4 janvier 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-27.933

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:C100018

Titres et sommaires

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Requête et pièces justificatives - Cas - Ordonnance confirmant la première prolongation

Lors d'une demande de prorogation de rétention, l'ordonnance confirmant la première prolongation de cette mesure constitue une pièce justificative utile, au sens de l'article R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui doit être jointe à la requête

Texte de la décision

CIV. 1

CGA

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 janvier 2017


Cassation sans renvoi


Mme BATUT, président


Arrêt n° 18 F-P+B

Pourvoi n° X 15-27.933

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [W].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 septembre 2015.







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [Y] [W] , domicilié chez M. [H] [I], [Adresse 1],

contre l'ordonnance rendue le 25 mars 2015 par le premier président de la cour d'appel de Douai (chambre des libertés individuelles), dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet de l'Oise, domicilié [Adresse 2],

2°/ au procureur général près de la cour d'appel de Douai, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 novembre 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. [W], l'avis de Mme Ancel, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et cinquième branches :

Vu l'article R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu que, selon ce texte, la requête aux fins de prolongation de la rétention est motivée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'ordonnance énonce, d'une part, que M. [W] produit son mémoire en appel de la première ordonnance et ne saurait arguer de l'absence de production par le préfet, au soutien de sa seconde requête, de l'ordonnance rendue en appel le 5 mars 2015, dont il a reçu notification, pour soutenir la caducité de l'ordonnance initiale de prolongation de la rétention, rendue le 4 mars 2015 par le premier juge ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au préfet, auteur de la requête, de joindre à celle-ci l'ordonnance de confirmation de la première prolongation de la mesure de rétention, pièce justificative utile à l'examen de sa nouvelle demande, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 mars 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille dix sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. [W]

Il est fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée d'AVOIR ordonné la prolongation du maintien de M. [Y] [W] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 20 jours, à compter du 23 mars 2015 à 18 h 55 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le premier juge relève l'ensemble des diligences accomplies par l'administration, aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement et que X/…se disant [W] [Y] a été reçu le 13 mars 2015, par les autorités consulaires de l'Etat dont il déclare la nationalité, que, dès lors, il y a lieu de considérer que la délivrance d'un laisser-passer, ou en tout cas une réponse des autorités consulaires égyptiennes, sur lesquelles l'administration française n'a pas autorité, interviendra à bref délai ; le conseil de l'appelant produit son mémoire en appel de la première ordonnance, rendue le 4 mars 2015, par le juge des libertés et de la détention, aux fins de prolongation de la rétention de l'appelant, et il ne saurait arguer de l'absence de production par le préfet, au soutien de sa seconde requête, de l'ordonnance rendue en appel le 5 mars 2015, dont il a reçu notification, pour soutenir la caducité de l'ordonnance initiale de prolongation de la rétention, rendue le 4 mars 2015, par le premier juge ; les moyens soulevés sont inopérants ; en conséquence, la requête aux fins de prorogation de la rétention de X/ se disant [W] [Y], présentée par le préfet de l'Oise, non du Nord, est recevable et fondée et que l'ordonnance doit être confirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « en application de l'article L. 552-7 du CESEDA, quand un délai de vingt jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de cinq jours mentionné à l'article L. 552-1 et en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi. Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que l'une ou l'autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l'administration, pour pouvoir procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai de vingt jours mentionné au premier alinéa. Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S'il ordonne la prolongation de la rétention, l'ordonnance de prolongation court à compter de l'expiration du délai de vingt jours mentionné au premier alinéa du présent article et pour une nouvelle période d'une durée maximale de vingt jours. En application de l'article L. 554-1 du même code, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. En l'espèce, [W] [Y], né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1] (Egypte), de nationalité égyptienne, a été interpellé le 26 février 2015, démuni de documents d'identité et de titre de séjour sur le territoire français. Par ordonnance du 04 mars 2015, le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien en rétention de [W] [Y] pour une durée maximale de 20 jours à compter du 03 mars 2015 à 18h55. Il résulte des pièces versées aux débats que l'administration a demandé l'identification de [W] [Y] et la délivrance d'un laisser passer aux autorités marocaines dès le 26 février 2015 à 17h02 par fax. Une relance a été faite le 06 mars 2015 à 10h20 par télécopie par les services du Préfet de l'Oise. [W] [Y] a été reçu par les autorités consulaires le 13 mars 2015 et, dès le 18 mars 2015, les services de la Préfecture ont effectué une relance quant à la délivrance du laisser-passer. Parallèlement, l'administration justifie de la réservation d'un vol pour le 26 mars 2015 à destination du Caire. Il est suffisamment établi que, malgré les diligences accomplies par l'administration, prises dans leur ensemble, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé. Sur le caractère définitif de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 04 mars 2015. Il résulte des éléments du dossier que [W] [Y] a interjeté appel de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 04 mars 2015, sans toutefois que [W] [Y] produise un quelconque arrêt qui aurait été rendu par la cour d'appel. En outre, la requête du Préfet de l'Oise vise expressément l‘ordonnance du juge des libertés et de la détention du 04 mars 2015, de sorte que le moyen selon lequel il n'est pas établi le caractère définitif de l'ordonnance visée doit être rejeté » ;
1°) ALORS QU'interdiction est faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, l'ordonnance rendue le 5 mars 2015 par le premier président de la cour d'appel de Douai mentionnait : « décision notifiée à M. [C] [N], à M. Préfet du Nord et à Maître [N] [R] », soit à des personnes parfaitement étrangères au litige ; qu'en affirmant que M. [W] avait reçu notification de cette ordonnance, pour en conclure que celui-ci ne pouvait invoquer le fait que cette décision n'avait pas été jointe à la requête aux fins de seconde prolongation, le premier président a dénaturé l'ordonnance du 5 mars 2015 et a méconnu le principe sus-visé ;
2°) ALORS subsidiairement QUE les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs constatations ; qu'en l'espèce, l'ordonnance rendue le 5 mars 2015 par le premier président de la Cour d'appel de Douai mentionnait : « décision notifiée à M. [C] [N], à M. Le Préfet du Nord et à Maître [N] [R] » ; qu'en affirmant que M. [W] avait reçu notification de cette ordonnance, sans préciser d'où résultait une telle constatation, le premier président a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'il incombe à l'auteur de la requête aux fins de seconde prolongation de joindre à celle-ci toutes pièces justificatives utiles ; que l'ordonnance confirmant en appel la première prolongation compte au nombre de ces pièces ; qu'en reprochant à M. [W], par un motif adopté, de ne pas produire l'ordonnance rendue par la cour d'appel de Douai le 5 mars 2015 sur appel de l'ordonnance du 4 mars 2015, quand il appartenait au contraire au Préfet de l'Oise, auteur de la requête, de produire cette décision déterminante, et en se bornant à relever que la requête du Préfet de l'Oise visait expressément l‘ordonnance du juge des libertés et de la détention du 4 mars 2015, qui ne constituait donc que la décision confirmée, non la décision confirmative, le premier président a violé les articles L. 552-7 et R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ensemble l'article 1315 du code civil ;
4°) ALORS QUE M. [W] ne se bornait pas à soutenir que l'ordonnance initiale de première prolongation du 4 mars 2015 était atteinte de caducité sauf à ce que l'auteur de la requête prouve le prononcé d'une ordonnance confirmative dans les 48 heures de la déclaration d'appel ; qu'il exposait également qu'il n'incombe pas au juge des libertés de suppléer au défaut de production, par l'auteur de la requête, des pièces justificatives utiles ; qu'en laissant ce second moyen déterminant sans réponse, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS en tout état de cause QUE le juge des libertés ne peut se fonder sur une pièce justificative non produite par l'auteur de la requête en prolongation ; qu'en se bornant à retenir que M. [W] avait reçu notification de l'ordonnance confirmative du 5 mars 2015 pour ignorer le défaut de production de cette décision par le préfet de l'Oise à l'appui de sa requête, et en suppléant ainsi à la carence de ce dernier, le premier président a violé les articles L. 552-7 et R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ensemble les articles 15 et 16 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QU'en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur la base du pourvoi n° 16-11.412, laquelle aura pour effet de supprimer de l'ordonnancement juridique l'ordonnance confirmative du 5 mars 2015, afférente à la première prolongation, aura pour conséquence nécessaire la cassation de l'ordonnance attaquée, une seconde prolongation ne pouvant être envisagée faute d'une première prolongation régulière et définitive.

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