12 janvier 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-11.067

Deuxième chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:C210019

Texte de la décision

CIV. 2

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2017




Rejet non spécialement motivé


M. SAVATIER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10019 F

Pourvoi n° K 16-11.067





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par l'association Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes des sectes, (Unadfi), dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [Q] [V], domicilié [Adresse 3],

3°/ à l'association [Adresse 4], (Ases Cc), dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 30 novembre 2016, où étaient présents : M. Savatier, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vannier, conseiller rapporteur, M. Besson, conseiller, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes des sectes , de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. [Y], de M. [V], de l'association spirituelle de l'Eglise de scientologie Celebrity centre ;

Sur le rapport de Mme Vannier, conseiller, l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes des sectes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix-sept.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'association Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes des sectes.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par un arrêt infirmatif, dit que l'association Unadfi avait commis une faute dans l'exercice de son droit d'ester en justice et d'avoir condamné cette association à verser à l'association Ases-cc, à M. [Y] et à M. [V] la somme de 3.000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices ;

AUX MOTIFS que « Sur l'abus d'ester en justice : L'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable. Devant le tribunal correctionnel, l'Unadfi a entendu se constituer partie civile sur un unique fondement, celui de l'article 2-17 du code de procédure pénale dans sa version applicable au jour du jugement (27 octobre 2009) qui dispose que "Toute association reconnue d'utilité publique régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs peut, à l'occasion d'actes commis par toute personne physique ou morale dans le cadre d'un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter une sujétion psychologique ou physique, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions (L. n°2004-800 du 6 août 2004, art. 31) « contre l'espèce humaine, » d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles (L. n°2004-800 du 6 août 2004, art. 31) « 214-1 à 214-4, »
221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3 (L. n°2004-800 du 6 août 2004, art. 31) « , 324-1 à 324-6 et 511-1-2 » du code pénal, les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L 4161-5 et L 4223-1 du code de la santé publique, et les infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L 121-6 et L 213-1 à L 213-4 du code de la consommation.
Dès lors que les faits soumis au tribunal correctionnel ont été commis en 1997, 1998 et 1999 et que les statuts de l'Unadfi ont été modifiés par l'assemblée générale extraordinaire du 7 décembre 2004 puis annexés à l'arrêté ministériel du 22 novembre 2005 afin de remplir les critères posés par l'article 2-7 du code de procédure pénale, une simple confrontation des dates permettait de constater que l'association ne remplissait pas la condition du délai de 5 ans imposée par le même article. L'application de ce délai à l'Unadfi ne comportait aucune difficulté d'interprétation et de fait, le tribunal correctionnel a retenu cette irrecevabilité par des motifs explicites, sans avoir à trancher sur un point de droit litigieux. L'association qui, dans le cadre de précédentes instances, avait déjà été déclarée irrecevable à agir sur le fondement de l'article 2-7 du code de procédure pénale avant qu'elle ne modifie ses statuts, avait une parfaite connaissance de l'état du droit positif à l'élaboration duquel elle avait participé par la voix de sa présidente, Madame [F], qui était le rapporteur auprès de l'Assemblée nationale de la loi dite "About-Picard" du 12 juin 2001. C'est ainsi que le 26 novembre 2009 à l'occasion d'un colloque, Madame [F] a pu affirmer que l'Unadfi ferait appel du jugement du 27 octobre 2009 "même si sa demande sera rejetée puisque les faits sont antérieurs à la loi About-Picard. A priori nous ne pouvons pas nous porter parties civiles. Mais pour l'exemple et pour le symbole, nous irons en appel." Enfin, l'Unadfi ne peut sérieusement soutenir que la jurisprudence n'était pas établie à la date du jugement en l'absence d'arrêt rendu par la Cour de cassation dès lors que l'article 2-7 ne permet qu'une seule lecture s'agissant de dispositions claires et précises relatives à la condition d'antériorité. Ainsi, il y a lieu de juger que l'Unadfi a fait preuve d'une mauvaise foi manifeste en se constituant partie civile sur le fondement de l'article 2-7 du code de procédure pénale dans l'instance pendante devant le tribunal correctionnel et qu'elle a de ce fait commis un abus du droit d'ester en justice. L'Unadfi a fait appel de ce jugement le 9 novembre 2009 et prenant acte de la motivation parfaitement claire du tribunal correctionnel sur l'irrecevabilité de sa constitution de partie civile, a modifié le fondement juridique de sa demande en visant les articles 2 du code de procédure pénale et L 211-3 du code de l'action sociale. En faisant appel à ces textes, l'Unadfi savait pertinemment pour en avoir déjà subi les conséquences dans des décisions antérieures, que sa constitution de partie civile serait déclarée irrecevable sur l'un comme sur l'autre de ces fondements. En effet, selon une jurisprudence bien établie, l'article 2 ne permettait pas sa constitution de partie civile en l'absence de préjudice direct et personnel subi par elle, cette position ayant été rappelée à de multiples reprises par les tribunaux de sorte qu'a été ajouté au code de procédure pénale l'article 2-7 dans le but de déclarer recevables, sous certaines conditions, les constitutions de partie civile de certaines associations dont l'Unadfi. S'agissant du fondement de l'article L 211-3 du code de l'action sociale et des familles, son application était conditionnée à la qualification de l'Unadfi en "association familiale" au sens de l'article L 211-1 du même code ; or, l'Unadfi s'était toujours vue refuser cette qualification dans le cadre d'instances antérieures, à l'exception d'une décision isolée rendue par le tribunal de grande instance de Chambéry en 2000. Il s'ensuit qu'en choisissant de tels fondements qu'elle savait inévitablement voués à l'échec, l'Unadfi a fait preuve de mauvaise foi et a abusé de son droit d'agir en justice. Sa mauvaise foi est au demeurant parfaitement illustrée par les déclarations faites par Madame [F], le 26 novembre 2009, à l'occasion d'un colloque, aux termes desquelles elle a affirmé que l'Unadfi ferait appel du jugement du 27 octobre 2009 "même si sa demande sera rejetée puisque les faits sont antérieurs à la loi About-
[F]. A priori nous ne pouvons pas nous porter parties civiles. Mais pour l'exemple et pour le symbole, nous irons en appel." Dans ces conditions, l'abus de droit d'ester en justice étant établi à l'encontre de l'Unadfi, le jugement déféré doit être infirmé. […] Sur la réparation des préjudices : Les parties appelantes font essentiellement valoir qu'en se constituant partie civile de manière artificielle, l'Unadfi a obtenu les mêmes droits que toute autre partie au procès correctionnel, a pu accéder à des pièces relatives à la vie privée des personnes physiques, s'est comporté comme un accusateur, a exercé une influence négative et délétère sur le cours du procès en dénigrant systématiquement l'Ases-cc qu'elle a présentée comme étant une secte et a porté atteinte à leur droit à un procès équitable. Mais s'il est certain que la présence de l'Unadfi a influencé le déroulement du procès et le fond des débats, ce qui était le but de sa constitution de partie civile si l'on s'en tient aux déclarations sus visées de Madame [F], il doit être relevé que les instances devant le tribunal correctionnel comme devant la cour d'appel sont intervenues dans un contexte déjà ancien de belligérance entre l'Unadfi et l'Ases-cc et d'interrogation de l'opinion publique sur la nature de l'Ases-cc de sorte que les juges professionnels n'ont pas pu se laisser abuser par les positions de l'Unadfi. Par ailleurs, à la date de ces instances, la loi dite "About-Picard" du 12 juin 2001 était entrée en vigueur et avait notamment pour but de permettre les constitutions de partie civile de certaines associations reconnues d'utilité publique se proposant par leurs statuts de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs. L'intention du législateur était bien de permettre qu'un débat "de société" s'engage à l'occasion de procès individuels et que l'opinion publique soit éclairée sur les agissements de tel ou tel groupe susceptible de porter gravement atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Par conséquent, l'Unadfi qui s'est vue refuser de se constituer partie civile dans les instances dont s'agit en raison du délai d'antériorité de 5 ans aurait vocation à mener un tel débat dans des procès portant sur des faits identiques mais commis plus de 5 ans après la modification de ses statuts de sorte que si les appelants sont bien fondés dans le principe à invoquer une faute de l'Unadfi, leur préjudice moral sera justement réparé par l'octroi à chacun d'eux de la somme de 3000 €. »

1°) ALORS que l'abus de constitution de partie civile devant le tribunal correctionnel suppose que l'action publique ait été mise en mouvement par la partie civile et que la personne poursuivie ait été relaxée ; qu'en l'espèce, l'association Ases-cc, M. [Y] et M. [V], renvoyés devant le tribunal correctionnel par une ordonnance du juge d'instruction, ont été condamnés par la juridiction répressive ; qu'en retenant cependant la responsabilité de l'Unadfi à leur égard pour avoir abusé de son droit d'ester en justice en se constituant partie civile devant le tribunal correctionnel puis en interjetant appel de la décision ayant déclaré cette constitution de partie civile irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 472 du code de procédure pénale et 1382 du code civil ;

2°) ALORS, subsidiairement, que la présence à l'audience correctionnelle d'une partie civile qui n'a pas mis en mouvement l'action publique ne cause aucun préjudice moral aux prévenus dont la culpabilité est retenue ; qu'en indemnisant cependant le préjudice moral qui aurait été subi par l'association Ases-cc, M. [Y] et M. [V] en raison du caractère abusif de la constitution de partie civile et de l'appel de l'Unadfi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°) ALORS que l'Unadfi faisait valoir que son action n'avait causé aucun préjudice à l'association Ases-cc, à M. [Y] et à M. [V] (conclusions de l'Unadfi, p.28 à 40) ; qu'en retenant la responsabilité de l'Unadfi pour avoir abusé de son droit d'agir en justice sans caractériser le préjudice subi par l'association Ases-cc, M. [Y] et M. [V] du fait de la constitution de partie civile de l'Unadfi et de son appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4°) ALORS que l'article 2-17 du code de procédure pénale appelait une interprétation pour déterminer si l'exigence du délai de cinq ans s'appliquait uniquement à la déclaration de l'association reconnue d'utilité publique ou également à la modification de l'objet statutaire de cette association ; qu'en décidant cependant, pour retenir l'abus de constitution de partie civile de l'Unadfi en première instance, que l'article 2-17 du code de procédure pénale ne comportait aucune difficulté d'interprétation et que la jurisprudence était établie malgré l'absence de décision de la Cour de cassation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-17 du code de procédure pénale et 1382 du code civil ;

5°) ALORS que ne commet pas d'abus de droit une partie qui invoque la recevabilité de son action sur un fondement qui a été accueilli par une juridiction du fond, cette décision fût-elle isolée, en l'absence d'un arrêt de la Cour de cassation ; qu'en l'espèce, l'Unadfi invoquait en appel la recevabilité de sa constitution de partie civile sur le fondement de l'article L. 211-3 du code de l'action sociale et des familles ; que la recevabilité de l'Unadfi à se constituer partie civile sur ce fondement avait été accueillie par le tribunal de grande instance de Chambéry le 17 mars 2000 et que la Cour de cassation ne s'était pas encore prononcée sur cette question ; qu'en retenant cependant que l'Unadfi avait abusé de son droit d'agir en justice en invoquant l'article L.211-3 du code de l'action sociale et des familles à l'appui de son appel, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.