2 novembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-12.491

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00929

Titres et sommaires

CAUTIONNEMENT - extinction - causes - subrogation rendue impossible par le fait du créancier - conditions - droit préférentiel - domaine d'application - exclusion - cas - cession de créance professionnelle - défaut de notification au débiteur cédé

Lorsqu'un établissement de crédit, cessionnaire d'une créance professionnelle, s'abstient de notifier la cession au débiteur cédé, la caution qui invoque la subrogation dans les droits du cessionnaire ne justifie pas de la perte d'un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance et n'est dès lors, pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du code civil

Texte de la décision

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 novembre 2016


Rejet


Mme MOUILLARD, président


Arrêt n° 929 FS-P+B+I

Pourvoi n° N 15-12.491





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. C... E..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Banque BCP, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 septembre 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Robert-Nicoud, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, MM. Zanoto, Guérin, Mme Vallansan, MM. Marcus, Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, M. Cayrol, conseillers, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Schmidt, Jollec, Barbot, conseillers référendaires, M. Le Mesle, premier avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Robert-Nicoud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. E..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Banque BCP, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2014), que la société AIP Batifort (le cédant), titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la société Banque BCP (le cessionnaire), a demandé à cette dernière un concours sous la forme d'une ligne de cession Dailly, garanti par le cautionnement solidaire de son gérant et associé, M. E... (la caution) ; que les 6 et 27 juillet 2011, la société AIP Batifort a cédé deux créances sur la société Casa (le débiteur cédé) ; que n'obtenant pas leur règlement, le cessionnaire s'est rapproché du débiteur cédé, qui lui a indiqué que la première avait été réglée au cédant et que la seconde n'avait jamais été comptabilisée dans ses livres ; que le cédant ayant été mis en liquidation judiciaire, le cessionnaire a assigné en paiement la caution, qui a demandé à être déchargée de son engagement en application de l'article 2314 du code civil ;

Attendu que la caution fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de la condamner à payer au cessionnaire une certaine somme alors, selon le moyen, que devant la cour d'appel, la caution demandait à être déchargée de son engagement de caution par application de l'article 2314 du code civil en faisant valoir qu'en ne notifiant pas la cession Dailly au débiteur cédé, le cessionnaire avait nui à ses intérêts en qualité de caution ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la caution à payer au cessionnaire la somme de 78 815,24 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal, que l'article L. 313-28 du code monétaire et financier ne fait pas obligation à l'établissement de crédit de notifier la cession au débiteur, sans rechercher si une telle faculté n'était pas devenue impérative afin que les droits de la caution, en sa qualité de caution, soient préservés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ;

Mais attendu que lorsqu'un établissement de crédit, cessionnaire d'une créance professionnelle, s'abstient de notifier la cession au débiteur cédé, la caution qui invoque la subrogation dans les droits du cessionnaire ne justifie pas de la perte d'un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance et n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. E... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. E....


Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. E... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de l'avoir condamné à payer à la banque BCP la somme de 78 815,24 ¿ TTC avec intérêt au taux légal à compter du 4 juin 2012, outre la somme de 1 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que « Sur la responsabilité de la banque : que M. E... explique que la société AIP Batifort a cédé à la banque deux factures sur la SCI Casa, l'une de 51.691,88 euros à échéance au 10 septembre 2011 et l'autre de 31.275,04 euros à échéance du 15 septembre 2011 ; que cette dernière facture a fait l'objet ensuite d'une révision par l'architecte et a été ramenée à 23.369,35 euros et n'a donc été inscrite dans les comptes de la SCI Casa que pour ce montant ; que M. E... reproche à la banque de ne pas avoir notifié à la SCI Casa la demande d'acceptation de cession de créance(s) professionnelles valant notification et estime que si la SCI Casa avait reçu cette notification elle n'aurait pas manqué de contester la facture de 31.275, 04 euros ; qu'il ajoute que la société AIP Batifort ayant tenté de régulariser la situation auprès de la SCI Casa, il apprenait que les deux factures avaient été payées par la SCI Casa par virements sur le compte de la société AIP Batifort au Crédit du Nord, dont la facture révisée par l'architecte payée le 9 septembre 201(1) ; que cependant, la société AIP ne pouvait rembourser cette somme en raison du ralentissement de son activité ; que c'est ainsi que la SCI Casa informait la banque qu'elle avait réglé la première facture de 51.691,88 euros et que la seconde n'était pas comptabilisée dans ses livres ; que M. E... estime que la banque BCP a donc engagé sa responsabilité en n'adressant pas à la SCI Casa la notification de cession de créances professionnelles ni l'acte d'acceptation conformément aux articles L 313-28, L 313-29 et L 313-35 du code monétaire et financier. Ce manquement constitue une faute de sa part qui prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter et qui lui aurait permis d'être déchargée ; que la banque fait valoir qu'elle n'avait aucune obligation de notifier les cessions de créances aux débiteurs ; que la cour relève que l'article L.313-28 du code monétaire et financier dispose que « L'établissement de crédit peut à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau.

A compter de cette notification, dont les formes sont fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L.313-35 le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit ou de la société de financement » ; que cette disposition ne fait pas obligation à l'établissement de crédit de notifier la cession de créance au débiteur et c'est donc à tort que M. E... invoque les dispositions du code monétaire et financier pour établir une telle obligation à la charge de la banque ; que la cour note au surplus que la SCI Casa a payé ses factures directement à la société AIP Batifort au mois de juillet et septembre 2011 alors que cette dernière a sollicité des délais de paiement à la banque le 30 septembre, soit à un moment où les factures avaient déjà été payées, ce qu'elle ne pouvait ignorer, et en invoquant un retard de paiement de la part de la SCI qui avait promis le règlement le 20 octobre 2011 ; que la cour considère que la caution, M. E..., gérant de la société AIP Batifort, ne peut dès lors se prévaloir d'une faute de la banque lui ayant causé un préjudice alors que la banque n'a commis aucune faute et qu'il avait personnellement connaissance du paiement par la SCI Casa des factures cédées avant même de solliciter des délais à la banque » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « Sur la responsabilité de la Banque BCP et le respect des articles L. 313-28 et L. 313-29 du code monétaire et financier et sur la cession de créance : que M. E... conclut à la responsabilité de la Banque BCP au motif qu'en application des articles L. 313-28, 29 et 35 du Code monétaire et Financier, cette dernière avait l'obligation de notifier par lettre recommandée avec accusé de réception la cession de créances professionnelles et qu'elle aurait engagé sa responsabilité ; que les pièces versées aux débats et notamment les deux courriers du juillet et 3 août 2011, la correspondance du 28 décembre 2011, ainsi que l'attestation de la SCI Casa, justifient la cession de créances dans son principe ; que la notification de cession de créances par lettre recommandée avec accusé de réception est facultative ; que les créances ont été versées sur le compte de la société AIP Batifort et que M. E... n'a subi aucun préjudice ; que rien ne fait disparaître la créance, la créance est conforme et la Banque BCP n'a commis aucune faute particulière susceptible d'engager sa responsabilité à l'encontre de M. E... ; qu'il ressort des pièces versées aux débats et des explications fournies que la créance est certaine, liquide et exigible ; qu'en conséquence, il y a lieu de recevoir la banque BCP en sa demande en principal et de la déclarer bien fondée » ;

Alors que devant la cour d'appel, M. E... demandait à être déchargé de son engagement de caution par application de l'article 2314 du code civil en faisant valoir qu'en ne notifiant pas la cession Dailly à la SCI Casa, la banque BCP avait nui à ses intérêts en qualité de caution ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner M. E... à payer à la banque BCP la somme de 78 815,24 ¿ TTC augmentée des intérêts au taux légal, que l'article L. 313-28 du code monétaire et financier ne fait pas obligation à l'établissement de crédit de notifier la cession au débiteur, sans rechercher si une telle faculté n'était pas devenue impérative afin que les droits de M. [...], en sa qualité de caution, soient préservés, la banque a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil.

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