7 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-27.229

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00335

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - traité sur le fonctionnement de l'union européenne - article 56 - obligation de transparence - champ d'application - etendue - cas - arrêté ministériel d'extension - extension d'un accord collectif instituant un régime de protection sociale complémentaire - détermination - portée

La Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c'est l'arrêté d'extension de l'accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres Etats membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion. Il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par une décision du 8 juillet 2016, le Conseil d'Etat, considérant qu'il n'avait pas été précédé d'une publicité adéquate permettant aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, a annulé l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 en tant qu'il étend l'article 6 de l'avenant n° 100 du 27 mai 2011 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie, à effet du 1er janvier 2017, sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement engagées avant le 17 décembre 2015. S'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne. Il en résulte que l'arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l'espèce

Texte de la décision

SOC.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 mars 2017




Rejet


M. FROUIN, président



Arrêt n° 335 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° M 14-27.229







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'institution AG2R Réunica prévoyance, anciennement AG2R prévoyance, dont le siège est [...]                                   ,

contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2014 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la société Boulangerie Jacquier, société en nom collectif, dont le siège est [...],                                                     

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 janvier 2017, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Sabotier, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, Mmes Geerssen, Lambremon, MM. Chauvet, Maron, Déglise, Mme Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Salomon, Depelley, Duvallet, Barbé, M. Le Corre, Mmes Prache, Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de l'institution AG2R Réunica prévoyance anciennement AG2R prévoyance, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Boulangerie Jacquier, l'avis de Mme Berriat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 30 septembre 2014), que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d'application de ce secteur ; qu'AG2R prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; qu'AG2R prévoyance a été désignée par les partenaires sociaux, pour une nouvelle durée de cinq ans, comme unique gestionnaire du régime, aux termes d'un avenant n° 100 du 27 mai 2011 étendu par arrêté du 23 décembre 2011 ; que la société Jacquier, non adhérente d'une organisation d'employeurs signataire de l'avenant, ayant refusé de s'affilier au régime géré par AG2R prévoyance, cette dernière a, par acte du 6 janvier 2012, saisi un tribunal de grande instance pour obtenir la régularisation de l'adhésion de la société et le paiement des cotisations dues pour l'ensemble de ses salariés depuis le 1er janvier 2007 ; que par décision du 8 juillet 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 ; que l'institution AG2R prévoyance est devenue AG2R Réunica prévoyance ;

Attendu que l'institution AG2R Réunica prévoyance fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 n'a prononcé l'abrogation de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale que pour l'avenir, énonçant que « la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité » ; que doivent être considérées comme des « contrats en cours » les conventions collectives imposant l'adhésion par des professionnels d'une branche à un organisme de gestion de prévoyance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 24 avril 2006 étendu par arrêté du 16 octobre 2006, applicable à compter du 1er janvier 2007, avait mis en place un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé et désigné la société AG2R prévoyance comme assureur ; qu'en énonçant toutefois, pour débouter AG2R prévoyance de ses demandes de régularisation d'adhésion de la société Boulangerie Jacquier pour la période postérieure au 16 juin 2013, que la notion de contrat en cours retenue par le Conseil constitutionnel s'appliquait exclusivement aux contrats conclus entre les entreprises et les assureurs et non pas aux accords collectifs, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution ;

2°/ que la désignation par les partenaires sociaux d'un organisme de gestionnaire d'une complémentaire santé pour une branche déterminée n'est pas soumise à une obligation de transparence ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 56 du TFUE ;

3°/ que l'obligation de transparence impose seulement que soit assuré un degré de publicité adéquat permettant de faire obstacle à toute discrimination en raison de la nationalité ; qu'une telle obligation n'implique pas qu'intervienne une mise en concurrence ou un appel d'offres ; qu'en jugeant, pour déclarer illicite la désignation d'AG2R prévoyance comme organisme de gestionnaire d'une complémentaire santé prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie en date du 24 avril 2006, que les dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ne prévoient ni appel d'offre ni mise en concurrence des assurances et qu'en pratique, aucun appel d'offres ni mise en concurrence n'étaient intervenus, la cour d'appel a violé l'article 56 du TFUE ;

Mais attendu, d'abord, que la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c'est l'arrêté d'extension de l'accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres Etats membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion ; qu'il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que par une décision du 8 juillet 2016, le Conseil d'Etat, considérant qu'il n'avait pas été précédé d'une publicité adéquate permettant aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, a annulé l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 en tant qu'il étend l'article 6 de l'avenant n° 100 du 27 mai 2011, à effet du 1er janvier 2017, sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement engagées avant le 17 décembre 2015 ;

Attendu, ensuite, que s'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu'à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne ; qu'il en résulte que l'arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l'espèce ;

Que par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel n'a pas adopté les motifs du premier juge critiqués par ce moyen ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'institution AG2R Réunica prévoyance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'institution AG2R Réunica prévoyance à payer à la société Boulangerie Jacquier la somme de 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour l'institution AG2R prévoyance devenue AG2R Réunica prévoyance.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté AG2R Prévoyance de ses demandes tendant à ce qu'il soit ordonné que la société Boulangerie Jacquier régularise son adhésion et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble des salariés prévues à l'avenant numéro 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007,

AUX MOTIFS QUE « selon le considérant 14 de la décision du conseil constitutionnel du 13 juin 2013, la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale prend effet à compter de la publication de la présente décision, qu'elle n'est toutefois pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité ; que l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale est le support juridique de l'avenant n° 83 à la convention collective nationale, des professions de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, de sorte que la décision du conseil constitutionnel du 13 juin 2013 prive celui-ci de tout effet ; que l'institution AG2R Prévoyance soutient qu'elle pourrait se prévaloir de la disposition selon laquelle la déclaration d'inconstitutionnalité ne s'applique pas aux contrats en cours ; qu'en effet, d'après elle, cette disposition viserait l'accord collectif qui, seul donnerait naissance au régime de remboursement de frais de soins de santé, puisqu'en effet le contrat d'assurance n'aurait comme objet que de mettre en oeuvre les obligations des entreprises ; que cependant, cette interprétation est contraire au considérant 14 précité selon lequel l'expression « contrat pris sur ce fondement en cours lors de cette publication » vise les contrats conclus entre les entreprises et les assureurs ; qu'en conséquence l'institution AG2R Prévoyance ne saurait donc contraindre la société Boulangerie Jacquier à adhérer pour la période postérieure au 16 juin 2013 » ;

ALORS QUE la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 n'a prononcé l'abrogation de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale que pour l'avenir, énonçant que « la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité » ; que doivent être considérées comme des « contrats en cours » les conventions collectives imposant l'adhésion par des professionnels d'une branche à un organisme de gestion de prévoyance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 24 avril 2006 étendu par arrêté du 16 octobre 2006, applicable à compter du 1er janvier 2007, avait mis en place un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé et désigné la société AG2R Prévoyance comme assureur ; qu'en énonçant toutefois, pour débouter AG2R Prévoyance de ses demandes de régularisation d'adhésion de la société Boulangerie Jacquier pour la période postérieure au 16 juin 2013, que la notion de contrat en cours retenue par le Conseil constitutionnel s'appliquait exclusivement aux contrats conclus entre les entreprises et les assureurs et non pas aux accords collectifs, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR dit que l'article 13 de l'avenant numéro 83 de la Convention collective des professionnels de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie est illicite en ce qu'il permet aux partenaires sociaux de désigner AG2R Prévoyance comme organisme unique de prévoyance en mise en concurrence démontrée de cet organisme avec les prestations offrant des garanties équivalentes sur le marché et sans que ne soit démontré le contrôle réel de l'Etat sur cette désignation et ses renouvellements, d'Avoir dit que l'article 14 de l'avenant numéro 83 de la Convention collective des professionnels de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie est illicite en ce qu'il impose aux professionnels une affiliation à AG2R Prévoyance alors qu'ils ont conclu après d'un autre organisme antérieurement au 1er janvier 2007, un contrat offrant des garanties supérieures à celles proposées par AG2, et d'avoir rejeté en conséquence les demandes de l'institution AG2R Prévoyance tendant à ce qu'il soit ordonné que la société Boulangerie Jacquier régularise son adhésion et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble des salariés prévues à l'avenant numéro 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007,

AUX MOTIFS QUE « si l'autorité absolue que la Constitution confère à une décision du conseil constitutionnel s'attache non seulement à son dispositif mais aussi à ses motifs, c'est à la condition que ceux-ci soient le support nécessaire de celui-là, que le dispositif de la décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 ayant énoncé que l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale est contraire à la Constitution et faute de mention des effets de cette inconstitutionnalité, soit dans le dispositif, soit dans des motifs clairs et précis qui en seraient indissociables, il ne peut être affirmé qu'une telle déclaration d'inconstitutionnalité priverait d'effet l'avenant n° 83 à la convention des professions de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie pour une période pendant laquelle celui-ci n'était pas atteint par la déclaration d'inconstitutionnalité ; que les tribunaux doivent appliquer la loi sans pouvoir en écarter certaines dispositions en raison de leur prétendue contrariété à des principes de caractère constitutionnels, que toutefois, l'article 55 de la Constitution comporte une habilitation donnée implicitement aux juges à l'effet de contrôler la conformité des mois aux traités ; que selon l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, (...) les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation ; qu'en l'espèce, ces dispositions impliquent, notamment, une obligation de transparence consistant à garantir, en faveur de tout organisme d'assurance, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché à la concurrence, ainsi que le contrôle des procédures de choix de l'assureur désigné par application de l'avenant numéro 83 à la convention collective des professions de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie ; que les dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ne prévoient ni appel d'offre, ni mise en concurrence des assureurs ; que selon les conclusions d'AG2R Prévoyance, les partenaires sociaux se seraient déterminés en faveur d'AG2R Prévoyance en toute connaissance de cause et spécialement de l'état du marché, que cet assureur a été choisi en raison notamment de son appartenance au groupe AG2R La Mondiale qui comprend déjà Isica, caisse de retraite complémentaire qui gère, de longue date, la retraite complémentaire obligatoire des boulangers ainsi qu'Isica Prévoyance pour la prévoyance « lourde » (page 19) ; qu'il résulte ainsi de même des écritures d'AG2R Prévoyance qu'aucun appel d'offres ni mise en concurrence ne sont intervenus, qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 912-1 dans la rédaction de l'ordonnance du 23 mars 2006 et de l'avenant n° 83 à la convention collective des professions de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie doivent être déclarées non-conformes aux traités européens » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE «L'article 101 du TFUE (ex article 81 du traité instituant la communauté européenne) prohibe les ententes illicites entre entreprises et pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. L'article 102 du TFUE (ex article 82 du traité instituant la communauté européenne) prohibe les abus de position dominante dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté et constitué par le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Cependant, il résulte de l'article 106 du TFUE (ex article 86 dudit traité), que les Etats membres en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, ne peuvent édicter ni maintenir aucune mesure contraire aux règles dudit traitée, en ce qui concerne les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, celles-ci sont soumises aux règles de concurrence dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. La Cour de Justice des Communautés Européennes a cependant, décidé dès le 21 septembre 1999, que la décision prise par les organisations représentatives des employeurs des travailleurs d'un secteur déterminé, dans le cadre d'une convention collective, d'instaurer dans ce secteur un seul fonds de pension chargé de la gestion d'un régime de pensions complémentaires de demander aux pouvoirs publics de rendre obligatoire l'affiliation à ce fonds pour tous les travailleurs de ce secteur ne relève pas de l'article 81 du traité instituant La Communauté Européenne. Mais, elle a décidé également qu'un fonds de pension chargé de la gestion d'un régime de pensions complémentaires instaurées par une convention collective rendue obligatoire par les pouvoirs publics pour les travailleurs de ce secteur, est une entreprise au sens des articles et suivants du traité. La finalité sociale d'un régime d'assurances n'étant pas en soi suffisante pour exclure que l'activité en cause soit qualifié d'activité économique. Il en serait autrement, si l'organisme gérait l'une des branches traditionnelles de la sécurité sociale et si sa gestion était soumise au contrôle de l'Etat. La jurisprudence de ladite cour (décision du 3 mars 2011, arrêt Beaudout) laissant entier le point de savoir si les règles de désignation de renouvellement de désignation de AG2R PREVOYANCE tous les cinq ans respectent bien les règles de libre concurrence, alors que cet organisme est bien une entreprise de droit privé exerçant une activité économique soumise aux règles communautaires de concurrence tant que l'application de ces règles de concurrence ne font pas échec à l'accomplissement de la mission d'intérêt général qui lui a imparti et sous réserve que le contrôle de l'Etat s'exerce de manière effective, ce qui n'est pas démontré en l'espèce. En effet en l'espèce, il n'est pas justifié que : - le choix de AG2R, PREVOYANCE par les partenaires sociaux s'est opérée sous un contrôle réel de l'Etat alors qu'il est démontré qu'il existe d'autres organismes de prévoyance sur le marché offrant des garanties supérieures pour un même niveau de cotisations, - l'offre de AG2R PREVOYANCE soit contrôlée par l'Etat, - le renouvellement de la désignation d'AG2R et les conditions de réexamen du montant des cotisations garantissent toute transparence, alors que le président de la Confédération Nationale de la Boulangerie et Boulangerie Pâtisserie Française a été nommé l'année passée vice-président du conseil d'administration de l'association sommitale AG2R ISICA, la constitution paritaire de cet organisme, si elle peut présenter des garanties à certains égards tant pour les employeurs que pour les employés, pose au niveau des principes de transparence et de libre concurrence, un réel problème, - au regard de l'objectif de solidarité poursuivie, et compte tenu des éléments susévoqués, il n'y ait pas d'abus de position dominante. Et ce alors que l'avis numéro 13-A-1 l du 29 mars 2013 de l'Autorité de la Concurrence, préconise, notamment concernant les organismes assurant les garanties collectives en ce qui concerne l'action sociale et des droits non contributifs, de garantir la liberté de choix de l'employeur, de stipuler des clauses fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d'organisation de la mutualisation des risques doivent être examinées, la périodicité du réexamen ne pouvant excéder trois ans, organiser une mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l'article l " de la loi du 31 décembre 1989 dans des conditions de transparence garantissant l'impartialité de la procédure et prévenant les conflits d'intérêts, Il n'y a pas lieu de procéder un nouveau renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union Européenne sur les conditions de renouvellement de la désignation de l'organisme et sur les conditions de réexamen du montant des cotisations puisque la Cour a expressément relevé en son arrêt BEAUDOUT le 3 mars 2011 que si AG2R PREVOYANCE était considérée comme une entreprise commerciale, ce qui est le cas en l'espèce, l'appréciation du respect de la mise en concurrence de cet organisme avec les autres organismes du marché, lors de sa désignation et de son renouvellement relèverait alors des juridictions nationales. Au regard des considérations susvisées, l'application aux défendeurs des dispositions des articles 13 et 14 de l'avenant numéro 83 à la Convention Collective des Professionnels de la Boulangerie et de la Boulangerie Pâtisserie doit être écartée comme contraire au droit interne et communautaire » ;

1°) ALORS QUE la désignation par les partenaires sociaux d'un organisme de gestionnaire d'une complémentaire santé pour une branche déterminée n'est pas soumise à une obligation de transparence ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 56 du TFUE ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, l'obligation de transparence impose seulement que soit assuré un degré de publicité adéquat permettant de faire obstacle à toute discrimination en raison de la nationalité ; qu'une telle obligation n'implique pas qu'intervienne une mise en concurrence ou un appel d'offres ; qu'en jugeant, pour déclarer illicite la désignation d'AG2R Prévoyance comme organisme de gestionnaire d'une complémentaire santé prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie en date du 24 avril 2006, que les dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ne prévoient ni appel d'offre ni mise en concurrence des assurances et qu'en pratique, aucun appel d'offres ni mise en concurrence n'étaient intervenus, la cour d'appel a violé l'article 56 du TFUE.

3°) ALORS QUE, s'il était considéré que la cour d'appel avait adopté les motifs des premiers juges, dans un arrêt du 3 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la Cour de justice a ainsi considéré que les clauses de désignation et de migration prévues par l'avenant numéro 83 litigieux ne méconnaissaient pas les articles 102 et 106 du TFUE ; qu'en jugeant néanmoins que la validité de ces clauses n'était pas acquise et dépendait du fait qu'AG2R Prévoyance ne soit pas une entreprise et partant qu'elle soit soumise à un contrôle de l'Etat, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE ;

4°) ET ALORS QUE, subsidiairement, s'il était considéré que la cour d'appel avait adopté les motifs des premiers juges, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance ne justifiait pas d'une mise en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose avec d'autres entreprises, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué

D'AVOIR dit que l'article 14 de l'avenant numéro 83 de la Convention collective des professionnels de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie est illicite en ce qu'il impose aux professionnels une affiliation à AG2R Prévoyance alors qu'ils ont conclu après d'un autre organisme antérieurement au 1er janvier 2007, un contrat offrant des garanties supérieures à celles proposées par AG2, et d'avoir rejeté en conséquence les demandes de l'institution AG2R Prévoyance tendant à ce qu'il soit ordonné que la société Boulangerie Jacquier régularise son adhésion et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les cotisations de l'ensemble des salariés prévues à l'avenant numéro 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007,

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « L'article L 912-1 du code de la sécurité sociale dispose : « Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d'un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article l er de la loi numéro 8 9-1009 du 3 1 décembre 19 89 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou d'une ou plusieurs institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances, auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises relevant du champ d'application de ces accords, ceux-ci comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d'organisation de la mutualisation des risques peuvent être réexaminées. La périodicité du réexamen ne peut excéder cinq ans. Lorsque que les accords mentionnés ci-dessus s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions du second alinéa de l'article L 132-23 du code du travail sont applicables. » L'article L 132-23 devenu L 2253-1 du code du travail dispose que : «Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. Une convention ou un accord peut également comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés. » L'article 13 de l'avenant numéro 83 du 27 avril 2006 relatif à la mise en place d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé a désigné AG2R PREVOYANCE comme organisme assureur, relevant de l'autorité de contrôle des assurances des mutuelles, pour les métiers de la boulangerie et de la pâtisserie avec réexamen dans un délai de cinq ans des modalités d'organisation de la mutualisation par la commission nationale paritaire de la branche considérée. L'article 14 dudit avenant dispose que cette adhésion et la filiation des salariés des entreprises considérées à cet organisme assureur, ont un caractère obligatoire et que ces dispositions s'appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celle définie par le présent avenant. Or, les garanties souscrites par les défendeurs auprès du cabinet ABELA et de la MAAF sont supérieures à celles proposées par AG2R PREVOYANCE. Or, la convention, l'accord d'entreprise pouvant adapter les stipulations des conventions de branche n'est applicable aux entreprises qui antérieurement à la date d'effet, avait adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent, seulement lorsque les nouveaux accords garantissent les mêmes risques un niveau équivalent. Ainsi, l'article 14 de cet avenant ne répond pas aux conditions posées par les articles L 912-1 du code de la sécurité sociale et L 123-23 devenu L 2250-2 du code de travail, et a pour effet en l'espèce, de réduire Ia protection accordée aux professionnels au lieu de l'accroître puisque ceux-ci sont amenés à payer des cotisations plus élevées pour des garanties moindres. Ces dispositions portent donc atteinte à la liberté contractuelle des défendeurs ayant souscrit un contrat prévoyance auprès d'un autre organisme, et à leur droit à une protection sociale équivalente ou améliorée, sans que AG2R ne puisse objecter un motif d'intérêt général suffisant justifiant cette double atteinte. Elle ne démontre pas par ailleurs, que les dispenses la conduiraient à mettre en péril son équilibre économique, ou plus exactement qu'il soit fait échec à l'accomplissement des missions particulières imparties, à cette entreprise » ;

ALORS QUE lorsqu'un accord professionnel ou interprofessionnel impose l'adhésion à un régime géré par une institution désignée par celui-ci, l'adoption de l'accord d'entreprise consiste nécessairement dans sa mise en conformité avec ledit accord professionnel ou interprofessionnel de mutualisation des risques et, partant, l'adhésion de l'entreprise au régime géré par l'institution désigné par celui-ci ; qu'en énonçant toutefois, pour juger illicite la clause de migration prévue par l'avenant numéro 83 à la Convention nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, que l'article 14 de cet avenant prévoyant une clause de migration ne répondait pas aux conditions posées par les articles L. 912-1 du code de la sécurité sociale et L. 2250-2 du code du travail, en ce qu'elle aurait pour effet de réduire la protection accordée aux professionnels et en ce qu'elles porteraient atteinte à la liberté contractuelle des travailleurs ayant souscrit un contrat d'assurance prévoyance auprès d'un autre organisme et à leur droit à une protection sociale équivalente ou améliorée, la cour d'appel a violé les articles L. 912-1 du code de la sécurité sociale et L. 2250-2 du code du travail.

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