27 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-23.846

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C301157

Titres et sommaires

VENTE - Garantie - Eviction - Eviction partielle - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Annulation d'un contrat portant sur la vente de la chose d'autrui

Viole les articles 1599 et 1637 du code civil, le premier texte, par refus d'application, et le second, par fausse application, la cour d'appel qui retient que le fait pour un acquéreur de se voir privé de la jouissance d'une partie d'un terrain vendu s'analyse en une éviction partielle dès lors que le contrat de vente, unique, n'a pas été résilié dans son intégralité, alors que le contrat de vente de la parcelle avait été annulé pour vente de la chose d'autrui

Texte de la décision

CIV.3

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 octobre 2016




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1157 FS-P+B

Pourvoi n° E 15-23.846







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale des industries électrique et gazière du centre de [Localité 1] (CMCAS), dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 9 juin 2015 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Etablissement public foncier de [Établissement 1], dont le siège est [Adresse 2],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 septembre 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Guillaudier, conseiller référendaire rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Maunand, Mme Le Boursicot, M. Bureau, Mme Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Abgrall, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale des industries électrique et gazière du centre de [Localité 1], de la SCP Delaporte et Briard, avocat de l'Etablissement public foncier de [Établissement 1], l'avis de M. Charpenel, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1599 et 1637 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 juin 2015), que, par acte authentique du 31 mars 2008, la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale des industries électrique et gazière du centre de [Localité 1] (la CMCAS de [Localité 1]) a vendu à l'Etablissement public foncier de [Établissement 1] (l'EPF de [Établissement 1]) les parcelles cadastrées section AK n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour un prix de 446 345 euros ; que, la parcelle AK [Cadastre 4] n'appartenant pas à la CMCAS de [Localité 1], l'EPF de [Établissement 1] l'a assignée en nullité de la vente de cette parcelle et remboursement de la somme de 281 100 euros ;

Attendu que, pour condamner la CMCAS de [Localité 1] à payer cette somme à l'EPF de [Établissement 1], l'arrêt retient que le fait pour un acquéreur de se voir privé de la jouissance d'une partie d'un terrain vendu, au motif non contesté que le vendeur n'était pas propriétaire de celle-ci, s'analyse en une éviction partielle et ce, même en l'absence de réclamation du véritable propriétaire, dès lors que le contrat de vente, unique, n'a pas été résilié dans son intégralité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de vente de la parcelle AK [Cadastre 4] avait été annulé pour vente de la chose d'autrui en application de l'article 1599 du code civil, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé, par refus d'application, et le second, par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale des industries électrique et gazière du centre de [Localité 1] à payer à l'Etablissement public foncier de [Établissement 1] la somme de 281 100 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 10 décembre 2012, l'arrêt rendu le 9 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne l'Etablissement public foncier de [Établissement 1] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Etablissement public foncier de [Établissement 1] et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale des industries électrique et gazière du centre de [Localité 1] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale des industries électrique et gazière du centre de [Localité 1].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE la nullité partielle de la vente étant acquise, il a condamné la CMCAS à payer à l'EPFN une somme de 281.100 euros ;

AUX MOTIFS QUE « les parties s'accordent pour que soit prononcée l'annulation partielle du contrat de vente d'immeubles du 31 mars 2008, cette annulation portant uniquement sur la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 4] qui n'appartenait pas au vendeur ; que seul demeure en litige le montant de la somme devant être restituée à l'acquéreur, l'EPF de [Établissement 1], en compensation de la perte de cette parcelle ; qu'aux termes de l'article 1637 du code civil, si dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente ; que contrairement à ce que les premiers juges ont estimé, on doit considérer que le fait pour un acquéreur de se voir privé de la jouissance d'une partie d'un terrain vendu, au motif non contesté que le vendeur n'était pas propriétaire de celle-ci, s'analyse en une éviction partielle, et ce même en l'absence de réclamation du véritable propriétaire, des lors que le contrat de vente, unique, n'a pas été résilié dans son intégralité ; qu'il s'ensuit que l'acquéreur a droit au remboursement de la valeur de la parcelle dont il a été évincé, suivant son estimation à l'époque de l'éviction ; qu'il apparaît en l'espèce que la CMCAS a vendu à l'EPF le 31 mars 2008 les parcelles AK [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], commune de [Localité 2], pour un prix total de 446.345 euros ; qu'il est constant que la parcelle [Cadastre 4], seule parcelle constructible du lot vendu, n'appartenait pas à la CMCAS ; que l'acte de vente ne comporte toutefois aucune ventilation du prix entre les différentes parcelles ; que cependant, dans la mesure où l'EPF est un établissement public chargé de procéder à des opérations foncières, ses acquisitions nécessitent un avis préalable des services fiscaux, conformément à l'article 3 du décret du 14 mars 1986, en vigueur à l'époque de la cession ; qu'il est justifié que les services du domaine, le 18 septembre 2006 et le 26 novembre 2007, ont évalué la parcelle [Cadastre 4] (parcelle de 2811 m² classée en zone UBA) à la somme de 281.100 euros, ce qui correspond à 100 euros le m² » ;

ALORS QUE, l'article 1637 du Code civil règle, et ne règle que l'hypothèse, où la vente n'est pas résiliée ; qu'a fortiori il est inapplicable dans l'hypothèse où la vente fait l'objet d'une annulation pour vente de la chose d'autrui sur le fondement de l'article 1599 du Code civil quand bien même la nullité ne serait que partielle ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont prononcé la nullité partielle de la vente du 31 mars 2008, pour vente de la chose d'autrui, sur le fondement de l'article 1599 du Code civil ; que l'EPF DE [Établissement 1] a demandé la confirmation de ce chef ; que la CMCAS a également soulevé la confirmation de ce chef et qu'ainsi un accord est intervenu entre les parties quant à l'annulation partielle telle que prononcée par les premiers juges ; qu'en faisant référence, pour déterminer le montant de la somme à restituer, à un texte inapplicable, les juges du fond ont violé l'article 1637 du Code civil par fausse application et l'article 1599 du Code civil, par refus d'application.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE la nullité partielle de la vente étant acquise, il a condamné la CMCAS à payer à l'EPFN une somme de 281.100 euros ;

AUX MOTIFS QUE « les parties s'accordent pour que soit prononcée l'annulation partielle du contrat de vente d'immeubles du 31 mars 2008, cette annulation portant uniquement sur la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 4] qui n'appartenait pas au vendeur ; que seul demeure en litige le montant de la somme devant être restituée à l'acquéreur, l'EPF de [Établissement 1], en compensation de la perte de cette parcelle ; qu'aux termes de l'article 1637 du code civil, si dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente ; que contrairement à ce que les premiers juges ont estimé, on doit considérer que le fait pour un acquéreur de se voir privé de la jouissance d'une partie d'un terrain vendu, au motif non contesté que le vendeur n'était pas propriétaire de celle-ci, s'analyse en une éviction partielle, et ce même en l'absence de réclamation du véritable propriétaire, des lors que le contrat de vente, unique, n'a pas été résilié dans son intégralité ; qu'il s'ensuit que l'acquéreur a droit au remboursement de la valeur de la parcelle dont il a été évincé, suivant son estimation à l'époque de l'éviction ; qu'il apparaît en l'espèce que la CMCAS a vendu à l'EPF le 31 mars 2008 les parcelles AK [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], commune de [Localité 2], pour un prix total de 446.345 euros ; qu'il est constant que la parcelle [Cadastre 4], seule parcelle constructible du lot vendu, n'appartenait pas à la CMCAS ; que l'acte de vente ne comporte toutefois aucune ventilation du prix entre les différentes parcelles ; que cependant, dans la mesure où l'EPF est un établissement public chargé de procéder à des opérations foncières, ses acquisitions nécessitent un avis préalable des services fiscaux, conformément à l'article 3 du décret du 14 mars 1986, en vigueur à l'époque de la cession ; qu'il est justifié que les services du domaine, le 18 septembre 2006 et le 26 novembre 2007, ont évalué la parcelle [Cadastre 4] (parcelle de 2811 m² classée en zone UBA) à la somme de 281.100 euros, ce qui correspond à 100 euros le m² » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, à aucun moment l'avis du 26 novembre 2007 ne fait état de ce que la parcelle AK [Cadastre 4] peut être évaluée sur la base de 100 euros le m² ; qu'en énonçant le contraire, les juges du fond ont dénaturé la lettre du 26 novembre 2007 ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, les avis émis par les services des domaines ne restent valables que tant qu'aucun changement notable dans les circonstances de fait et de droit ne s'est produit ; qu'en tenant compte de la lettre du 18 septembre 2006 sans caractériser l'absence d'un tel changement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale à l'égard de l'article 1637 du Code civil ;

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, dès lors que la lettre du 18 septembre 2006 a indiqué que la valorisation n'était faite que pour un an, les juges du fond devaient rechercher si, à raison même des termes de la lettre, en restreignant la portée, cette dernière ne devait pas être écartée comme non probante ; que de ce point de vue, l'arrêt souffre à tout le moins d'un défaut de base légale au regard de l'article 1637 du code civil.

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