18 juin 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/03691

Chambre 1-9

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2020



N° 2020/322













N° RG 18/03691 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCBEK







Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE JOFFRE





C/



[P] [U]

[C] [I] épouse [U]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me ERMENEUX

Me HENTZ





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00094.



APPELANTE



La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE JOFFRE Société Coopérative de Crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée, immatriculée au R.C.S de NICE sous le numéro 782 587 638, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-marie LESTRADE de la SELARL LESTRADE-CAPIA, avocat au barreau de GRASSE,





INTIMES



Monsieur [P] [U]

né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 6], demeurant Boulangerie 'l'artiste pain', [Adresse 4]



représenté par Me Frédéric HENTZ, avocat au barreau de NICE



Madame [C] [I] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5], demeurant Boulangerie 'l'artiste pain', [Adresse 4]



représentée par Me Frédéric HENTZ, avocat au barreau de NICE













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller









Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVIGNAC.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2020.



A cette date, le prononcé de la décision a été prorogé à ce jour suite aux mesures gouvernementales prévues par la loi n° 2020-290 du 23 Mars 2020 relative à l'état d'urgence sanitaire.



ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2020



Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVIGNAC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***





















































EXPOSE DU LITIGE



Par acte notarié du 7 mars 2007, la caisse de CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE a consenti aux époux [U] un prêt personnel d'un montant de 170.000 € avec la caution solidaire des époux [I] et affectation hypothécaire par ces derniers, d'un bien immobilier leur appartenant. Le prêt était d'une durée de 180 mois au taux effectif global de 5,306% l'an, consenti pour l'acquisition de parts sociales de société.



Le 3 janvier 2017, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE a fait pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires de monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U], ouverts dans les livres du Crédit Agricole pour paiement d'une somme de 39 075,93 € en exécution de la copie exécutoire de l'acte notarié en du 27 mars 2007.



Les époux [U] ont contesté la saisie-attribution devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice qui, par jugement du 12 Février 2018, a :

-annulé le procès-verbal de saisie attribution du 3 janvier 2017 et la dénonciation du 11 janvier 2017 pratiqués en exécution d'un titre prescrit,

-débouté la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE de sa demande formulée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE à payer à monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE aux dépens.



Par déclaration du 27 février 2018, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE a interjeté appel du jugement du juge de l'exécution notifié par lettre recommandée du greffe dont l'avis de réception est revenu non daté.



Selon ordonnance d'incident du 20 décembre 2018 qui n'a fait l'objet d'aucune requête en déféré, la présidente déléguée a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 19 juillet 2018 par les époux [U].



Dans des conclusions notifiées le 20 avril 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE demande à la cour de :

-réformer le jugement déféré,

-dire que le prêt accordé à monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U] est un prêt professionnel de par sa nature et son objet,

-juger que, dans le cadre de ce prêt, monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U] n'ont pas la qualité de consommateurs,

-juger en conséquence applicable la prescription de droit commun de cinq ans,

-dire valable la saisie-attribution,



-condamner les époux [U] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.



La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE soutient que le prêt consenti aux époux [U] est un prêt professionnel consenti pour l'acquisition de parts sociales d'une société ayant une activité de boulangerie, monsieur [P] [U] étant boulanger salarié de la société dont il a acquis les parts, et son épouse, vendeuse salariée de la société.

Elle soutient ainsi que les époux [U] n'ont pas qualité de consommateurs et que la prescription applicable au prêt n'est pas de 2 ans, comme l'a à tort retenu le premier juge, mais de 5 ans, ce délai ayant été interrompu par le jugement du 13 janvier 2014 ordonnant la réalisation du bien, donné en garantie par les parents de madame [U], à compter duquel un nouveau délai de cinq ans a couru jusqu'au 13 janvier 2019. Sa créance n'est pas par conséquent prescrite.

Elle souligne que les époux [U] ont développé devant le premier juge des moyens tendant à qualifier le prêt litigieux de prêt personnel, auxquels elle s'oppose, soulignant que si l'acte mentionne 'prêt personnel', il convient de rechercher la commune intention des parties en vertu de l'article 1156 du Code Civil.



Par ordonnance du 12 mars 2020, l'instruction a été déclarée close et l'affaire plaidée à l'audience du même jour.




MOTIFS DE LA DÉCISION



L'appel tend à la réformation de la décision rendue par la juridiction du premier degré, de sorte que la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par les intimés doit, pour statuer, examiner les motifs du jugement.



C'est à tort que le premier juge a jugé prescrite l'action de la banque en recouvrement de sa créance dans le délai de 2 ans prévu à l'article L 137-2 du code de la consommation devenu depuis L218-2 du code de la consommation.



La banque objecte en effet à juste titre que le texte susvisé, selon lequel l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable au prêt litigieux dès lors que cette opération était destinée à financer l'acquisition de parts sociales, ce qui exclut que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs.



L'action en recouvrement de la créance de la banque est par conséquent soumise à la prescription de l'article L 110-4 du code de commerce ramenée à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.



Il résulte par ailleurs de la requête en fixation de la date de l'audience de vente forcée du bien immobilier des époux [I] et de l'ordonnance du juge de l'exécution immobilier du tribunal de grande instance de Grasse du 16 décembre 2013 fixant cette audience au 19 mars 2014 que :



-la banque a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière le 17 octobre 2012 aux époux [I], cautions du prêt litigieux, qu'elle a assignés par acte d'huissier du 22 octobre 2012 à l'audience d'orientation,

-par jugement d'orientation du 1er août 2013 confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 6 décembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi.



Ces actes et ces décisions de justice ont interrompu le délai de prescription quinquennale en vertu des articles 2241 et 2242 du code civil de sorte qu'au jour de la saisie-attribution du 3 janvier 2017, la créance de la banque n'était pas prescrite.



Il s'ensuit que le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.



Monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U] qui succombent seront condamnés à verser à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe de la cour d'appel,



Infirme en toutes ses dispositions la décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice en date du 12 février 2018,



Et statuant de nouveau et y ajoutant,



Constate que la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE n'est pas prescrite,



Valide la saisie-attribution du 3 janvier 2017 pratiquée par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE sur les comptes bancaires de monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U] ouverts dans les livres du Crédit Agricole,



Condamne monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U] à verser à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne monsieur [P] [U] et madame [C] [I] épouse [U] aux dépens de première instance et d'appel.



LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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