20 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-17.999

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:C110575

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 septembre 2017




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10575 F

Pourvois n°s Z 15-17.999
N 15-18.172 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

I - Vu le pourvoi n° Z 15-17.999 formé par :

1°/ la société Chantiers Y...              , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...]                                    ,

2°/ M. Dominique X..., domicilié [...]                            , agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Chantiers Y...    , actuellement en redressement judiciaire,

3°/ M. Daniel Y..., domicilié [...]                                    ,

contre l'arrêt rendu le 9 mars 2015 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. Alban Z..., domicilié [...]                                                                       ,



2°/ à la société Infini 888, société civile immobilière, dont le siège est [...]                                    ,

3°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, dont le siège est [...]                                             ,

défendeurs à la cassation ;

II - Vu le pourvoi n° N 15-18.172 formé par :

1°/ M. Alban Z..., domicilié [...]                                        ,

2°/ la société Infini 888, société civile immobilière,

contre le même arrêt rendu dans le litige les opposant :

1°/ à la société Chantiers Y...    , société à responsabilité limitée,

2°/ à M. Dominique X..., pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Chantiers Y...    , en redressement judiciaire,

3°/ à M. Daniel Y...,

4°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Verdun, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Chantiers Y...    , de M. X..., ès qualités, et de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Z... et de la société Infini 888, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de la société Zurich Insurance Public Limited Company ;

Sur le rapport de Mme Verdun, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;



Joints les pourvois n° Z 15-17.999 et N 15-18.172 ;

Donne acte à la société Chantiers Y...    , M. X..., ès qualités, et M. Y... de leur désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Zurich Insurance Public Limited Company ;



Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

I - Sur le pourvoi n° Z 15-17.999 :

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° N 15-18.172 :

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen produit au pourvoi n° Z 15-17.999 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Chantiers Y...    , M. X..., ès qualités, et M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SARL Chantiers Y... à payer à la SCI Infini 888 la somme de 197 739,40 euros en exécution par le vendeur de ses obligations en vue de la délivrance d'une chose conforme aux stipulations contractuelles ainsi qu'une somme complémentaire de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la promesse de vente du 14 avril 2005 prévoit que la vente sera effectuée après réalisation des conditions suspensives suivantes :" - Obtention du financement ; - Etat de coque satisfaisant après visite en cale sèche et intervention d'un expert agréé en vue de délivrer le certificat de bateau avec extension établissement recevant du public à quai ; - Travaux préliminaires limités à, ° Pose d'une porte étanche d'abordage AR, ° Raccourcissement de la largeur du bateau conformément à la réglementation des dimensions maximales imposées sur le canal du midi. [Cette mention incompréhensible est visée comme vraisemblablement erronée par l'expert M. C... pour qui il doit s'agir d'un simple raccourcissement] Les frais de mise en cale sèche, expertise, travaux de coque éventuels et travaux complémentaires ci-dessus seront pour le compte de la venderesse. Les frais de mise en conformité définitive pour l'attribution du certificat de bateau avec extension ERP seront pour le compte de l'acheteuse". L'acte du 4 mai 2005 stipule que la vente concerne "Mélanie", "bateau automoteur métallique de navigation intérieure", "à usage de logement avec extension future en ERP." Il est précisé que "L'acheteuse prendra possession dudit automoteur avec ses agrès et apparaux dans l'état où ils se trouvent actuellement et avec le même inventaire que le jour de la visite. Elle déclare en outre le bien connaître pour l'avoir visité en cale sèche. Elle ne pourra exercer contre la venderesse à ce sujet aucun recours pour vices apparents ou cachés ni faire aucune répétition pour cause de mauvais état, dégradation ou tout autre motif." Ce contrat a été conclu après que la société Techninav, en la personne de M. D..., eut examiné le navire, conformément à la promesse de vente. La visite a eu lieu le 28 avril, l'expert déposant son rapport le 7 juin. Il préconisait le doublage de la fonçure du compartiment avant et concluait, sous cette réserve, à une classification de 10 ans pour un usage en bateau logement, de 5 ans en ERP. La promesse de vente et l'acte du 4 mai 2005 mentionnent une "coque construite en acier quille posée en 1935 au chantier naval Jos Boel à Tamise (Belgique)" qui a "fait l'objet d'une modification en 1995 par les chantiers Y... à [...]        avec le remplacement de la partie cale à marchandise par un tronçon assemblé et soudé". Il ressort des documents communiqués qu'un automoteur nommé Géoroga a été construit en 1935 par le chantier Jos Boel en Belgique et importé en France en juin – juillet 1991. Il a bénéficié d'un permis provisoire de navigation d'un mois le 12 décembre 1991 et a subi un sinistre la nuit du 22 au 23 décembre de la même année, l'assureur AGF en proposant la destruction le 9 avril 1992. Le 20 décembre 1993 la compagnie AGF mentionnait la destruction du navire par le chantier Y.... Le 7 février 1995 Mélanie était lancée, fabriquée par le chantier Y... avec des matériaux de récupération. Cette unité a été immatriculée en qualité de bateau logement le 9 février 1995, suivant certificat délivré le 13 mars 1995 par le bureau d'immatriculation de Lille du ministère des transports. Elle a bénéficié le 15 juin 2005, d'une autorisation spéciale de transport de la commission de surveillance de Lille, autorisant la navigation pour le transport jusqu'à Toulouse, mais réservant tout autre certificat à la commission de surveillance de Toulouse. Sur l'obligation de délivrance : La SARL Y... souligne qu'elle n'a jamais demandé de certificat de navigation car le navire devait exclusivement servir de bateau logement. Elle affirme que l'absence de titre de navigation à la date de la vente n'était pas de nature à rendre impossible la délivrance ultérieure d'un permis de navigation. Elle rappelle que l'expert judiciaire indique que les avis d'impossibilité de délivrance d'un titre de navigation ont été émis au regard d'une demande de classification ERP qui n'a jamais été envisagée par les parties dans la mesure où c'est une péniche logement qui a été vendue, avec possibilité de recevoir du public et non un engin autorisé à naviguer avec du public à bord. La portée de ces observations est toutefois limitée. En effet il ressort d'un courrier du novembre 2008, du chef du bureau navigation et sécurité du Sud Ouest en réponse à une demande M. C... que, même dans la réglementation antérieure au 1er janvier 2008, "aucun bateau ne peut être mis en service sans un permis de navigation", ce qui relativise l'intérêt de la notion de "bateau logement" qui doit, en toute hypothèse, recevoir le permis de naviguer. Ainsi le "certificat de bateau" mentionné dans la promesse de vente concernait bien un certificat de navigation. Par ailleurs le chef du bureau navigation et sécurité souligne que nul bateau ne peut obtenir d'autorisation d'ouverture au public s'il ne dispose pas d'un titre de navigation en cours de validité. Enfin l'expert souligne dans la conclusion de son rapport que "les péniches logement de plus de 24 mètres [ce qui est le cas de Mélanie] doivent remplir les mêmes conditions techniques que les péniches de transport" sauf dérogation à l'appréciation du bureau de contrôle. L'expert expose, que, sous le régime antérieur au 1er janvier 2008, le titre de navigation était délivré après avis d'une commission de surveillance qui appréciait la conformité du navire en fonction de l'usage fait de celui-ci et de sa conformité aux règles techniques. Cet avis s'appuyait sur une expertise faite par un expert agréé par le ministère de tutelle. La mention dans la promesse de vente "après intervention d'un expert agréé en vue de délivrer le certificat de bateau" renvoie clairement à cette situation. Or M. D..., s'il disposait d'un agrément pour le sondage des coques, n'était pas expert agréé pour attester de la conformité de la coque aux exigences techniques en vue de la délivrance du certificat de navigation. Ainsi, comme le souligne M. C..., en ne donnant pas à l'acheteur l'expertise prévue dans la promesse, le vendeur a manqué à ses obligations contractuelles étant observé : Que l'acte de vente a été signé avant le dépôt du rapport de M. D..., qui avait néanmoins visité la péniche antérieurement, mais que chacun convient de ce que l'acquéreur n'avait pas renoncé à cette condition ; Que ce manquement s'inscrit dans un contexte général de déloyauté contractuelle. En effet la description faite de la péniche dans les documents contractuels, si elle n'est pas mensongère, ne correspond pas clairement à la situation de reconstruction d'un engin voué à la démolition, sans déclaration préalable aux travaux qui auraient ainsi pu être suivis par l'autorité administrative comme que le souligne M. C.... Enfin le vendeur ne pouvait ignorer que l'expert qu'il mandatait en exécution de ses obligations contractuelles, son gendre, n'était pas agréé pour la mission prévue au contrat. Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu un manquement à l'obligation de délivrance. Sur les conséquences de ce manquement : La SARL Y... conteste que Mélanie ne puisse obtenir de titre de navigation. Elle invoque le rapport d'expertise qui ne mentionne qu'un "risque de difficulté" d'obtention d'un tel titre et indique que les preuves de conformité de la péniche seront difficiles à rapporter "car la péniche a été aménagée et des éléments sont devenus inaccessibles". Cependant l'expert précise un peu plus loin que les structures internes ne sont pas accessibles non du fait des aménagements réalisés par l'acquéreur mais parce que pour les atteindre il faudrait "dessouder le fond du bateau" qui devrait ensuite être remplacé avec ou sans remplacement des structures internes, de tels travaux, avec remplacement des structures, représentant 136 500 euro HT. En l'état de cette impossibilité d'observer les structures, qui ne procède pas des travaux effectués par l'acquéreur mais d'une situation antérieure, les conséquences du manquement à l'obligation de délivrance consistent donc bien en l'impossibilité d'obtenir un titre de navigation et donc de mettre en oeuvre le projet pour lequel elle a été acquise. Il convient au surplus de souligner que le bureau Veritas a examiné le navire et a délivré un avis le 15 mai 2008, mentionné par l'expert dans son rapport. Il y est dit que le pourcentage d'usure des tôles avoisine voire dépasse 50 %. Tous les éléments dont le pourcentage d'usure est supérieur à 20 % doivent en principe être remplacés. Les tôles de coques pourraient être néanmoins acceptées si les éléments internes de construction (varangues, membrures
) sont en bon état. Ce sont ces éléments qui n'ont pu être mesurés. Mais le bureau Veritas conclut : "A la vue du pourcentage d'usure des tôles, celui des raidisseurs de la structure interne sera probablement du même niveau et par conséquent les épaisseurs de tôles ne pourraient être acceptées." Dès lors, en l'état des éléments fournis et quand bien même il n'est pas présenté de demande formelle d'obtention d'un certificat de navigation, il convient de retenir que les conséquences dommageables du manquement à l'obligation de délivrance comprennent la dépose du fond soudé et le remplacement des éléments de structure. Sur les réparations : La SCI demande : 218 289,55 euro au titre des travaux nécessaires à l'obtention du certificat de conformité ; 214 172,91 euro à titre de dommages et intérêts ; Et M. Z... 98 885 euro au titre de la perte d'une chance de percevoir les revenus de l'entreprise qu'il entendait installer à bord de la péniche, sur la base de 50% des revenus attendus depuis janvier 2006. La SARL Y... oppose à ces demandes qu'elles sont présentées pour la première fois en appel. Toutefois ces demandes sont accessoires et complémentaires à celles présentées en première instance de sorte qu'aux termes de l'article 566 du code de procédure civile elles sont recevables. Elle invoque encore l'article 1150 du code civil qui prévoit que le vendeur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat et affirme que nul n'aurait pu prévoir les exigences qu'aurait la commission de surveillance de Toulouse pour la délivrance du permis de navigation. Un professionnel de la construction navale avait bien évidemment l'obligation de prévoir les exigences de l'autorité dont son activité dépend qui ne sont nullement arbitraires. Par ailleurs il était clairement stipulé au contrat que le vendeur s'engageait à accomplir ce qui devait être fait pour l'obtention du certificat de navigation, obligation qu'il a délibérément ignorée. Le préjudice résultant des mesures à prendre pour l'obtention du certificat, ne saurait être considéré comme imprévisible. Elle mentionne enfin l'article 1151 du code civil qui prévoit que les dommages et intérêts ne doivent indemniser que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention. Les différentes demandes doivent être examinées à l'aune de cette règle. Toutefois l'intimée est mal fondée à soutenir que l'acquéreur, qui n'est pas vendeur professionnel ni constructeur professionnel de bateaux de navigation intérieure, contrairement au chantier Y..., aurait dû prendre des renseignements auprès de la commission de surveillance et aurait ainsi pu savoir que l'expertise réalisée par la société Techninav n'était pas suffisante. Il n'appartient pas à l'acquéreur qui a signé un contrat dans lequel le vendeur s'engage à faire intervenir "un expert agréé en vue de délivrer le certificat du bateau" de vérifier que l'expert choisi par son vendeur dans ce cadre dispose bien de l'agrément exigé. Cette obligation incombe au vendeur qui s'y est engagé. Demandes de la SCI au titre des travaux, - Travaux de structure pour 163 254 € TTC ; - Honoraires d'intervention d'un expert pour 8460 € ; - Portes étanches pour 8790,60 € ; - Frais sur le moteur, qui devait être livré en bon état de fonctionnement, pour 1034,54 €, - Presse étoupe pour 140,91 € ; - Hublots pour 16 059,35 € ; Ces travaux sont nécessaires pour la mise en conformité de Mélanie aux exigences de la commission de sécurité et doivent être indemnisés. Ils représentent un total de 197 739,40 €. Les autres travaux doivent être écartés pour les raisons mentionnées par le jugement déféré. Demandes de la SCI à titre de dommages et intérêts, - Achat de matériaux d'équipement qui devront être détruits ou endommagés (peinture, visserie, quincaillerie, électricité) pour 22 443,44 € ; - Travaux réalisés par les associés pour 12 000 €. La SCI a aménagé Mélanie alors même qu'elle ne disposait pas du certificat de navigation C'est cette initiative, pour le moins prématurée qui se trouve à l'origine directe de ces deux préjudices. Les demandes à ces deux titres doivent être rejetées. - Frais d'assurance et de stationnement pour respectivement 7820,67 et 18 908,80 € ; L'acquéreur a choisi de conserver l'unité acquise sans demander la résolution de la vente de sorte que les frais de sa conservation lui incombent. Perte de chance de percevoir des loyers pour 180 000 € : Les appelants ne démentent pas l'affirmation suivant laquelle ils ont effectivement occupé la péniche et M. Z... indique en effet qu'il est domicilié sur la péniche, de sorte qu'en ayant fait de ce bien l'usage qu'elle voulait, la SCI est mal fondée à demander réparation d'un préjudice au surplus hypothétique. Les demandes au titre des dommages et intérêts seront donc rejetées. Demandes de M. Z... au titre de la perte de chance de créer sa micro entreprise de services sur Mélanie : M Z... demande à ce titre 98 885 € qui représentent 50 % du revenu prévisionnel de l'entreprise dont la création était projetée. Ce préjudice n'est cependant qu'hypothétique et à ce titre n'est pas constitué, fut ce au titre de la perte d'une chance, aucun des éléments communiqués ne permettant d'apprécier la faisabilité et la rentabilité éventuelle d'une telle entreprise. Ce chef de demande sera donc rejeté » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « le vendeur a, suivant les dispositions de l'article 1603 du Code civil, deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. Il ressort des dispositions de l'article 1604 du même code que l'acquéreur ne peut être tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée et l'acquéreur qui demande, non la résolution de la vente, mais l'allocation de dommages et intérêts doit justifier de l'existence d'un préjudice. L'article 1184 du même code énonce que : "la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement. Dans ces cas, le contrat n'est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances". En l'espèce, les parties avaient convenu aux termes de la promesse de vente que le bateau présenterait un état de coque satisfaisant après visite en cale sèche et intervention d'un expert agréé en vue de délivrer le certificat de bateau avec extension "ERP" à quai, étant précisé que les frais de mise en conformité définitive pour l'attribution du certificat de bateau avec extension "ERP" seraient pour le compte de l'acheteur. De la même manière, l'acte de vente rappelait que la vente concernait "le bateau automoteur métallique de navigation intérieure dénommé "Mélanie" à usage de bateau logement avec extension future en ERP". L'annexe de l'acte de vente prévoyait au titre des travaux à effectuer par la SARL CHANTIERS Y...    la nécessité d'un "doublage du fond A V et divers points à recharger suivant rapport d'expertise pour état satisfaisant de la coque". Il est donc manifeste que le contrat de vente portait sur un bateau destiné à recevoir du public dans le futur et que l'expertise avait notamment pour objet de contrôler cette possibilité. Il ne peut être soutenu par la SARL CHANTIERS Y...     que l'acheteur avait renoncé au terme de l'acte de vente à la possibilité de la classification ERP alors même qu'il s'agissait d'une condition suspensive, que l'expert D... a bien procédé à l'expertise sur ce point notamment et que l'acte de vente y fait référence. Le seul fait que le rapport de visite du bateau par l'expert soit daté du 7 juin 2005 soit postérieurement à la vente du 4 mai 2005 est sans incidence dès lors qu'il n'est pas discuté que l'expert a visité le bateau avant la signature de la vente, le 28 avril 2005, et que l'acte de vente fait précisément état des conclusions de l'expert. Or, il ressort des conclusions du rapport d'expertise judiciaire (pages 6 et 12) que l'expertise fournie par les chantiers Y... s'agissant du classement de la péniche n'a pas été valablement formulée car l'expert D... n'avait pas les compétences reconnues par le Ministère des Transports pour ce type d'expertise. Or, la fourniture de cette expertise incombait au vendeur qui en avait la charge financière et il n'est pas contesté que l'expert choisi est le gendre de Monsieur Y..., ce qui ne relève manifestement pas du hasard et confirme que c'est bien la SARL CHANTIERS Y...     qui a fait le choix de cet expert. Celle-ci n'a donc et en tout état de cause, pas délivré un bateau muni d'une expertise valable concernant la possibilité d'une extension future en ERP. L'expert judiciaire indique en outre que le bateau aurait dû faire l'objet d'une déclaration préalable aux travaux par les chantiers Y..., travaux qui auraient donc pu être suivis par les autorités administratives, ce qui n'a pas été le cas. Monsieur Y... ayant indiqué qu'il avait réalisé ces transformations car il comptait garder la péniche. L'expert judiciaire conclut donc qu'en "décidant de la vendre, il se devait de s'assurer en faisant réaliser une expertise valable que le permis de navigation pouvait être obtenu. En ne le faisant pas, il faisait porter sur l'acheteur les risques d'une décision contraignante de la commission de surveillance". L'obligation de délivrance emportant celle de délivrer l'information sur la chose, la SARL CHANTIERS Y... a failli à son obligation » ;

1. ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que, par suite, il lui appartient de vérifier lui-même la teneur de celles-ci, sans se retrancher derrière l'avis d'un expert judiciaire ou des personnes consultées par ce dernier ; que, pour affirmer que la société Chantier Y... avait manqué à son obligation de délivrance dans un contexte de déloyauté contractuelle en fournissant une expertise de la coque délivrée par un expert qui ne disposait pas de l'agrément nécessaire à cet effet, l'arrêt attaqué a affirmé que, selon l'expert judiciaire, sous le régime antérieur au 1er janvier 2008, les péniches logement telles que celle en cause devaient en principe remplir les mêmes conditions techniques que les péniches de transport, en sorte qu'un titre de navigation était nécessaire, comme le lui avait indiqué le chef du bureau navigation et sécurité du Sud Ouest par courrier du 6 novembre 2008, que ce titre était délivré après avis d'une commission de surveillance, lequel s'appuyait sur une expertise faite par un expert agréé, cependant qu'en l'espèce, l'expert commis par cette société ne disposait pas de l'agrément nécessaire à cet effet et que si les travaux effectués sur le bateau antérieurement à la vente avaient fait l'objet d'une déclaration préalable, ils auraient pu être suivis par l'autorité administrative ; qu'en se retranchant ainsi derrière l'avis de l'expert judiciaire et d'un chef de bureau qu'il avait consulté sur la règle de droit applicable, quand, en l'état de la contestation soulevée par la venderesse sur celle-ci, il lui appartenait d'en vérifier la teneur par elle-même, la cour d'appel a violé les articles 12 et 238 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en affirmant que la venderesse avait manqué à son obligation de délivrance, au regard du « régime antérieur au 1er janvier 2008» applicable aux bateaux à usage de logement, sans indiquer à quel fondement juridique précis elle faisait ainsi référence, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3. ALORS en toute hypothèse QU' à supposer même que l'arrêt attaqué, en visant le « régime antérieur au 1er janvier 2008 », ait fait application du décret n° 88-228 du 7 mars 1988, celui-ci disposait, en son article 2 : « sont assujettis aux dispositions du présent décret les bateaux destinés au transport de marchandises et les remorqueurs et pousseurs circulant ou stationnant sur les eaux intérieures » ; que, partant, en appliquant ce texte au bateau à usage de logement litigieux, bien qu'aucune des parties n'ait soutenu qu'il relevait des bâtiments visés par ledit article, la cour d'appel a violé l'article 2 du décret n° 1988-228 du 7 mars 1988, ensemble l'article 1604 du code civil ;

4. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions écrites des parties ; que, dans leurs conclusions récapitulatives (p. 3, al. 6 à 8 et p. 24, antépénultième et avant-dernier alinéa), les intimés soutenaient qu' « une fois que l'acquéreur a accepté de s'engager définitivement, il ne peut ensuite se prévaloir du défaut d'accomplissement de la condition suspensive pour invoquer une délivrance non conforme. La société Infini 888 ne peut donc fonder ses réclamations sur le défaut de fourniture d'une expertise réalisée par un expert agréé en vue du classement en établissement recevant du public à quai » et invoquaient la clause de l'acte de vente par laquelle l'acheteuse avait renoncé à tout recours à raison de l'état du bateau vendu ; qu'en affirmant, pour retenir que la société Chantiers Y...  avait manqué à son obligation de délivrance, que l'acte de vente avait été signé avant le dépôt du rapport dudit expert, « mais que chacun convient de ce que l'acquéreur n'avait pas renoncé à cette condition », cependant que les intimés invoquaient cette renonciation, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE l'obligation de délivrance conforme suppose que l'acheteur ait obtenu livraison d'une chose conforme aux stipulations contractuelles ; qu'à supposer même que l'acquéreur, la SCI Infini 888, n'ait pas renoncé à la condition suspensive tenant à l'état de la coque après visite d'un expert, l'arrêt attaqué a relevé que cette société avait « fait de ce bien l'usage qu'elle voulait » (p. 8, al. 8) ; qu'en affirmant néanmoins que la venderesse avait manqué à son obligation de délivrance conforme, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1604 du code civil ;

6. ALORS QUE l'obligation de délivrance conforme s'étend aux seuls documents administratifs qui sont nécessaires à l'usage convenu de la chose vendue ; que la promesse de vente du 14 avril 2005 était assortie d'une condition suspensive ainsi rédigée : « état de coque satisfaisant après visite en cale sèche et intervention d'un expert agréé en vue de délivrer le certificat de bateau avec extension établissement recevant du public à quai » ; qu'à supposer même que l'acquéreur n'ait pas renoncé à cette condition suspensive en signant l'acte de vente, l'obligation de la venderesse se limitait donc sur ce point à ce que l'acquéreur puisse obtenir le certificat visé par la promesse ; qu'en énonçant que la venderesse avait manqué à son obligation de délivrance conforme, après avoir affirmé qu'il importait peu que la société Infini 888 n'ait jamais formulé de demande formelle d'obtention d'un certificat de navigation, la cour d'appel a violé les articles 1176, 1604 et 1615 du code civil ;

7. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que, pour affirmer que les conséquences du manquement à l'obligation de délivrance consistent en l'impossibilité d'obtenir un titre de navigation pour le bateau vendu à défaut d'en déposer le fond soudé et d'en remplacer les éléments de structure interne, l'arrêt attaqué a énoncé (p. 6, al. 6) que, d'après les conclusions de l'expert judiciaire, l'impossibilité d'observer les structures internes du bateau ne procédaient pas des travaux effectués par l'acquéreur, si bien qu'elle résultait d'une situation antérieure ; qu'en statuant ainsi, quand il ne ressortait nullement des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que l'inaccessibilité des structures internes du bateau ne résultait pas des travaux entrepris par l'acquéreur, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

8. ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, pour énoncer que les conséquences dommageables du manquement à l'obligation de délivrance comprennent la dépose du fonds soudé et le remplacement des éléments de structure du bateau litigieux et infirmer par conséquent le jugement entrepris sur ce point, l'arrêt attaqué s'est fondé sur un avis du bureau Veritas du 15 mai 2008, mentionné par l'expert judiciaire dans son rapport, aux termes duquel il était probable les épaisseurs de tôles du bateau ne pourraient pas être acceptées par l'autorité administrative ; qu'en relevant ainsi d'office un moyen tiré de faits que les parties n'avaient pas invoqués au soutien de leurs prétentions, sans les avoir invitées au préalable à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

9. ALORS en toute hypothèse QUE seule la démonstration d'un préjudice peut donner lieu à l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement d'un manquement à l'obligation de délivrance ; que pour condamner la venderesse à payer une somme au titre des travaux de structure du bateau litigieux, la cour d'appel a relevé que, selon l'expert judiciaire, pour atteindre les structures internes du bateau, il faudrait en dessouder le fond « qui devrait ensuite être remplacé avec ou sans remplacement des structures internes, de tels travaux, avec remplacement des structures, représentant 136 500 euros hors taxe » ; qu'en condamnant la venderesse au paiement de cette somme incluant le remplacement des structures internes du bateau, tout en constatant que ce remplacement ne s'imposerait pas nécessairement, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit ;

10. ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que, dans ses conclusions récapitulatives (p. 20-21, § 3), les intimés soutenaient, pièces à l'appui, que dès lors que l'acquéreur avait lui-même commandé les hublots longs destinés à équiper la bateau vendu, la mention de l'acte de vente selon laquelle les parties avaient convenu que l'état de la coque devait être satisfaisant lors de la vente n'incluait pas les frais destinés à rendre ces hublots étanches ; qu'en condamnant la société Chantiers Y...  à payer une somme à l'acquéreur au titre d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme desdits hublots, sans répondre à ce moyen déterminant de la société Chantiers Y...    , la cour d'appel méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° N 15-18.172 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Z... et la société Infini 888.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Infini 888 de sa demande de remboursement des frais d'assurance et de stationnement du bateau ;

AUX MOTIFS QUE l'acquéreur a choisi de conserver l'unité acquise sans demander la résolution de la vente de sorte que les frais de sa conservation lui incombent ;

ALORS QU'il résulte de l'article 1184 du Code civil que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts, si bien qu'en se fondant sur la seule option retenue par l'acquéreur sans rechercher s'il avait subi un préjudice du fait du paiement des frais de conservation de la chose pendant la période où elle était inutilisable conformément à sa destination, la Cour d'appel a violé le texte précité et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la SCI Infini 888 de ses demandes contre la société Zurich Insurance Public Limited Company ;

AUX MOTIFS QUE la SA Zurich Insurance expose que la société Chantiers Y... a souscrit une police d'assurance responsabilité civile et soutient qu'il s'agit d'une assurance dommages causés aux tiers qui n'a aucunement vocation à garantir une inexécution contractuelle. Elle souligne que le contrat exclut les dommages subis par la fourniture livrée et en conclut que sa garantie n'est pas engagée ;

La SCI soutient pour sa part que l'objet du contrat est de garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'il peut encourir en raison des dommages corporels matériels et immatériels, consécutifs ou non consécutifs, causés aux tiers du fait de son activité et de ses fournitures.

Cette affirmation est conforme aux stipulations de l'article 1er du contrat et définissent en effet une assurance dommages causés aux tiers. Un tiers étant, suivant les définitions énoncées au chapitre 1er du contrat "toute personne physique ou morale sauf l'assuré", et il peut parfaitement s'agir d'un client.

Ce même chapitre définit le dommage matériel comme "toute détérioration, destruction, modification, altération, vol, disparition ou perte (
) que des tiers, autres que les sous-traitants de l'assuré, ont apportée à la fourniture de l'assuré". Cette définition confirme que l'assurance dommages n'a pas vocation à garantir la responsabilité contractuelle de l'assuré puisque les dommages matériels garantis sont ceux qui ont été causés par des tiers à la fourniture de l'assuré. En toute hypothèse les dommages matériels causés à la SCI consistant dans les conséquences de l'impossibilité d'obtenir le certificat de navigation procède de l'action ou de l'inaction de l'assuré et non d'une détérioration, destruction, dégradation
causée à la fourniture de l'assuré par des tiers.

L'article 1er, chapitre 2 du contrat mentionne les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs ou non-consécutifs. Les dommages immatériels consécutifs sont la conséquence d'un dommage corporel ou matériel garanti, dont il a été vu qu'il était inexistant en l'espèce. Si la généralité des termes de la définition du dommage immatériel non-consécutif également garantie ("tout préjudice pécuniaire ne constituant pas un dommage corporel ou matériel et qui soit et la conséquence d'un dommage corporel ou matériel non garanti, ou soit est causé en l'absence de tout dommage corporel ou matériel") permettrait de retenir la garantie de l'assureur, en l'espèce le dommage retenu au préjudice de la SCI est matériel et non immatériel puisqu'il s'agit de travaux.

ALORS QU'en retenant que le contrat garantissait seulement les dommages causés à la fourniture de l'assuré par des tiers à l'exclusion de ceux procédant de l'action ou de l'inaction de l'assuré lui-même, après avoir relevé que le contrat garantissait l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'il peut encourir en raison des dommages causés aux tiers du fait de son activité et de ses fournitures, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE le contrat définissait les dommages matériels garantis comme "toute détérioration, destruction, modification, altération, vol, disparition ou perte d'un bien meuble ou immeuble, d'une chose, d'une substance, d'un animal ou de la valeur ajoutée que des tiers, autres que les sous-traitants de l'assuré, ont apportée à la fourniture de l'assuré" ; QU'en modifiant le sens de cette clause pour lui faire dire que les dommages garantis étaient ceux causés par des tiers à l'exclusion de ceux causés par l'assuré, la Cour d'appel a dénaturé ladite clause, violant ainsi l'article 1134 du Code civil.

Le greffier de chambre

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