26 juin 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/18299

Pôle 4 - Chambre 6

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 26 JUIN 2020



(n° /2020, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/18299 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6DUT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/18454





APPELANTES



SASU LE CORDON BLEU agissant diligences et poursuites en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis

[Adresse 1]



Assistée de Me Nicolas BEKER, avocat plaidant, de la LVI AVOCATS, Maître José IBANEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant, de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



Société civile SCI LE CORDON BLEU PARISSEINE agissant diligences et poursuites en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis

[Adresse 2]



Assistée de Me Nicolas BEKER, avocat plaidant, de la LVI AVOCATS, Maître José IBANEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant, de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477





INTIMEES



SAS ADX GROUPE ADX GROUPE est la nouvelle dénomination d'ALLO DIAGNOSTIC prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 4]



Représentée et assistée de Me Agnès PEROT de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS, toque : J109



SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 3]



Représentée et assistée de Me Agnès PEROT de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS, toque : J109









COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 06 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre

Mme Marie-José DURAND, Conseillère

Mme Sabine LEBLANC, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [T] [C] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffier, Lors des débats : Mme Cécile IMBAR

Lors de la mise à disposition : Mme Suzanne HAKOUN



ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, Greffière présent lors de la mise à disposition.






EXPOSÉ DU LITIGE



Faits et procédure



L'Organisation Internationale de la Francophonie, propriétaire d'un bâtiment comprenant cinq niveaux, d'une superficie de 2 850,84 m² situé [Adresse 6], a chargé la société Allo Diagnostic Paris d'établir un dossier technique amiante (DTA), en vue de la vente de ce bien.



Dans son rapport, en date du 7 juin 2011, la société Allo Diagnostic a relevé la présence d'amiante dans les dalles recouvrant le sol d'un local d'archives situé au premier étage, leur état de conservation étant à surveiller.



Le 14 décembre 2011 l'Organisation Internationale de la Francophonie a vendu l'immeub1e à la S.C.I. Le Cordon Bleu Parisseine pour la somme de 13 157 000 €. Le rapport établi par la S.A.S. Allodiagnostíc Paris a été joint à l'acte notarié. Par ailleurs, il a été précisé à l'article 24.1.3 du contrat de vente que le vendeur déclarait subroger l'acquéreur dans les droits et actions à l'égard des auteurs des rapports constituant le dossier de diagnostics techniques, dossier incluant l'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l'amiante.



La S.C.I. Le Cordon Bleu Parisseine a donné l'immeuble en location à la S.A.S. Le Cordon Bleu, celle-ci devant y exercer une activité d'école de cuisine.



La S.A.S. B.T.P. Consultants a été chargée d'une mission de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant réalisation de travaux ultérieurs. Selon rapport établi le 8 avril 2013, elle a relevé la présence de fibres d'amiante ailleurs que dans le local d'archives.



Le 25 juin 2013 la mairie de [Localité 5] a délivré un permis de construire concernant des travaux d'agrandissement et d'aménagement. L'ouvrage a été réceptionné le 10 juin 2016.



Sur la foi du rapport établi par la S.A.S. B.T.P. Consultants, la S.C.I. Le Cordon Bleu Parisseine et la S.A.S. Le Cordon Bleu ont obtenu la désignation d'un expert en référé le 14 janvier 2014, en la personne de Monsieur [Y], qui a clos son rapport le 17 septembre 2014. Il peut être retenu de son travail ce qui suit :

- dans les parties visibles et accessibles du bâtiment la S.A.S. Allodiagnostíc Paris a omis de signaler la présence d'amiante en toiture (joint noir sur conduit métallique) et dans deux joints extérieurs de menuiserie aluminium,

- le coût des travaux de désamiantage s'é1ève à la somme de 205 000 € H.T.,

- la durée des travaux a été augmentée de quatre mois,

- le préjudice immatériel peut être évalué à la somme de 191 533 € H.T.



Les 12 et 15 décembre 2014 la S.C.I. Le Cordon Bleu Parisseine et la S.A.S. Le Cordon Bleu ont fait assigner la S.A.S. Allodiagnostic Paris et son assureur, la S.A. AXA France I.A.R.D devant le tribunal de grande instance de Paris.





Décision déférée



Par jugement du 08 juin 2018, le tribunal a statué de la façon suivante :

- Rejette les demandes principales présentées par la SCI Le Cordon Bleu Parisseine et la SAS Le Cordon Bleu ;

- Laisse à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés ;

- Condamne in solidum la SCI Le Cordon Bleu Parisseine et la SAS Le Cordon Bleu aux dépens qui comprendront le coût des opérations d'expertise, Maître [G] étant admis à recouvrer directement ceux dont il aura fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement ;

- Rejette les autres demandes des parties.



La société Le Cordon Bleu et la SCI Le Cordon Bleu Parisseine ont interjeté appel le 19 juillet 2018.





Demandes des parties



Par conclusions en date du 17 avril 2019, les sociétés appelantes forment les demandes suivantes :

Vu les dispositions des articles 1217 et suivants du Code civil (anciennement 1147 et suivants),

Vu l'article 1112-1 du Code civil.

Vu les articles 1240, 1241 et suivants (anciennement 1382 et suivants)

Vu les articles 1353 du Code civil,

Vu les dispositions du Code des assurances et notamment les articles L.124-3 et suivants ;

Vu les dispositions du Code de la santé publique et notamment les articles R.1334-25 et suivants ;

Vu la norme NF X46 020 ;

Vu le Rapport d'expertise de Monsieur [J] [Y] en date du 17 juin 2013 ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu l'article 954 du Code de Procédure civile,

- DIRE les sociétés SCI LE CORDON BLEU et LE CORDON BLEU SAS recevables et bien fondées en leur appel et y faisant droit,

- DIRE que le jugement entrepris a dénaturé les critères définis par la réglementation sur l'amiante pour déterminer le champ d'application du diagnostic avant-vente.

- DIRE que le champ d'application de ce diagnostic est limité aux seules parties du bâtiment, extérieures ou intérieures, visibles et accessibles sans travaux destructifs préalables.

- INFIRMER le jugement entrepris du 8 juin 2018 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a débouté les sociétés LA SCI LE CORDON BLEU PARISSEINE et la SAS LE CORDON BLEU de leurs demandes de condamnations in solidum à l'encontre de la société ALLO DIAGNOSTIC et de son assureur, la société AXA France IARD ;

- DÉBOUTER les sociétés ALLO DIAGNOSTIC et AXA France Iard de toutes leurs fins et demandes contraires.

En conséquence, de :

- JUGER qu'en l'espèce, la société ALLO DIAGNOSTIC n'a pas respecté ses obligations au titre du diagnostic amiante avant-vente, à défaut d'avoir contrôlé des éléments extérieurs et intérieurs du bâtiment, pourtant parfaitement visibles et accessibles sans aucun travaux destructifs préalables.

- JUGER qu'à défaut de reconnaître que ces parties extérieures et intérieures, parfaitement accessibles et visibles, entraient bien dans le périmètre de la mission de la société ALLO DIAGNOSTIC compte tenu de la règlementation applicable, la Cour dira que la société ALLO DIAGNOSTIC restait tenue à minima au titre de son devoir d'alerte, d'informer l'appelante des risques réels de présence d'amiante sur les éléments et parties non contrôlés, ce qu'elle n'a pas fait.

- CONDAMNER in solidum la société ALLO DIAGNOSTIC et son assureur, la société AXA France IARD, à titre principal sur le fondement contractuel et à titre subsidiaire sur le fondement délictuel de l'article 1240 du Code civil, à payer à la société SCI LE CORDON BLEU PARISSEINE la somme de 205.000 € HT au titre du préjudice matériel subi au titre de la perte d'une chance de négocier à la baisse le prix de vente, et ce en réparation intégrale du préjudice subi par la SCI LE CORDON BLEU.

- CONDAMNER in solidum la société ALLO DIAGNOSTIC et son assureur, la société AXA France IARD, sur le fondement délictuel, à payer à la société LE CORDON BLEU SAS la somme de 191.533 € HT au titre du préjudice immatériel subi.

- CONDAMNER in solidum la société ALLO DIAGNOSTIC et la société AXA France IARD à payer à la SCI LE CORDON BLEU PARISSEINE et la SAS LE CORDON BLEU, leurs frais irrépétibles, en cause de première instance, soit la somme de 15.000€ HT.

- CONDAMNER in solidum la société ALLO DIAGNOSTIC et la société AXA France IARD à payer à la SCI LE CORDON BLEU PARISSEINE et à la SAS LE CORDON BLEU, leurs frais irrépétibles en cause d'appel, soit la somme de 10 000 € HT.

- CONDAMNER in solidum la société ALLO DIAGNOSTIC et la société AXA France IARD à tous les dépens, y compris les frais d'expertises de Monsieur [J] [Y], dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

- DÉBOUTER les sociétés ALLO DIAGNOSTIC et AXA France Iard de toutes demandes contraires.

- DIRE que les sommes relatives au droit proportionnel dues sur les sommes recouvrées par l'huissier de justice désigné, conformément à l'article 10 du décret n°67-18 du 5 janvier 1967 relatif au tarif des huissiers de justice, seront intégralement supportées par les sociétés ALLO DIAGNOSTIC et AXA France Iard de toutes demandes contraires.





Par conclusions du 17 janvier 2019, la société Allo Diagnostic devenue ADX Groupe et la société Axa France IARD forment les demandes suivantes :

Vu les articles 1315 (devenu 1353), 1382 (devenu 1240) et suivants du code civil,

Vu l'arrêté du 22 août 2002 en matière de diagnostic amiante

Vu la norme AFNOR NF 46-020,

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a admis que la société ALLO DIAGNOSTIC devenue ADX GROUPE n'avait pas commis de faute en n'examinant pas les éléments extérieurs du bâtiment,

- Réformer le jugement en ce qu'il a estimé qu'une faute avait pu être commise concernant

certains joints de menuiserie qui aurait également donné sur l'intérieur du bâtiment,

- Statuant à nouveau sur ce point, dire que la société ALLO DIAGNOSTIC devenue ADX GROUPE n'a pas commis de faute,

- En conséquence, débouter les appelantes de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que les sociétés LE CORDON BLEU ne justifiaient pas de l'existence et du quantum des préjudices prétendument subis,

- Dire que les sociétés LE CORDON BLEU ne rapportent pas la preuve que l'intervention de la société ALLO DIAGNOSTIC devenue ADX GROUPE présente un lien de causalité avec la situation litigieuse,

- En conséquence, débouter les sociétés LE CORDON BLEU de toutes leurs demandes, fins

et conclusions,

En tout état de cause,

- Condamner in solidum la SCI LE CORDON BLEU PARISSEINE et la SAS LE CORDON BLEU à verser à la société ALLO DIAGNOSTIC devenue ADX GROUPE et à la société AXA FRANCE IARD la somme de 30.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SCI LE CORDON BLEU PARISSEINE et la SAS LE CORDON BLEU aux entiers dépens du référé, de l'expertise judiciaire, de première instance et d'appel,

- Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Agnès PEROT pourra recouvrer directement les frais dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.





*



L'ordonnance de clôture est intervenue le 09 janvier 2020.






MOTIFS



A/ Sur la faute commise par la société Allo Diagnostic



Les sociétés appelantes soutiennent que, en considérant que le diagnostiqueur n'avait pas à rechercher d'amiante sur les parties extérieures du bâtiment quand bien même celles-ci seraient visibles et accessibles sans travaux destructifs, les premiers juges ont dénaturé la réglementation afférente au diagnostic amiante avant-vente, qui se fonde uniquement, précisent-elles, sur les critères de visibilité et accessibilité des éléments contrôlés, sans travaux destructifs préalables. Elles leur reprochent également d'avoir, en exonérant le diagnostiqueur de tout devoir d'alerte sur des éléments de l'immeuble accessibles et visibles sans travaux destructifs et réputés contenir de l'amiante pour un professionnel averti, refusé de faire application des règles du droit commun afférentes à l'obligation de moyens renforcée d'information et d'alerte mise 'a minima' à la charge des professionnels dans le cadre du diagnostic avant-vente, devoir visé notamment à l'article 1112-1 du code civil. Elles soulignent par ailleurs que l'expert judiciaire a bien pour sa part estimé que la société Allo Diagnostic avait commis une faute en ne mentionnant pas dans son diagnostic les risques élevés de présence d'amiante en façade et toiture du bâtiment.



La société Allo Diagnostic et son assureur demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté toute responsabilité de l'entreprise. Ils soulignent que les diagnostics avant transaction, assimilés au Dossier Technique Amiante (DTA), diffèrent du diagnostic avant travaux notamment en ce qu'ils excluent les sondages destructifs, et ajoutent qu'ils ne concernaient à l'époque que la structure intérieure de l'immeuble. Ils contestent l'existence de la faute retenue par l'expert, dès lors que les éléments amiantés mentionnés par celui-ci, situés en toiture ou façade, ne faisaient pas partie du programme de repérage dans le cadre d'un DTA ou d'un diagnostic avant vente, peu important qu'ils aient été accessibles ou non, et soutiennent que l'expert a mal interprété l'annexe 1 paragraphe 3 de l'arrêté du 22 août 2002, qui, précise-t-ils, ne met pas à la charge du diagnostiqueur un devoir de conseil relatif aux matériaux extérieurs à l'immeuble, mais vise les matériaux situés à l'intérieur du périmètre de recherche qui ne seraient pas expressément visés dans la liste de l'annexe et seraient cependant connus par les professionnels pour contenir parfois de l'amiante.



*



L'expert, après avoir procédé à une analyse des divers textes et normes applicables, a conclu que l'opérateur de repérage devait être un technicien confirmé du bâtiment, que sa curiosité concernant les matériaux rencontrés lors de sa mission devait être constamment en éveil et qu'il ne pouvait s'abriter derrière la stricte observance du 'tableau 13-9" qui ne représentait pas exhaustivement les matériaux considérés contenir de l'amiante. Il estime, en conclusion de son rapport (page 21), que la société Allo Diagnostic se devait de repérer, dans le cadre de sa mission DTA pour vente, les matériaux suivants 'qui se sont avérés contenir de l'amiante et qui étaient 'visibles et accessibles' lors de ses travaux de repérage :

- n° 119 toiture joint noir sur conduit métallique

- n° 113 joint de cadre de menuiserie côté extérieur

- n° 186 joint de parclose de menuiserie alu'.



Les obligations qui pesaient sur la société Allo Diagnostic étaient à la fois contractuelles et réglementaires, étant précisé que les dispositions de l'article 1112-1 du code civil, invoquées par les sociétés appelantes, n'étaient pas en vigueur lors des opérations litigieuses.



Le contrat conclu entre l'Organisation Internationale de la Francophonie et la société Allo Diagnostic n'est pas produit. Cependant, il ressort des termes du rapport qu'il s'agissait d'établir un Dossier Technique Amiante, en application des articles R 1334-25 à 29 du code de la santé publique, conforme à la norme NF X46 020. De plus, l'acte authentique de vente rappelle que, s'agissant d'un bien dont le permis de construire a été délivré antérieurement au 1er juillet 1997, le vendeur a remis à l'acquéreur le DTA établi, 'ainsi qu'une copie de la fiche récapitulative du DTA constituant l'Etat Amiante', conformément aux dispositions des articles L 1334-13 et R 1334-14 à R 1334-29 du code de la santé publique.



En effet, l'article L 1334-13 du code de la santé publique dispose :

'Un état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante est produit, lors de la vente d'un immeuble bâti, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L 271-4 à L 271-6 du code de la construction et de l'habitation.'

et l'article R 1334-24 précise que lorsque le DTA existe, la fiche récapitulative contenue dans ce dossier constitue l'état mentionné à l'article L 1334-13.



Ainsi, la société Allo Diagnostic avait pour mission d'établir un Diagnostic Technique Amiante, et elle s'était engagée dans ce cadre à respecter la norme NF X46 020.



L'article R 1334-26 du code de la santé publique précise que le DTA 'est établi sur la base d'un repérage portant sur les matériaux et produits figurant sur la liste définie à l'annexe 13-9 et accessibles sans travaux destructifs'. Cette annexe se présente sous la forme d'un tableau comportant, dans une première colonne les 'composants de la construction' et en regard de chaque composant, dans une seconde colonne, les 'parties du composant à vérifier ou à sonder'. Le contenu de la première colonne est rappelé en page 6 du jugement déféré. Quant au contenu de la seconde colonne, il s'agit essentiellement de flocages, enduits projetés, revêtements, entourages, panneaux etc., étant souligné que si les joints y sont mentionnés, c'est uniquement en regard des portes coupe-feu dans le composant 'conduits, canalisations et équipements'.



Par ailleurs, l'arrêté du 22 août 2002 relatif aux consignes générales de sécurité du dossier technique amiante, au contenu de la fiche récapitulative et aux modalités d'établissement du repérage, précise au premier paragraphe de la partie 3 'Modalités de repérage' de son annexe 1 :

'Dans un premier temps, l'opérateur de repérage recherche et constate de visu la présence de matériaux et produits, accessibles sans travaux destructifs, qui correspondent à la liste définie en annexe du décret n° 96-97 du 07 février 1996 modifié et qui sont susceptibles de contenir de l'amiante. S'il a connaissance d'autres produits ou matériaux réputés contenir de l'amiante, il les repère également.'

Il convient de préciser que le décret n° 96-97 était, à la date à laquelle la société Allo Diagnostic est intervenue, abrogé, mais que la liste à laquelle il est fait référence est, à quelques éléments près, similaire à celle qui figure à l'annexe 13-9 visée par l'article R 1334-26 du code de la santé publique.



Enfin, la norme NF X46 020, qui définit le contenu, la méthodologie et les modalités de réalisation notamment des missions de repérage en vue d'établissement du dossier DTA et en vue de la vente, précise :

- dans son article 4-4-1, que le repérage des matériaux et produits doit être effectué de la façon la plus complète et rigoureuse, que la visite de tous les locaux et installations inscrits dans le périmètre du repérage est obligatoire, que le repérage comprend au minimum une inspection visuelle de tous les composants de la construction prévus dans le programme de repérage afin de rechercher et identifier les différents matériaux et produits susceptibles de contenir de l'amiante, et que l'inspection peut être suivie d'investigations approfondies, de sondages et de prélèvements pour déterminer par analyse la présence effective d'amiante dans les matériaux préalablement identifiés comme étant susceptibles d'en contenir ;

- dans son article 4-4-3-2, que l'opérateur identifie les composants de la construction puis inspecte les matériaux et produits susceptibles de contenir de l'amiante constitutifs de ces composants listés dans le programme de repérage et accessibles sans travaux destructifs.



Il ressort de ces divers éléments que l'obligation imposée à l'opérateur par l'arrêté de 2002 de repérer également, s'il en a connaissance, les autres produits ou matériaux réputés contenir de l'amiante ne saurait contraindre l'opérateur à repérer des produits amiantés situés en dehors des composants de la construction qu'il est tenu d'examiner, sauf à l'obliger à visiter l'immeuble en son entier alors même que seule est obligatoire, selon la norme, la visite des locaux et installations inscrits dans le périmètre du repérage. C'est donc dans le cadre du programme de repérage que celui-ci doit être mené de la façon la plus complète et rigoureuse.



Dès lors que les menuiseries extérieures, situées en façades, ne faisaient partie d'aucun des composants à examiner dans la mission DTA, il ne peut pas être affirmé qu'elles étaient 'visibles'. Ainsi, s'agissant du défaut de signalement des joints de menuiseries et de parclose, la société Allo Diagnostic n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, y compris dans le cadre de son devoir de conseil.



En revanche, elle a commis une faute contractuelle à l'égard de l'acquéreur, subrogé dans les droits du vendeur par le contrat de vente, en ne repérant pas le joint noir amianté sur le conduit métallique en toiture (n° 119) puisqu'il faisait partie des composants 'conduits de fluides (air, eau, autres fluides)' à examiner, que ces composants peuvent être situés à l'extérieur, et qu'il ressort du rapport d'expertise que ce joint était visible et accessible lors de l'établissement du DTA.



B/ Sur les préjudices et les liens de causalité



1° Préjudice matériel de la SCI Le Cordon Bleu Parisseine



La SCI Le Cordon Bleu Parisseine soutient avoir subi une perte de chance de négocier le prix de vente à la baisse, en raison de la présence d'amiante non révélée par le diagnostic avant-vente. Elle ajoute que la découverte d'importantes zones amiantées dans le bâtiment l'a contrainte à procéder à des travaux de mise en conformité s'élevant à 205 000 € HT, montant du devis complémentaire émis par la société D3 Environnement sur la base du diagnostic établi le 08 avril 2013 par la société BTP Consultants.



*



La somme réclamée figure en page 4/4 du devis de désamiantage n° 82013-102 du 25 septembre 2013 émis par la société D3 Environnement. Il s'agit d'une option faisant état du coût de dépose des façades donnant sur l'extérieur, façades du patio et joints amiantés sur les façades du R+2, le tout 'dans l'hypothèse d'une contamination amiante sur toutes les baies', y compris échafaudage, confinements, mise en décharge et analyses. Dès lors que le coût de désamiantage du joint sur conduit n° 119 n'y apparaît pas, aucun lien de causalité n'est établi entre la faute commise par la société Allo Diagnostic et le préjudice dont fait état la société Le Cordon Bleu Parisseine, étant souligné au surplus que l'omission de ce seul et unique élément amianté dans le DTA n'a pu générer aucune perte de chance de négocier une baisse du prix de vente de l'immeuble.



2° Préjudice immatériel de la société Le Cordon Bleu



La société Le Cordon Bleu soutient avoir subi un préjudice immatériel constitué par la perte de marge consécutive au report de livraison des locaux de 4 mois du fait du désamiantage.



*



Elle est en droit de se prévaloir, dans le cadre délictuel, de la faute contractuelle commise par la société Allo Diagnostic, si cette faute a généré pour elle un préjudice.



Elle se fonde, pour justifier l'existence de ce préjudice, sur la durée mentionnée au devis examiné plus haut, fixant la durée totale des travaux à 5 mois en cas de dépose de divers éléments. Cependant, ce devis est, ainsi qu'il a été observé plus haut, sans rapport avec l'omission par la société Allo Diagnostic d'un joint amianté sur conduit en toiture. Ainsi, aucun lien de causalité n'est établi entre la faute commise et le préjudice dont elle demande réparation.



C/ Sur les frais irrépétibles et les dépens



Le jugement, confirmé en ce que les premiers juges ont rejeté les demandes formées par la SCI Le Cordon Bleu Parisseine et par la société Le Cordon Bleu, le sera également s'agissant de ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, comprenant le coût de l'expertise.



Les dépens d'appel seront mis à la charge in solidum des sociétés appelantes, qui seront condamnées in solidum à régler à la société Allo Diagnostic et à son assureur ensemble la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Les demandes formées par les sociétés appelantes, tendant à l'allocation d'une somme de 15 000 € au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et de 10 000 € au titre de leurs frais irrépétibles d'appel seront rejetées.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement,



Confirme le jugement,



Y ajoutant,



Rejette les demandes formées par la SCI Le Cordon Bleu Parisseine et par la société Le Cordon Bleu au titre des frais irrépétibles de première instance et au titre des frais irrépétibles d'appel,



Condamne in solidum la SCI Le Cordon Bleu Parisseine et la société Le Cordon Bleu à payer à la société Allo Diagnostic, devenue ADX Groupe, et la société Axa France IARD ensemble la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum la SCI Le Cordon Bleu Parisseine et la société Le Cordon Bleu aux dépens d'appel et accorde au conseil des sociétés intimées le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



La Greffière La Présidente

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