25 janvier 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-26.678

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CO10029

Texte de la décision

COMM.

CGA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2017




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10029 F

Pourvoi n° G 15-26.678







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Protilab, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Proxi Dental, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 3],

3°/ à M. [E] [E], domicilié [Adresse 4],

4°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 5],

5°/ à M. [K] [P], domicilié [Adresse 6],

6°/ à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 7],

7°/ à M. [C] [F], domicilié [Adresse 8],

8°/ à M. [F] [M], domicilié [Adresse 9],

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 29 novembre 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Sémériva, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Beaudonnet, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Protilab, de la SCP Richard, avocat de la société Proxi Dental et de MM. [C], [E], [R], [P], [B], [F], [M] ;

Sur le rapport de M. Sémériva, conseiller, l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Protilab aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Proxi Dental et à MM. [C], [E], [R], [P], [B], [F], [M] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Protilab

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Protilab de ses demandes à l'encontre de messieurs [C], [E], [R], [P], [B], [F] et [M] pour les actes de concurrence déloyale commis postérieurement à la formation de la société Proxilab ;

AUX MOTIFS QUE la cour d'appel saisie d'un appel total du jugement du 9 avril 2013 est investie par l'effet dévolutif de l'appel du devoir de statuer à nouveau en fait et en droit sur la chose jugée en première instance et donc sur la responsabilité délictuelle de messieurs [P], [R], [C], [E], [B] et [F] pour les faits postérieurs à la cessation de leur contrat de travail ; que le tribunal, saisi d'une action en responsabilité formée par la société Protilab à l'encontre de messieurs [P], [R], [C], [E], [B] et [F] sur le fondement de l'article 1382 du code civil, pour des actes commis après l'expiration de leur contrat de travail, a pu retenir, sans violer le principe de la contradiction, que la personnalité morale de la société Proxidental faisait obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité civile des anciens salariés devenus actionnaires de la société Proxidental dès lors que le moyen tiré de l'existence de la personnalité juridique de la société Proxidental était dans le débat ; que le tribunal n'a fait que tirer les conséquences juridiques des éléments de fait qui lui étaient soumis ;

ALORS QUE le juge doit observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, ni la société Proxidental ni ses associés fondateurs n'avaient, en première instance, soulevé le moyen tiré de la personnalité morale de la société Proxidental faisant écran à la responsabilité civile des associés de sorte qu'en relevant d'office ce moyen, le tribunal avait méconnu le principe de la contradiction ; qu'en conséquence, en décidant le contraire, motif pris de ce que le moyen « était dans le débat », quand tel n'était pas le cas, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble les articles 561 et 562 du même code.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Protilab de sa demande tendant à voir dire et juger que M. [C] s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale à son égard et à le voir condamner en conséquence à lui payer des dommages-intérêts en réparation de ses préjudices ;
AUX MOTIFS QUE la société Protilab soutient que monsieur [C] a engagé sa responsabilité en sa qualité de président de la société Proxidental pour avoir appréhendé la totalité de ses documents techniques, commerciaux et financiers ; que le parquet de Paris a considéré cette appréhension comme constitutive du délit d'abus de confiance et monsieur [C] a non seulement fait l'objet d'un rappel à la loi mais également d'une mise à l'épreuve ; mais qu'à l'égard des tiers, la responsabilité personnelle du dirigeant d'une société ne peut être engagée que si la preuve est rapportée d'une faute intentionnelle d'une exceptionnelle gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; que la société Protilab produit, au soutien de sa demande, une « notification de sursis à décision de poursuite - mise en garde » adressée le 27 septembre 2012 à monsieur [C] par le Parquet de Paris ; que cette notification, qui n'a pas autorité de chose jugée, est insuffisante à rapporter la preuve de l'existence d'un infraction pénale commise par monsieur [C] détachable de ses fonctions de dirigeant de la société Proxidental ; que le jugement, qui a retenu qu'il n'était pas démontré que M. [C] ait commis une faute personnelle détachable de ses fonctions, doit être confirmé de ce chef (arrêt p. 10 § 5 et 6) ;

1°) ALORS QUE le gérant d'une société, qui commet une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que monsieur [C] avait bénéficié d'une décision de sursis pour les poursuites engagées à son encontre et d'une mise en garde pour le délit d'abus de confiance ayant consisté en l'appréhension des documents techniques, commerciaux et financiers de la société Protilab ; que la preuve de l'infraction pénale résultait donc de la décision de poursuite et de mise en garde elle-même, peu important que les faits constitutifs de l'infraction pénale commise par monsieur [C] aient été provisoirement classés ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que « cette notification (…) est insuffisante à rapporter la preuve de l'existence d'une infraction pénale commise par monsieur [C] », la cour d'appel a violé l'article L. 222-23 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'à supposer même qu'une notification de sursis à poursuite n'établisse pas l'existence d'une infraction pénale, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si, indépendamment de la qualification pénale proprement dite, l'appréhension des documents de la société Protilab ne constituait pas une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales d'un dirigeant ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 222-23 du code de commerce.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Protilab de ses demandes à l'encontre de monsieur [M] ;

AUX MOTIFS QUE la société Protilab ne peut invoquer la violation des stipulations du pacte d'associés signé le 19 juin 2008 entre Messieurs [O], détenteur de 90 % des parts sociales, et [M], détenteur de 10 % des parts sociales, dès lors que, selon son article premier, « le pacte a pour objet de définir les modalités garantissant une cession collective de l'ensemble des parts sociales représentant 100 % du capital social de la société » ; que l'obligation de confidentialité prévue à l'article 6 est relative au contenu du pacte et interdit à M. [M] de divulguer à des tiers les informations de toute nature concernant M. [O] dont il aurait pu avoir connaissance dans le cadre et au titre du pacte d'associés et de leur association ; que l'obligation de loyauté prévue à l'article 4 du pacte n'engage que les signataires dans l'exécution du pacte ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Protilab de ses demandes à l'encontre de M. [M] (arrêt p. 11 § 3) ;

1°) ALORS QUE le pacte d'associés du 19 juin 2008 prévoyait expressément que la société Protilab pourrait se prévaloir à l'encontre d'une partie d'un éventuel manquement à l'obligation de confidentialité de sorte que les informations relatives à la société étaient nécessairement couvertes par cette obligation ; qu'en retenant dès lors que l'obligation de confidentialité était « relative au contenu du pacte » et ne concernait que les informations connues « dans le cadre et au titre du pacte d'associés (…) », la cour d'appel a dénaturé le pacte d'associés du 19 juin 2008, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QU'en outre, la société Protilab avait expressément soutenu que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en laissant sans réponse ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Protilab de ses demandes à l'encontre de la société Proxidental au titre de la concurrence déloyale résultant du débauchage des salariés de la société Protilab ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE comme l'a retenu le tribunal aucun débauchage massif de salariés n'est imputable à la société Proxidental, les salariés qui ont quitté la société Protilab pour rejoindre la société Proxidental l'ayant fait spontanément ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Protilab soutient que le agissements de Proxidental, à savoir l'entrée en pourparlers pour inciter les salariés à quitter leur entreprise et rejoindre une société nouvellement créée, s'accompagnant par une désorganisation profonde de la société quittée, est caractéristique d'une action en concurrence déloyale ; que toutefois, le débauchage implique la rupture d'un contrat de travail et la signature d'un nouveau contrat de travail et exclut par définition l'association à la création d'une entreprise en qualité d'actionnaire, notamment lorsqu'il n'existe pas de clause de non-concurrence ;

1°) ALORS QUE le tribunal avait, pour rejeter l'action en concurrence déloyale fondée sur le débauchage de salariés, énoncé que « le débauchage implique la rupture d'un contrat de travail et la signature d'un nouveau contrat de travail et exclut par définition l'association à la création d'une entreprise en qualité d'actionnaire, notamment lorsqu'il n'existe pas de clause de non-concurrence » (jugement p. 13 in limine) ; qu'en énonçant dès lors que le tribunal avait exclu tout débauchage massif à la charge de la société Proxidental eu égard au caractère « spontané » des départs des salariés de la société Protilab, la cour d'appel a dénaturé le jugement entrepris et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'AU SURPLUS le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que « les salariés qui ont quitté la société Protilab pour rejoindre la société Proxidental l'a(vaient) fait spontanément » ; qu'en se déterminant par ce motif péremptoire, sans viser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le débauchage de salariés n'est pas subordonné à l'existence d'un contrat de travail au sein de la nouvelle structure, seules devant être prises en considération les circonstances liées au débauchage, l'embauche corrélative et la désorganisation en résultant pour l'entreprise ; qu'en conséquence, en excluant tout acte de concurrence déloyale résultant du débauchage de salariés, motif – adopté - pris de ce que le débauchage exclut « l'association à la création d'une entreprise concurrente », la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la société Proxidental à la somme de 192.000 € au titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la société Protilab reproche au tribunal de s'être trompé de marché de référence et d'avoir assimilé le marché de la prothèse dentaire fabriquée en France avec celui de la prothèse dentaire importée en France en provenance de Chine, alors que ces marchés sont totalement distincts et connaissent une croissance en tous points opposée ; qu'il ressort de l'analyse de la société Xerfi que le marché de l'import de prothèses dentaires en provenance de Chine a connu un taux de croissance moyen de 47,8% en valeur euros, au cours des années 2009 à 2012 ; que le taux de croissance annuel du marché qui doit être retenu pour fixer sa perte de marge peut raisonnablement être fixé à 15% comme préconisé par Mme [V] ; que la société Protilab reproche au tribunal de n'avoir pris en considéraiton que sa perte de marge au cours d'une seule année, sans tenir compte des conséquences irrémédiables attachées au dénigrement dont la société a fait l'objet et uniquement pour les 56 clients identifiées par Me [U] en avril 2010 (…) (arrêt p. 13) ; (…) ; que la société Protilab sollicite la somme de 87.000 e au titre des coûts liés au débauchage de ses salariés, en exposant qu'elle a dû supporter le coût de la formation de ses nouveaux salariés ; (…) ; que la concurrence étant licite et la clientèle libre de changer de fournisseur, la société Protilab ne peut réclamer d'indemnisation que pour les actes de concurrence déloyale commis par la société Proxidental et non pour le préjudice concurrentiel que lui cause la création de sa concurrente, le préjudice concurrentiel étant licite ; que seul le détournement de 56 clients lors de la création de la société Proxidental est démontré ; que la perte des autres clients et le caractère définitif de ces pertes ne sont qu'hypothétiques ; qu'aucun dénigrement ni débauchage de salariés ne sont imputables à la société Proxidental ; que le tribunal n'a pas substitué le marché de la prothèse dentaire fabriquée en France à celui de la prothèse dentaire importée, mais a effectué une comparaison qui a constitué un des éléments du raisonnement qui l'a conduit à écarter l'hypothèse d'un taux de croissance annuelle de 15% ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a évalué à 192.000 € le montant des dommages-intérêts dus à la société Protilab, somme qui correspond à la perte de marge brute subie par la société Protilab sur une durée d'une année du fait de la perte des 56 clients détournés par la société Proxidental (arrêt p. 14 § 3) ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du quatrième moyen (concurrence déloyale liée au débauchage) entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a cru pouvoir limiter la réparation de la société Protilab à la seule somme de 192.000 € en indemnisation du préjudice causé par les seules manoeuvres déloyales (détournement de clientèle) ; que l'arrêt sera donc censuré par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel ne peut se contenter de se référer aux motifs des premiers juges dès lors qu'elle est saisie de conclusions contestant la motivation du jugement, cette contestation étant au surplus corroborée par de nouvelles pièces produites en cause d'appel ; qu'en l'espèce, pour critiquer le jugement qui, pour calculer le taux de marge, avait refusé de raisonner sur les statistiques établies, non pas en valeur mais « en volume », la société Protilab avait souligné, s'appuyant en cela sur une étude de marché régulièrement versée aux débats en appel (pièce n° 179), que le marché de l'import des prothèses dentaires avait connu un taux de croissance moyen de 47,8 % en valeur euros entre les années 2009 et 2012 ; qu'en se bornant à énoncer que le tribunal avait écarté l'hypothèse d'un taux de croissance annuelle de 15% au terme d'une comparaison entre le marché de la prothèse dentaire française et le marché de la prothèse importée sans répondre aux conclusions invoquant le calcul du taux de croissance en valeur euros et sans examiner les nouvelles pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve régulièrement versés aux débats par les parties, et ce, plus encore lorsque de nouvelles pièces sont communiquées en cause d'appel ; qu'en l'espèce, la société Protilab avait, en cause d'appel, communiqué et produit de nouvelles pièces (note du 7 mai 2015, rapport complémentaire de madame [V], etc…) pour mettre en lumière l'erreur du tribunal qui n'avait pris en considération sa perte de marge qu'au cours d'une seule année sans tenir compte des conséquences irrémédiables et dévastatrices sur la clientèle des actes de détournement commis ; qu'en se bornant à confirmer le jugement « en ce qu'il a évalué à 192.0000 € le montant des dommages-intérêts dus à la société Protilab, somme qui correspond à la perte de marge brute subie par la société Protilab sur une durée d'une année (…) » sans examiner les nouvelles pièces régulièrement versées aux débats par la société Protilab, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.