7 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-23.193

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00349

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - traité sur le fonctionnement de l'union européenne - article 56 - obligation de transparence - champ d'application - etendue - cas - arrêté ministériel d'extension - extension d'un accord collectif instituant un régime de protection sociale complémentaire - détermination - portée

La Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c'est l'arrêté d'extension de l'accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres Etats membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion. Il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. S'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne. Il en résulte que l'arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l'espèce

Texte de la décision

SOC.

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 mars 2017




Cassation


M. X..., président



Arrêt n° 349 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° Z 14-23.193








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Pascal Y..., domicilié [...],                              

contre l'arrêt rendu le 18 juin 2014 par la cour d'appel de Besançon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à l'institution AG2R Réunica prévoyance, anciennement AG2R prévoyance, dont le siège est [...],                                   

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 janvier 2017, où étaient présents : M. X..., président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, Mmes Geerssen, Lambremon, MM. Chauvet, Maron, Déglise, Mme Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Salomon, Depelley, Duvallet, Barbé, M. Le Corre, Mmes Prache, Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme A..., avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. Y..., de Me B... , avocat de l'institution AG2R prévoyance, devenue AG2R Réunica prévoyance, l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, soulevé d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d'application de ce secteur ; qu'AG2R prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; qu'AG2R prévoyance a été désignée par les partenaires sociaux, pour une nouvelle durée de cinq ans, comme unique gestionnaire du régime, aux termes d'un avenant n° 100 du 27 mai 2011 étendu par arrêté du 23 décembre 2011 ; que M. Y..., non adhérent d'une organisation d'employeurs signataire de l'avenant, ayant refusé de s'affilier au régime géré par AG2R prévoyance, cette dernière a, par acte du 20 janvier 2012, saisi un tribunal de grande instance pour obtenir la régularisation de l'adhésion de cet artisan et le paiement des cotisations dues pour l'ensemble de ses salariés depuis le 1er janvier 2007 ; que par décision du 8 juillet 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 ; que l'institution AG2R prévoyance est devenue AG2R Réunica prévoyance ;

Attendu que pour condamner M. Y... à régulariser son adhésion et ordonner le règlement des cotisations dues à l'institution AG2R prévoyance depuis le 1er janvier 2007, l'arrêt retient que les conditions de la désignation de l'organisme chargé du régime mis en place dans le cadre d'un accord professionnel de mutualisation des risques, par les partenaires sociaux, en l'absence de disposition légale les obligeant à réaliser un appel d'offres, doivent être analysées à la lumière des contraintes particulières imposées aux entreprises susceptibles d'être mises en concurrence et de la situation du secteur d'activité concerné, qu'à cet égard, il n'est pas contestable que l'appartenance de AG2R Prévoyance, institution de prévoyance faisant partie du groupe qui gérait le régime de retraite complémentaire obligatoire des boulangers (ISICA) et le régime de prévoyance des risques décès-incapacité-invalidité dans la même branche (ISICA Prévoyance) constitue un critère objectif de choix pour la gestion du régime complémentaire du risque santé, que de plus l'Etat a exercé un contrôle suffisant, d'une part, en prenant un arrêté d'extension précédé d'une demande d'avis à la commission nationale de la négociation collective, d'autre part, à travers l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 19 mai 2008 qui avait rejeté le recours en excès de pouvoir formé à l'encontre de l'arrêté d'extension, qu'il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à la demande de renvoi préjudiciel formulée par M. Y... ;

Attendu cependant, que la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14), a dit pour droit que c'est l'arrêté d'extension de l'accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres Etats membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion ; qu'il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que s'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu'à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne ; qu'il en résulte que l'arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l'espèce ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne l'institution AG2R Réunica prévoyance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'institution AG2R Réunica prévoyance à payer à M. Y... la somme de 1 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné sous astreinte monsieur Y... à régulariser son adhésion auprès d'AG2R Prévoyance au titre du régime de remboursement complémentaire des frais de santé, en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations, d'avoir dit monsieur Y... tenu de payer à AG2R Prévoyance les cotisations de l'ensemble des salariés prévues à l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007 et d'avoir condamné monsieur Y... à payer à AG2R Prévoyance à une provision de 7.200 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en ce qui concernait le droit communautaire, la CJUE, par arrêt du 3 mars 2011 rendu sur question préjudicielle du tribunal de grande instance de Périgueux dans une procédure opposant l'entreprise de boulangerie Beaudout à AG2R Prévoyance, avait dit pour droit que : la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoyait l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense, n'était pas contraire à l'article 101 TFUE lu en combinaison avec l'article 4 paragraphe 3TUE (textes qui, comme le rappelait l'arrêt précité point 24, imposaient aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises) ; que pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause devait être qualifié d'économique, ce qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de vérifier, la décision des pouvoirs publics d'investir un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans dispense possible pour les entreprises concernées, n'était pas contraire aux articles 102 et 106 TFUE (ce dernier texte prohibant selon le point 25 de l'arrêt, le fait pour les Etats membres d'accorder à une entreprise, qualifiée comme telle au sens de l'article 102, des droits exclusifs abusifs) ; que pour aboutir à ce dispositif, la CJUE avait retenu, sur la première question, que l'avenant n°83, par sa nature d'accord résultant d'une négociation collective entre organisations représentatives et son objet à savoir l'amélioration des conditions de travail des salariés, ne relevait pas de la notion d'accords entre entreprises ou de pratiques concertées tels qu'interdits par l'article 101 paragraphe 1, peu important que l'affiliation soit obligatoire sans possibilité de dispense (points 31, 32 et 33) ; et que dès lors, les pouvoirs publics étaient libres de le rendre obligatoire à des personnes qui n'étaient pas formellement liées par cet accord (point 38) ; sur la deuxième question, que le régime en cause poursuivait un objectif social, ce qui ne suffisait pas à exclure que l'institution qui en était chargée exerce une activité économique (point 44 et 45), sans avoir vérifié, d'une part, si ce régime mettait en oeuvre le principe de solidarité, d'autre part s'il était soumis au contrôle de l'Etat qui l'avait instauré (point 46) ; que compte tenu d'un financement par des cotisations uniformes sans prise en considération des risques particuliers de chaque salarié, d'une couverture uniforme sans proportionnalité aux considérations versées et maintenue dans certains cas indépendamment du paiement de cotisations, le régime en cause était caractérisé par un degré élevé de solidarité (point 47 à 52) ; que cependant, en fonction des circonstances dans lesquelles AG2R Prévoyance avait été désignée par l'avenant n° 83 et de la marge de négociation dont cet organisme avait pu disposer quant aux modalités de son engagement, il pourrait être conclu qu'il s'agissait d'une entreprise exerçant une activité économique, choisie sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance (point 65) ; qu'il était vrai que la CJUE avait précisé, au dernier point précité, qu'il appartiendrait à la juridiction de renvoi d'examiner les circonstances de la désignation de AG2R Prévoyance et la marge de négociation ci-dessus évoquées – étant observé que selon les conclusions de l'Etat allemand intervenant à la procédure devant la juridiction de l'Union, les informations fournies par la juridiction à l'origine de la question préjudicielle n'étaient pas suffisantes pour trancher cette question, mais la CJUE avait aussi, en posant comme hypothèse que AG2R Prévoyance soit considérée comme une entreprise exerçant une activité économique, examiné la régularité de l'avenant n° 83 et de son extension au regard de la notion de position dominante créée par l'octroi de droits exclusifs : qu'elle en avait conclu qu'aucun abus n'était caractérisé dans la mesure où d'une part il n'était pas établi que les prestations fournies par AG2R Prévoyance ne correspondaient pas aux besoins des entreprises concernées (nonobstant les allégations de Beaudout sur l'offre de garantie supérieure de la part de compagnies d'assurance), d'autre part les contraintes supportées par cet organisme (caractère forfaitaire des cotisations et obligation d'accepter tous les risques) contribuaient à justifier son droit exclusif à gérer le régime sans aucune dispense d'affiliation, la suppression de la clause de migration étant susceptible d'aboutir à une impossibilité pour AG2R Prévoyance d'accomplir les missions d'intérêt économique général qui lui ont été imparties (point 80) ; que dans ces conditions, l'examen laissé à la juridiction de renvoi par l'arrêt du 3 mars 2011, et sollicité par l'appelant dans la présente procédure, était sans intérêt pour l'appréciation de la compatibilité avec le droit communautaire de la demande présentée par AG2R Prévoyance sur le fondement de la clause de migration ; qu'il en allait de même s'il devait être admis qu'en laissant au juge national la vérification de l'application à AG2R Prévoyance de la notion d'entreprise exerçant une activité économique, la CJUE avait laissé en suspens l'analyse de la validité de la clause de désignation au regard des règles de la libre concurrence – ce qui n'était pas aussi évident que le soutenaient Pascal Y... et le tribunal d'instance de Toulouse dans les décisions invoquées par l'appelant à son profit : qu'ainsi que l'exposait l'intimée, les conditions de la désignation de l'organisme chargé du régime mis en place dans le cadre d'un accord professionnel de mutualisation des risques, par les partenaires sociaux, en l'absence de disposition légale les obligeant à réaliser un appel d'offres, devaient être analysées à la lumière des contraintes particulières imposées aux entreprises susceptibles d'être mises en concurrence et de la situation du secteur d'activité concerné ; qu'à cet égard, il n'était pas contestable que l'appartenance de AG2R Prévoyance, institution de prévoyance faisant partie du groupe qui gérait le régime de retraite complémentaire obligatoire des boulangers (ISICA) et le régime de prévoyance des risques décès-incapacité-invalidité dans la même branche (ISICA Prévoyance) constituait un critère objectif de choix pour la gestion du régime complémentaire du risque santé ; de plus l'Etat avait exercé un contrôle suffisant, d'une part, en prenant un arrêté d'extension précédé d'une demande d'avis à la commission nationale de la négociation collective, d'autre part, à travers l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 19 mai 2008 qui avait rejeté le recours en excès de pouvoir formé à l'encontre de l'arrêté d'extension ; qu'il n'y avait pas lieu en conséquence de faire droit à la demande de renvoi préjudiciel formulée par Pascal Y... ; qu'en ce qui concernait le droit interne, les avenants en cause étaient conformes à la législation prévalant à la date de leur signature, notamment à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ci-dessus rappelé : que l'adaptation nécessaire, dans le cas où un accord s'imposait à une entreprise ayant déjà souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui désigné dans cet accord, pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, s'exécutait en l'espèce par la clause de migration négociée entre les partenaires sociaux et expressément déclarée par ceux-ci applicables même si le contrat souscrit avant l'entrée en vigueur de l'avenant offrait des garanties supérieures et non pas seulement équivalentes – ce qui, dans le cas d'une mutualisation des risques dans le cadre d'un régime de solidarité élevée n'apparaissait pas critiquable, l'employeur conservant la faculté d'offrir à ses salariés une garantie supplémentaire, sans prétendre cependant pouvoir échapper à sa participation au régime traduisant la solidarité de la profession envers l'ensemble des salariés de la branche ; qu'il était vrai que l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, en ce qu'il prévoyait la désignation et non la recommandation dans les accords professionnels de mutualisation des risques de l'organisme chargé de la couverture de ces risques, auquel les entreprises devaient obligatoirement adhérer et ceci même si elles étaient liées à un autre organisme, avait été déclaré contraire à la Constitution par décision du Conseil Constitutionnel du 13 juin 2013, comme méconnaissant la liberté contractuelle et la liberté d'entreprise ; qu'il n'appartenait pas dès lors à cette Cour de donner son avis sur les griefs identiques développés par Pascal Y..., la question étant tranchée par cette décision qui les avait considérés comme fondés ; que le Conseil Constitutionnel avait indiqué que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 912-1 du code de la sécurité social prenait effet à compter de la publication de sa décision soit le 16 juin 2013 ; que l'article ainsi numéroté avait au demeurant été repris dans le code de la sécurité sociale dans une rédaction issue de la loi du 23 décembre 2013 propre à satisfaire aux exigences du Conseil ; mais, que le Conseil Constitutionnel avait en même temps précisé, en réitérant cette position dans une décision du 18 octobre 2013, que, pour déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition censurée avait produits étaient susceptibles d'être remis en cause, « cette déclaration d'inconstitutionnalité n'[était] toutefois pas applicable aux contrats pris sur le fondement de l'article L912-1 dudit code, en cours à la date de cette publication, et liant les entreprises à celles qui [étaient] régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du livre 9 du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité ; qu'ainsi lesdits contrats [n'étaient] pas privés de fondement légal » ; que les contrats ainsi désignés s'entendaient des conventions d'assurance conclues, dans chaque branche d'activité dans laquelle l'article L. 912-1 avait trouvé à s'appliquer, entre les signataires de l'accord collectif et l'institution de prévoyance désignée par celui-ci comme organisme assureur, l'adhésion de chaque entreprise individuelle ne constituant qu'une modalité de mise en oeuvre de cette convention – et considérer le refus d'adhésion comme un motif légitime d'échapper à l'application du contrat entraînerait un déséquilibre injustifié entre ceux qui s'étaient soumis à l'accord collectif et les autres ; que, de plus, le principe du maintien du fondement légal pour les contrats en cours impliquerait que ces contrats soient appliqués dans toute leur économie, et par conséquent qu'AG2R Prévoyance, pour assurer le haut degré de solidarité auquel cet organisme s'était engagé, bénéficie de la totalité de la contrepartie prévue, c'est-à-dire de la contribution de chaque entreprise de la branche ; que l'intimée avait explicité le mode de calcul de la provision réclamée, sur la base de 3 salariés et d'une cotisation mensuelle de 40 € par salarié : que Pascal Y..., qui privait AG2R Prévoyance de la possibilité de chiffrer définitivement sa créance à défaut d'avoir régularisé les déclarations nécessaires, et qui n'avait lui-même fourni dans la procédure aucune indication sur son effectif, n'opposait pas à ce calcul une contestation sérieuse (arrêt, p., § 9, p. 5, §§ 1 à 4, p. 6, §§ 1 à 5, p. 7, §§ 1 à 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressortait des articles L. 911-1, L.911-2 et L912-1 du code de la sécurité sociale qu'une convention collective pouvait prévoir un système de garantie collective de prévoyance concernant le remboursement des frais engagés à l'occasion d'une maladie ou d'un accident, la convention collective pouvant désigner un opérateur unique obligatoire pour toutes les entreprises entrant dans son champ d'application ; qu'au nombre des organismes mentionnés à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, visé par l'article L.912-1 précité, figuraient les institutions de prévoyance visées à l'article L.913-1 du même code, lesquelles étaient des personnes morales de droit privé faisant l'objet d'un agrément du ministre chargé de la sécurité sociale dans les conditions de l'article L.931-4 ; que dès lors, la désignation, dans l'article 13 de l'avenant n°83, de l'institution de prévoyance AG2R Prévoyance en tant qu'organisme assureur du régime de remboursement complémentaire de santé apparaissait parfaitement licite au regard du droit interne ; que sur la validité de la clause de migration, selon les termes de l'alinéa 2 de I'article L.912-4 du code de la sécurité sociale, lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels de mutualisation s'appliquaient à une entreprise qui, antérieurement à la date d'effet, avait adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à niveau équivalent, les dispositions de l'article L. 2253-2 du code du travail imposant une adaptation vis-à-vis de ces accords étaient applicables ; que cette adaptation imposée par les textes devait être interprétée comme consistant nécessairement dans la mise en conformité de l'accord d'entreprise avec l'accord professionnel de mutualisation imposant l'adhésion de l'entreprise au régime géré par l'institution de prévoyance désignée par celui-ci ; qu'en conséquence, le dispositif de clause de migration concrétisait le principe d'adaptabilité entre les deux accords et l'article 14 de l'avenant n° 83 faisant obligation d'adhérer à AG2R, y compris pour les entreprises ayant un contrat complémentaire santé auprès d'un autre assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant était parfaitement licite ; que l'article 82 instituant la Communauté Européenne énonce qu'était incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres était susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ; qu'en l'espèce, le régime d'adhésion obligatoire à AG2R visait à pallier les difficultés économiques rencontrés par certaines entreprises de la profession, généralement de petite taille, et garantissait l'accès aux garanties collectives sans considération notamment d'âge ou d'état de santé ; qu'il était évident que l'objectif de solidarité ne pourrait être respecté si une partie des entreprises ne participait pas à la mutualisation du régime ; que compte tenu des risques que l'octroi de dispenses comportait pour l'équilibre financier du régime instauré, l'absence de clause de dispense d'affiliation se déduisait de l'objectif de solidarité et ne suffisait pas à démontrer que le dispositif de l'avenant n°83 amènerait AG2R Prévoyance à exploiter sa position dominante de façon abusive ; qu'en outre, à le supposer établi, un tel abus n'affecterait pas une partie substantielle du marché commun, compte tenu de la faible part du marché national et de la prévoyance complémentaire couverte par le dispositif en question ; qu'enfin, l'avenant prévoyait en son article 13 un réexamen, dans un délai de cinq ans, des modalités d'organisation de la mutualisation du régime ; que l'ensemble des ces éléments conduisait à considérer que l'avenant n°83 n'était pas contraire au TFUE et à la jurisprudence de la CJCE, même en l'absence de clause de dispense d'affiliation ; que dès lors, il convenait de constater que l'adhésion de Pascal Y... à AG2R Prévoyance était obligatoire au titre du remboursement complémentaire de frais de soins et santé ; qu'il y avait donc lieu de le condamner à régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés, accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations, sous astreinte de 50 euros par jour de retard après l'expiration d'un délai 15 jours à compter de la signification de la présente décision ; qu'il convient de se réserver la liquidation de l'astreinte ; que la demande de AG2R Prévoyance s'inscrivant dans le cadre d'une obligation de faire, elle impliquait préalablement la régularisation de l'adhésion ; que Pascal Y... était tenu de payer à AG2R Prévoyance les cotisations de l'ensemble de ses salariés prévues à l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007 ; qu'il convenait de rappeler que le calcul des cotisations à recouvrer (40 € par mois et par salarié) dépendait du nombre de salariés occupés par Pascal Y..., information qui n'avait pas été communiquée par l'intéressé ; que se fondant sur un effectif moyen de trois salariés, AG2R Prévoyance réclamait au titre de 5 années de cotisations, une provision de7.200 € (3 salariés x 60 mois x 40 €) ; qu'il convenait donc de condamner Pascal Y... à payer à AG2R Prévoyance la somme de 7.200 euros, correspondant à une provision à valoir sur le montant total des cotisations pour cinq ans (jugement, p. 3, §§ 8 au 11, p., §§ 1 à 12, p. 5, §§ 1 à 4) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'il résulte des dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, et de celles de l'article L. 2253-2 du code du travail, que les entreprises concernées par un accord de mutualisation conservent leur liberté d'adhésion pourvu que la garantie des risques par elles souscrite antérieurement à l'accord soit équivalente à la garantie visée par celui-ci ; qu'en retenant au contraire qu'il s'imposait à toute entreprise ayant déjà souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui désigné par l'accord de mutualisation dont elle relevait, de résilier le contrat en cours et d'en souscrire un autre auprès de ce dernier organisme, même si le contrat en cours offrait des garanties équivalentes voire supérieures à celles proposées par celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en tout état de cause, la déclaration d'inconstitutionnalité faite par la décision n°2013-672 DC du 13 juin 2013 du Conseil constitutionnel à l'égard de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale – en ce que ce texte permettait d'imposer notamment que les entreprises d'une branche se trouvent liées à l'organisme de prévoyance désigné par un accord de branche cependant qu'antérieurement à celui-ci, elles étaient liées par un contrat conclu avec un autre organisme –, est applicable à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel et dispense en conséquence les entreprises d'une branche de conclure des contrats individuels impérativement avec le seul organisme désigné par l'accord de branche, les contrats individuels déjà conclus avec ledit organisme n'étant toutefois pas remis en cause ; qu'en retenant au contraire que la déclaration d'inconstitutionnalité ne faisait pas obstacle à l'application des conventions conclues entre les signataires des accords collectifs de branche et l'organisme de prévoyance impérativement désigné par chacun des accords et qu'en conséquence, nonobstant la déclaration d'inconstitutionnalité, les entreprises demeuraient tenues de souscrire un contrat avec l'organisme désigné par l'accord de branche dont elles relevaient, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE le principe d'égalité et l'obligation de transparence qui découlent de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'opposent à ce qu'une réglementation nationale permette l'attribution d'un marché à un opérateur unique sans garantir que la désignation dudit opérateur ait été précédée d'une publicité de nature à permettre le jeu de la concurrence entre les opérateurs économiques et que la procédure de désignation ait été impartiale ; qu'en retenant néanmoins qu'AG2R Prévoyance avait été valablement désignée comme unique institution de prévoyance complémentaire des frais de soins de santé des salariés dans la branche boulangerie et pâtisserie, par la considération inopérante qu'elle faisait partie du groupe qui gérait le régime de prévoyance des risques décès-incapacité-invalidité dans la même branche et que cette désignation aurait fait l'objet d'un contrôle suffisant par l'Etat dès lors que l'accord prévoyant une telle désignation avait été étendue par arrêté, tous éléments qui n'étaient pas de nature à garantir que la désignation d'AG2R Prévoyance avait été précédée d'une publicité de nature à permettre le jeu de la concurrence ni que la procédure de désignation avait été impartiale, la cour d'appel a violé l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE constitue un abus de position dominante, l'attribution exclusive d'un marché à un opérateur économique unique dont la désignation n'est pas le fruit du libre jeu de la concurrence ; qu'en retenant néanmoins que l'attribution exclusive du marché de la prévoyance complémentaire des frais de santé des salariés dans la branche boulangerie – pâtisserie à AG2R Prévoyance ne constituait pas un abus de position dominante de cette dernière, par la considération que sa désignation pouvait se justifier par l'appartenance de cette société faisait au groupe qui gérait le régime de prévoyance des risques décès-incapacité-invalidité dans la même branche et par le contrôle étatique dont elle aurait fait l'objet, manifesté par l'existence d'un arrêté d'extension de l'accord de branche désignant AG2R Prévoyance, tous éléments qui n'étaient pas de nature à établir que la désignation de celle-ci avait été le fruit du libre jeu de la concurrence, la cour d'appel a violé l'article 102 et 106 § 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

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