25 juin 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/18254

Chambre 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 25 JUIN 2020



N° 2020/

AL











Rôle N° RG 18/18254 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLRO





[B] [L]





C/



SA CIFFREO [R]

















Copie exécutoire délivrée

le : 25/06/2020



à :



- Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de NICE



- Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 04 Octobre 2018, enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00078.







APPELANT



Monsieur [B] [L], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de NICE,





INTIMEE



SA CIFFREO [R], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me Denis DEUR, avocat au barreau de NICE







*-*-*-*-*























COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 20 Février 2020 en audience publique devant la Cour composée de :





Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller



qui en ont délibéré



Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2020, puis prorogé au 25 juin 2020 suite à la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 sur l'état d'urgence sanitaire.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juin 2020.



Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






*-*-*-*-*





FAITS ET PROCEDURE



Par contrat à durée indéterminée du 3 janvier 2000, la société par actions simplifiée Ciffreo [R] a embauché M. [B] [L] en qualité d'assistant responsable des lignes de produits Tecnas. Par avenant du 1er mai 2002, il a été promu directeur commercial, puis directeur d'exploitation, par avenant du 2 mai 2008. A compter du mois de décembre 2015, il a été nommé directeur d'exploitation général, devenant ainsi le supérieur hiérarchique des quatre directeurs d'exploitation des sociétés du groupe Ciffreo [R].



Le 14 novembre 2016, M. [B] [L] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire ; à l'issue de cet entretien, l'employeur lui a proposé une rétrogradation au poste de directeur d'exploitation du secteur de [Localité 5], à compter du 2 janvier 2017.

Le salarié a refusé cette proposition.

Le 9 décembre 2016, l'employeur l'a convoqué à un nouvel entretien préalable, puis l'a licencié pour insuffisance de résultat, insuffisance professionnelle et inadaptation à son poste, par lettre recommandée du 27 décembre 2016.



Contestant le bien-fondé de ce licenciement, et estimant que celui-ci devait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [B] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice, par lettre reçue au greffe le 25 janvier 2017, à l'effet d'obtenir le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité pour licenciement brutal et vexatoire, d'une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail, d'une indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche et d'une indemnité pour privation du congé de reclassement. Il sollicitait en outre un rappel de salaire au titre du mois de décembre 2015.





Par jugement du 4 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Nice l'a débouté de ses prétentions, estimant que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ; les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ont été rejetées.



Par déclaration du 20 novembre 2018, M. [B] [L] a relevé appel de cette décision, en toutes ses dispositions.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 décembre 2020.





MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES



Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2019, M. [B] [L] expose, en substance :

- sur la proposition de rétrogradation,

- que cette proposition n'était pas suffisamment précise, alors même que l'article 12 de la convention collective nationale des cadres du négoce des matériaux de construction prévoit que 'toute modification du contrat (...) comportera toutes précisions sur le nouvel emploi',

- que cet article prévoit également un délai de réflexion de deux mois pour le salarié auquel une modification de son contrat est proposée,

- que ce délai s'applique également en cas de proposition de mutation,

- qu'en l'espèce, une réponse lui a été demandée sous huit jours,

- que, par analogie avec les règles applicables en matière de licenciement économique, le non-respect de ce délai prive de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif au refus par le salarié de la modification de son contrat de travail,

- sur le fait que son licenciement aurait été décidé avant l'entretien préalable,

- que l'employeur voulait se séparer de lui dès le 16 novembre 2016,

- qu'il l'a ainsi écarté d'un déplacement à [Localité 4],

- que la direction de la société Ciffreo [R] ne lui a pas adressé une note du 5 décembre 2016 diffusée à tous les directeurs d'exploitation,

- que cette volonté de l'évincer ressort également d'une attestation de M. [S], et des négociations entreprises avec son remplaçant, M. [C],

- que, dès lors, la procédure de licenciement est irrégulière,

- sur le fondement du licenciement,

- que, dès lors qu'il s'était placé, à l'origine, sur le terrain disciplinaire, l'employeur ne pouvait mettre un terme aux relations contractuelles que par la mise en oeuvre d'un licenciement disciplinaire, en démontrant que l'insuffisance de résultat reprochée résultait de carences fautives du salarié,

- que, par suite, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- sur l'insuffisance professionnelle,

- que cette prétendue insuffisance n'a pu être observée que sur une période neuf mois, trop brève pour juger de ses qualités professionnelles et de son adaptation à son poste,

- qu'en outre, les mauvais résultats qui lui ont été reprochés étaient liés à la situation économique dégradée de sa zone d'activité,

- qu'enfin, la comparaison avec l'année précédente était dénuée de pertinence, une vente exceptionnelle ayant été réalisée lors de l'année précédente,

- que son parcours au sein de la société atteste au contraire de ses qualités professionnelles,

- sur les autres griefs élevés à son encontre,

- que la lettre de licenciement fait état d'un 'manque de diplomatie', de 'propos excessifs', et d'une tenue vestimentaire négligée,

- que ces griefs sont imprécis, et non datés,

- que, dès lors, ils ne sont pas matériellement vérifiables,

- que, dans ses écritures, l'employeur évoque un abus d'alcool qui n'a pas été mentionné dans la lettre de licenciement,

- sur la dissimulation du motif réel de son licenciement,

- que son licenciement pour insuffisance professionnelle masque en réalité un licenciement pour motif économique,

- que la société Ciffreo [R] rencontrait des difficultés depuis 2008,

- que les deux directeurs d'exploitation générale de la société ont été remplacés par un seul salarié, M. [C],

- sur ses demandes indemnitaires,

- qu'il avait 17 ans d'ancienneté dans l'entreprise,

- qu'il était âgé de 49 ans lors de la rupture de son contrat de travail,

- qu'il n'a retrouvé un emploi qu'en mars 2019, moins bien rémunéré, et situé en Corse,

- que le préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement doit donc être réparé par une indemnité égale à 30 mois de salaire, soit 477 000 euros,

- qu'en outre, son licenciement a été prononcé dans des conditions brutales et vexatoires,

- que la somme de 47 700 euros, correspondant à trois mois de salaire, doit lui être allouée de ce chef,

- que l'employeur a également manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, en prenant la décision de le licencier avant l'entretien préalable,

- que la somme de 47 700 euros doit également lui être octroyée de ce chef,

- qu'en ne le licenciant pas pour motif économique, l'employeur l'a privé du bénéfice de la priorité de réembauche,

- que ce préjudice sera justement indemnisé par la somme de 47 700 euros,

- que, de ce fait, l'employeur l'a également privé du bénéfice du congé de reclassement,

- que la somme de 93 015 euros doit lui être allouée de ce chef

- sur la demande de rappel de salaire,

- qu'il a été affecté au poste de directeur d'exploitation général à compter du mois de décembre 2015,

- que son salaire brut était dès lors de 11 000 euros,

- que, toutefois, un salaire brut de 8 500 euros lui a été versé au mois de décembre 2015 et au mois de janvier 2016,

- que l'employeur n'a corrigé cette erreur que pour le mois de janvier 2016

- que, par suite, il est fondé à réclamer la somme de 2 500 euros de ce chef, outre celle de 250 euros au titre des congés payés.

Du tout, M. [B] [L] sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et le paiement des sommes suivantes :

- 477 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 47 700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

- 47 700 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 47 700 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,

- 93 015 euros au titre du préjudice subi du fait de la privation du bénéfice du congé de reclassement,

- 2 500 euros au titre du solde de son salaire du mois de décembre 2015, et 250 euros au titre des congés payés correspondants,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- les intérêts au taux légal produits par ces condamnations à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Nice, avec capitalisation.

Il réclame en outre la distraction des dépens au profit de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Lexavoue Aix-en-Provence.



En réponse, la société Ciffreo [R] fait valoir, dans ses conclusions notifiées le 12 décembre 2019 :

- sur les circonstances du licenciement,

- que le poste de directeur général d'exploitation qui avait été confié à M. [B] [L] était un poste de haut niveau, qui faisait de lui le deuxième responsable du groupe,

- que ses attributions étaient importantes et son niveau de rémunération élevé,

- que le salarié n'a pas fait preuve du niveau de compétence suffisant pour occuper ce poste,

- que, dès lors, l'employeur lui a proposé de reprendre le poste qu'il occupait antérieurement, mais dans le secteur de [Localité 5],

- que cette offre était précise et sérieuse, et permettait au salarié de conserver une rémunération mensuelle brute de 7 000 euros,

- que le refus opposé par M. [L] à cette proposition a conduit à son licenciement,

- sur le délai de deux mois,









- que le délai de deux mois prévu par l'article 12 de la convention collective des cadres du négoce des matériaux de construction ne s'applique aux mesures de rétrogradation qui ont pour objet de sanctionner le salarié,

- que le non-respect de ce délai n'est pas sanctionné,

- sur le fondement du licenciement,

- que l'employeur qui a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre d'un salarié peut néanmoins le licencier pour un motif non disciplinaire,

- que seul le motif de rupture visé dans la lettre de licenciement détermine la nature de celui-ci,

- sur la nature prétendument économique du licenciement,

- que la société Ciffreo [R] ne rencontrait pas de difficulté économique,

- que, de surcroît, il n'était pas plus profitable pour l'employeur de licencier M. [L] pour motif économique plutôt que pour insuffisance professionnelle,

- sur le moyen selon lequel le licenciement litigieux aurait été décidé avant l'entretien préalable,

- que ce moyen est erroné, et repose sur des preuves insuffisantes,

- sur les motifs du licenciement,

- que le licenciement de M. [L] était fondé, d'une part, sur une insuffisance de résultats, d'autre part sur un comportement inadapté,

- que ces deux motifs sont établis par les pièces versées aux débats,

- que les sociétés sous la responsabilité de M. [L] ont connu une baisse de chiffre d'affaires préoccupante, alors même que le secteur du bâtiment et du négoce des matériaux de construction était en croissance,

- que M. [L] a fait preuve de maladresse, de manque de diplomatie, et de distance avec ses collaborateurs,

- qu'en outre, il a tenu des propos excessifs,

- que ces griefs sont prouvés par les attestations versées aux débats,

- que le licenciement était donc bien fondé,

- subsidiairement, sur les indemnités réclamées,

- que ces indemnités sont excessives,

- que M. [L] a retrouvé un emploi,

- que le licenciement n'a pas été brutal et vexatoire,

- sur la demande de rappel de salaire,

- que le salaire de M. [L] ne devait augmenter qu'à compter du mois de janvier 2016, et non dès le mois de décembre 2015.

Par ces motifs, la société Ciffreo [R] conclut au rejet des prétentions adverses et à la confirmation du jugement entrepris ; elle sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle demande que l'indemnité pour licenciement abusif réclamée par l'appelant soit limitée à 95 400 euros, et conclut au rejet du surplus des prétentions adverses.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur la demande de rappel de salaire



M. [B] [L] produit une note de l'employeur du 4 décembre 2015, selon laquelle sa nomination au poste de directeur d'exploitation général est devenue effective à compter du 1er décembre 2015. Toutefois, son bulletin de paye du mois de décembre 2015 fait apparaître un salaire forfaitaire brut de 8 500 euros, alors que la rémunération qui lui a ensuite été versée, attachée à ses nouvelles fonctions, était de 11 000 euros bruts. Dès lors, M. [B] [L] est fondé à réclamer un arriéré de salaire de 2 500 euros bruts, outre la somme de 250 euros bruts au titre des congés payés correspondants. L'employeur ne démontrant pas s'être acquitté du paiement de cette somme, il convient d'infirmer le jugement déféré sur ce point, et de le condamner audit paiement.







Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail



Sur la lettre de licenciement



La lettre de licenciement de M. [B] [L], en date du 27 décembre 2016 est ainsi libellée:



'Monsieur,

A la suite de notre entretien du 20 décembre 2016 en présence des signataires de la présente, entretien auquel vous vous êtes rendu assisté de Madame [I], représentante du personnel, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour insuffisance de résultat, insuffisance professionelle caractérisée et inadaptation au poste.

Nous vous rappelons que vous avez été engagé en qualité d'assistant responsable ligne produits TECNAS en date du 03 janvier 2000 et que vous avez évolué régulièrement dans la hiérarchie, compte tenu des qualités professionnelles qui étaient les vôtres pour accéder en date du 1er mai 2002 au poste de Directeur d'exploitation. Jusqu'à ce que Monsieur [T] [R] vous confie un poste encore supérieur à celui que vous occupiez jusqu'à l'automne 2015.

Vous étiez déjà demandeur d'évolution et nous avions une première fois tenté pendant un an et demi (entre fin 2011 et début 2013), de vous confier une responsabilité supplémentaire sur SALICA, expérience qui s'était avérée non concluante.

Ainsi, et afin de ne pas entamer votre motivation, il vous a été proposé en milieu d'année 2014 un poste clef de la société qui est celui Directeur d'exploitation général, suite au départ prévu de Monsieur [A] pour une autre mission.

Il s'agissait incontestablement tant pour la société que pour vous-même d'un challenge qui a toutefois été décalé d'un an, suite à votre comportement et à votre dérapage verbal lors d'une réunion de directoire, et à votre engagement de vous ressaisir.

Messieurs [T] [R] et [J] vous avaient à ce moment-là entretenu sur ce sujet. Vous aviez alors promis à Monsieur [T] [R] de vous maîtriser et Monsieur [J] vous a même proposé de vous aider et de vous accompagner pour régler votre problème.

Suite à votre engagement, pris vis-à-vis de Monsieur [T] [R], nous vous avions donc finalement confié le poste de Directeur d'exp1oitation général à l'automne 2015.

Toujours est-il que nous avons accédé à votre demande de promotion hiérarchique en vous affectant au poste exceptionnel de Directeur d'exp1oitation général, poste à très hautes responsabilités nécessitant des qualités professionnelles indéniables.

Votre affectation à ce poste vous a en effet propulsé numéro 2 de la société, ce qui impliquait évidemment un professionnalisme sans faille et un comportement exemplaire.

En contrepartie de ce niveau de responsabilité, vous avez eu accès en toute logique à une rémunération en conséquence outre un avantage se matérialisant par un véhicule haut de gamme. Lors de votre affectation nous pensions que nos conseils ainsi que vos années d'expérience à un poste déjà de haut niveau vous permettraient d`assumer vos nouvelles fonctions, d'autant que c'est en toute connaissance des contraintes du poste que vous avez acccepté.

Mais nous sommes obligés de constater que cette promotion est un échec.

Malgré notre patience, nos efforts ainsi que notre magnanimité à votre égard, nous n'avons d'autre choix que de tirer les conséquences de cette triste réalité : le poste confié ne vous convient pas.

En effet, vous n'avez jamais été capable de vous adapter à vos nouvelles fonctions, ce que nous ne pouvons davantage accepter, sauf à mettre en danger la pérennité de la société.

Aussi, les reproches que nous avons à vous formuler sont de deux ordres :

- d`une part, nous vous reprochons une insuffisance de résultat.

- d'autre part, nous vous reprochons un comportement inadapté ayant des répercussions extrêmement préjudiciables pour la société.

S'agissant de l'insuffisance de résultat :

Nous vous rappelons vos piètres résultats sur votre zone d'exploitation à fin septembre 2016 avec une insuffisance de chiffre d'affaires et de masse marge / budget, des différés pas maîtrisés et des achats trop importants (tensions de trésorerie), outre un poste transport sur vente non maîtrisé.

Ce constat est d'autant plus inacceptable que la société CIFFREO [R] NICE a toujours été le fer de lance de nos filiales.

Or, elle subit la pire contreperformance jamais enregistrée dans son histoire avec une accélération en 2016.

Outre vos résultats sur cette zone d'exploitation, nous déplorons également que la zone d'exploitation de Monsieur [Z], Directeur d'exploitation sous votre responsabilité, traverse aussi des difficultés importantes avec les mêmes problématiques.

Il en est également de même de la zone d'exploitation de Monsieur [X], Directeur d'exploitation lui aussi sous votre responsabilité.

D'ailleurs et pour ce dernier, Monsieur [T] [R] a dû personnellement intervenir compte tenu de la gravité de la situation dans la mesure où vous n'avez jamais su collaborer avec ce Directeur ni recueillir son adhésion.

Les chiffres sont incontournables et vous les connaissez parfaitement. La situation économique que nous connaissons n'est naturellement pas une excuse atténuante. Bien au contraire, elle aurait dû vous faire réagir, ce qui vous aurait permis de trouver des palliatifs et des solutions d°autant que nous notons depuis plusieurs mois une relance économique par 1'effet notamment d'une politique de grands travaux au niveau local.

Quelques exemples de chiffres témoignent de votre inefficacité totale.

Ainsi, à la fin septembre 2016/septembre 2015 :

- sur CIFFREO [R] NICE: le CA est à -9% (-11% par rapport au budget) et la masse marge à -12, 5% (-2,5 millions 6).

- sur CIFFREO [R] CANNES: le CA est à -3, 7% (-9% par rapport au budget) et la masse marge à -7% (-900 K6).

Ces résultats ayant évidemment non seulement des incidences sur la trésorerie mais aussi sur les possibilités de financement de notre développement.

S'agissant de votre comportement :

Force est de reconnaître que votre attitude générale ainsi que votre management n'ont pas été au niveau de ce que nous étions en droit d'attendre d'un Directeur d'exploitation général.

Votre maladresse managériale, votre manque de diplomatie, vos propos excessifs lors de certaines réunions voire vos débordements verbaux ont non seulement participé à décrédibiliser la fonction mais également à déstabiliser, à démobiliser les équipes et à remettre en cause votre légitimité en tant que Directeur d'exploitation général.

Ce n'est pas faute pour Monsieur [T] [R] en personne de vous avoir demandé à plusieurs

reprises de faire des efforts :

- efforts au niveau vestimentaire (vous aviez un poste de direction générale. ..),

- efforts afin que cessent vos dérives verbales en réunion comme par exemple couper la parole à vos Directeurs, avoir des propos agressifs, excessifs, voire vulgaires et insultants. ..

La liste n'est bien évidemment pas exhaustive.

Jamais vous n'avez compris le sens des alertes qui vous ont été données dans votre intérêt comme dans celui de la société naturellement.

Récemment encore, il vous a été fait la remarque d'une posture inappropriée lors de la réunion pour l'achat de la société JULLIER BOIS dans les bureaux du propriétaire.

Il vous a probablement échappé qu'en accédant au poste de Directeur d'exploitation général, vous deveniez « le bras droit '' de Monsieur [T] [R] en personne et que vous représentiez en interne la société CIFFREO [R] et en externe l'image de celle-ci.

Il était impératif que vous deveniez un véritable exemple pour les équipes, fédérateur, meneurs d'hommes, force de proposition, en apportant une valeur ajoutée à notre structure en termes de résultats et d`adhésion des équipes.

Mais tel n'a malheureusement pas été le cas.

Bien au contraire, votre management a divisé et démotivé nos troupes, conduisant à la pire année jamais enregistrée sur [Localité 6], et obligeant Monsieur [T] [R] à intervenir personnellement afin d'enrayer cette spirale infernale.

Quelques exemples sont rappelés dans cette lettre de rupture mais la liste n'est encore une fois pas exhaustive.

Vous avez été incapable de maintenir un esprit d'équipe et une convivialité indispensable dans les relations avec les collaborateurs en vue de contribuer à la défense de nos valeurs et d'atteindre nos objectifs.

Vos débordements ont participé à décrédibiliser la fonction, à démobiliser les équipes et en remettre en cause votre légitimité en tant que Directeur d'exploitation général.

Ce manque d'exemplarité dans votre manière d'exercer cette fonction de haut niveau a fortement nuit aux intérêts de la société et démotivé le personnel qui ne pouvait-plus adhérer à ce mode de management.

Vous avez été également incapable de collaborer avec les services généraux tels que le service

Achats et le service RH, préférant adopter une posture proche de la confrontation.

Votre inertie et ce défaut dans le management des équipes comme dans la mobilisation de l'encadrement se manifestent notamment par votre incapacité à faire travailler ensemble vos managers.

Plutôt que de vous remettre en question, vous avez également mis en cause le niveau de vos collaborateurs directs (D.E.) en proposant bien souvent comme solution de façade de faire à leur place alors que vous vous deviez de les épauler et les diriger de telle sorte qu'ils fassent preuve d'efficacité.

Vous avez été incapable de faire travailler ensemble vos managers.

Vos carences se sont également caractérisées par votre passivité, votre manque d'anticipation

et même de reprise en mains de la situation.

Monsieur [T] [R] a ainsi été obligé, depuis plusieurs mois, de vous suppléer dans ce poste, pour lequel il vous avait formé, et ce en intervenant directement, en organisant des réunions de Directeurs d'exploitation pour rappeler les fondamentaux du métier mais aussi en se rendant sur le terrain pour s'enquérir des mesures prises et remobiliser les équipes.

Mais cette tâche vous revenait. En effet, à un tel niveau de poste, vous auriez dû anticiper et reprendre en mains la situation, proposer des mesures appropriées, sans attendre les interventions de Monsieur [T] [R].

C'était à vous qu'il revenait de faire grandir vos directeurs et de mobiliser les équipes. Vous l'auriez accomplie si vous en aviez été capable et si vous aviez pris conscience de vos responsabilités.

Nous constatons que tel n'est pas le cas et vous ne vous êtes jamais remis en question. Vous êtes toujours dans un déni systématique et encore lors de l'entretien, vous vous êtes cherché des causes extérieures (réagencement de Diderot, Carros matériaux, [M] [H], CBM, la voie des 40 mètres, le marché,.. .) pour tenter de minimiser les baisses importantes de CA et de marge.

Vous avez toutefois reconnu que malgré cela vos résultats n'étaient pas bons...

Vous dites avoir remobilisé les équipes en réunissant notamment les commerciaux: et chefs de

dépôt à l'automne 2016.

Mais la réalité est malheureusement bien différente.

Sur vos carences managériales et votre comportement, vous ne vous reconnaissez aucune responsabilité. Vous avez indiqué que vous étiez fédérateur car, selon vous, si cela n'avait pas été le cas vos directeurs, lors de votre départ de certains secteurs, ne vous auraient pas fait un cadeau.

Malgré tout, nous ne nions pas que vous ayez des qualités professionnelles incontestables et votre ascension dans notre structure le démontre. Nous n'entendons pas l'oublier, d'où notre volonté de vous proposer un reclassement plus en phase avec vos aptitudes.

Votre refus d'accepter la proposition de rétrogradation que nous vous avons formulée, ainsi que la teneur de votre courrier de refus sont tout à fait révélateurs de votre absence de prise de

conscience de la gravité de la situation.

Vous aviez certes parfaitement le droit de refuser notre proposition, et ce n`est pas naturellement votre refus qui motive la présente mesure de licenciement,

Toutefois il n'est pas inintéressant de vous rappeler que, en l'état du constat de vos résultats

inacceptables et face à vos problèmes de comportement, nous avons eu à c'ur de reconsidérer

votre mission dans l'entreprise.

Et c'est précisément dans cette optique que nous vous avons proposé un poste que nous estimions plus en rapport avec vos capacités, à savoir un poste de Directeur d'exploitation, cadre dirigeant, que vous maîtrisiez pour l'avoir déjà exercé et de surcroît sur un secteur en développement pour lequel nous avons des projets ambitieux.

Votre expérience passée de Directeur d'exploitation vous aurait permis de toute évidence de vous relancer, dans un environnement différent, avec des équipes réduites tout en contribuant par votre connaissance de notre entreprise à ce challenge important.

Il est regrettable que vous n'ayez pas saisi cette chance, nous obligeant dès lors à rompre notre relation contractuelle pour les motifs qui nous ont conduits à vous convoquer une première fois pour une proposition de rétrogradation sanction.

Nous nous voyons donc contraints de procéder à votre licenciement pour les motifs sus-évoqués.

Vous ne ferez donc plus partie du personnel de l'entreprise à l'expiration d'un délai de préavis de trois mois qui commencera à courir à dater de la présentation de cette dernière. Nous vous dispensons de l'exécuter, il vous sera néanmoins rémunéré.

À l'expiration du délai de préavis, vous recevrez votre certificat de travail et votre solde de tout compte par pli postal séparé.

La rupture de votre contrat de travail ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, en application de l'article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale, vous bénéficierez à compter de la rupture de votre contrat du maintien des garanties frais de santé en vigueur dans l'entreprise dans la limite de 12 mois. Pour de plus amples informations sur l'étendue de cette couverture, vous êtes invité à vous adresser à La Mutuelle Familiale/Ma Nouvelle Mutuelle (MNM).

Vous serez tenu de transmettre à MNM votre justificatif de prise en charge par l'assurance chômage et de les tenir informé de toute cessation de prise en charge par l'assurance chômage intervenant pendant la période de maintien de votre couverture complémentaire santé.



Vous bénéficierez également à compter de la rupture de votre contrat du maintien des garanties de prévoyance géré par PRO BNP, en vigueur dans l'entreprise, dans la limite de 12 mois. Pour de plus amples informations sur l'étendue de cette couverture, vous êtes invité à vous adresser à PRO BNP ([Adresse 3] ou www.probtp.com).'



Sur la procédure de licenciement



L'appelant invoque l'article 12 de la convention collective nationale des cadres du négoce des matériaux de construction, qui prévoit que le salarié auquel une modification de son contrat est proposée bénéficie d'un délai de réflexion de deux mois pour l'accepter ou la refuser. Cet article, qui mentionne également que la modification du contrat 'comportera toutes précisions sur le nouvel emploi', porte sur les modifications de contrat, et non sur les mesures de rétrogradation ayant pour objet de sanctionner le salarié. En conséquence, il ne s'applique pas aux faits de la cause. Les moyens tirés de l'application de cet article, relatifs au non-respect du délai de réflexion conventionnel et à l'absence de précisions suffisantes quant au poste proposé, doivent donc être rejetés.



Sur le caractère prémédité du licenciement



L'appelant affirme que la décision de le licencier aurait été prise avant l'entretien préalable. Il produit une attestation de son collègue M. [N] [S], selon laquelle M. [T] [R], dirigeant de la société Ciffreo [R], lui aurait annoncé, à la fin du mois d'octobre 2016, une réorganisation de la société, puis, 'dans la quinzaine qui a suivi', lui aurait 'fait part de son souhait de se séparer de [B] [L]'. Il ajoute que [T] [R] lui a déclaré qu'il entendait proposer une mutation et une rétrogradation à ce dernier, en escomptant un refus qui lui permettrait de licencier le salarié.

Cette attestation, précise et circonstanciée, qui porte sur des faits datés, démontre que la décision de la rupture du contrat de travail en cause a été prise avant l'entretien préalable. En revanche, une telle décision constitue une irrégularité de procédure, et ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse.



Sur la cause exacte du licenciement



M. [B] [L] soutient également que la rupture de son contrat de travail était liée, en réalité, aux difficultés économiques de la société Ciffreo [R], et non à l'insuffisance professionnelle et à l'insuffisance de résultat qui lui sont reprochées dans la lettre de licenciement. Il produit divers articles de presse, portant sur les difficultés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, dont un extrait du Figaro faisant état d'un recul de l'activité de 2,5 % au troisième trimestre 2015, ainsi que des documents comptables relatifs à la situation de la société Costamagna Distribution. Ces pièces, qui ne concernent pas précisément la société Ciffreo [R], ne sauraient établir le fait qu'il allègue, selon lequel la rupture de son contrat de travail reposerait sur un motif économique. Ce moyen doit donc être rejeté.



Sur le fondement du licenciement



La société intimée soutient que le salarié a refusé une rétrogradation, l'obligeant ainsi à envisager une mesure de licenciement. Toutefois, une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire contre un salarié, ne peut lui être imposée ; en cas de refus de ce dernier, l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, en lieu et place de la sanction refusée. Par suite, dès lors que l'employeur se place sur le terrain disciplinaire, lorsqu'il propose une modification du contrat de travail, il ne peut faire reposer le licenciement lié au refus de cette modification sur un motif disciplinaire. Ainsi, l'insuffisance professionnelle ne peut alors constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle est liée à une faute du salarié.



En l'espèce, la société Ciffreo [R] a proposé à M. [B] [L] une modification de son contrat de travail prenant la forme d'une rétrogradation et d'une mutation, ayant la nature de sanction, par lettre du 28 novembre 2016, ainsi libellée :

'Monsieur,

Nous vous confirmons les termes de notre entretien du 23 novembre 2016, en présence de Messieurs [R] et [J], auquel vous avez été régulièrement convoqué par lettre remise en mains propres du l4 novembre 2016, et pour lequel vous étiez assisté de Monsieur [P].

Lors de cet entretien, nous vous avons reproché vos insuffisances de résultats sur le secteur dont vous avez la responsabilité révélant votre incapacité à tenir votre fonction de directeur d'exploitation général, sans que vous n'ayez à aucun moment semblé en mesure de corriger ces problèmes et capable de maîtriser la situation. En effet, nous constatons sur votre zone d'exploitation à fin septembre 2016 :

- Une insuffisance de chiffre d'affaires et de masse marge budget.

- Des différés pas maîtrisés et des achats non suivis, ce qui provoque des tensions de trésorerie.

- Le poste transport sur vente absolument pas maîtrisé.

Les directions d'exploitation dont vous vous occupez se retrouvent donc dans une situation très préoccupante et vos résultats sont même très en deçà de ceux réalisés sur les autres secteurs d'exploitation. Alors que CIFFREO [R] Nice a toujours été le fer de lance de nos filiales, cette société subit la pire contreperformance jamais enregistrée dans son histoire avec une accélération en 2016.

Nous ne pouvons pas plus longtemps vous laisser mettre en péril cette société.

La zone d'exploitation de Monsieur [Z] traverse aussi des difficultés importantes avec les mêmes problématiques.

Quant à la zone d'exploitation de Monsieur [X], il a fallu que Monsieur [T] [R] prenne le relais et intervienne directement sur ce secteur car vous n'avez jamais su collaborer avec ce directeur ni recueillir son adhésion.

A aucun moment, malgré les demandes soutenues de Monsieur [T] [R], vous n'avez semblé à même de redresser la situation.

Au contraire, au-delà de vos affirmations et de vos certitudes, vous cherchez des causes exogènes à l'ensemble de ce que nous avons constaté, ceci sans jamais vous remettre en question !

Lors de notre entretien, vous n'avez pas contesté les résultats, mais vous avez cherché à minimiser les baisses importantes de CA et de marge en expliquant qu'il y avait une grosse référence de CA l'année précédente (chantier de la voie des 40 mètres sur [Localité 6]) et qu'il y avait une perte sur l'étanchéité.

Monsieur [R] vous a répondu que ces deux éléments n'étaient pas suffisants pour expliquer la chute sur CIFFREO [R] NICE.

Concernant le secteur Lyonnais vous estimez avoir pris les bonnes décisions et que cela portait maintenant ses fruits.

Monsieur [R] vous a répondu que ce redressement était essentiellement lié au travail de Monsieur [X] et pas à votre action.

Concernant vos carences managériales, vous dites ne pas être en opposition avec les équipes et que vous avez seulement un souci sur CIFFREO [R] Cannes avec le directeur d'exploitation.

Vous avez indiqué avoir pris un contact direct avec les directeurs d'agences de Monsieur [Z] et les commerciaux pour pallier ce problème.

Déjà le 14 novembre 20l6, votre propos consistait principalement à mettre en cause le niveau de vos collaborateurs pour expliquer vos échecs, tout en prétendant pouvoir rectifier la situation en prenant certaines de leurs attributions en direct !

Une telle posture est même inquiétante et outre votre déni et absence de remise en cause, elle caractérise votre incapacité à entraîner et à faire faire à vos équipes.

Vous dites également ne pas avoir de problèmes avec les services généraux à part un problème de communication avec le service RH... mais aussi avec le service Achat et Monsieur [E].

Enfin, alors que Monsieur [R] déplorait les problèmes liés aux CSA (conditions spéciales d'achat), vous avez tenté de vous justifier sur ce sujet en disant que vous aviez appliqué ce que demandaient Messieurs A. [R] et [W] et que vous aviez cherché à minimiser l'effet très négatif des CSA sur votre secteur.

Monsieur [R] vous a précisé que si vous constatiez des dérives sur la gestion vous auriez dû, plutôt que de subir, l'informer de ces dérives, c'était votre rôle de D.EG.

Ceci confirme que vous n'avez pas su endosser le 'costurne" du D.E.Ct., ni adopter la posture, ni prendre la mesure de la fonction.

Face a cette situation préoccupante et face à votre inertie, il a fallu que Monsieur [R] intervienne directement depuis trois mois en organisant des réunions de DE, en rappelant les fondamentaux de notre métier, en demandant les mesures prises et en remobilisant les équipes.

À un tel niveau de poste, c'était à vous qu'il revenait d'anticiper ou du moins de reprendre en mains la situation et le proposer des mesures appropriées, sans attendre les interventions de Monsieur [R].

C'était à vous pourtant qu'il revenait de faire grandir vos directeurs et de mobiliser les équipes.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu votre manque de propositions et de plans d'actions.

Notre entretien confirme que vous n'avez aucunement pris conscience du rôle de manager de haut niveau et de fédérateur du D.E.G. qui est le garant de l'adhésion des équipes en vue de l'atteinte des objectifs que nous nous sommes fixés.

Vous n'avez pas réussi à mobiliser les équipes autour de vous, ni à les accompagner vers la réussite.

Vous n'avez pas su apporter, par manque de sens managérial et par un comportement en inadéquation avec la mission de D.E.G., la valeur ajoutée que nous attendions dans la mobilisation des équipes.





La valeur ajoutée que vous étiez censé apporter dans ce poste a été nulle voire contre-productive.

Le climat que vous avez instauré avec un management inapproprié s'est même dégradé au cours des derniers mois et les équipes sont démobilisées.

Vous n'avez pas su maintenir cet esprit d'équipe et la convivialité indispensable dans les relations avec les collaborateurs, en vue de contribuer à la défense de nos valeurs et à l'atteinte de nos objectifs.

Notre dépôt de Pasteur, le plus important et le plus emblématique de tous, est l'image du reste : pas piloté, mal organisé, avec de mauvais résultats et également en grande difficulté.

Suite à cet entretien au cours duquel nous avons entendu les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé d'envisager votre rétrogradation disciplinaire au poste de directeur d'exploitation sur le secteur de [Localité 5] à compter du 2 janvier 20 I 7.

Ce secteur plus restreint que nous réorganisons, avec des équipes réduites, dans une fonction que vous avez déjà exercée, devrait vous permettre, nous l'espérons, d'atteindre les objectifs et de vous reprendre.

Nous prendrons en charge les frais d'hôtel pendant les six premiers mois d'exercice de ce poste, le temps que vous vous organisiez.

La sanction envisagée à votre égard emportant modification de votre contrat de travail, nous vous rappelons que vous disposez de la faculté d'accepter ou de refuser cette mesure.

Vous disposez d'un délai de 8 jours à compter de la réception de cette proposition pour nous faire connaître votre décision.

Passé ce délai, et sans réponse de votre part, nous considérerons que vous avez refusé cette sanction et engagerons une procédure de licenciement.

Si vous acceptez, veuillez nous retourner la présente lettre revêtue de la mention "bon pour accord" suivie de votre signature.

Votre nouvelle atïeclation prendra alors effet à compter du 2Janvier 2017 et vous recevrez un avenant à votre contrat de travail qui sera établi à la date de prise effective de vos fonctions, stipulant votre nouvelle qualification professionnelle de directeur d'exploitation, classification au niveau [Localité 7] B 600 et votre nouveau salaire d'un montant de 7.000 € brut.

Vous bénéficierez en outre d'un véhicule 4 places type Aude A3. .

Cette lettre, constituant une proposition de sanction conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, n'est pas à considérer comme une notification de sanction.

Elle ne le deviendra que par votre acceptation.'



Cette rétrogradation a été proposée à la suite d'un entretien préalable en vue du prononcé d'une mesure de sanction ; en outre, elle était présentée expressément comme une sanction dans la lettre du 28 novembre 2016. Or, si la lettre de licenciement du 27 décembre 2016 mentionne que le refus opposé par le salarié à cette proposition de rétrogradation n'est pas le motif de son licenciement, celui-ci n'a pas été prononcé pour un motif disciplinaire. La lettre du 27 décembre 2016 mentionne au contraire que le licenciement est prononcé 'pour insuffisance de résultat, insuffisance professionnelle caractérisée et inadaptation au poste'. Il se déduit de cette formulation que l'employeur n'a pas souhaité demeurer sur le terrain disciplinaire dans le cadre du licenciement litigieux. Dès lors, celui-ci est dénué de cause réelle et sérieuse.



Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse



L'effectif de l'entreprise étant supérieur à onze salariés et M. [B] [L] ayant plus de deux ans d'ancienneté, l'article L 1235-3 est applicable, dans sa rédaction en vigueur à la date du licenciement. Par suite, M. [B] [L] est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins égale à six mois de salaire. Au regard de son âge, de 48 ans à la date de la rupture du contrat, de son ancienneté dans l'entreprise, de 17 ans, du montant de son salaire, de 15 900 euros bruts, et du fait qu'il a retrouvé un emploi, en Corse, le 4 mars 2019, soit plus de deux ans après son licenciement, la somme de 224 000 euros, correspondant à 14 mois de salaire, doit lui être allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



En outre, par application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées à M. [B] [L] du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois.



Sur l'exécution déloyale du contrat de travail



M. [B] [L] sollicite la somme de 47 700 euros à titre de dommages et intérêts, pour exécution déloyale de son contrat de travail, motif pris du fait que son licenciement aurait été décidé avant l'entretien préalable. Ainsi qu'il a été dit précédemment, cette prise de décision antérieure à l'entretien préalable est démontrée. En revanche, elle constitue une irrégularité de procédure, qui n'ouvre pas droit à une indemnisation distincte de celle de l'absence de cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail, s'agissant du licenciement d'un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariée. Dès lors, la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail doit être rejetée.



Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement



Bien que ne se fondant pas sur un motif disciplinaire, la lettre de licenciement du 27 décembre 2016 exprime à l'encontre du salarié des griefs de nature personnelle, notamment quant à sa tenue vestimentaire, au manque d'exemplarité de sa conduite, à un prétendu manque de diplomatie, ou encore à une tendance aux excès verbaux. Ces griefs, élevés dans le cadre d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, sont vexatoires, et justifient l'octroi à l'appelant de dommages et intérêts, qui seront fixés à la somme de 6 000 euros.



Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la privation du bénéfice de la priorité de réembauche et du congé de reclassement



Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. [B] [L] échoue à démontrer que son licenciement pour insuffisance professionnelle dissimulait en réalité un licenciement pour motif économique. Dès lors, ses demandes de dommages et intérêts pour privation du bénéfice de la priorité de réembauche et du congé de reclassement doivent être rejetées.



Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive



L'appel de M. [L] étant pour partie fondé, son action ne peut être qualifiée d'abusive et ouvrir droit à réparation au bénéfice de l'intimé.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



La société Ciffreo [R], qui succombe, doit être condamnée aux dépens. Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de M. [B] [L] les frais irrépétibles exposés en la cause. La société intimée sera donc condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,



Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout,



Condamne la société Ciffreo [R] à verser à M. [B] [L] les sommes suivantes :

- 2 500 euros à titre de rappel du solde du salaire du mois de décembre 2015,

- 250 euros au titre des congés payés afférents,

- 224 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,



Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,



Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2017, date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,



Ordonne le remboursement par la société Ciffreo [R] aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [B] [L] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,







Ordonne la capitalisation des intérêts échus depuis une année entière,





Condamne la société Ciffreo [R] aux dépens de première instance et d'appel, et accorde le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du code de procédure civile à la société Lexavoue Aix-en-Provence,



Condamne la société Ciffreo [R] à verser à M. [B] [L] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,



Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits.







LE GREFFIERLE PRESIDENT

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