11 juin 2020
Cour d'appel de Douai
RG n° 18/04875

CHAMBRE 2 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 11/06/2020



****





N° de MINUTE :20/

N° RG 18/04875 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RZYX



Jugement (N° 2017J00121) rendu le 30 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque







APPELANT



M. [L] [V]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 8], de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Franck Cardon, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Laura Nowak, avocat au barreau de Dunkerque



INTIMÉES



Mme [R] [V] ès qualités de gérante de la SARL HEP

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 8], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Hugues Febvay, avocat au barreau de Dunkerque



PARTIE INTERVENANTE



SARL HEP représentée par sa gérante Mme [R] [D]

ayant son siège social [Adresse 6]

signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 10 octobre 2018 à personne (gérante, Mme [R] [V])

N'ayant pas constitué avocat



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Anne Molina, conseiller

Geneviève Créon, conseiller

---------------------



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Stéphanie Hurtrel



DÉBATS à l'audience publique du 23 janvier 2020 après rapport oral de l'affaire par Véronique Renard

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.







ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juin 2020 après prorogation du délibéré initialement prévu le 09 avril 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 décembre 2019



****





Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 30 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque qui a notamment :

- écarté la fin de non-recevoir présentée en défense,

- mais au fond, débouté Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Madame [V] et l'a condamné à payer à celle-ci la somme de

2.000 euros pour indemnité procédurale,

- condamné Monsieur [V] aux dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 99,31 euros,




Vu l'appel partiel interjeté le 24 août 2018 par M. [L] [V],



Vu les dernières conclusions n° 3 dont le dispositif est expurgé des demandes qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 juin 2019 par M. [L] [V] qui demande à la cour de :

- juger son appel recevable et bien-fondé,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque du 31 juillet 2018, conformément à la déclaration d'appel du 24 août 2018,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque du 31 juillet 2018 en ce qu'il a rejeté l'irrecevabilité soulevée par Madame [V],

Statuant à nouveau, sur le fond,

- juger l'action ut singuli recevable,

Par suite,

- juger que les agissements de Madame [V] sont constitutifs d'un manquement à son obligation de loyauté et de fidélité tant vis-à-vis de Monsieur [V] (associé minoritaire) que vis-à-vis de la société HEP dont elle est dirigeante et caractérisent une faute de gestion,

En conséquence,

- juger que la responsabilité civile personnelle de Madame [V] est engagée à l'égard de la société HEP au titre d'une faute de gestion,

- juger que la responsabilité civile personnelle de Madame [V] est engagée à l'égard de Monsieur [V] en sa qualité d'associé minoritaire,

- condamner Madame [V] à verser à la société HEP une somme qui ne saurait être inférieure à 612.819,54 euros au titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner Madame [V] à verser à Monsieur [V] une somme qui ne saurait être inférieure à 193.521,96 euros au titre de dommages et intérêts résultant de la dévalorisation de ses parts et des dividendes qu'il aurait pu percevoir, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner Madame [V] à verser à Monsieur [V] une somme qui ne saurait être inférieure à 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

En tout état de cause,



- condamner Madame [V] à payer à Monsieur [V] la somme de 11.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

- débouter l'intimé de toutes ses demandes, prétentions, fins et moyens,



Vu les dernières conclusions dont le dispositif est également expurgé des demandes qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 novembre 2019 par Mme [R] [V] qui demande à la cour de :

- juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Monsieur [V] à l'encontre du jugement prononcé par le tribunal de commerce de Dunkerque et de recevoir la concluante en son appel incident,

- juger irrecevable et en tout cas mal fondées les prétentions de Monsieur [V] faute de désignation d'un mandataire ad hoc appelé à représenter dans la présente procédure la société HEP,

- en conséquence, juger irrecevables les demandes de Monsieur [V] sauf à ce qu'il justifie avoir régularisé sa procédure dans le cadre de la désignation d'un mandataire ad hoc,

- juger que Madame [V] n'a commis aucune faute au préjudice de la société HEP,

- juger en conséquence mal fondée l'action ut singuli intentée par Monsieur [V] et l'en débouter,

- débouter Monsieur [L] [V] de l'ensemble de ses chefs de demandes et prétentions,

- le condamner à payer à Madame [V] la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,



Vu la signification de la déclaration d'appel à la société HEP, partie non constituée, selon acte d'huissier du 10 octobre 2018,



Vu l'ordonnance de clôture du 5 décembre 2019 ;






SUR CE,



Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.



Il sera simplement rappelé que la société HEP ayant pour objet social l'exploitation d'un café, bar et brasserie, a été constituée le 5 mai 2014 entre M. [L] [V], sa s'ur Mme [R] [V] qui en était la gérante, ainsi que le compagnon de cette dernière M. [E] [D].



Par acte notarié du 17 juillet 2014, un bail commercial portant sur un local à usage commercial situé [Adresse 5] comprenant un rez-de-chaussée d'environ 100m2 et un sous-sol composé d'une cave d'environ 20 m2 a été conclu rétroactivement à compter du 26 mai 2014 moyennant un loyer mensuel de 1.500 euros HT.



En 2016, le bailleur a décidé de céder l'immeuble loué par la société HEP et en a alors avisé Mme [R] [V]. Mme [V] et M. [D] se sont personnellement portés acquéreurs en formulant directement une offre de rachat auprès du vendeur, sans en informer M. [L] [V].









Par acte d'huissier du 1er septembre 2017, M. [L] [V] a fait assigner

Mme [R] [V] et la société HEP devant le tribunal de commerce de Dunkerque en responsabilité sur le fondement de l'action ut singuli et en réparation de son préjudice personnel.





Sur la recevabilité des demandes



La cour relève en premier lieu qu'aucune des parties n'a fait signifier ses écritures à la société HEP partie défaillante. Pour autant les demandes de M. [L] [V] ne sont pas faites contre la société HEP mais à son profit, et Mme [R] [V] ne forme pas plus de demande à l'encontre de la société HEP.



Mme [R] [V] conclut à l'irrecevabilité des demandes de M. [L] [V] faute de désignation d'un mandataire ad hoc appelé à représenter dans la présente procédure la société HEP. Elle expose que ses intérêts sont divergents de ceux de la société HEP et que cette dernière n'est pas valablement représentée dans le cadre de la procédure.



Il résulte de l'article L223-22 du Code de commerce que le gérant d'une société est tenu à l'égard tant de la société que de ses associés à une obligation de loyauté et qu'il engage sa responsabilité si l'inexécution de cette obligation engendre un préjudice.



Selon l'article R223-32 du même code :

'Lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs associés, agissant soit individuellement, soit dans les conditions prévues à l'article R. 223-31, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux.

Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l'instance, lorsqu'il existe un conflit d'intérêt entre celle-ci et ses représentants légaux'.



Ainsi, la loi autorise l'exercice de l'action sociale par un associé agissant individuellement à l'effet d'obtenir, outre l'allocation de dommages et intérêts à son profit, l'allocation de dommages et intérêts au profit de la société. Il s'agit donc d'un droit propre des associés de présenter des demandes en réparation au profit de la société.



En conséquence, si l'action ut singuli exige, en raison de sa nature sociale, la mise en cause régulière de la société par l'intermédiaire de son représentant légal, l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action.



La fin de non recevoir soulevée par l'action de Mme [R] [V], qui ne sollicite pas elle-même une telle désignation d'un mandataire ad hoc et qui au demeurant ne forme aucune demande à l'encontre de la société HEP, sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef.





Sur la faute de gestion reprochée à Mme [V]



L'action ut singuli de M. [L] [V] est fondée sur le droit commun des sociétés en vertu duquel le gérant d'une société est tenu d'une obligation de loyauté et ne doit pas commettre de faute de gestion. Il reproche à Mme [R] [V], gérante de la SARL HEP, d'avoir gardé le silence quant au projet de cession de l'immeuble d'exploitation de la société HEP et des garages associés, d'avoir acquis par l'intermédiaire de la SCI des Collieres l'ensemble immobilier litigieux au détriment des intérêts de la société HEP et d'avoir ainsi commis des fautes de gestion qui ont causé un préjudice direct et certain tant à la société HEP qu'à lui-même en sa qualité d'associé minoritaire de ladite société.



Mme [R] [V] fait valoir en substance qu'elle n'a réalisé aucune manoeuvre au préjudice de son frère ou de la société HEP, laquelle n'avait pas pour objet social l'acquisition de biens immobiliers et ne disposait d'aucune capacité financière à procéder à l'acquisition des locaux litigieux ; elle ajoute que le bailleur n'avait aucune obligation de notifier à l'un de ses locataires le projet de cession globale, raison pour laquelle le notaire du bailleur s'est contenté d'une présentation informelle et orale de la mise en vente d'un ensemble immobilier et qu'elle n'avait elle-même aucune raison de convoquer une assemblée générale des associés de la société HEP pour les informer de la mise en vente d'un ensemble immobilier comprenant notamment le bien constituant le local commercial au sein duquel le fonds de commerce était exploité ; elle poursuit en indiquant que son frère, [L] [V], était informé de la vente de l'immeuble par les anciens propriétaires et se prévaut à l'appui de cette affirmation d'attestations dont celle de M. [D], ainsi que du courrier que lui a adressé M. [V] le 2 mars 2017.



Il est constant que figure parmi les obligations du dirigeant social celle de veiller et d'agir en toute circonstance dans l'intérêt exclusif de la société et qu'à ce titre, son comportement ne doit pas affecter la situation ou le développement économique de la société. De façon plus générale, il est tenu d'agir en toutes circonstances de bonne foi dans l'intérêt de la société et de ses associés. Il convient donc en l'espèce de rechercher si Mme [R] [V] a agi dans le respect de cette obligation.



Mme [R] [V] a, en sa qualité de gérante de la société HEP, été avertie par le bailleur et/ou le notaire habituel des parties que le bailleur entendait céder une partie de son patrimoine immobilier, dont principalement l'immeuble exploité par la société HEP et les garages attachés, et M. [L] [V] démontre avoir eu connaissance de cette information par un tiers.



A cet égard l'attestation de M. [D] selon laquelle les trois associés étaient informés de la décision de la fille des propriétaires de procéder à la vente de l'ensemble immobilier ne peut emporter la conviction de la cour dès lors que le témoin est le concubin de Mme [V], lui-même associé de la société HEP et par ailleurs cogérant avec Mme [V] de la SCI des Collières crée spécifiquement en vue de l'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 7].



Les autres attestations produites par Mme [R] [V] selon lesquelles

M. [L] [V] était présent lors de l'annonce de la mise en vente de l'immeuble le 18 septembre 2016, sont tout aussi dénuées de portée, quel que soit l'endroit, le jour ou l'heure où M. [V] fêtait son anniversaire, dès lors que les témoins ne font état que d'une prétendue discussion informelle entre le notaire et

Mme [V] à laquelle aurait assisté M. [V], ce d'autant qu'il résulte aussi d'un autre témoignage que Mme [V] a indiqué courant janvier 2017 que l'immeuble n'était pas à vendre et qu'en tout état de cause il n'était pas dans ses intentions de l'acheter.



Enfin le courrier de M. [L] [V] adressé à sa soeur Mme [V] le 2 mars 2017, soit 12 jours avant la signature de l'acte de vente du bien intervenue le 14 mars 2017, resté sans réponse, et aux termes duquel, ce dernier se fondant sur la croyance erronée de l'existence d'un droit de préemption au profit de la société HEP, sollicitait des informations 'sur la vente de l'immeuble' n'est pas de nature à dispenser Mme [V], dirigeante de la société HEP, de sa propre obligation de loyauté et d'information en cette qualité.



Il résulte de ces éléments qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières constituée à cet effet le 23 décembre 2016 et immatriculée le 3 février 2017, et dont elle est cogérante avec son concubin M. [D], Mme [R] [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société tant à l'égard de la société HEP en tant que personne morale qu'à l'égard de M. [L] [V] en tant qu'associé. Elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité et susceptible de causer un préjudice.





Sur le préjudice



S'agissant de la société HEP, l'appelant invoque la perte de chance de préserver ses intérêts et limiter tout risque de contentieux lié à un bail commercial, de réaliser des économies quant au règlement des loyers commerciaux, de réaliser des profits sur l'exploitation de son patrimoine immobilier et d'accroître les actifs immobilisés et donc le gage de ses créanciers.



M. [L] [V] fait ainsi valoir que la société HEP a perdu une chance certaine d'acquérir l'immeuble en cause et de réaliser de substantielles économies et de réels profits. Il indique que la société HEP aurait eu la capacité financière d'acquérir l'immeuble, notamment avec son intervention, et qu'elle avait d'ailleurs tout intérêt à l'acquérir, que le bail qui lui est consenti par la SCI Des Collières pour la location des locaux servant à l'exploitation de son fonds de commerce représente à lui seul un loyer mensuel de 1.950 euros et que l'ensemble des loyers perçus par la SCI des Collières s'élèverait a minima à la somme de 2.430 euros chaque mois, que le bénéfice mensuel minimal est donc de 2.880 euros une fois le crédit amorti sur 15 ans et verse aux débats en pièce n° 15 un 'tableau de calcul du préjudice de la société HEP actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble' chiffrant le préjudice de la société HEP sur une durée de 30 ans à la somme de 645.073, 20 euros.



S'agissant de son propre préjudice, M. [L] [V] invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre ultérieurement ses parts sociales avec valorisation. Compte tenu du fait qu'il détient 30 % du capital de la société HEP, il évalue son préjudice personnel à la somme de 193.521, 96 euros selon 'tableau de calcul du préjudice de M. [V] actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble' qu'il produit en pièce n° 16. Enfin il invoque un préjudice moral résultant du fait que la gérante de la société HEP est sa soeur en qui il avait pleine confiance, ajoutant que sans son intervention financière, la société HEP n'aurait pas pu exister ni prospérer et qu'il se retrouve désormais associé minoritaire dans une société au climat délétère, qu'il évalue à la somme de 15.000 euros



Mme [R] [V] réplique que la société HEP ne pouvait réaliser une opération immobilière, qu'elle n'a subi aucun préjudice ni n'a été écartée d'aucun profit potentiel faute pour elle de disposer des ressources qui lui auraient permis l'acquisition de ses locaux d'exploitation, que la société est titulaire d'un bail commercial notarié et bénéficie donc de la garantie accordée par le statut des baux commerciaux à tout locataire commercial, en ce compris le droit au renouvellement. Elle ajoute que les réclamations personnelles de M. [V] font le cas échéant double emploi puisque celui-ci ne peut à la fois voir reconstituer par une action ut singuli un actif social dont il serait bénéficiaire au prorata de sa détention dans le capital social, et formuler par ailleurs la même demande à l'encontre de la même personne physique que celle qui aurait à restaurer l'actif social.



Il résulte des statuts de la société HEP que celle-ci avait notamment pour objet social d'acquérir l'immeuble litigieux dès lors qu'il permettait de sauvegarder directement ou indirectement ses intérêts commerciaux ou financiers. La société HEP a donc été privée de la possibilité de faire entrer dans son patrimoine un immeuble dont la valeur a été estimée à 345.000 euros en 2017.



Par ailleurs, si la société HEP n'avait manifestement pas les capacités financières de procéder à l'acquisition de l'immeuble, M. [L] [V] se plaignant lui-même de difficultés dans un courrier adressé à Mme [R] [V] daté du 11 mars 2019 et faisant suite à une assemblée du 11 décembre 2018, il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire, la SCI des Collières, cogérée par Mme [R] [V] ayant elle-même acquis l'immeuble au moyen d'un prêt consenti par la Banque Populaire du Nord, remboursable en 15 ans par mensualités de

2.176,26 euros avec un taux d'intérêt de 1, 5 % selon l'acte de cession versé aux débats. Enfin l'acquisition de l'immeuble rendait nécessairement le bail commercial dont bénéficie la société HEP sans objet et la demande de remboursement de son compte courant d'associé par M. [L] [V] n'a aucune incidence sur le préjudice subi par la société HEP.



Le loyer mensuel de la société HEP est à ce jour de 1.950 euros. Le coût du crédit octroyé à la SCI des Collières pour l'acquisition de l'immeuble est de 2.176, 26 euros sur une durée de 15 ans et la SCI perçoit actuellement des revenus locatifs de 750 euros par mois qui seront portés à 810 euros mensuels lorsque le deuxième garage sera loué, et dont devront être déduites les charges foncières imputables au propriétaire.



Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la perte de chance de la société HEP doit être fixée à la somme de 50.000 euros.



S'agissant du préjudice personnel de M. [L] [V], celui-ci invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre à meilleur prix ses parts sociales. L'indemnisation de ce préjudice personnel ne fait pas double emploi avec celui subi par la société dès lors qu'il est expressément prévu par l'article L223-22 du Code du commerce en sus de l'action sociale en responsabilité contre les gérants.



Il est rappelé que les dividendes n'ont pas d'existence juridique avant l'approbation de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé.



Ces conditions multiples, ajoutées au fait qu'en l'espèce Mme [R] [V] et M. [D] sont associés majoritaires de la SARL HEP rendent la perte de chance invoquée par M. [L] [V] totalement incertaine. Par ailleurs, s'il est possible de considérer que l'acquisition des murs aurait augmenté la valeur de la société, encore aurait-il fallu que celle-ci ait pu supporter le remboursement total du prêt d'acquisition, ce qui n'est pas plus certain en l'espèce.



Il en résulte que M. [L] [V] qui ne démontre pas une perte de chance certaine, doit être débouté de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice personnel.







Il a en revanche subi un préjudice moral de par la perte de confiance en son associée, qui est par ailleurs sa soeur, qui sera réparée par l'octroi de la somme de 3.000 euros.





Sur les autres demandes



Mme [R] [V], qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Enfin M. [L] [V] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.



PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement rendu le 30 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque sauf en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [R] [V].



Statuant dans cette limite,



Dit qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [R] [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté tant à l'égard de la société HEP qu'à l'égard de M. [L] [V] engageant sa responsabilité.



Condamne Mme [R] [V] à verser à la société HEP la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts, ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.



Condamne Mme [R] [V] à verser à M. [L] [V] la somme de

3.000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.



Condamne Mme [R] [V] à verser à M. [L] [V] la somme de

5.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.



Rejette de surplus des demandes.



Condamne Mme [R] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Le greffierLe président







Stéphanie HurtrelVéronique Renard

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