31 janvier 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-26.360

Chambre commerciale financière et économique - Formation plénière de chambre

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:CO00172

Titres et sommaires

PRET - Prêt d'argent - Intérêts - Taux - Taux effectif global - Action en nullité - Prescription quinquennale - Point de départ - Date à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur

Le point de départ de la prescription de l'action en nullité du taux effectif global mentionné dans un contrat de prêt se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant celui-ci. Viole, en conséquence, les articles 1304, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1906 du code civil et L. 313-2, devenu L. 314-5, du code de la consommation, la cour d'appel qui retient comme point de départ du délai de cette prescription la date d'un document ne constatant aucun taux effectif global

Texte de la décision

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 janvier 2017


Cassation


Mme MOUILLARD, président


Arrêt n° 172 FP-P+B+I

Pourvoi n° S 14-26.360





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Les Huileries de l'Etoile, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre C), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 décembre 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Rémery, Mmes Laporte, Bregeon, MM. Grass, Guérin, Mme Vallansan, M. Marcus, Mmes Darbois, Orsini, Poillot-Peruzzetto, M. Sémériva, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, M. Cayrol, conseillers, MM. Lecaroz, Arbellot, Contamine, Mmes Robert-Nicoud, Tréard, Schmidt, Le Bras, M. Gauthier, Mmes Jollec, Barbot, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société les Huileries de l'Etoile, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, l'avis de Mme Henry, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1304, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1906 du code civil et l'article L. 313-2, devenu L. 314-5, du code de la consommation ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de la SCI au motif que la prescription était acquise à la date à laquelle elle a été engagée, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée par la SCI, qui a souscrit un prêt pour les besoins de son activité professionnelle, est la date à laquelle l'offre de la Caisse a été acceptée par la SCI, qui constitue la date du contrat de prêt ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription de l'action en nullité du taux effectif global se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant celui-ci, la cour d'appel, qui a retenu comme point de départ de cette prescription la date d'un document ne constatant aucun taux effectif global, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société SCI Les Huileries de l'Etoile la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Les Huileries de l'Etoile

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la SCI Les Huileries de l'Etoile irrecevable en son action, du fait de la prescription acquise depuis le 25 février 2010 ;

AUX MOTIFS QUE selon les statuts, la SCI avait pour objet l'acquisition, la gestion et l'exploitation par bail d'un patrimoine immobilier. Il s'agissait d'acquérir au moyen des crédits litigieux une friche industrielle, de la rénover et de lui adjoindre des constructions nouvelles en vue de créer des espaces de vie et de services destinés à la location. Soumise à l'impôt sur les sociétés, la SCI exerçait une activité de caractère professionnel. L'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée par un emprunteur qui a obtenu le concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global. S'agissant d'un prêt, le point de départ de cette prescription est la date de la convention. Le contrat de prêt se forme entre la banque et son client par l'échange des consentements. En apposant le 24 février 2005 la mention « bon pour accord » suivie de sa signature sur la lettre du 23 février 2005 adressée par la Caisse d'épargne à la SCI. M. [Z] a agi, non pas à titre personnel, mais nécessairement en qualité de gérant de cette société, peu important qu'il n'ait pas apposé le cachet de la société. Il a valablement obligé la SCI à l'égard de la Caisse d'épargne puisque les statuts disposent que le gérant engage la société, dans les rapports avec les tiers, par les actes entrant dans l'objet social et que la souscription d'emprunts en vue de l'acquisition d'un patrimoine immobilier est expressément prévue dans l'objet social défini par les statuts. La stipulation de certaines conditions, dans la lettre du 23 février 2005, n'a pas pour effet de conférer à l'offre de la Caisse d'épargne le caractère d'un simple accord de principe devant être finalisé. La réalisation des conditions a rétroagi au jour auquel l'engagement a été contracté, en application de l'article 1179 du code civil. Quant à la fixation, postérieurement au 23 février 2005, du montant de la garantie d'hypothèque prévue sur les immeubles et quant à la réduction à 150.000 € de la réserve de disponibilités exigée de l'emprunteur, fixée initialement à 300.000 €, elles ne constituent que des aménagements secondaires dépourvus d'effets novatoires, les parties ayant donné, dès les 23 et 24 février 2005, leur accord, sans aucune restriction, sur les éléments essentiels du contrat. La convention s'étant formée le 24 février 2005, à la suite de l'accord donné par le gérant de la SCI à l'offre de la Caisse d'épargne, c'est à cette date que la prescription quinquennale a commencé à courir. Elle était acquise le 15 mars 2010 lorsque la SCI a assigné en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ;

1) ALORS QUE la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global (TEG) ; que le point de départ de cette prescription est, s'agissant d'un prêt, la date de la convention ; qu'en l'espèce, l'accord de financement donné par la Caisse d'épargne le 23 février 2005 ne mentionnait pas le taux effectif global tandis que l'acte notarié du prêt du 31 mars 2005 mentionnait que le taux effectif global était de 4,414056% l'an hors frais de garantie ; qu'il s'ensuit que la SCI Les Huileries de l'Etoile n'a pu avoir connaissance de l'erreur affectant le taux effectif global ou être réputée en avoir eu connaissance qu'à compter de l'acte notarié du prêt et qu'ainsi le point de départ de la prescription de son action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, en raison de l'erreur affectant le taux effectif global, est la date de l'acte notarié du prêt, soit le 31 mars 2005 ; qu'en considérant pourtant que la prescription quinquennale avait commencé à courir, non pas à compter de cette date, mais à compter du 24 février 2005, à la suite de l'accord donné par le gérant de la SCI à l'offre de la Caisse d'épargne, pour en déduire qu'elle était acquise le 15 mars 2010, la cour d'appel a violé les articles 1304 et 1906 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation ;

2) ALORS, subsidiairement, QU'en considérant que la prescription avait commencé à courir dès le 24 février 2005, sans rechercher, comme il lui était demandé, si à cette date, la SCI Les Huileries de l'Etoile pouvait connaître le vice affectant le taux effectif global, dont l'accord de financement de la Caisse d'épargne ne faisait aucune mention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1304, 1906 du code civil et L. 313-2 du code de la consommation ;

3) ALORS, subsidiairement, QUE les parties peuvent toujours prévoir que la réalisation du contrat est subordonnée à l'accomplissement d'une formalité ; qu'en l'espèce, l'accord de financement de la Caisse d'Epargne du 23 février 2005 disposait : « Cet accord de financement est valable deux mois, à compter de sa notification, soit jusqu'au 23 avril 2005. La date de régularisation des actes de prêt ne pourra pas excéder le 1er juin 2005, faute de quoi la CA PACR sera déliée de tout engagement. L'acte de prêt Long Terme sera régularisé en l'Etude [E] & [D], [Adresse 3] » ; que la régularisation de l'acte de prêt long terme, par acte authentique, au plus tard le 1er juin 2005, constituait ainsi une condition de formation du contrat de prêt ; qu'en se fondant pourtant sur le caractère consensuel du contrat de prêt, pour estimer que la convention s'était formée le 24 février 2005, à la suite de l'accord donné par le gérant de la SCI à l'offre de la Caisse d'épargne, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'accord de financement du 23 février 2005 et violé l'article 1134 du code civil.

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