10 novembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-25.113

Troisième chambre civile - Formation plénière de chambre

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C301222

Titres et sommaires

PROPRIETE - Droit de propriété - Atteinte - Applications diverses - Construction empiétant sur le fonds voisin - Démolition - Etendue - Démolition partielle de la construction - Recherche nécessaire

Prive de base légale sa décision au regard des articles 544 et 545 du code civil une cour d'appel qui ordonne la démolition totale d'une construction empiétant sur un fonds sans rechercher, comme il le lui est demandé, si un rabotage du mur n'est pas de nature à mettre fin à l'empiétement constaté

Texte de la décision

CIV.3

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 novembre 2016




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1222 FP-P+B

Pourvoi n° H 15-25.113






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [G] [C], domicilié [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2015 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [R],

2°/ à Mme [Z] [M], épouse [R],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

3°/ à M. [T] [P],

4°/ à Mme [W] [F], épouse [P],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 octobre 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Meano, conseiller référendaire rapporteur, M. Jardel, Mme Masson-Daum, conseillers doyens, Mme Brenot, MM. Pronier, Echappé, Nivôse, Maunand, Parneix, Mmes Andrich, Le Boursicot, M. Bureau, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, M. Barbieri, Mme Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Abgrall, Proust, Corbel, Guillaudier, Georget, Renard, Collomp, M. Jariel, Mme Djikpa, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Meano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. [C], de Me Rémy-Corlay, avocat de M. et Mme [R] et de M. et Mme [P], l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 544 et 545 du code civil ;

Attendu que, pour ordonner la démolition totale du bâtiment, l'arrêt retient qu'il empiète sur le fonds de M. et Mme [P], que les considérations de l'expert selon lequel l'empiétement représenterait une bande d'une superficie de 0,04 m² sont inopérantes au regard des dispositions des articles 544 et 545 du code civil et que cet empiétement fonde la demande de démolition de la construction litigieuse ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si un rabotage du mur n'était pas de nature à mettre fin à l'empiétement constaté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il condamne M. [C] à démolir le bâtiment édifié sur sa parcelle [Cadastre 3], [Adresse 3]) et dit que cette démolition devra être achevée dans un délai de six mois de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai, l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne les consorts [P]-[R] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts [P]-[R] et les condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. [C] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. [C].

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR condamné M. [G] [C] à démolir le bâtiment édifié sur sa parcelle [Cadastre 3], [Adresse 3]) et d'AVOIR dit que cette démolition devrait être achevée dans un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé ce délai ;

AUX MOTIFS QUE l'expert [L] ne conteste pas que l'emplacement des bornes anciennes (2 et 20) est connu, indiquant par ailleurs « jouxtant la propriété des époux [P], l'angle (3) Sud-Ouest est en retrait de 4 cm et l'angle (18) Nord-Ouest empiète de 2 cm » ; que cet empiètement est confirmé par le fait que la distance entre les bornes 1 et 2, implantées en 1970 et qui garent toute leur valeur au plan juridique aujourd'hui, était de 21,47 en 1970 et n'est plus que de 21,32 m en 2010 ; qu'ainsi l'empiètement du bâtiment édifié par [G] [C] sur le fond des époux [P] est parfaitement établi tant en ce qui concerne le bâtiment lui-même qu'en ce qui concerne les tuiles de rive pour lequel il n'était pas contesté par [G] [C] qu'il n'y avait cependant toujours pas apporté remède le jour où le tribunal a statué ; qu'ainsi les époux [P] font justement grief aux premiers juges d'avoir considéré que l'empiètement n'était pas établi par référence à des parcelles non concernées par le présent litige, les premiers juges semblant avoir été sensibles au développement de l'expert selon lequel l'empiètement représenterait une bande d'une superficie de 0,0 4 m², considération inopérante au regard des dispositions des articles 544 et 545 du Code civil ; que cet empiètement de la construction de [G] [C] sur le fonds des époux [P] fonde la demande de démolition de la construction litigieuse sollicitée par les appelants, sans qu'il soit nécessaire d'aller plus loin dans l'analyse des moyens de ces derniers ; qu'ainsi la démolition sera ordonnée dans les termes du dispositif ci-après le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ;

1°) ALORS QU'il appartient au juge d'apprécier la proportionnalité d'une sanction en ayant égard à ses conséquences et aux intérêts et droits en présence ; qu'en condamnant M. [G] [C] à démolir l'intégralité du bâtiment qu'il avait édifié sur sa parcelle sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si une telle sanction n'était pas disproportionnée eu égard au caractère minime de l'empiètement en cause, de l'ordre de 0,04 m², la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 545 du code civil ;

2°) ALORS QUE nul ne peut user de son droit de propriété de façon abusive ; qu'en condamnant M. [G] [C] à la destruction de l'intégralité du bâtiment qu'il avait édifié sur sa parcelle sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la persistance des consorts [P] à solliciter une telle sanction en dépit du caractère très minime de l'empiètement, de l'ordre de 0,04 m², ne procédait d'une malveillance et d'un acharnement constitutifs d'un abus de droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 545 du code civil ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le propriétaire du fonds sur lequel empiète une construction n'a le droit qu'à la cessation de l'empiètement ; qu'en refusant, pour condamner M. [G] [C] à démolir l'intégralité du bâtiment qu'il avait édifié, en ce compris la partie se trouvant sur sa propre parcelle, de déterminer la mesure exacte de l'empiètement afin de ne supprimer que la fraction dépassant sur le fonds voisin, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil.

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