur d'un véhicule Mercedes qui arrivé deux minutes plus tard refusait le contrôle et prenait la fuite, le tout dans un contexte général de passages de stupéfiants transfrontaliers fréquemment mis en oeuvre au moyen de convois composés notamment d'un véhicule ouvreur précédant le véhicule transportant les produits stupéfiants ; que, ce délai peut, dans ces circonstances, être considéré comme le temps strictement nécessaire aux vérifications effectives ayant conduit à la découverte d'un flagrant délit douanier justifiant la mise en oeuvre d'une procédure de retenue douanière ; qu'il n'est caractérisé aucune atteinte à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;

"1°) alors qu'une mesure de contrainte physique, d'une durée excédant le temps nécessaire à l'exercice du droit de contrôle prévu par l'article 60 du code des douanes, ne peut être exercée que dans le cadre d'une mesure de retenue douanière ; que la mesure de contrainte physique s'entend, non seulement de la mise en oeuvre de moyens matériels spécifiques entravant physiquement la liberté d'aller et venir de l'individu, mais plus généralement de toute mesure prise pour garder ou retenir un individu pour les besoins d'une enquête ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction relève expressément que les agents des douanes avaient requis cinq officiers de la police des frontières afin qu'ils "restent" avec M. [E] le temps qu'ils interpellent le véhicule Mercedes C280, ce dont il résultait nécessairement que M. [E] avait été gardé, pour les besoins de l'enquête, à la disposition des agents des douanes dès 7 h 35 ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'y avait pas eu de contrainte dès cette mise sous surveillance à 7 h 35 et jusqu'à son placement en retenue douanière, une heure plus tard à 8 h 40, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que la personne contrôlée dans le cadre de l'article 60 du code des douanes ne peut être retenue que le temps strictement nécessairement aux opérations de contrôle et à leur consignation par procès-verbal et qu'une mesure de contrainte physique, d'une durée excédant le temps nécessaire à l'exercice du droit de contrôle prévu par l'article 60 du code des douanes, ne peut être exercée que dans le cadre d'une mesure de retenue douanière ; que, pour écarter le moyen de nullité soulevée par l'exposant, la chambre de l'instruction a considéré le laps de temps - soit 1 heure et 7mn - écoulé entre l'arrestation de M. [E] par les agents des douanes et son placement en retenu douanière était justifié par la nécessité de procéder à l'interpellation et au contrôle d'un autre véhicule ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi la retenue dont M. [E] faisait l'objet, contre son gré, depuis 7 h 33, était justifiée par des circonstances propres et strictement nécessaires à l'exécution du contrôle prévu par l'article 60 du code des douanes, la chambre de l'instruction a encore violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 323-1 du code des douanes ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'une mesure de contrainte physique, d'une durée excédant le temps nécessaire à l'exercice du droit de contrôle prévu par l'article 60 du même code, ne peut être exercée que dans le cadre d'une mesure de retenue douanière ;

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité de la retenue douanière tirée du maintien de M. [E] sous la garde des fonctionnaires de police, l'arrêt énonce que le mis en examen n'a montré aucune réticence ni opposition à se maintenir sur place lorsque les agents des douanes, qui devaient se lancer à la poursuite du conducteur du véhicule Mercedes qui avait pris la fuite, ont requis les policiers de la police des frontières pour rester avec lui ;

Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que M. [E], avant d'être placé en retenue douanière, a été retenu contre son gré au-delà du temps nécessaire au contrôle de son véhicule et de sa personne, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ensemble du principe des droits de la défense, de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 60, 323, 324, 325 et 327 du code des douanes, des articles préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :

"en ce que la chambre de l'instruction a refusé d'annuler la saisie des téléphones matériellement appréhendés par les agents des douanes dans le véhicule de M. [E] à l'occasion du contrôle effectué dans le cadre de l'article 60 du code des douanes ;

"aux motifs que, sur l'absence de saisie et de placement sous scellés douaniers de certaines pièces à conviction, une simple lecture approfondie du procès-verbal d'infraction permet de déterminer le nombre et la marque des cinq téléphones découverts dans le véhicule Seat Leon ou sur la personne de M. [E] à savoir cinq téléphones Nokia et un téléphone Blackberry ainsi que celle du téléphone découvert dans le véhicule Mercedes à savoir un téléphone de marque Nokia ; que ces téléphones n'ont pas fait l'objet de saisie par les services des douanes mais ont été remis le 1er septembre 2015 à 20 h 05 par les agents des douanes de la BSI de [Localité 3] à M. [M] [R], commandant de l'antenne perpignanaise du SRPJ de [Localité 2] ainsi qu'il résulte du procès-verbal établi à cette fin figurant en cote D4/1 ; que, si les articles 64 et 323 du code des douanes prévoient la saisie de tous objets passibles de confiscation et notamment des marchandises et documents se rapportant aux délits douaniers constatés ou encore des moyens de transport utilisés pour leur commission, elle conserve un caractère facultatif ; qu'en outre, la découverte de ces téléphones a été effectuée en présence de M. [E], ce dernier l'ayant d'ailleurs confirmé dans son audition de garde à vue du 2 septembre 2015 (D11/2) ; attendu qu'en définitive la saisie et le placement sous scellés de l'ensemble des téléphones (sept) a été mise en oeuvre par les policiers du SRPJ le même jour à 11 heures avant leur transmission au chef du service régional de l'informatique et des traces technologiques de [Localité 2] pour exploitation ; que les articles 325 et 327 du code des douanes invoqués par l'avocat du mis en examen dans son mémoire concernent les formalités générales et obligatoires à peine de nullité des procès-verbaux de saisie, ces dispositions ne s'appliquant pas à la saisie des téléphones dont il s'agit mise en oeuvre par les policiers du SRPJ conformément aux prescriptions du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, ce troisième moyen de nullité apparaît tout aussi inopérant ;

"1°) alors que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 60 du code des douanes sur le fondement duquel les agents des douanes ont appréhendé et remis au service de police judiciaire les téléphones portables qui interviendra sur la QPC posée par mémoire distinct, emportera nécessairement l'annulation de la procédure ;

"2°) alors qu'en vertu de l'article 325 du code des douanes, le procès-verbal d'une saisie effectuée dans le cadre du contrôle prévu par l'article 60 du même code énonce la nature des objets saisis et leur quantité ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que six téléphones ont été "découverts" par les agents des douanes le 1er septembre 2015 aux alentours de 8 h 40 dans le véhicule de M. [E] et que ces agents les ont ensuite remis au commandant de la SRPJ de [Localité 2] le même jour à 20 h 05 ; qu'ainsi, les téléphones ont bien été saisis par les agents des douanes, dès lors que dès 8 h 40, M. [E] était privé de leur usage dans un but de conservation des preuves ; que, pourtant, cette saisie n'a fait l'objet d'aucun procès-verbal dressé par les agents des douanes ; qu'en refusant d'annuler la saisie litigieuse, au motif inopérant que les articles 325 et 327 du code des douanes ne trouvaient pas à s'appliquer en l'espèce, dès lors que la saisie litigieuse avait été effectuée par un officier de police judiciaire, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires et a violé les principes et les textes susvisés ;

"3°) alors qu'à supposer que la saisie litigieuse ne soit pas une saisie douanière et qu'en l'absence d'un texte leur en donnant le pouvoir, les agents des douanes puissent, néanmoins, appréhender matériellement les indices recueillis dans le cadre d'un contrôle effectué en vertu de l'article 60 du code des douanes, c'est à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de les transmettre sans délai à l'officier de police judiciaire compétent pour procéder à leur saisie et à leur placement sous scellé dans les conditions de l'article 56 du code de procédure pénale et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'aucune atteinte à leur intégrité ne puisse être pratiquée ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en l'espèce, les agents des douanes n'ont dressé aucun inventaire des téléphones matériellement appréhendés dans le véhicule de M. [E], que ces téléphones n'ont été remis aux officiers de la SRPJ de [Localité 2] qu'à 20 h 05 le 1er septembre 2015, soit plus de onze heures après leur appréhension et que dans cet intervalle, les mêmes agents des douanes ont procédé à des investigations sur ces téléphones, en sorte que leur intégrité n'a pas été assurée ; qu'ainsi, l'ensemble des exigences susvisées a été méconnu ; que la seule circonstance qu'une "simple lecture approfondie du procès-verbal d'infraction" permette de déterminer le nombre et la marque des téléphones matériellement appréhendés par les agents des douanes ne saurait équivaloir à un inventaire dressé en bonne et due forme ; qu'il importe peu, par ailleurs, que M. [E] ait reconnu, en garde à vue, que la découverte des téléphones avait été faite en sa présence, dès lors que cette circonstance ne permet pas de s'assurer qu'il n'a été porté aucune atteinte à l'intégrité desdits téléphones, et ce d'autant que l'arrêt constate que les agents des douanes les avaient préalablement investigués ; qu'en refusant cependant d'annuler la saisie litigieuse, la chambre de l'instruction a violé les principes et les textes susvisés ;

"4°) alors qu'en l'absence de texte lui en donnant le pouvoir, un agent des douanes ne peut, sans y être autorisé, procéder à l'investigation d'un téléphone matériellement appréhendé dans le cadre d'un contrôle effectué sur le fondement de l'article 60 du code des douanes ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les agents des douanes ont procédé à l'investigation d'au moins trois des téléphones appartenant à M. [E] recueillis dans le cadre du contrôle de son véhicule ; qu'en refusant cependant d'annuler la saisie litigieuse, quand il était pourtant établi que les agents des douanes avaient, en investiguant lesdits téléphones sans aucune autorisation ni aucun contrôle, violé le droit de M. [E] à la vie privée, la chambre de l'instruction a violé les principes et les textes susvisés ;

"5°) alors que, dans le cadre de l'enquête de flagrance, les objets saisis doivent être immédiatement inventoriés et placés sous scellés ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en l'espèce, les officiers de police judiciaire en charge de l'enquête ouverte à l'encontre de M. [E] ont pris possession des téléphones matériellement appréhendés par les agents des douanes dans le véhicule de ce dernier le 1er septembre 2015 à 20 h 05, mais que leur saisie et leur placement sous scellés n'ont été mis en oeuvre que le 2 septembre 2015 à 11 heures ; qu'il est ainsi établi que, contrairement aux prescriptions légales, les téléphones n'ont pas été immédiatement inventoriés et placés sous scellés ; qu'en refusant cependant d'annuler la saisie litigieuse, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé principes et les les textes susvisés" ;

Vu l'article 60 du code des douanes ;

Attendu que si les agents des douanes peuvent appréhender matériellement les indices recueillis dans le cadre d'un contrôle effectué en vertu de ce texte, c'est à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité ;

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité de la saisie des téléphones portables qui se trouvaient dans le véhicule de M. [E], la chambre de l'instruction retient que la saisie avait un caractère facultatif, que la découverte des téléphones portables a été effectuée en sa présence et que leur saisie et leur placement sous scellés ont été mis en oeuvre par les policiers du SRPJ le même jour ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs qui ne font pas apparaître que les téléphones appréhendés aient fait l'objet d'un inventaire ni qu'ils aient été remis dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire ni enfin que des mesures aient été prises pour garantir leur intégrité, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est, de nouveau, encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 17 mars 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six octobre deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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