23 juin 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/22943

Pôle 1 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 1 - Chambre 1





ARRET DU 23 JUIN 2020





(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22943 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4VAV





Décision déférée à la Cour : sentence rendue à Paris le 11 septembre 2017 par le tribunal arbitral constitué sous l'égide de la CCI et composée de MM. Mohamed S. Abdel Wahab, de M. Klaus Reichert, arbitres, et de M. Bruno Leurent, président,





DEMANDERESSE AU RECOURS :





SOCIÉTÉ KOUT FOOD GROUP,


prise en la personne de ses représentants légaux





[...]


[...]


[...]





représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018


assistée de Me Laurent AYNES et de Carine DUPEYRON, de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : R170








DÉFENDERESSE AU RECOURS :





Société KABAB-JI SAL


prise en la personne de ses représentants légaux





[...]


[...]


[...]


[...]





représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0020


assistée de Me Marianne KECSMAR, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque :








COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 février 2020, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean LECAROZ, conseiller, faisant fonction de président lors des débats et Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargés du rapport.





Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre


M. Jean LECAROZ, conseiller


Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère





Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE








ARRET :





- contradictoire





- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré ayant été prorogé à ce jour sans que les parties aient pu en être avisées en raison de l'état d'urgence sanitaire.





- signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière.












Le 16 juillet 2001, [...] (AHFC), société de droit koweïtien qui opère au Koweït sous les franchises Burger King, Pizza Hut et Taco Bell, et Kabab-JI, société de droit libanais spécialisée dans la restauration rapide et de plateaux repas, ont conclu un contrat de développement de franchise (le CDF) pour une durée de dix ans. Selon ce contrat, AHFC devait organiser, au moyen d'un système de points de vente, l'exploitation de la marque de restauration «Kabab-Ji» au Koweït pendant dix ans. Pour chaque création de franchise, AHFC et Kabab-Ji devaient conclure un contrat spécifique au point de vente concerné (les CPVFs).





Le CDF et les CPVF (les Accords) prévoyaient notamment l'application du droit anglais aux Accords ainsi qu'une clause compromissoire renvoyant au Règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) et précisant que le siège de l'arbitrage serait à Paris (France).





Par une lettre du 2 octobre 2004, le président et le conseil d'AHFC ont fait part à Kabab-Ji de la restructuration de leur groupe et de la mise en place de la société holding de droit koweïtien, Gulf and World Restaurants & Food, devenue Kout Food Group (KFG). Par lettre du 7 octobre 2004, Kabab-Ji a consenti à la création et l'incorporation de KFG sous la réserve que cette opération n'entraîne aucune conséquence sur «les termes et conditions des accords déjà signés» entre eux.





Le 16 juillet 2011, les Accords sont arrivés à expiration sans que les parties parviennent à les renouveler ou les proroger.





Le 27 mars 2015, Kabab-Ji a introduit devant la CCI une procédure d'arbitrage à l'encontre de KFG.





Par une sentence rendue à Paris le 11 septembre 2017, le tribunal arbitral constitué sous l'égide de la CCI et composée de MM. Mohamed S. Abdel Wahab, de M. Klaus Reichert, arbitres, et de M. Bruno Leurent, président, a, à la majorité des voix de MM. Laurent et Wahab, décidé notamment que :


- KFG est une partie aux conventions d'arbitrage stipulées aux Accords,


- l'applicabilité des obligations de fond des Accords s'étend à KFG,


- la stipulation d'exception de la marque stipulée à l'article 14.2 du CDF ne limite pas la compétence du tribunal arbitral concernant les demandes de Kabab-Ji,


- KFG versera à Kabab-Ji toutes les redevances mensuelles de licence impayées entre 2008 et 2011 pour un montant de 892945 US dollars,


- KFG versera à Kabab-Ji 4631841 US dollars en indemnisation de la demande de perte de change de Kabab-Ji,


- KFG versera à Kabab-Ji 1490645,19 US dollars en frais raisonnables d'arbitrage de Kabab-Ji, y compris ses frais de représentation,


- KFG versera des intérêts au taux de 7 % par an sur toutes les sommes accordées par les présentes à compter de la sentence.





Dans son opinion dissidente rendue le 7 août 2017, M. Reichert, après avoir rappelé que la décision arbitrale sur l'application du droit français à la question de la validité et de l'extension de la clause compromissoire était unanime, a estimé que KFG n'est pas devenue le cocontractant de Kabab-Ji de sorte que les demandes de cette dernière auraient dû être rejetées par le tribunal arbitral.





La société KFG a introduit devant cette cour un recours en annulation selon déclaration du 13 décembre 2017.





Kabab-Ji a obtenu le 7 février 2018, une ordonnance d'exequatur de la sentence en Angleterre à laquelle KFG a fait opposition. La High Court de Londres, dans un jugement du 29 mars 2019, puis la cour d'appel de Londres, dans un arrêt du 20 janvier 2020, ont dit que le droit anglais a été expressément désigné par les parties comme droit applicable aux clauses compromissoires et, par voie de conséquence, aux litiges portant sur la compétence des arbitres. Les juridictions anglaises ont ajouté que, selon le droit anglais, KFG n'est pas devenu une partie au contrat de franchise ou à la convention d'arbitrage du contrat de franchise, ces deux éléments soulevant la même question. En dernier lieu, la cour d'appel de Londres a refusé d'admettre la demande de reconnaissance et d'exécution de la sentence arbitrale au Royaume-Uni et n'a donné aucune autorisation aux parties pour introduire un pourvoi devant la Cour suprême anglaise.





Dans ses conclusions notifiées le 6 février 2020, KFG demande à la cour d'annuler la sentence rendue le 11 septembre 2017 entre les parties, de rejeter l'ensemble des demandes de Kabab-Ji et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 200000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.





KFG soutient que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent à son égard (article 1520, 1° du code de procédure civile), qu'il a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée (article 1520, 3° du code de procédure civile) et qu'il n'a pas respecté le principe de la contradiction (article 1520, 4° du code de procédure civile).





Dans ses conclusions notifiées le 24 janvier 2020, Kabab-Ji demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes de KFG, de confirmer la sentence et de condamner KFG à lui payer la somme de 165000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.









SUR CE,





Sur le premier moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520, 1° du code de procédure civile) :





KFG soutient que le tribunal s'est déclaré à tort compétent à son égard alors qu'elle n'était pas partie aux accords de franchise contenant les clauses compromissoires. En premier lieu, KFG soutient que le tribunal devait appliquer le droit anglais aux clauses d'arbitrage et, partant, constater son incompétence à l'égard de KFG. En second lieu, à supposer que le droit français ait été applicable, KFG estime que les conditions posées par la règle matérielle française pour la transmission ou l'extension des clauses compromissoires à KFG n'étaient pas réunies. En troisième lieu, à supposer que le droit français ait été applicable et que la clause compromissoire ait été étendue ou transmise, cette clause serait demeurée manifestement inopérante et inapplicable en l'absence de transmission des obligations substantielles des accords à KFG que le droit anglais ne permettait pas. Enfin, en tout état de cause, KFG soutient qu'elle n'avait pas la capacité de compromettre en vertu de l'article 702 du code civil koweïti.





Kabab-Ji réplique que l'existence et la validité d'une clause d'arbitrage est réglée en droit français de l'arbitrage international par des règles matérielles qui s'imposent au juge français, et de ce fait, aux arbitres lorsque le siège de l'arbitrage est en France. Elle ajoute que le tribunal arbitral, faisant application de ces règles matérielles, a décidé à juste titre, que les clauses compromissoires des Accords ont été étendues à KFG, non signataire de ces Accords.








Sur le moyen pris en sa première branche :





KFG soutient que les clauses d'arbitrage sont soumises au droit anglais, lequel ne permet pas de soumettre KFG, non signataire des Accords, aux clauses d'arbitrage, comme l'a déjà jugé la High Court de Londres dans son arrêt du 20 janvier 2020, qui a refusé l'exequatur à la sentence. Selon KFG, les parties auraient fait le choix exprès, y compris pour les clauses compromissoires, de soumettre les clauses compromissoires au droit anglais.





Le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres.





De plus, le juge de l'annulation est tenu d'analyser la décision rendue par le tribunal arbitral afin de lui restituer, le cas échéant, son exacte qualification, sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties.





Kabab-Ji et AHFC ont conclu le 16 juillet 2001 un contrat de développement de franchise (le CDF), visant à organiser l'exploitation de la franchise Kabab-Ji au Koweït pour une durée de dix ans. Le CDF prévoyait que chaque création de franchise devait être formalisée par la signature d'un contrat relatif à un point de vente franchisé (CPVF).





Le CDF précisait dans son article 1 intitulé «Contenu du contrat» que «Le présent Contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doivent être signées ultérieurement par les deux parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres».





Le CDF et les CPVF (les Accords) contenaient une clause d'arbitrage selon laquelle :





« ['] Sauf pour les questions qui concernent spécifiquement la Marque, tout(e) litige, contestation ou action entre le DONNEUR DE LICENCE et le LICENCIÉ relatif à toute question découlant du présent Contrat ou afférente à celui-ci ou à un manquement aux obligations prévues par celui-ci, ce litige, à défaut de règlement amiable, à la demande du DONNEUR DE LICENCE ou du LICENCIÉ, sera définitivement réglé en vertu du Règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou plusieurs arbitre(s) nommé(s) conformément à ce Règlement.





Les arbitre(s) applique/ront les stipulations contenues dans le Contrat. Le ou les arbitre(s) appliquera/ont également les principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales. Le ou les arbitre(s) peu(ven)t devoir prendre en compte des dispositions impératives de certains pays, à savoir des dispositions qui semble par la suite avoir une influence sur le Contrat. En aucun cas, le ou les arbitre(s) n'appliquera/ont toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat [']





L'arbitrage sera conduit en anglais à Paris, France [']».





L'article 15 du CDF et l'article 27 des CPVF stipulaient que « [l]e présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ses dispositions».





En vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, et son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique.





Comme l'a rappelé justement le tribunal arbitral, qui a retenu sa compétence pour connaître des demandes dirigées contre KFG, les arbitres devaient tout d'abord «appliquer le droit français pour savoir s'il est compétent à l'égard du Défendeur, puisque la validité de la sentence arbitrale en l'espèce dépend de la loi prévalant au siège de l'arbitrage. Toute action intentée par la Partie perdante visant à annuler la sentence arbitrale relèverait de la compétence de la Cour d'appel de Paris, et cette Cour appliquerait le droit français sur ce point, à savoir les principes développés par la Cour de cassation elle-même. Ces cours considèrent comme une règle de fond de l'arbitrage international que l'existence et la validité d'une clause arbitrale doit être évaluée, sans référence à un droit national quelconque, mais seulement en référence à la volonté des parties au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire» (sentence §127).





La désignation du droit anglais comme régissant de manière générale les Accords et l'interdiction faite aux arbitres de ne pas appliquer une règle qui contredirait les Accords ne sauraient suffire, à elles seules, à établir la volonté commune des parties de soumettre les clauses compromissoires au droit anglais et de déroger ainsi aux règles matérielles en matière d'arbitrage international, qui étaient applicables au siège de l'arbitrage expressément désigné par les parties.





Au contraire, les Accords prévoient, dans l'article 14.3 du CDF et 26.3 des CPVFs, que «Le ou les arbitres appliquera/ont également tous les principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales».





Contrairement à ce qu'affirme KFG, aucune stipulation expresse n'a été convenue entre les parties qui désignerait la loi anglaise, comme régissant la clause compromissoire, de sorte qu'en appliquant le droit matériel du lieu du siège de l'arbitrage, conformément aux principes de droit généralement reconnus, le tribunal arbitral n'a pas appliqué une règle qui contredirait la formulation stricte des Accords.





De même, KFG ne rapporte la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, et dont le régime est indépendant de celui des Accords.





Enfin, les pouvoirs du juge de l'annulation de la sentence, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 1520 1° du code de procédure civile, ne sauraient être limités par l'existence de décisions étrangères interprétant les Accords et la clause compromissoire et faisant application du droit anglais à ces dernières.





La branche doit être rejetée.








Sur le moyen pris en sa deuxième branche :





KFG soutient qu'à supposer que les règles matérielles du droit français en matière d'arbitrage internationale soient applicables, elle ne pouvait pas être liée par la clause compromissoire. Elle affirme que les clauses compromissoires contenues dans les Accords ne lui ont été pas été transmises, puisqu'elle ne serait pas venue aux droits de AHFC, ainsi que l'ont constaté les juridictions anglaises. Elle ajoute que ces clauses ne pouvaient pas non plus lui être étendues, puisque les termes stricts des Accords interdisaient une telle extension et qu'elle n'a pas participé à la conclusion, l'exécution ou la résiliation des Accords.





Mais, la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d'en étendre l'application aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et dans les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu'il est établi que leur situation contractuelle et leurs activités font présumer qu'elles ont accepté la clause d'arbitrage dont elles connaissaient l'existence et la portée, bien qu'elles n'aient pas été signataires du contrat qui la stipulait.





La référence à la formulation stricte des Accords faite par la clause compromissoire, ne saurait faire échec à la possibilité d'extension de la clause compromissoire dès lors que ces Accords prévoient, dans l'article 14.3 du CDF et 26.3 des CPVFs, que «Le ou les arbitres appliquera/ont également tous les principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales».





Comme l'a jugé à bon droit le tribunal arbitral, «Dans le cas où une partie à l'arbitrage n'est pas signataire de la clause d'arbitrage, la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour d'appel de Paris estime ainsi que cette partie sera réputée avoir accepté la clause [compromissoire] si le tribunal arbitral considère que cette partie avait la volonté de participer à l'exécution du contrat» (sentence §129).





Le tribunal arbitral a jugé, à la majorité de ses membres, que «la participation du Défendeur dans l'exécution des Contrats de Franchise dès 2006 est plus que suffisante, en vertu du droit français sur l'arbitrage international pour faire du Défendeur une partie aux conventions d'arbitrage contenues dans les CDF et les CPVFs ou pour étendre au Défendeur les effets de ces clauses d'arbitrage» (sentence §128).





Entre la date de sa constitution en 2005 et la date de la décision de KFG de ne pas renouveler les Contrats de franchise, cette société a participé à la gestion de l'exploitation des restaurants Kabab-Ji au Koweït conformément aux Accords.





Ainsi, en avril 2006, M. L... V... , vice-président du développement organisationnel de KFG a lui-même informé M. I... de Kabab-Ji de sa décision de nommer M. T... S... en qualité de directeur des opérations pour les restaurants Kabab-Ji au Koweït. L'organigramme de KFG comprenait donc du personnel chargé spécifiquement de l'exécution des Accords.





De même, plusieurs documents établissent que l'exploitation des restaurants Kabab-Ji au Koweït conformément aux accords était confiée à KFG et non plus AHFC. En 2006, le document intitulé «Analyse de situation de Kabab Ji Kuwaït, Mesures recommandées» a été échangé entre Kabab-Ji et KFG. Dans ce document, le paragraphe 3.1.b «Concept de connaissance et différentiation» indique : «Directeur opérationnel, directeurs de plusieurs unités et formateurs de terrain : un programme approfondi doit être proposé par Kout Food Group qui inclura des trios à Beyrout». Le même document indique dans son paragraphe 3.2.b «Rotation élevée du personnel» que «Kout Food doit évaluer les motifs d'une rotation aussi élevée du personnel et essayer de la réduire autant que possible». Un document similaire établi en novembre 2008 précisait également au paragraphe 3.2 de nouveau : «Kout Food doit évaluer les motifs d'une rotation aussi élevée du personnel et essayer de la réduire autant que possible» (sentence §136).





Le 6 janvier 2009, KFG adressait un courriel à Kabab-Ji en se présentant comme le franchisé et prévoyant une formation à destination de ses directeurs de restaurant et de district pour répondre aux demandes de Kabab-Ji.





De nombreuses redevances ont été payées, conformément aux Accords par KFG au bénéfice de Kabab-Ji. Les ordres de facturation pris en exécution des Accords ont été adressés par KFG à Kabab-Ji.





La participation active de KFG aux Accords, et sa volonté de se présenter comme l'interlocuteur de Kabab-Ji dans le cadre de nouvelles négociation étendant le ressort géographique des Accords à d'autres pays que le Koweït, est encore établie dès le courriel du 7 novembre 2006 envoyé par M. I... de Kabab-Ji à M. C... de KFG auquel était joint un protocole d'accord confirmant «l'intention de Kabab-Ji SAL d'accorder à Koot Food Group le Contrat de franchise exclusif de Kabab-Ji pour les Emirats Arabes Unis».





S'agissant des Accords eux-mêmes, lorsque ceux-ci ont expiré le 16 juillet 2011, les discussions sur leur éventuel renouvellement ont été menées du côté du Franchisé par KFG et non par AHFC, confirmant ainsi la participation de KFG à l'exécution des Accords. De même, le 10 octobre 2011, Mme G... E... , directrice de l'innovation de KFG a mentionné l'accord du Franchisé pour discuter d'un renouvellement du CDF ainsi que des plans d'expansion et a proposé à cet effet une réunion en personne au Koweït.





La volonté de ne pas renouveler les Accords mais d'engager une négociation pour leur résiliation a été manifestée par Mme R... X... , présidente et directrice générale de KFG, qui a écrit à M. I... de Kabab-Ji le 30 janvier 2012 en citant expressément le CDF du 16 juillet 2001 en ces termes :





«En référence au Contrat de développement de franchise en date du 16 juillet 2001 entre notre filiale [...] (Le Licencié) et K-BOB SA (le Donneur de Licence), veuillez noter que Kout Food Group ne souhaite pas renouveler le Contrat en question et, par conséquent, nous demandons par les présentes la conclusion d'un accord de résiliation avec les décharges appropriées».





Mme R... a réitéré le 24 avril 2013 la «position que Kout Food Group et ses sociétés affiliées n'avaient pas l'intention de continuer les relations de franchise avec K-BOB et ses sociétés affiliées».





Compte tenu de l'organigramme de KFG, de son implication dans l'exécution des Accords pendant plusieurs années et dans leur résiliation et leur renégociation, c'est à bon droit que le tribunal arbitral, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la transmission de la clause compromissoire de AHFC à KFG, a étendu cette clause à KFG.





La branche doit être rejetée.








Sur le moyen pris en sa troisième branche :





KFG soutient encore que l'extension des clauses d'arbitrage à sa personne rendraient ces clauses manifestement inopérantes ou inapplicables en raison de l'absence de transmission à KFG des droits et obligations substantiels contenus dans les Accords.





Mais la question de la transmission à KFG des droits et obligations substantiels contenus dans les Accords, qui permet de déterminer l'étendue de la responsabilité de cette société et qui échappe au contrôle du juge de l'annulation de la sentence sous peine de révision au fond, n'entretient aucun rapport de dépendance avec celle de l'extension de la clause compromissoire, qui a permis aux arbitres de se déclarer compétent à l'égard de KFG et qui constitue le grief d'annulation prévu par l'article 1520 1° du code de procédure civile.





Le grief formé par KFG à l'encontre de la sentence, qui ne figure pas parmi ceux prévus par l'article 1520 du code de procédure civile, doit être rejeté.











Sur le moyen pris en sa dernière branche :





KFG soutient qu'en vertu de l'article 702 du code civil koweïtien selon lequel «Une procuration spéciale sera requise dans tous les actes ne relevant pas de l'administration, et notamment dans [...] l'arbitrage [...]», les représentants de KFG ne pouvaient pas engager cette dernière dans un arbitrage à défaut de pouvoir spécial, ce dont Kabab-Ji avait connaissance.





Mais, comme il a été rappelé plus haut, en vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, et son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique.





En matière d'arbitrage international, le principe de l'autonomie de la clause compromissoire est d'application générale, en tant que règle matérielle internationale consacrant la licéité de la convention d'arbitrage, hors de toute référence à un système de conflit de lois, la validité de la convention devant être contrôlée au regard des seules exigences de l'ordre public international, abstraction faite de toute loi étatique fût-elle celle régissant la forme ou le fond du contrat qui la contient.





Comme l'a jugé à juste titre le tribunal arbitral, «l'Article 702 du CKK, invoqué par le Défendeur, n'est ni applicable ni pertinent. Le doit koweitien, et donc le CKK, ne régit ni la convention d'arbitrage, ni les procédures arbitrales, ni le fond du litige. Ceci dit, l'Article 702 du CKK n'est pas applicable puisque, conformément aux principes développés par le droit français en matière d'arbitrage international, la validité de la clause d'arbitrage doit être évaluée uniquement en référence à la volonté des parties, sans référence à des droits nationaux ['] En outre, aucune preuve n'a été apportée pour suggérer ou établir que l'article 702 du CKK est une disposition de nature impérative qui l'emporte et qui s'applique indépendamment du droit applicable [et] des principes juridiques» (sentence §147).





En conséquence, les dispositions du code civil koweïtien, qui ne relèvent ni des règles impératives du droit français, ni de l'ordre public international, sont inopérantes pour l'appréciation de l'existence ou de l'efficacité de la clause compromissoire.





Le premier moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches.





Sur le deuxième moyen tiré de la violation de sa mission par le tribunal arbitral (article 1520, 3° du code de procédure civile) :





KFG estime, d'une part, que le tribunal arbitral a failli à sa mission en mettant à sa charge les droits et obligations d'AFHC au nom du principe de l'exécution de bonne foi des contrats, de novation en considération des agissements de KFG alors que les termes stricts des Accords, qui avaient un caractère intuitu personnae, exigeait un consentement écrit et signé préalable de Kabab-Ji et d'AFHC s'agissant d'une modification contractuelle. KFG ajoute, d'autre part, que les arbitres ont mal appliqué le principe de bonne foi contractuelle prévu à l'article 2 du CDF et aux principes UNIDROIT, en s'affranchissant de la limitation aux pouvoirs des arbitres prévue aux Accords qui leur interdisait de contredire les formulations du CDF. KFG expose enfin que, si la cour confirme que les clauses d'arbitrage sont régies par le droit anglais, le tribunal arbitral aura également violé sa mission en appliquant le droit français à ces clauses.





Kabab-Ji réplique que le juge de l'annulation ne peut pas contrôler la détermination de la règle de droit applicable, ni une éventuelle erreur de droit. Elle ajoute que le tribunal a respecté le choix des parties et a appliqué le droit anglais aux droits et obligations substantielles des parties ainsi que les stipulations contractuelles, en les complétant avec les principes d'estoppel et de bonne foi, tels que prévus par les parties.





Mais la mission de l'arbitre, définie par la convention d'arbitrage, est délimitée principalement par l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties.





En premier lieu, sauf en ce qui concerne sa compétence pour laquelle il n'était pas tenu de se référer à un droit étatique en général et anglais en particulier, comme il a été jugé plus haut, le tribunal arbitral a fait application du droit anglais ainsi que le prévoyait la clause compromissoire. Il a retenu, pour considérer que KFG était tenu aux mêmes droits et obligations que AFHC que «Cette question d'une novation des Contrats de franchise ou d'un transfert des obligations en vertu de ceux-ci, comme le Demandeur l'a généralement appelé, est régi par le droit anglais» (sentence §150), que «Le droit anglais admet qu'un accord de novation puisse être déduit des circonstances» tout en citant des références de jurisprudence anglaise (sentence §189) et que «Le droit anglais admet qu'un contrat puisse être conclu ou modifié par un comportement cohérent des Parties, à partir duquel leur consentement mutuel peut être déduit en l'absence de termes exprès» (sentence §193).





En second lieu, le tribunal arbitral a fait application des termes stricts des Accords. Il s'est ainsi fondé sur les principes de bonne foi et de loyauté prévus par l'article 2 du CDF et des CPVFs, qui prévoit que «Dans l'exécution de leurs obligations en vertu du Contrat, les Parties agiront conformément à la bonne foi et à la loyauté. Les stipulations du Contrat ainsi que toute déclaration faite par les Parties seront interprétées de bonne foi». Il s'est aussi déterminé en prenant en compte les principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales prévu par l'article 14 du CDF et 26 des CPVFs en examinant le litige au regard des Principes Unidroit (sentence §204 et suivants).





En troisième lieu, pour constater le transfert des droits et obligations de AFHC vers KFG et dire que l'article 24 du CDF et l'article 37 des CPVFs, qui interdisaient la modification des Accords sans document écrit des parties, ne pouvaient pas recevoir application, le tribunal arbitral a retenu que «le transfert/novation des Contrats à ou en faveur de KFG n'implique pas une modification des droits et obligations de fond des Contrats» mais seulement leur transfert à une autre partie. Il a ajouté que «Les Articles 11.2 et 19 du CDF et les Articles 18 et 19 des CPVFs exigent seulement un consentement écrit du Donneur de licence. Et cette condition est sans aucun doute remplie en l'espèce par les nombreux documents écrits dans lesquels le Demandeur a accepté ou reconnu le Défendeur en tant que son Franchisé» (sentence §199).





En dernier lieu, sous couvert du grief de la mauvaise application du principe de bonne foi contractuelle prévu par l'article 2 du CDF et aux Principes Unidroit, KFG critique en réalité au fond la motivation de la sentence et ne tend qu'à en obtenir la révision.





Le moyen n'est donc pas fondé.








Sur le dernier moyen tiré de la violation du principe de la contradiction par le tribunal arbitral (article 1520, 4° du code de procédure civile) :





KFG affirme que le tribunal arbitral a rendu une sentence fondée sur un mécanisme juridique, la novation par ajout de partie, qui a été invoqué par Kabab-Ji pour la première fois dans son mémoire post-audience, ce qui a empêché les parties de débattre de ce mécanisme, inconnu du droit applicable, et de ses effets sur les accords.








Kabab-Ji répond que le tribunal arbitral s'est livré à un simple raisonnement complémentaire fondé sur des éléments pleinement débattus pendant la procédure arbitrale. Elle précise que ces considérations constituent des motifs surabondants à la sentence arbitrale.





Mais le principe de la contradiction veut seulement que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des pièces produites.





Dans son mémoire après audience du 6 février 2017, Kabab-Ji a indiqué que «le Tribunal est naturellement libre de constater que, vu qu'AHFC continuait de s'impliquer (quoique de manière très limitée) dans l'exploitation de la franchise ['], la novation qui est survenue dans les faits a ajouté KFG, en tant que partie supplémentaire, aux contrats de franchise en sus d'AHFC (sentence §154). Il en résulte que dès le 6 février 2017, Kabab-Ji a invité le tribunal arbitral à examiner non plus seulement une novation par remplacement de personne mais aussi une novation par ajout de personne en application du droit anglais.





Le 27 mars 2017, le tribunal arbitral a rendu l'ordonnance procédurale n°11 dans laquelle il a déclaré la clôture des débats en vertu de l'article 27 du Règlement (sentence §62).





KFG, qui a disposé de près de deux mois pour répondre à cet argument ou pour solliciter un délai supplémentaire, a été mis à même d'en débattre contradictoirement, de contester l'existence de ce mécanisme dans le droit anglais et de discuter de ses effets sur les Accords.





Le moyen n'est pas fondé.








Il résulte de ce qui précède que le recours en annulation est rejeté.








Sur l'article 700 du code de procédure civile





KFG, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamnée, sur ce fondement à payer à Kabab-Ji la somme de 80000 euros.








PAR CES MOTIFS,





Rejette le recours en annulation de la sentence rendue à Paris entre les parties le 11 septembre 2017,





Condamne la société KOUT FOOD GROUP à payer à la société KABAB-JI SAL la somme de 80000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





Condamne KOUT FOOD GROUP aux dépens,





Rejette toute autre demande.








LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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