10 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-12.257

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C201395

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Fin de non-recevoir - Appel du jugement statuant sur la compétence - Irrecevabilité - Défaut de motivation - Régularisation - Modalités - Détermination - Portée

Il résulte des articles 85 et 126 du code de procédure civile que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel. Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, ne constituent pas une atteinte au droit à l'accès au juge d'appel dans sa substance même et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, la faculté de régularisation de la déclaration d'appel restant ouverte à l'appelant. La cour d'appel, qui constate que l'appelant s'est borné à déposer au greffe, dans le délai de l'appel, une requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe ses adversaires, qui, bien que contenant ses conclusions sur le litige, était adressée au premier président, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que l'appelant n'ayant pas, dans le délai d'appel, régularisé la déclaration d'appel en déposant devant la cour d'appel des conclusions portant sur la motivation de l'appel, était irrecevable

COMPETENCE - Décision sur la compétence - Appel - Appel du jugement - Motivation - Défaut - Régularisation - Modalités - Détermination - Portée

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence - Modalités - Détermination - Portée

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Tribunal - Accès - Droit d'agir - Violation - Défaut - Cas

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 décembre 2020




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1395 F-P+B+I

Pourvoi n° R 19-12.257





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

M. S... M..., domicilié [...] (Liban), a formé le pourvoi n° R 19-12.257 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. G... R..., domicilié [...] Hong Kong (Chine),

2°/ à M. Q... M...,

3°/ à Mme A... R..., épouse M...,

domiciliés tous deux [...] (Royaume-Uni),

4°/ à M. P... M..., domicilié [...] (Emirats arabes unis),

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. S... M..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. R..., M. Q... M..., Mme M... et M. P... M..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 décembre 2018), M. S... M... (M. M...) a interjeté appel du jugement d'un tribunal de commerce ayant accueilli une exception d'incompétence soulevée par M. R..., M. Q... M..., Mme M... née R..., ainsi que M. P... M... (les consorts R... M...), et ayant renvoyé M. M... à mieux se pourvoir devant les juridictions de Dubaï.

2. M. M... a présenté au premier président de la cour d'appel une requête à fin d'être autorisé à assigner les intimés à jour fixe.

3. Devant la cour d'appel, les consorts R... M... ont soulevé l'irrecevabilité de l'appel en raison du défaut de motivation de la déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. M... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable, alors :

« 1°/ que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de l'appel formé contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence est susceptible d'être régularisée avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. S... M..., que « l'article 85 perdrait son sens si l'on considérait que la requête à jour fixe pouvait pallier l'absence de motivation de l'appel », quand le dépôt par l'appelant, le 15 mars 2018, d'une requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe comportant l'ensemble de ses moyens en fait et en droit avait régularisé, avant l'expiration du délai d'appel, la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la déclaration d'appel reçue le 8 mars 2018, la cour d'appel a violé les articles 85 nouveau et 126 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en retenant, pour déclarer l'appel irrecevable, que le défaut de motivation de la déclaration d'appel ne pouvait être régularisé, même avant l'expiration du délai de recours, par le dépôt d'une requête motivée en fait et en droit tendant à être autorisé à assigner à jour fixe, la cour d'appel a, par excès de formalisme, porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel et violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de la combinaison des articles 85 et 126 du code de procédure civile que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel.

7. Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d'une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l'accès au juge d'appel dans sa substance même. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, la faculté de régularisation de la déclaration d'appel restant ouverte à l'appelant.

8. Ayant constaté que M. M... s'était borné à déposer au greffe, dans le délai de l'appel, une requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe les consorts R... M..., qui, bien que contenant ses conclusions sur le litige, était adressée au premier président, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que l'appel formé par M. M..., qui n'a pas, dans le même délai, régularisé la déclaration d'appel en déposant devant la cour d'appel des conclusions portant sur la motivation de l'appel, était irrecevable.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. S... M... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. S... M... et le condamne à payer à M. R..., M. Q... M..., Mme M... et M. P... M... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. M...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel formé par M. S... M... à l'encontre du jugement rendu le 22 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris ;

AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de l'appel, les intimés soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité de la déclaration d'appel en ce qu'elle n'est pas motivée, par application des dispositions de l'article 85 alinéa 1 du code de procédure civile applicable en l'espèce ; que M. S... M... fait valoir que le délai d'appel expirait le 19 mars 2018, qu'il a déposé sa déclaration d'appel le 8 mars 2018 et qu'il a introduit sa requête afin d'être autorisé à assigner à jour fixe le 15 mars 2018, dans les délais de l'appel ; que la requête contient la totalité de l'argumentation de forme et de fait de M. S... M... et satisfait donc à l'exigence de motivation de l'article 85 du Code de procédure civile ; qu'aux termes de l'article 85 alinéa 1 du code de procédure civile "Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration" ; que l'article 84 du même code dispose que "En cas d'appel l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire" ; qu'enfin, aux termes de l'article 918 du code de procédure civile "La requête doit exposer la nature du péril, contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives. (...)" ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que tout appel sur la compétence doit suivre la procédure d'assignation à jour fixe et que la requête aux fins d'assigner à jour fixe doit contenir les conclusions de fond ; que l'article 85 perdrait son sens si l'on considérait que la requête à jour fixe pouvait pallier l'absence de motivation de l'appel ; que la cour considère en conséquence que la déclaration d'appel est irrecevable par application des dispositions de l'article 85 du code de procédure civile ;

1°) ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de l'appel formé contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence est susceptible d'être régularisée avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. S... M..., que « l'article 85 perdrait son sens si l'on considérait que la requête à jour fixe pouvait pallier l'absence de motivation de l'appel » (arrêt, p. 5, § 11), quand le dépôt par l'appelant, le 15 mars 2018, d'une requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe comportant l'ensemble de ses moyens en fait et en droit avait régularisé, avant l'expiration du délai d'appel, la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la déclaration d'appel reçue le 8 mars 2018, la cour d'appel a violé les articles 85 nouveau et 126 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en retenant, pour déclarer l'appel irrecevable, que le défaut de motivation de la déclaration d'appel ne pouvait être régularisé, même avant l'expiration du délai de recours, par le dépôt d'une requête motivée en fait et en droit tendant à être autorisé à assigner à jour fixe, la cour d'appel a, par excès de formalisme, porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel et violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3o) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que l'avis de réception, délivré par le greffe, de la requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe déposée par M. M... (pièce d'appel n° 13) porte la mention « déclaration de saisine (20180030), le 15 mars 2018 à 12h23 » ; qu'en énonçant néanmoins que cette requête avait été déposée « le 3 avril 2018 » (arrêt, p. 3, § 6), soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a dénaturé l'avis de réception de la requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe et violé le principe susvisé.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.