4 mai 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-20.934

Chambre sociale - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:SO10462

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mai 2017




Rejet non spécialement motivé


M. FROUIN, président



Décision n° 10462 F

Pourvoi n° Q 15-20.934







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Calor, société en commandite par actions, dont le siège est [...]                                               ,

contre l'arrêt rendu le 28 avril 2015 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme Murielle X..., épouse Y..., domiciliée [...]                                 ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 21 mars 2017, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Basset, conseiller, M. A..., avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Calor, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme Y... ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Calor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Calor et condamne celle-ci à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Calor.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Mme Y... a été victime d'une discrimination et d'AVOIR en conséquence dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul et condamné la société Calor à verser à Mme Y... diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, indemnités de rupture et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Mme Y... dénonce un retard de carrière ayant son origine dans une discrimination fondée sur sa grossesse et la dégradation de son état de santé ; que conformément à l'article L 1134-1 du code du travail, il appartient à Mme Y... d'établir les éléments de fait qui laissent présumer l'existence d'une discrimination, à charge pour la société Calor, dans l'hypothèse où l'existence d'une discrimination serait présumée, de prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination;
Que dans le courant de l'année 1996, la société Calor qui désirait « pourvoir 60 emplois qualifiés d'ici l'an 2000 », a proposé aux « ouvriers des ateliers de production ou des services proches de la production » de suivre une formation étalée sur 18 mois, sanctionnée par la délivrance d'un CAP ; que la note de l'employeur définissait les « emplois cibles» qui devaient être pourvus comme suit:
- agent qualifié de Contrôle Réception/Démérite
- agent qualifié Essais Qualité (endurance, essais-type, tests consommateurs)
- régleur atelier (émaillerie, sérigraphie)
- régleur-opérateur Assemblage Matières Plastiques
- régleur-opérateur Moulage Plastique
- conducteur de machines de transfert
- agent qualifié Assemblage (prototypes, pré-série, échantillons, ... )
- agent qualifié Contrôle Central et S.A.V. ;
Que lors de la signature de l'engagement de formation, la société Calor s'est engagée à « affecter, au terme de la formation, et en cas de succès, les stagiaires à 1 des emplois-cibles qualifiés» ;
Que Mme Y... a obtenu un CAP (exploitation d'installations industrielles) le 25 septembre 1997 ; que l'intéressée qui était alors positionnée niveau I, échelon 2, coefficient 155, est passée au niveau II, échelon 2, coefficient 180 à compter du 1 er octobre 1998 puis au niveau II, échelon 3, coefficient 190, à compter du 1er janvier 1999 ; qu'elle n'a bénéficié d'aucune revalorisation hiérarchique depuis cette date;

Que Mme Y... a bénéficié d'un détachement au service qualité du l er janvier 2001 au 30 juin 2001 ; que ce détachement, qui lui a ouvert droit à « un sur salaire de 400 francs correspondant aux primes d'équipes perdues », a été successivement prorogé jusqu'au 31 décembre 2001 puis jusqu'au 31 mai 2002 ;
Que l'appelante, qui a été en arrêt maladie, puis en congé maternité et enfin en congé parental entre le 14 janvier 2002 et le 9 juillet 2005, a intégré un poste en production lors de son retour dans l'entreprise, qu'elle a conservé jusqu'à la rupture du contrat; qu'elle observe à bon droit que le poste en production qu'elle a tenu de juillet 2005 jusqu'à son départ de l'entreprise ne correspondait pas à un des « emplois cibles » auxquels devait conduire la formation CAP 2000 ;

Que dans un courrier daté du 9 octobre 2007, Mme Y... se plaignait que « personne ne (lui) avait jamais répondu concernant la formation de Karine B... et Delphine C... au poste de réparatrice et réglage à froid » alors que ces salariées n'avaient pas le CAP 2000 ; que ce constat n'est pas démenti par la société Calor qui ne justifie pas avoir proposé une quelconque formation à sa salariée depuis son retour de congé parental ;
Que pour illustrer son assertion selon laquelle elle était demeurée agent qualifié de production tandis que « ses collègues ayant suivi la même formation (avaient) progressé », elle cite les exemples de Mmes D..., E..., F... et G... et ceux de MM. H... et I... ; que les éléments peu précis fournis par la société Calor sur l'évolution des carrières de ces salariés, qui résident dans un « tableau comparatif d'évolution des salariés» à la lecture incertaine (annexe n° 25), ne contredisent pas l'affirmation de Mme Y...;
Que bien plus, la société Calor n'indique pas le coefficient et le salaire dont bénéficiaient au mois d'octobre 2011 MM. H... et I..., Mme E..., qui avait suivi la formation sous l'identité Baule, ou Mme G..., dont la cour ignore l'identité sous laquelle cette salariée avait suivi la formation; que contrairement à ce que soutient la société Calor, les salariés précités ne bénéficiaient pas tous d'un classement supérieur à celui de Mme Y... en janvier 1996 puisque M. I... et Mme J... E... étaient alors classés respectivement aux coefficients 155 et 145 ; que selon les informations données par la société Calor, Mmes D... et F..., auxquelles Mme Y... se compare, étaient respectivement classées au coefficient 225 et 190 au mois d'octobre 2011 et percevaient les salaires de 1.914,10 € et 1.716,64 € ; que selon le tableau comparatif précité, Mme Y... était au mois d'octobre 2011 la moins bien rémunérée des salariés ayant suivi la formation CAP 2000 et encore classés au coefficient 190 ;

Que ces éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination au préjudice de Mme Y..., il appartient à la société Calor de démontrer que l'absence de toute évolution de carrière depuis le 1 er janvier 1999 s'explique par des considérations objectives étrangères à toute discrimination;
Que la société Calor, qui insiste sur la connaissance qu'avait Mme Y... du caractère temporaire de son détachement au sein du service qualité, n'explique pas pourquoi Mme Y... n'a plus tenu un poste aussi gratifiant à son retour de congé parental; qu'elle n'explique pas davantage les motifs pour lesquels Mme Y... n'avait pas bénéficié de la formation au poste de réparatrice et réglage à froid, alors que cette salariée avait démontré au début de sa carrière dans l'entreprise son aptitude à évoluer;
Que l'employeur étant défaillant dans l'administration de la preuve qui lui incombe, il convient de retenir que Mme Y... a été victime d'une discrimination liée à sa grossesse et plus généralement à son état de santé, à compter de son retour de son congé parental ;
Que la réparation de la discrimination oblige à replacer Mme Y... dans la situation où elle se serait trouvée si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu;
Qu'au regard des pièces et éléments régulièrement versés au débat, il convient d'évaluer à 14.000 € l'entier dommage, tant financier que moral, subi par Mme Y... qu'une évolution normale de carrière aurait dû conduire au coefficient 215 ;
Qu'ayant été motivée par une discrimination qui s'est avérée établie, la prise d'acte notifiée selon courrier daté du 19 octobre 2011 a produit les effets d'un licenciement nul, compte tenu des prescriptions de l'article L 1132-4 du code du travail;
Que Mme Y... réclame le paiement d'une indemnité légale de licenciement d'un montant de 10.773,58 € ; que son calcul n'étant pas critiqué par la société Calor, cette somme sera allouée à l'appelante;
Que Mme Y... ne fournit aucune information sur sa situation professionnelle dans les mois qui ont suivi la rupture du contrat, ni sur sa situation actuelle; qu'au vu de son âge (39 ans) et de son ancienneté (17 ans) à la date de la rupture de la relation contractuelle, de l'effectif de l'entreprise et du montant de la rémunération perçue, le préjudice occasionné par la rupture du contrat peut être évalué à 15.000 € ;
Que Mme Y... qui a pris l'initiative de la rupture n'est pas fondée à reprocher à la société Calor d'avoir méconnu la procédure de licenciement; que sa demande d'indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure sera rejetée;
Que la société Calor supportera les dépens et réglera une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile que l'équité commande de fixer à 2.000 € ;

1/ ALORS QUE constitue une discrimination le fait de subir un traitement défavorable à raison d'un des motifs prohibés par l'article L 1132-1 du Code du travail ; que le juge qui retient un traitement discriminatoire doit en conséquence caractériser le lien entre la mesure prise par l'employeur et le motif discriminatoire invoqué ; qu' il était constant en l'espèce qu'après avoir obtenu son CAP en septembre 1997, Mme Y... avait été promue « agent qualifié de production » dès le 1er octobre 1998 (conclusions d'appel de l'exposante p 3 et pièce d'appel n° 8 ; conclusions d'appel de la salariée p 3 ; arrêt p 2 ), puis qu'à la suite d'un détachement temporaire au service qualité entre le 1er janvier 2001 et le 31 mai 2002 et de ses congés maternité et parental, Mme Y... avait été réintégrée en juillet 2005 dans cet emploi d'agent qualifié de production ; que dès lors en retenant que la circonstance que le poste en production qu'elle avait retrouvé en juillet 2005 jusqu'à son départ de l'entreprise ne correspondait pas à un des emplois cibles auxquels devait conduire la formation CAP 2000, laissait supposer l'existence d'une discrimination à raison de la grossesse de Mme Y..., lorsque l'affectation de la salariée à ce poste était bien antérieure à son congé maternité ( 4 ans) et son congé parental (7ans), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1132-1 et L 1134-1 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE la disparité de traitement s'apprécie au regard d'une situation comparable ; qu'il appartient en conséquence au salarié qui se compare à d'autres pour illustrer la discrimination dont il se prévaut, d'établir qu'il est dans une situation comparable à la leur ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les deux salariées ayant bénéficié de la formation au poste de réparatrice et réglage à froid n'avaient pas bénéficié, contrairement à Mme Y..., de la formation CAP 2000 ; que dès lors en retenant que la circonstance que Mme Y... n'ait pas bénéficié de la formation de réparatrice et réglage à froid en dépit de sa demande laissait supposer l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 1132-1 et L 1134-1 du Code du travail ;

3/ ALORS QUE la disparité de traitement s'apprécie au regard d'une situation comparable ; qu'il appartient en conséquence au salarié qui se compare à d'autres pour illustrer la discrimination dont il se prévaut d'établir qu'il est dans une situation comparable à la leur ; que lorsqu'il prétend avoir été ralenti dans sa progression de carrière, il doit se comparer à des salariés engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification et à une date voisine ; qu'au soutien de sa demande fondée sur une prétendue discrimination, Mme Y... comparait la progression de sa carrière à celle de Mmes D..., E..., F... et G... et à MM. H... et I..., dont la société Calor contestait qu'ils aient été dans une situation comparable à celle de Mme Y... avant la formation CAP 2000 ; qu'en retenant que la société Calor ne contredisait pas l'affirmation de la salariée selon laquelle sa carrière avait moins progressé que celle de ces salariés auxquels elle se comparaît, sans cependant caractériser que ces derniers étaient dans une situation comparable à celle de Mme Y... en début de carrière, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1132-1 et L 1134-1 du Code du travail.

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