7 décembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-18.402

Chambre sociale - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:SO11086

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2016




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVET, conseiller le plus ancien faisant fonction de président



Décision n° 11086 F

Pourvoi n° N 15-18.402







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ la société [P], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société Sycomore, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 19 mars 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à M. [H] [O], domicilié [Adresse 1],

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 novembre 2016, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Basset, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Potier de La Varde, Buk Lament et Robillot, avocat des sociétés [P] et Sycomore, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. [O] ;

Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés [P] et Sycomore aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés [P] et Sycomore et les condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour les sociétés [P] et Sycomore.

Les sociétés [P] et Sycomore font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le contredit de compétence, dit qu'une relation salariée existait entre elles et M. [O], dans le cadre d'un co-emploi, à partir du mois de juin 2008, et d'avoir en conséquence déclaré le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour connaître des demandes du salarié au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

AUX MOTIFS QUE M. [O] soutient d'abord que les sociétés demanderesses au contredit ont eu à son égard, à compter du mois de juin 2008, la qualité de co-employeur, dès lors qu'ainsi qu'il l'a soutenu pour la période précédente, il existait une relation salariée entre lui et la société [P], qu'est caractérisée, entre cette société et la société Sycomore , dont elle était la filiale, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, et qu'enfin, il était également placé sous un lien de subordination direct à l'égard de la société Sycomore ; que pour prospérer, une telle argumentation suppose qu'il soit démontré, d'une part, qu'il existait pendant cette période une relation salariée entre l'une ou l'autre des sociétés Sycomore et [P] et M. [O] et, d'autre part, non seulement qu'il existait entre ces deux sociétés la triple confusion alléguée, mais encore que cette situation caractérisait une immixtion de la société mère à son seul profit dans la gestion de sa filiale, qui privait celle-ci de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative ; qu'or les pièces que M. [O] produit aux débats montre que l'imbrication entre ces deux sociétés était étroite, et que son action pour l'une et l'autre société, pendant la période considérée, était globalement dirigée par le directeur général de la société Sycomore, M. [S] ; qu'est ainsi produit le contrat conclu par ces deux sociétés ensemble avec la société [Adresse 4], dans une version non signée, mais dont le contenu n'est pas contesté, qui stipulait la fourniture par mise à disposition sous forme de location par la société Sycomore à ce client commun du matériel nécessaire à une prestation de visite guidée audio-vidéo de ce monument, matériel prenant notamment la forme d'audio-guides remis aux visiteurs, prestation conçue et développée par la société [P], laquelle assurait également la maintenance des matériels correspondants, organisait des paiements par le client à ces deux sociétés, lesquelles ne pouvaient exercer qu'ensemble leur faculté de résiliation ; qu'un contrat conclu entre les sociétés Sycomore et [P] le 1er mai 2011 organisait le reversement par celle-là à celle-ci d'une partie de sa marge sur le loyer du matériel ; que les documents relatifs à l'exécution de ce contrat montrent que M. [O] s'occupait aussi des prestations dues par la société Sycomore, et notamment de la commande des casques audio à livrer au client, et qu'il sollicitait de M. [S] que le virement correspondant soit effectué ; que de façon plus générale, sont produits aux débats de très nombreux courriers électroniques, adressés indifféremment à M. [O] à son adresse dépendant de la société [P] ou à son autre adresse électronique au nom de la société Sycomore, qui caractérisent le lien de subordination dans lequel celui-ci se trouvait à l'égard de M. [S] ; que c'est ainsi que, spécialement pour l'exercice de ses fonctions de gérant de la société [P], M. [O] était en relation étroite avec M. [S] :

- le 17 mai 2012, il demandait son autorisation pour effectuer les démarches réclamées au nom de l'URSSAF pour débloquer le compte de la société, après des impayés, autorisation qu'il obtenait le lendemain, M. [S] virant le 1er juin suivant les fonds nécessaires sur le compte de la société [P],

- fin mai, comme début juillet 2012, M. [O] sollicitait du même directeur général le virement de son salaire,

- M. [S] lui donnait le 12 juillet 2012 des instructions pour retirer les liasses fiscales de la société [P].

Que parallèlement, M. [O] était présenté par M. [S] comme un collaborateur de la société Sycomore, agissait vis-à-vis des clients de cette société comme un des préposés de celle-ci, et recevait les instructions correspondantes du directeur général :

- le 18, puis le 20 mai 2010, M. [O] écrivait, à l'en-tête de la société Sycomore et/ou depuis l'adresse électronique de cette société, au [Localité 2], pour lui présenter un devis, et faisait de même le 29, puis le 30 novembre 2010 à l'intention de l'Institut de France, le 2 mai 2011 à un responsable de la maison de [L] [W], le 30 juillet 2011 au musée [Établissement 1], le 14 octobre 2011 à l'attention de l'établissement public de [Localité 4], le 8 novembre 2011 à l'adresse de la société Tempora,

- M. [S] ou un de ses collaborateurs indiquaient à des clients que c'était M. [O] qui suivait leur dossier au sein de la société Sycomore ': ainsi le 16 août 2011 à une société Le Hub Agence, le 21 mars 2012 en vue d'un déplacement chez un client à [Localité 1], les 18 novembre 2011 et 6 février 2012 pour les prestations proposées à l'établissement public de [Localité 4], le 19 décembre 2011 dans un courriel à M. [R], le 20 décembre 2011 pour un client à Tunis, le 29 avril 2010 pour la province de Namur,

- un collaborateur de Sycomore indiquait le 9 février 2012 au directeur général de celle-ci que c'était M. [O] qui allait préparer « l'inventaire précis des contenus Sycomore » en vue d'une réunion avec le client Cityrama,

- M. [O] rendait compte, le 17 novembre 2011, de la promotion qu'il avait faite, lors d'une table ronde, «des activités de Sycomore», les 19 janvier 2011, 21 juillet 2011, 30 mai 2012 et 12 septembre 2012 des résultats d'un rendezvous avec un client, le 8 mars 2012 des suites du dépôt d'une marque, les 19 janvier 2011, 22, puis 30 juillet 2011 des détails de la proposition faite à un client ou de l'appel d'offres émis par un client potentiel ;

Que M. [O] recevait encore des instructions de M. [S], voire de ses collaborateurs, d'être présent à une réunion (20 août 2009, 28 octobre 2009, 2 novembre 2011, 23 avril 2012), de préparer une présentation (14 décembre 2011), d'adresser un cahier des charges ou un devis à des interlocuteurs (17 mars 2010, 21 décembre 2011), de faire des recherches dans une direction spécifiée (29 novembre 2011, 7 mars 2012), de renouveler un nom de domaine (27 juillet 2012), de revoir un document qu'il lui avait soumis pour avis (20 juillet 2009, 22 novembre 2010, 3 janvier 2012), de lui parler d'une proposition d'intervention dans un colloque (13 août 2009), de l'informer sur la disponibilité d'un studio d'enregistrement (28 juin 2009) ;

Que M. [O] sollicitait l'approbation de M. [S], le 10 février 2012, sur un projet de courrier à un client, le 2 octobre 2012 sur la présence de la société à un salon professionnel, puis le 11 octobre, sur les modalités de cette présence ;

Qu'à ces éléments qui caractérisent l'existence d'un lien de subordination avec le directeur général de la société Sycomore, s'ajoutent ceux qui établissent son intégration au sein du service organisé de cette société : organigramme de cette société, où il apparaissait comme «chef de projet iPod iPhone» au sein du «service multimédia web», service dépendant lui-même du «'service production'», une carte de visite de la société Sycomore à son nom, mentionnant les fonctions de «'directeur développement & nouvelles technologies'», l'usage d'un téléphone mobile de cette société, le rappel dont il était un des destinataires des horaires de travail au sein de la société, plusieurs demandes pour renseigner les plannings hebdomadaires, l'usage d'un bureau dans les locaux de la société (étant observé que la pièce dont se prévaut à cet égard M. [O] émane d'un préposé de la société Sycomore, et a donc plus de valeur probante que l'attestation produite par les sociétés demanderesses au contredit émanant d'une prestataire externe, présente au siège de la société depuis le mois d'avril 2012, qui affirme que l'intéressé n'y avait pas de bureau) ;

Que la réalité du pouvoir de sanction qui caractérise également le lien de subordination est suffisamment établie par la décision prise par la société Sycomore, en qualité d'actionnaire de la société [P], de mettre fin au mandat de gérant que détenait M. [O] ;

Que les diverses pièces produites qui démontrent la réalité du lien de subordination allégué ne permettent pas de distinguer si M. [S], directeur général de la société Sycomore , a usé de son pouvoir de direction, de contrôle et de sanction au nom de cette société, ou au titre de représentant de l'actionnaire principal, détenant 998 des 1'000 parts sociales de la société [P], dès lors qu'il résulte encore des pièces du dossier que la société Sycomore s'immisçait au quotidien dans la gestion de la société [P], et que ces deux sociétés connaissaient une situation de confusion de direction, d'intérêts et d'activités.

Les instructions données par M. [S], directeur général de la société Sycomore, à M. [O] pour l'exercice de ses fonctions de gérant de la société [P] déjà analysées ci-dessus établissent la réalité d'une unité de direction entre les deux sociétés, au-delà du seul fait que la première nommée détenait 998 des 1'000 parts sociales de la seconde ;

Que l'imbrication également déjà analysée des contrats conclus entre les deux sociétés et leurs clients démontrent également l'unité d'activités et d'intérêts entre les deux sociétés, laquelle résulte aussi des pièces produites démontrant que le site internet de la société [P] renvoyait à celui de la société Sycomore, que cette dernière société présentait sur le dit site internet le système Audiopien, dont la marque avait pourtant fait l'objet d'un dépôt à l'institut national de la propriété intellectuelle (INPI) au nom de la société [P] par M. [O], le 1er octobre 2009, ou encore qu'ayant remporté un appel d'offres en Italie, la société Sycomore demandait à M. [O] de lui donner toutes les informations sur les suites du dépôt de ladite marque dans ce pays ; que sont également produits aux débats, dans le même sens, un courriel adressé le 28 septembre 2011 à la ville de [Localité 3] expliquant que les prestations réalisées pour cette collectivité locale l'étaient par «la société Sycomore, au travers de sa filiale [P]», des échanges internes à la société Sycomore, entre le 26 octobre et le 23 novembre 2010, auxquels participaient M. [O], pour déterminer au nom de laquelle des deux sociétés il serait opportun de proposer un contrat à un client, et un courriel du 11 avril 2012 de M. [O] à M. [S] mentionnant qu'avait été évoquée son «intégration dans Sycomore, pour la moitié de [s]on temps (ce qui est actuellement largement le cas), l'autre mi-temps restant chez [P] » ; que si les éléments montrant que la comptabilité de la société [P] était effectuée par le service comptable de la société Sycomore ne sont pas significatifs de l'immixtion alléguée, qui ne peut se déduire de la simple fourniture d'une telle prestation de service par la société mère au bénéfice d'une filiale, il résulte, en revanche, d'autres pièces versées aux débats que les salaires de M. [O] ont été à de nombreuses reprises pris en charge directement par la société Sycomore ; qu'aussi, même si, comme le font observer les sociétés demanderesses au contredit, M. [O] détenait la signature sur le compte bancaire de la société [P], et qu'il en a usé pour régler une somme qui lui était due personnellement, copie d'un chèque à son ordre du 7 septembre 2012 signé de lui et annoté «salaire août», étant à cet égard produite, il a déjà été mentionné que fin mai puis début juillet 2012, M. [O] avait dû solliciter M. [S] pour obtenir un virement permettant le paiement du dit salaire, et il doit être ajouté qu'il est démontré qu'au mois de février 2012 également, le montant du salaire de M. [O] a été viré sur son compte bancaire personnel depuis la société Sycomore, et qu'au moment de la révocation de ses fonctions de gérant, le paiement des notes de frais et émoluments qui lui étaient dus au titre des mois précédents a été également pris en charge par la société Sycomore ; qu'il résulte de ce qui précède que M. [O] était placé dans un lien de subordination à l'égard de M. [S], directeur général de la société Sycomore, qui elle-même détenait 998 des 1000 parts sociales de la société [P], que les deux sociétés présentaient une confusion de direction, d'intérêts et d'activités, et que la maison mère s'est immiscée à son seul profit dans la gestion de sa filiale, en privant celle-ci de toute autonomie commerciale et administrative ; que le contredit sera donc rejeté ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a reconnu l'existence d'une relation salariée dans le cadre d'un co-emploi entre M. [O] et les sociétés Sycomore et [P], et ce à compter du mois de juin 2008 ;

1°) ALORS QU'un mandat social ne peut être cumulé avec un contrat de travail que si le mandataire exerce effectivement des fonctions techniques distinctes de celles de son mandat dans un lien de subordination avec l'entreprise ; qu'en se bornant, pour retenir, dans le cadre d'un co-emploi, l'existence d'une relation salariée entre les sociétés [P] et Sycomore et M. [O], à se fonder sur la circonstance que ce dernier, spécialement pour l'exercice de ses fonctions de gérant de la société [P], était en relation étroite avec M. [S], directeur général de la société Sycomore, sans caractériser le moindre exercice par le prétendu salarié de fonctions techniques distinctes de celles résultant de l'exercice de son mandat social au sein de la société [P] et exécutées dans un lien de subordination vis-à-vis de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à déduire l'existence, dans le cadre d'un co-emploi, d'une relation salariée entre les sociétés [P] et Sycomore et M. [O] de sa relation étroite avec le directeur général de la société Sycomore, sans analyser, fut-ce sommairement, les bulletins de paie de M. [O] qui, produits aux débats, faisaient ressortir que ce dernier, en sa qualité de dirigeant, n'avait jamais cotisé à l'assurance chômage, ce dont il résultait que sa rémunération lui était versée en sa qualité de gérant, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE dans leurs conclusions (p. 13), les sociétés [P] et Sycomore soutenaient que M. [O] n'avait jamais soumis à l'approbation de l'assemblée générale ordinaire annuelle, comme l'y obligeait pourtant les dispositions de l'article L. 223-9 du code du commerce, un rapport sur le contrat de travail qui l'aurait uni à la société [P], ce qui était de nature à démontrer qu'il n'en était pas salarié ; qu'en se bornant à déduire l'existence, dans le cadre d'un co-emploi, d'un relation salariée entre M. [O] et les sociétés Sycomore et [P], des instructions données à M. [O], pour l'exercice de ses fonctions de gérant de la société [P], par M. [S], directeur général de la société Sycomore, la cour d'appel n'a pas répondu à ces conclusions et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

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