8 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-13.186

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:C100298

Titres et sommaires

MAJEUR PROTEGE - curatelle - fonctionnement - mandataire judiciaire à la protection des majeurs - responsabilité - action en responsabilité - cas

Ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, une cour d'appel qui retient la responsabilité, sur le fondement du droit commun, d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs à l'égard du foyer d'accueil médicalisé au sein duquel la personne protégée, sous curatelle renforcée, est hébergée, pour défaut de prise en charge des frais d'hébergement par l'aide sociale, sans répondre aux conclusions du premier et de son assureur, qui invoquaient la faute du second dans la gestion du dossier de la personne hébergée, en soutenant qu'il avait laissé s'écouler, du fait de dysfonctionnements internes, près d'une année avant de constater qu'une partie des frais d'hébergement n'étaient pas couverts par l'aide sociale et d'en alerter le curateur

Texte de la décision

CIV. 1

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 mars 2017




Cassation


Mme X..., président



Arrêt n° 298 FS-P+B

Pourvoi n° P 16-13.186







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société SMACL assurances, dont le siège est [...]                                           ,

2°/ l'Association tutélaire d'Ille-et-Vilaine, dont le siège est [...]                                                 ,

contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2015 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige les opposant à l'Association Rey-Leroux, dont le siège est [...]                         ,

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 31 janvier 2017, où étaient présents : Mme X..., président, Mme A... , conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, Mme Guyon-Renard, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, conseillers référendaires, M. Bernard de La Gatinais, premier avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme A... , conseiller référendaire, les observations de Me Y..., avocat de la société SMACL assurances et de l'Association tutélaire d'Ille-et-Vilaine, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de l'Association Rey-Leroux, l'avis de M. Bernard de La Gatinais, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement du 16 février 2005, le juge des tutelles a placé Mme Z..., née le [...]           , sous curatelle renforcée, l'Association tutélaire d'Ille-et-Vilaine étant désignée en qualité de curateur ; qu'à compter du 6 juin 2005, l'intéressée a été hébergée dans un foyer d'accueil médicalisé géré par l'Association Rey-Leroux ; que ses frais d'hébergement n'ont été pris en charge au titre de l'aide sociale qu'à compter du mois de décembre 2005, laissant un impayé d'un certain montant ; que, les 27 mars et 4 avril 2012, l'Association Rey-Leroux a assigné l'Association tutélaire d'Ille-et-Vilaine et son assureur, la société SMACL assurances, pour les voir condamner in solidum à lui payer cette somme ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il n'appartient pas à un établissement hébergeant une personne protégée de solliciter, pour cette dernière, le bénéfice de l'aide sociale et que le curateur devait vérifier l'octroi de cette aide ou la solliciter, au besoin en assistant la majeure protégée, de sorte qu'en s'abstenant de le faire, l'Association tutélaire d'Ille-et-Vilaine a commis une faute de nature à entraîner sa responsabilité et justifiant sa condamnation au paiement des frais d'hébergement restant dus ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'Association tutélaire d'Ille-et-Vilaine et de son assureur, qui invoquaient la faute de l'Association Rey-Leroux dans la gestion du dossier de la personne hébergée, en soutenant qu'elle avait laissé s'écouler, du fait de dysfonctionnements internes, près d'une année avant de constater qu'une partie des frais d'hébergement n'étaient pas couverts par l'aide sociale et d'en alerter le curateur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne l'Association Rey-Leroux aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société SMACL assurances et l'Association tutélaire d'Ille-et-Vilaine.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné solidairement l'association Rennes ATI et la SMACL à verser à l'association Rey-Leroux la somme de 24 518,54 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2007 ;

AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 421 du code civil, tous les organes de la mesure de protection judiciaire, notamment le curateur en cas de tutelle renforcée, sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction ; qu'en l'espèce, par un jugement du 16 février 2005, le juge des tutelles de Redon a prononcé la mise sous curatelle de Mme Z..., l'a déclarée vacante, l'a déférée à l'Etat en la confiant à l'association tutélaire d'Ille-et-Vilaine et a ordonné que la curatrice perçoive seule les revenus de Mme Z..., assure elle-même à l'égard des tiers le règlement des dépenses et verse l'excédent, s'il y a lieu, à un compte ouvert chez un dépositaire agréé ; que Mme Z... est entrée à la résidence Les Courtils gérée par l'association Rey-Leroux, le 6 juin 2005 ; qu'il n'appartient pas à un établissement hébergeant une majeure protégée de solliciter pour cette dernière le bénéfice de l'aide sociale ; que par ailleurs, un organisme chargé d'une curatelle renforcée doit faire en sorte que les revenus de la personne protégée permettent de faire face à ses dépenses notamment d'hébergement ; qu'en l'espèce, l'association tutélaire d'Ille-et-Vilaine, désignée comme curatrice le 16 février 2005, devait vérifier les conditions dans lesquelles la personne, dont elle assurait la protection, pourrait faire face à ses frais d'hébergement dans un foyer alors que l'entrée dans celui-ci était prévue trois mois et demi après sa désignation ; qu'ainsi, l'association tutélaire d'Ille-et-Vilaine devait vérifier l'octroi de l'aide sociale ou la solliciter au besoin en assistant la majeure protégée pour le faire ; qu'en ne le faisant pas, elle a commis une faute qui a entraîné un préjudice, en lien direct subi par l'association Rey-Leroux à qui la majeure protégée doit toujours ses frais d'hébergement pour la période du 6 juin au 30 novembre 2005 ;

ALORS, 1°), QUE n'engage pas sa responsabilité vis-à-vis de l'établissement d'accueil d'un majeur protégé le curateur qui, uniquement chargé de percevoir les revenus de la personne protégée, d'assurer à l'égard des tiers le règlement des dépenses et de verser l'éventuel excédent sur un compte bancaire, ne formule pas une demande auprès des services de l'aide sociale en vue d'obtenir la prise en charge partielle des frais d'hébergement de l'intéressé et s'en tient au paiement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui a mis à la charge de la curatrice, des obligations qui ne lui incombent pas, a violé les articles 512 et 1382 du code civil ;

ALORS, 2°), QUE la prise en charge par l'aide sociale d'une partie des frais d'hébergement d'une personne handicapée au sein d'un foyer d'accueil médicalisé peut être effective à compter de son admission si elle est formulée dans les deux mois suivant le jour d'entrée du majeur handicapé dans l'établissement ; qu'il incombe à l'établissement d'accueil de s'assurer, selon la catégorie de prise en charge concernée, des conditions de la participation financière du bénéficiaire à ses frais d'hébergement; qu'en considérant, pour retenir la responsabilité de la curatrice et de son assureur et écarter toute faute de l'association Rey-Leroux, qu'il n'appartenait pas à l'établissement hébergeant la majeure protégée de solliciter pour cette dernière le bénéfice de l'aide sociale après avoir constaté que cette association n'avait pas vérifié la mise à disposition de l'aide sociale pour le paiement d'une partie de ses propres frais générés par l'hébergement de la majeure protégée, la cour d'appel a violé les articles L. 116-1, L. 311-1, L. 312-1, 7°, L. 344-5 et D. 311-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 1382 du code civil ;

ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 7, al. 1 et 2), la curatrice et son assureur faisaient valoir que l'association Rey-Leroux avait elle-même commis une faute dans la gestion du dossier de la majeure protégée qu'elle hébergeait en laissant s'écouler, du fait de dysfonctionnements internes, près d'une année avant de réaliser qu'une partie des frais d'hébergement de l'intéressée n'était pas couverte par l'aide sociale ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

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