3 novembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-21.204

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2016:C201583

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES - Prestations - Bénéficiaires - Enfant mineur étranger résidant en France - Conditions - Production du certificat médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration - Portée

Selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, bénéficient des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées dès lors qu'ils justifient de la régularité de leur situation par la production de l'un des titres ou documents énumérés par l'article D. 512-2 du même code. Selon l'article 8 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Abidjan le 21 septembre 1992, publiée par le décret n° 95-436 du 14 avril 1995, les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le chef de famille régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial. Aux termes de l'article 35, § 1, de la convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Côte d'Ivoire en matière de sécurité sociale, publiée par le décret n° 87-123 du 19 février 1987, les travailleurs salariés de nationalité ivoirienne, occupés sur le territoire français, bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité ivoirienne doit justifier de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France, par la production du certificat de contrôle médical de l'enfant délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES - Prestations - Bénéficiaires - Enfant mineur étranger résidant en France - Régularité du séjour en France - Appréciation - Modalités - Détermination

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES - Prestations - Bénéficiaires - Enfant mineur étranger résidant en France - Conditions - Production du certificat médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration - Cas - Application de la Convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire en matière de sécurité sociale

Texte de la décision

CIV. 2

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 novembre 2016




Cassation


Mme FLISE, président



Arrêt n° 1583 FS-P+B+R

Pourvoi n° G 15-21.204


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [R] [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2015.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse d'allocations familiales (CAF) de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 7 mai 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à Mme [R] [E], domiciliée [Adresse 1],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 septembre 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Olivier, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, MM. Cadiot, Poirotte, Mmes Depommier, Belfort, Burkel, Vieillard, conseillers, M. Hénon, Mmes Moreau, Palle, Le Fischer, conseillers référendaires, Mme Lapasset, avocat général référendaire, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Olivier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la caisse d'allocations familiales de [Localité 1], de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de Mme [E], l'avis de Mme Lapasset, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, 35, § 1, de la convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire en matière de sécurité sociale, publiée par le décret n° 87-123 du 19 février 1987, et 8 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Abidjan le 21 septembre 1992, publiée par le décret n° 95-436 du 14 avril 1995 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que bénéficient des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées dès lors qu'ils justifient de la régularité de leur situation par la production de l'un des titres ou documents énumérés par le deuxième ; que, selon le dernier, les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le chef de famille régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial ; que, selon le troisième, les travailleurs salariés de nationalité ivoirienne, occupés sur le territoire français, bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité ivoirienne doit justifier, par la production des documents mentionnés au deuxième des textes susvisés, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France ;

Attendu que pour faire droit à ce recours, l'arrêt retient que les dispositions de la convention générale de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre la France et la Côte d'Ivoire, claires et précises et dont l'application n'est subordonnée à aucun autre texte, ont un effet direct sur la situation des ressortissants de chacun des pays concernés ; qu'elles garantissent aux ressortissants ivoiriens résidant légalement en France et y exerçant une activité salariée ou assimilée une égalité de traitement pour l'ouverture des droits aux prestations familiales et que la législation française ne doit donc pas les soumettre à des conditions plus rigoureuses que celles applicables aux personnes de nationalité française ; qu'en l'espèce, Mme [E], qui exerçait une activité salariée ou assimilée, remplissait les autres conditions d'attribution des prestations familiales tenant à la régularité du séjour en France et à la charge effective et permanente des enfants ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme [E] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales de [Localité 1].

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait droit à la demande de Mme [E] d'attribution de prestations familiales pour la période courant entre le mois de novembre 2009 et le mois de juillet 2013 et d'AVOIR ordonné à la CAF de [Localité 1] de procéder au réexamen et de liquider les droits de Mme [E] au titre des prestations familiales dues du chef de l'enfant [U] [O] entre le mois de novembre 2009 et le mois de juillet 2013 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de la convention générale de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre la France et la Côte d'Ivoire, les ressortissants ivoiriens exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 4, applicables en France, et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit, dans les mêmes conditions que les ressortissants français ; qu'il n'est pas contesté que la législation française fixant l'organisation de la sécurité sociale et celle relative aux prestions familiales relèvent de la cette convention ; que l'article 35 de la convention prévoit d'ailleurs que "les travailleurs salariés de nationalité ivoirienne occupés sur le territoire français bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française" ; que les dispositions de cette convention sont claires et précises et leur application n'est subordonnée à aucun autre texte ; qu'elles ont donc un effet direct sur la situation des ressortissants de chacun des pays concernés ; que ces dispositions garantissent aux ressortissants des deux pays parties à la convention une égalité de traitement pour l'ouverture des droits aux prestations familiales ; qu'il en résulte l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité ; qu'ainsi, les ressortissants ivoiriens résidant légalement en France et y exerçant une activité salariée ou assimilée sont traités de la même manière que les ressortissants français ; que la législation française ne doit donc pas les soumettre à des conditions plus rigoureuses que celles applicables aux personnes de nationalité française pour l'attribution des prestations familiales ; qu'en l'espèce, la fille de Mme [E] est entrée en France en dehors de la procédure de regroupement familial ; que le bénéfice des prestations familiales a été refusé à l'intéressée au motif qu'elle ne produisait pas le certificat médical exigé par l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il s'agit d'une condition imposée uniquement aux étrangers ressortissants des pays non européens ; qu'en revanche, les autres conditions d'attribution des prestations familiales tenant à la régularité du séjour en France de Mme [E] et à la charge effective et permanente des enfants étaient réunies ; qu'il ressort de son titre de séjour que l'intéressée était autorisée à exercer toute profession en France dans le cadre de la législation en vigueur durant toute la période où elle a demandé le bénéfice des prestations familiales ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté les dispositions des articles L 512-2, D 512-1 et D 512-2 du code de la sécurité sociale qui imposent des conditions plus rigoureuses aux seuls étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la confédération suisse en méconnaissance de la convention bilatérale franco-ivoirienne garantissant aux ressortissants des deux pays l'égal accès aux prestations familiales, dans les mêmes conditions que les nationaux ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il reconnaît à Mme [E] le droit aux prestations familiales en faveur de son enfant [U] [O] ; que pour limiter ce droit à la période comprise entre septembre 2009 et novembre 2010, le jugement énonce qu'à compter de cette dernière date, Mme [E] a été arrêtée suite à un accident du travail et était ensuite en recherche d'emploi ; que toutefois le droit aux prestations familiales des travailleurs salariés ou assimilés ne se perd ni en cas de suspension temporaire de leur activité, pendant un arrêt de travail, ni en cas de privation involontaire d'emploi donnant lieu à une indemnisation ; que Mme [E] était donc bien en droit de percevoir les prestations familiales entre novembre 2010 et juillet 2013, date à laquelle, selon les relevés établis par Pôle-Emploi, l'indemnisation du chômage a pris fin ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il limite au mois de novembre 2010 le droit aux prestations familiales alors qu'il se prolongeait jusqu'au mois de juillet 2013 ; qu'en tout état de cause, les intérêts ne peuvent courir qu'à compter du jour où Mme [E] a demandé le versement des prestations et du jour de chaque échéance ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme [E] invoque également les dispositions de la convention générale du 16 janvier 1985 de sécurité sociale entre la France et la Côte d'Ivoire entrée en vigueur le 1er janvier 1987 ; que l'article 1 de cette convention prévoit que les travailleurs ivoiriens exerçant en France une activité salariée ou assimilée à une activité salariée sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 4 de cette même convention applicables en France et en bénéficient ainsi que leur ayant droits dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces Etats ; que l‘article 4 de la convention précitée renvoie notamment à la législation sur les prestations familiales ; que l'article 35 sur les prestations familiales prévoit également que « les travailleurs salariés de nationalité ivoirienne occupés sur le territoire français bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française » ; qu'il apparaît ainsi que ni l'article 1 ni l'article 35 de cette convention ne subordonne le droit aux prestations familiales pour les travailleurs ivoiriens aux conditions prévues par la législation française relatives à la régularité du séjour en France de leurs enfants,


ALORS QUE contrairement aux accords euro-méditerranéens instituant une égalité de traitement entre les ressortissants communautaires et ceux des pays signataires et pourvus d'un effet direct en droit interne, les conventions bilatérales conclues en matière de sécurité sociale n'établissent pas d'égalité de traitement avec les nationaux du pays d'accueil, mais ont seulement pour objet de coordonner les législations de sécurité sociale des deux états contractants ; que la convention bilatérale conclue entre la France et la Côte d'Ivoire le 16 janvier 1985 ne dispense donc pas une ressortissante ivoirienne de justifier de l'obtention du certificat médical délivré par l'OFII pour obtenir des prestations familiales en France en faveur d'un enfant né en Côte d'Ivoire ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les dispositions de la Convention de sécurité sociale conclue entre la France et la Côte d'Ivoire le 16 janvier 1985 et les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ;

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