14 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-18.146

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2017:C300893

Titres et sommaires

CONTRAT D'ENTREPRISE - sous-traitant - rapports avec l'entrepreneur principal - paiement - garanties obligatoires - engagement de caution personnelle et solidaire par l'entrepreneur principal - renonciation du sous-traitant en cours d'exécution du contrat de sous-traitance - nullité - portée

Les dispositions d'ordre public de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 interdisant toute renonciation ou remise conventionnelle accordée par le sous-traitant à la caution, une cour d'appel retient exactement que la "mainlevée" du cautionnement donnée par le sous-traitant après la conclusion du sous-traité est nulle et que la caution ne peut s'en prévaloir pour dénier sa garantie

Texte de la décision

CIV.3

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2017




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 893 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° E 16-18.146







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la Société générale, société anonyme, dont le siège est [...],

contre l'arrêt rendu le 7 avril 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société MPB, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 juin 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Maunand, Mme Le Boursicot, M. Bureau, Mme Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Abgrall, Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Kapella, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Société générale, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société MPB, l'avis de M. Kapella, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2016), que, le 15 mars 2012, la société Les Travaux des Hauts-de-Seine (THS), chargée de travaux de construction, a sous-traité la réalisation du lot cloison, doublage et faux-plafond à la société MPB ; que, le 4 avril 2012, la société THS a obtenu la caution personnelle et solidaire de la Société générale pour une durée de dix-sept mois ; que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 mars 2013, la société MPB a mis en demeure la société THS de lui payer les sommes dues au titre des situations du 20 janvier 2013 et du 20 février 2013 et a adressé au maître de l'ouvrage et à la caution copie de cette mise en demeure ; que, se prévalant d'une lettre du 12 avril 2012 par laquelle le gérant de la société MPB lui avait donné « mainlevée » du cautionnement, la Société générale a refusé sa garantie ; que, la société THS ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 mai 2013, la société MPB a déclaré sa créance et assigné la caution en paiement de celle-ci ;

Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que si le sous-traitant ne peut renoncer aux dispositions d'ordre public de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, il peut valablement, en cours d'exécution du contrat, décharger la caution de l'engagement que cette dernière a pris à son profit en vertu de l'article 14 de ladite loi ; que, pour dire qu'était nul l'acte du 12 avril 2012 aux termes duquel la société MPB, sous-traitant d'un marché de travaux que lui avait confié la société THS, avait donné mainlevée du cautionnement que lui avait consenti la Société générale en garantie des sommes qui leur seraient dues par l'entrepreneur principal, la cour d'appel a retenu qu'en application de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975, sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de cette loi, ce qui exclurait la remise volontaire ou la décharge conventionnelle de l'article 1324 du code civil, de sorte qu'il n'était pas possible aux parties de convenir d'une mainlevée conventionnelle de la caution ; qu'en statuant de la sorte, quand la mainlevée par la société MPB du cautionnement fourni par la Société générale, dont il n'était pas contesté qu'elle était intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, ne constituait pas une renonciation du sous-traitant aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 et était par conséquent valable, la cour d'appel a violé les articles 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°/ que le cautionnement par un établissement agréé ne constitue que l'une des modalités possibles de la garantie de paiement qui doit être fournie au sous-traitant en vertu de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, l'autre étant la délégation du maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1275 du code civil ; qu'en jugeant que la caution prévue à l'article 14 de la loi sur la sous-traitance était impérative, de sorte qu'était exclue la décharge conventionnelle du cautionnement consenti par la Société générale, en application de l'article 1234 du code civil, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975 ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que la seule exception à l'obligation de fournir une caution était la délégation du maître de l'ouvrage, la cour d'appel, devant laquelle la Société générale n'a pas soutenu qu'une délégation de paiement avait été effectivement mise en place au profit de la société MPB ni qu'une autre caution avait été réellement substituée à la première, en a déduit à bon droit que les sommes dues à ce sous-traitant devaient être garanties par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur principal auprès d'un établissement qualifié ;

Attendu, d'autre part, que, les dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 interdisant toute renonciation ou remise conventionnelle accordée par le sous-traitant à la caution, la cour d'appel a exactement retenu que la « mainlevée » donnée le 12 avril 2012 par la société MPB était nulle et que la Société générale ne pouvait s'en prévaloir pour dénier sa garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société générale aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société générale et la condamne à payer à la société MPB la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE, en sa qualité de caution, à payer à la S.A.R.L. MPB la somme de 77.682,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2013 jusqu'à parfait paiement, d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à payer à la S.A.R.L. MPB la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR rejeté toutes autres demandes, et d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE aux dépens d'appel,

AUX MOTIFS, SUBSTITUES A CEUX DES PREMIERS JUGES, QU' « il est établi que la Société Générale a donné sa caution bancaire en application de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 pour toutes les sommes dues par la société THS envers la société MPB dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu entre elle pour un montant de 192.842,80 euros TTC, outre toutes les taxes et travaux supplémentaires justifiés ; Considérant que l'acte de caution prévoit à l'article 4 que l'engagement devient caduc dès que l'entrepreneur principal se sera acquitté envers le sous-traitant des sommes dues au titre de la convention et en aura justifié à la banque par une mainlevée ou un reçu pour solde de tout compte émanant du sous-traitant ; Considérant que la Société Générale se prévaut d'un document pré-imprimé daté du 12 avril 2012 établi au nom de Monsieur E...       , gérant de la société MPB, revêtu de sa signature apposée sur le cachet commercial de l'entreprise ; que, dans ses dernières écritures, la société MPB n'en conteste plus la signature, ce qui rend sans objet tous les développements de l'appelante à ce sujet ; Considérant qu'en application de l'article 14 de la loi susvisée relative à la sous-traitance, à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenu par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1275 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant ; Considérant qu'ainsi la seule exception autorisée par la loi est la délégation par laquelle l'entrepreneur donne au sous-traitant son propre débiteur, en la personne du maître de l'ouvrage, afin qu'il le paye à sa place conformément à l'article 1275 du code civil ; Considérant qu'en application de l'article 15 de la même loi sur la sous-traitance, sont nuls et de nul effet, qu'elle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi, ce qui exclut la remise volontaire ou la décharge conventionnelle de l'article 1234 du code civil ; Considérant que la caution prévue à l'article 14 de la loi précitée est ainsi impérative et il n'est pas possible aux parties de convenir d'une décharge conventionnelle ; Considérant qu'il est justifié que la société MPB demeure créancière de la société THS au titre de la convention de sous traitance du 15 mars 2012 d'une somme de 77682,23 euros en vertu d'une ordonnance du 3 juillet 2014 du juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société THS définitive, de sorte que sa créance est certaine, liquide et exigible et ne peut plus être contestée par la caution ; Considérant que le document du 12 avril 2012 donnant mainlevée du cautionnement bancaire de la Société Générale a été établi en violation de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et la mainlevée donnée en dehors du paiement intégral du sous-traitant est nulle et de nul effet ; que la Société Générale ne peut pas s'en prévaloir pour dénier sa garantie ; Considérant que l'article 2 du cautionnement prévoit que le sous-traitant ne pourra demander le paiement à la banque qu'après la défaillance de l'entrepreneur principal résultant du non-paiement d'une dette à l'échéance prévue au contrat et qu'à cette fin, il devra auparavant, par lettre recommandée avec accusé de réception, mettre en demeure l'entrepreneur principal, et en adresser la copie au maître de l'ouvrage ainsi qu'à la banque qui est tenue de payer au sous-traitant les sommes dues au sous-traitant sur justification de leur exigibilité par la présentation des demandes détaillées correspondantes adressées à l'entrepreneur principal et des arrêtés de comptes définitifs intervenus avec ce dernier et qu'en cas de contestation, le paiement par la banque interviendra après décision de justice de condamnation devenue définitive ; Considérant que la société MPB justifie avoir mis en demeure la société THS de lui régler le montant des sommes lui restant dues par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2013 et en avoir adressé copie à la société Immobilière 3F, maître de l'ouvrage, et à la Société Générale, caution, dans la même forme et le même jour, avoir déclaré sa créance au passif de la société THS laquelle a fait l'objet d'une contestation devant le juge commissaire qui l'a admise pour la somme de 77.682,33 euros par une ordonnance du 3 juillet 2014 définitive ; Considérant qu'ainsi les conditions de mise en jeu du cautionnement de la Société Générale sont réunies et la société MPB démontre avoir une créance certaine, liquide et exigible résultant d'une décision judiciaire définitive; Considérant que la Société Générale, tenue par son engagement de caution, doit l'exécuter et payer à la société MPB la somme de 77.682,33 euros, la caution ne pouvant être tenue de payer plus que le débiteur principal en application de l'article 2290 du code civil, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2013 ; Considérant que le jugement déféré sera infirmé partiellement sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la Société Générale, en sa qualité de caution, et confirmé, pour le surplus, en ses autres dispositions par substitution de motifs ; Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée le montant de ses frais irrépétibles d'appel ; qu'il y a lieu de condamner la Société Générale à payer à la société MPB la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Considérant que la Société Générale, qui succombe, supportera les dépens d'appel »

1°) ALORS QUE si le sous-traitant ne peut renoncer aux dispositions d'ordre public de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, il peut valablement, en cours d'exécution du contrat, décharger la caution de l'engagement que cette dernière a pris à son profit en vertu de l'article 14 de ladite loi ; que, pour dire qu'était nul l'acte du 12 avril 2012 aux termes duquel la société MPB, sous-traitant d'un marché de travaux que lui avait confié la société THS, avait donné mainlevée du cautionnement que lui avait consenti la SOCIETE GENERALE en garantie des sommes qui lui seraient dues par l'entrepreneur principal, la cour d'appel a retenu qu'en application de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975, sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de cette loi, ce qui exclurait la remise volontaire ou la décharge conventionnelle de l'article 1234 du code civil, de sorte qu'il n'était pas possible aux parties de convenir d'une mainlevée conventionnelle de la caution ; qu'en statuant de la sorte, quand la mainlevée par la société MPB du cautionnement fourni par la SOCIETE GENERALE, dont il n'était pas contesté qu'elle était intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, ne constituait pas une renonciation du sous-traitant aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 et était par conséquent valable, la cour d'appel a violé les articles 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°) ALORS, EN OUTRE, QUE le cautionnement par un établissement agréé ne constitue que l'une des modalités possibles de la garantie de paiement qui doit être fournie au sous-traitant en vertu de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, l'autre étant la délégation du maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1275 du code civil ; qu'en jugeant que la caution prévue à l'article 14 de la loi sur la sous-traitance était impérative, de sorte qu'était exclue la décharge conventionnelle du cautionnement consenti par la SOCIETE GENERALE, en application de l'article 1234 du code civil, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975.

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