10 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.234

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C201442

Texte de la décision

CIV. 2

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 10 décembre 2020




NON-LIEU À RENVOI


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1442 F-D

Pourvoi n° J 20-16.234



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

Par mémoire spécial présenté le 5 octobre 2020, Mme U... T..., domiciliée [...] , a formulé deux questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° J 20-16.234 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 14 février 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre protection sociale), dans une instance l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois, dont le siège est [...] .

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme T..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. C... T... est décédé le [...]. Le 17 avril 2015, Mme T... a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, liée à l'amiante, dont a été victime son conjoint, puis a effectué le 29 mai 2015 une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial du 24 mars 2015. La caisse a décidé de la prise en charge de cette maladie au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles et a notifié à Mme T... l'attribution d'une rente, en sa qualité d'ayant droit, à effet du 24 mars 2015.

2. Estimant notamment que des arrérages de la rente qui lui avait été servie étaient également dus, Mme T... a saisi une juridiction de sécurité sociale.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 14
février 2020 par la cour d'appel d'Amiens, Mme T... a, par mémoire distinct et motivé reçu le 5 octobre 2020 au greffe de la Cour, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

1°) « Les articles L. 431-2, L. 434-8 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale et 2277 ancien, devenu 2224 nouveau du code civil, interprétés comme édictant que « si le droit du conjoint survivant, à partir du décès de la victime, au bénéfice de la rente viagère prévue, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle suivi du décès de la victime, par le deuxième de ces textes, se prescrit par deux ans conformément au premier et au troisième, le paiement des arrérages de la rente est soumis à la prescription quinquennale fixée par le quatrième » (Civ. 2, 4 mai 2016, n° 15-15.009, au Bull.) sont-ils contraires au principe d'égalité et à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'un conjoint survivant qui sollicite auprès du FIVA l'indemnisation de son préjudice patrimonial – que répare la rente viagère – bénéficie d'une prescription décennale, par application de l'article 53 III bis de la Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ? »

2°) « Réciproquement, l'article 53 III bis de la Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 édictant que, pour l'ayant droit d'une personne dont le décès est lié à l'exposition à l'amiante, la prescription décennale qui court à compter du premier certificat médical établissant le lien entre le décès et cette exposition, ne s'applique qu'aux demandes indemnitaires – réparant notamment le préjudice patrimonial que couvre la rente viagère du conjoint survivant – formées auprès du FIVA, est-il contraire au principe d'égalité, en ce que, si un ayant droit sollicite le paiement des arrérages de la rente du conjoint survivant directement auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie, sa demande est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2277 ancien, devenu 2224 du code civil ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

Sur la seconde question, en ce qu'elle porte sur les dispositions de l'article 53 III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et l'article 2277, devenu 2224, du code civil

4. Il n'a été fait par les juges du fond aucune application des dispositions de l'article 53 III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 modifiée.

Sur la première question, en ce qu'elle porte sur les dispositions des articles 2277, devenu 2224, du code civil, L. 431-2, L. 434-8 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale et 53 III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 modifiée

5. La cour d'appel, reprenant une interprétation jurisprudentielle de la Cour de cassation (2e Civ., 4 mai 2016, pourvoi n° 15-15.009, Bull. 2016, II, n° 122), a énoncé que si le droit du conjoint survivant, à partir du décès de la victime, au bénéfice de la rente viagère prévue, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle suivi du décès de la victime, par l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale, se prescrit par deux ans conformément aux articles L. 431-2 et L. 461-1 du même code, le paiement des arrérages de la rente est soumis à la prescription quinquennale fixée par l'article 2277 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. Dès lors, ces dispositions, critiquées par cette question, sont applicables au litige.

6. En revanche, il n'a été fait aucune application par les juges du fond des dispositions de l'article 53 III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, modifiée.

7. Les dispositions critiquées par la première question, en tant qu'elles sont applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

9. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

10. En premier lieu, en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, le délai de prescription décennal applicable aux demandes en indemnisation formées devant le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante n'a pas été appliqué à la demande en paiement d'arrérages de pension qui pourrait lui être présentée.

11. En second lieu, les dispositions combinées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, des articles L. 431-2, L. 434-8 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale et 2277 ancien, devenu 2224 du code civil, sur lesquelles elle s'appuie, qui déterminent le délai de prescription applicable au paiement des arrérages de la rente attribuée au conjoint d'une victime décédée d'une maladie professionnelle n'ont ni la même nature ni le même objet que les autres dispositions invoquées au soutien des questions, par ailleurs inapplicables au litige, de sorte qu'il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elles méconnaissent les exigences du principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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