10 novembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-82.028

Assemblée plénière

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2017:CR90634

Titres et sommaires

PREUVE - libre administration - etendue - limites - atteinte au principe de la loyauté des preuves - cas - participation de l'autorité publique à l'administration d'une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale par une partie privée - participation indirecte - conditions - détermination - portée

Ayant relevé, en substance, qu'il est légitime qu'une victime ayant déposé plainte pour des faits de chantage et extorsion de fonds informe les enquêteurs de l'avancement des démarches de ceux auxquels il prête des agissements répréhensibles et des pourparlers en cours lors de ses rencontres avec ceux-ci, que les services de police et les magistrats, saisis d'une telle plainte, se doivent d'intervenir pour organiser des surveillances de nature à confirmer ou infirmer les dires du plaignant et, si nécessaire, interpeller les auteurs, que les remises aux enquêteurs à brefs délais des enregistrements réalisés par le représentant du plaignant et leur transcription par les enquêteurs sont dépourvues de toute portée quant au rôle actif susceptible d'être prêté à ces derniers et que le seul reproche d'un "laisser faire" des policiers, dont le rôle n'avait été que passif, ne peut suffire à caractériser un acte constitutif d'une véritable implication, la chambre de l'instruction, pour rejeter la demande en nullité des procès-verbaux de retranscription d'enregistrements de conversations privées produites par le particulier se disant victime de tels faits, prise de la participation indirecte des autorités publiques au recueil de ces preuves, a pu en déduire l'absence de participation directe ou indirecte de l'autorité publique à l'obtention des enregistrements litigieux, ce dont il résultait que le principe de la loyauté de la preuve n'avait pas été méconnu

Texte de la décision

COUR DE CASSATION LM


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Audience publique du 10 novembre 2017


M. X..., premier président


Arrêt n° 634 P+B+R+I
Pourvoi n° N 17-82.028





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par :

1°/ M. Eric Y..., domicilié [...]                                      ,

2°/ Mme Catherine Z..., domiciliée [...]                               ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 16 février 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 20 septembre 2016, n° 16-80.820), dans l'information suivie contre eux des chefs de chantage et d'extorsion de fonds, a rejeté leur demande en annulation de pièces de la procédure ;

Par ordonnance du 11 mai 2017, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat ;

La chambre criminelle a, par arrêt du 6 septembre 2017, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;

Les demandeurs invoquent, devant l'assemblée plénière, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié ;

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi et Sureau, avocat du Royaume du Maroc ;

Le rapport écrit de Mme A..., conseiller, et l'avis écrit de M. B..., avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 27 octobre 2017, où étaient présents : M. X..., premier président, Mme Flise, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, MM. Chauvin, Soulard, présidents, Mme A..., conseiller rapporteur, Mme J..., MM. C..., D..., E..., F..., G..., Bureau, Mmes Schneider, Orsini, MM. Vigneau, Boiffin, conseillers, M. B..., avocat général, Mme Morin, directeur de greffe adjoint ;

Sur le rapport de Mme A..., conseiller, assisté de M. Mihman, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, de la SCP Spinosi et Sureau, l'avis de M. B..., avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 20 août 2015, M. H..., avocat, agissant au nom du Royaume du Maroc, a dénoncé au procureur de la République des faits de chantage et d'extorsion de fonds en joignant à sa plainte l'enregistrement d'une conversation qui s'était déroulée le 11 août précédent entre le représentant de cet Etat, M. I..., et M. Y..., auteur avec Mme Z... d'un livre paru en 2012 sous le titre "Le Roi prédateur", conversation au cours de laquelle M. Y... aurait sollicité le paiement d'une somme d'argent contre la promesse de ne pas publier un nouvel ouvrage consacré au souverain marocain ; qu'au cours de l'enquête préliminaire ouverte sur ces faits, M. I... a produit le 21 août l'enregistrement d'une nouvelle conversation qu'il venait d'avoir avec M. Y..., en un lieu placé sous la surveillance des enquêteurs, qui en ont par ailleurs retranscrit la teneur sur procès-verbal ; qu'après ouverture, le 26 août, d'une information judiciaire, M. I... a informé les enquêteurs qu'un nouveau rendez-vous avait été pris avec M. Y... et Mme Z... le 27 août, lequel s'est déroulé en un lieu également placé sous surveillance policière ; qu'à l'issue de la conversation entre les trois protagonistes, enregistrée par M. I..., des sommes d'argent ont été remises par ce dernier aux deux journalistes, qui ont alors été interpellés, les enquêteurs retranscrivant l'enregistrement sur procès-verbal ; que, mis en examen des chefs de chantage et extorsion de fonds les 28 et 29 août 2015, M. Y... et Mme Z... ont saisi la chambre de l'instruction de deux requêtes en nullité notamment des procès-verbaux de retranscription des enregistrements des 21 et 27 août 2015 et des actes subséquents ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter le moyen de nullité pris de la participation indirecte des autorités publiques au recueil des preuves produites par un particulier et dire n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure alors, selon le moyen :

1°/ que la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, dans des lieux publics ou privés, n'est autorisée que lorsque l'information porte sur un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction a relevé que "les enquêteurs ne pouvaient pas juridiquement procéder à la sonorisation de l'endroit où avaient lieu les rencontres" ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les enquêteurs ont procédé indirectement, par l'intermédiaire du représentant du plaignant, à l'obtention de telles preuves ; qu'en validant les enregistrements tandis que les enquêteurs ont obtenu ces preuves en dehors de tout cadre légal, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

2°/ que le droit au procès équitable et le principe de loyauté des preuves imposent aux autorités publiques de ne pas participer, directement ou indirectement, à la confection irrégulière de preuves ; que l'autorité publique participe indirectement à l'obtention des enregistrements par un particulier dès lors que sont établis la présence constante des enquêteurs sur les lieux de rencontres, la remise à ceux-ci, par le particulier, des enregistrements suivis de leur retranscription, les contacts réguliers entre les enquêteurs et le particulier et l'autorité judiciaire, éléments conduisant à l'interpellation des mis en cause ; qu'en se fondant précisément sur ces mêmes éléments d'"existence de contacts réguliers entre maître I... et les enquêteurs", de "surveillances policières mises en place par les enquêteurs lors des rencontres des 21 et 27 août 2015", de "remise des enregistrements dès la fin des rencontres et la transcription des propos par les services enquêteurs" et de "contacts téléphoniques intervenus entre maître I... et les enquêteurs au cours de la rencontre du 27 août 2015 ayant permis l'interpellation d'Eric Y... et de Catherine Z... en possession des 80 000 euros et d'exemplaires de l'engagement de renonciation à publication", pour estimer cependant que cette participation des enquêteurs dans l'administration de ces preuves était valide, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe précités ;

3°/ que porte atteinte au procès équitable et au principe de loyauté des preuves l'enregistrement effectué par les autorités publiques par le truchement d'un tiers et ayant pour but d'obtenir des indices de commission d'une infraction ; que les mis en examen invoquaient l'administration des preuves par les autorités publiques par les enregistrements clandestinement réalisés par l'avocat du plaignant sur les instructions constantes des autorités de poursuite, d'enquête et d'instruction ; qu'en estimant les enregistrements valables en ce que la preuve d'une instigation par les services enquêteurs n'était pas rapportée sans répondre aux arguments péremptoires des mis en examen et en mentionnant au contraire que ces derniers ne reprochaient pas une instigation des services de police, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les textes et le principe susvisés ;

4°/ qu'en déduisant l'absence d'instigation par les services enquêteurs de l'absence de participation des services de police à l'enregistrement du premier entretien du 11 août 2015 tandis que cet enregistrement ne fait pas l'objet de la requête en nullité, ou encore du risque de dépossession des moyens d'action d'une victime, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs inopérants à justifier l'absence d'instigation ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'il apparaît légitime, de la part d'une victime ayant déposé plainte pour chantage et extorsion de fonds, d'informer les enquêteurs de l'avancement des démarches de ceux auxquels elle prête des agissements répréhensibles ; que les services de police et les magistrats, saisis d'une telle plainte, se devaient d'intervenir pour organiser les surveillances de nature à confirmer ou infirmer les dires du plaignant et, si nécessaire, interpeller les auteurs ; qu'on ne saurait déduire de l'existence d'une présence policière aux abords de l'hôtel où ont eu lieu les rencontres un accord préalable et concerté des enquêteurs avec M. I... sur les enregistrements clandestins effectués ; qu'au demeurant, lors de ces surveillances, les policiers se trouvaient à l'extérieur de l'établissement et n'étaient pas à même de constater les manoeuvres de M. I... tendant aux enregistrements clandestins avec son téléphone portable ; que, certes, M. I... a adressé ses enregistrements aux policiers dans un délai très bref après chaque rencontre, mais que ce simple constat est dépourvu de toute portée quant au rôle actif susceptible d'être prêté aux enquêteurs par les mis en examen ; qu'il en va de même de la transcription par les policiers des deux enregistrements puisque cette tâche a été accomplie après les deux rendez-vous litigieux et ne saurait être retenue à faute ; que M. I..., qui, selon la partie civile, a mis à profit les suspensions de négociations intervenues lors de la très longue rencontre du 27 août 2015 pour se faire apporter les sommes d'argent nécessaires, pouvait, de manière tout à fait légitime, en profiter pour informer les enquêteurs de l'avancement des pourparlers ; qu'en conséquence, la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une collusion entre M. I... et les services enquêteurs tendant à faire prendre en charge par le premier les enregistrements litigieux ; que, si les policiers pouvaient raisonnablement se douter de l'enregistrement de la troisième rencontre par M. I... compte tenu de la connaissance qu'ils avaient de son enregistrement clandestin du deuxième rendez-vous, rien ne permet d'affirmer qu'ils avaient connaissance de cette intention dès la deuxième rencontre ; que le concept de "participation", même indirecte, suppose l'accomplissement, par les enquêteurs, d'un acte positif, si modeste soit-il ; que le seul reproche d'un "laisser faire" des policiers, dont le rôle n'a été que passif, ne peut suffire à caractériser un acte constitutif d'une véritable implication ;

Que la chambre de l'instruction a pu en déduire l'absence de participation directe ou indirecte de l'autorité publique à l'obtention des enregistrements litigieux, ce dont il résultait que le principe de la loyauté de la preuve n'avait pas été méconnu ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y... et Mme Z... font aussi grief à l'arrêt d'écarter le moyen de nullité pris de l'atteinte au secret des sources et dire n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure alors, selon le moyen, que les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 100-5 du code de procédure pénale et 2 de la loi du 29 juillet 1881 prévoient le secret des sources des journalistes et organisent leur protection contre les ingérences de l'autorité publique, même si les mesures d'investigations sont demeurées sans résultat ; qu'en énonçant l'absence d'atteinte au secret des sources en l'absence d'identification des sources des journalistes, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les demandeurs, s'ils invoquaient une violation de l'article 100-5 du code de procédure pénale, n'établissaient pas en quoi la transcription des enregistrements litigieux, dont elle avait constaté qu'ils avaient été réalisés par une personne privée sans intervention de l'autorité publique, avait permis d'identifier leurs sources, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Sur les troisième et quatrième moyens, réunis :

Attendu que M. Y... et Mme Z... font enfin grief à l'arrêt de rejeter les moyens de nullité pris du défaut d'accès au dossier complet de la procédure avant les interrogatoires de première comparution et de l'absence d'indices graves ou concordants, et de dire n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure alors, selon le moyen :

1°/ que le droit au procès équitable et les droits de la défense imposent le droit d'accès des parties à l'entier dossier de la procédure ; que la plainte de la partie civile sur laquelle repose l'accusation et toute la procédure fait partie du dossier auquel les parties doivent avoir accès ; qu'en l'absence de communication de ladite pièce, le dossier est incomplet dans des conditions qui font nécessairement grief aux intérêts des mis en examen en portant atteinte aux principes de loyauté, de l'égalité des armes et aux droits de la défense ; qu'ayant constaté l'absence de la plainte au dossier de la procédure, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître les textes et principes susvisés, en déduire l'absence de nullité ;

2°/ que ne peut être mise en examen que la personne à l'encontre de laquelle existent des indices graves ou concordants de participation à la commission d'une infraction ; que le délit d'extorsion réprime l'usage de violences, menaces ou contraintes pour obtenir une remise de fonds de la victime, et le délit de chantage réprime la menace de révéler des propos attentatoires à l'honneur ou à la considération de la personne pour obtenir une remise de fonds ; que le mis en examen invoquait l'absence de toutes violences, menaces ou contraintes ainsi que l'absence de propos attentatoires à l'honneur du Roi du Maroc, ce qui exclut tout indice grave ou concordant de commission de ces délits ; qu'en ne répondant pas à ces arguments péremptoires, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 174 et 609-1 du code de procédure pénale que, devant la chambre de l'instruction statuant sur renvoi après cassation, seuls peuvent être invoqués les moyens de nullité qui avaient été soulevés devant la chambre de l'instruction dont l'arrêt a été annulé ; que, dès lors, les demandeurs ne sauraient reprocher à l'arrêt de rejeter leurs demandes de nullité fondées sur des moyens qui n'avaient pas été soulevés devant la chambre de l'instruction initialement saisie ; que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix novembre deux mille dix sept.

MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Eric Y... et Mme Catherine Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

VIOLATION des articles 6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 41, 81, 100-5, 171, 174, 591, 593, 706-73, 706-96 et 802 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la loyauté des preuves, et des droits de la défense ;

EN CE QUE l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;

AUX MOTIFS QUE sur les conditions de réalisation des enregistrements clandestins des 21 et 27 août 2015, au préalable, il convient de souligner que, dans le cadre de la procédure litigieuse mettant en cause des faits de chantage et d'extorsion de fonds, les enquêteurs ne pouvaient juridiquement procéder à la sonorisation de l'endroit où avaient lieu les rencontres :
- en effet, l'article 706-96, alinéa 1, du code de procédure pénale relatif aux sonorisations dispose que : "lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut... autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics" ;
- or, s'agissant du rendez-vous du 21 août 2015, les enquêteurs agissaient en enquête préliminaire et concernant la rencontre du 27 août suivant, toute sonorisation était exclue du fait que les infractions de chantage (article 312-10 du code pénal) et d'extorsion (article 312-1 du code pénal) reprochées à Eric Y... et Catherine Z... n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 706-73 qui vise uniquement les "crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 (extorsion en bande organisée) et 312-7 du code pénal" (extorsion précédée, accompagnée ou suivie de violences ayant entraîné la mort, soit de tortures ou d'actes de barbarie).
En l'espèce, il n'est pas contesté que les enregistrements litigieux des 21 et 27 août 2015, qui sont les seuls mis en cause puisqu'intervenus après la saisine des services enquêteurs, ont été effectués par Maître I..., avocat du Roi du Maroc. Il s'en déduit plusieurs considérations :
- ces enregistrements sont donc le fait d'un simple particulier cherchant à se ménager des preuves susceptibles de servir les intérêts de son client, étant observé que la qualité d'avocat de Maître I... ne pouvait en aucun cas lui conférer le statut d'autorité publique à laquelle s'imposait le respect des règles de procédure pénale ;
- s'ils ne mettent pas en cause les enquêteurs à raison d'une participation directe, ils peuvent néanmoins être censurés à raison d'une implication indirecte de ceux-ci s'il est établi que les enquêteurs ont usé d'un artifice ou d'un stratagème constitutif d'une fraude à la loi puisque leur ayant permis de faire faire par un tiers, qui n'était pas lié par les mêmes contraintes, les enregistrements auxquels ils ne pouvaient eux-mêmes procéder.
Tout le problème consiste donc à déterminer la nature exacte de la "participation indirecte" reprochable aux enquêteurs.

QU'en premier lieu, est sanctionnable toute participation indirecte consistant, pour les services enquêteurs, à être les instigateurs d'enregistrements clandestins effectués par des particuliers.
Mais en l'espèce, la preuve de cette instigation des services enquêteurs n'est pas rapportée et se trouve au contraire démentie par les circonstances de fait :
- en effet, force est de constater que Maître I... avait déjà procédé à l'enregistrement du premier entretien du 11 août 2015, alors même qu'aucun service de police n'était encore intervenu, ce dont on peut en déduire que l'idée de l'enregistrement clandestin lui est entièrement imputable ;
- il n'est d'ailleurs pas surprenant qu'un particulier souhaite se ménager des preuves du comportement infractionnel dont il est victime, y compris après le dépôt de sa plainte puisque la saisine des services de police n'entraîne pas ipso facto, une dépossession des moyens d'action de la victime ; une telle dépossession serait d'ailleurs de nature à remettre en cause l'opportunité même de saisir à bref délai les services de police ou de gendarmerie, ce qui n'est certainement pas souhaitable ;
- en outre, aucune pièce de la procédure ne vient conforter l'hypothèse d'une quelconque instruction donnée par les services de police à Maître I... qui, dans chacune des auditions intervenues après chaque rendez-vous, a déclaré avoir lui-même pris l'initiative d'enregistrer les conversations litigieuses et fait parvenir aux services de police les clés USB correspondantes ;
- au demeurant, les mis en examen eux-mêmes ne semblent pas avoir reproché aux services de police une quelconque instigation puisque, dans sa requête en nullité, Eric Y... écrit : "les services de police, en connaissance de cause, ont laissé Maître I..., avocat inscrit au barreau de Paris, procéder à l'enregistrement clandestin..." (p. 15) ;
- enfin, sont alléguées des déclarations faites par les avocats du Roi du Maroc à la presse invoquant le rôle actif des services enquêteurs, notamment celles de Maître H..., dont fait état un article du journal Le Figaro du 11 septembre 2015, selon lesquelles celui-ci s'étonne de la demande du parquet tendant à "organiser les deux entretiens sous surveillance policière avec nos propres moyens d'enregistrement" (comprendre ceux des avocats du Roi du Maroc) et celles de Maître K... indiquant que les enregistrements "ont été obtenus à l'initiative et sous le contrôle des services de police" : à l'audience Maître H... a contesté avoir tenu de tels propos et a soutenu avoir adressé une lettre de protestation au journaliste du Figaro ; quant à Maître K..., il a précisé que les termes de sa réponse tendait uniquement à dissiper les soupçons des journalistes quant à un montage pur et simple des services marocains ; en tout état de cause, on ne saurait accorder à de tels éléments une force probante alors même que les informations qu'ils contiennent ne sont pas en adéquation avec les éléments figurant au dossier et qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de défense des avocats que la chambre de l'instruction n'a pas à apprécier.

QU'en deuxième lieu, et en l'absence d'instigation des enquêteurs, cette participation indirecte peut résulter d'une collusion entre ceux-ci et le particulier procédant aux enregistrements litigieux. Encore faut-il que cette collusion résulte d'un acte positif de la part des services enquêteurs. Il convient donc d'examiner précisément les différents éléments de fait relevés.
1° L'existence de contacts réguliers entre Maître I... et les enquêteurs.
Dès lors qu'il apparaît légitime de la part d'une victime ayant déposé plainte pour chantage et extorsion de fonds, d'informer les enquêteurs de l'avancement des démarches de ceux auxquels il prête des agissements répréhensibles, on ne peut induire de la seule régularité de ces contacts l'existence d'une collusion des policiers et magistrats avec Maître I... en vue d'organiser les enregistrements clandestins contestés.
2° Les surveillances policières mises en place par les enquêteurs lors des rencontres des 21 et 27 août 2015.
Les services de police et les magistrats saisis d'une telle plainte se devaient d'intervenir pour organiser les surveillances de nature à confirmer ou infirmer les dires du plaignant et, si nécessaire, interpeller les auteurs : on ne saurait donc, là encore, déduire de l'existence de cette présence policière aux abords de l'hôtel où ont eu lieu les rencontres des 21 et 27 août 2015 un accord préalable et concerté des enquêteurs avec Maître I... sur les enregistrements clandestins alors effectués. Au demeurant, on notera que lors de ces surveillances, les policiers se trouvaient à l'extérieur de l'établissement et n'étaient pas à même de constater les manoeuvres de Maître I... tendant aux enregistrements clandestins avec son téléphone portable.
3° La remise des enregistrements dès la fin des rencontres et la transcription des propos par les services enquêteurs.
Certes Maître I... a adressé ses enregistrements aux policiers dans un délai très bref après chaque rencontre, plutôt qu'après l'interpellation de Eric Y... et Catherine Z..., mais ce simple constat est dépourvu de toute portée quant au rôle actif susceptible d'être prêté aux enquêteurs par les mis en examen. Il en va de même de la transcription par les policiers des deux enregistrements puisque cette tâche a été accomplie après les deux rendez-vous litigieux et ne saurait être retenue à faute.
D'ailleurs, la chambre criminelle a admis, dans une affaire où les enquêteurs s'étaient fait remettre par un particulier se plaignant d'être victime d'un tiers, des bandes magnétiques correspondant aux enregistrements clandestins de conversations ou de communications téléphoniques qu'il avait faites, que les enquêteurs procèdent à leur transcription dès lors qu'"il n'est ni établi, ni même allégué que les enregistrements pratiqués ont été réalisés à l'instigation des officiers de police judiciaire ou par eux-mêmes" (Crim., 28/04/1987, n° 86-96.621, Bull. 173) ;
4° Les contacts téléphoniques intervenus entre Maître I... et les enquêteurs au cours de la rencontre du 27 août 2015 ayant permis l'interpellation d'Eric Y... et de Catherine Z... en possession des 80 000 euros et d'exemplaires de l'engagement de renonciation à publication.
Cet argument s'inscrit dans la lignée de ceux exposés ci-dessus dénonçant les contacts réguliers entre Maître I... et les services enquêteurs, ainsi que la présence de policiers lors des deux rencontres des 21 et 27 août 2015. Il appelle la même réponse et l'on comprend que Maître I..., qui, selon la partie civile, a mis à profit les suspensions de négociations intervenues lors de la très longue rencontre du 27 août 2015 pour se faire apporter les sommes d'argent nécessaires, pouvait, de manière tout à fait légitime, en profiter pour informer les enquêteurs de l'avancement des pourparlers. En outre, on notera que les deux rencontres des 21 et 27 août 2015 ont été fixées à la seule initiative de Maître I... et à des dates qu'il avait lui-même choisies en concertation avec les mis en examen, les services enquêteurs n'en ayant été avisés par Maître I... qu'après leur fixation et très peu de temps avant leur intervention. Il s'agit là d'un élément qui met à mal l'argument des mis en examen selon lequel les services enquêteurs auraient tout organisé. En conséquence, la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une collusion entre Maître I... et les services enquêteurs tendant à faire prendre en charge par le premier les enregistrements litigieux.

QU'à défaut de toute collusion, il reste à déterminer s'il est possible de reprocher aux enquêteurs d'avoir, en toute connaissance de cause, "laissé faire" lesdits enregistrements. A cet égard, on soulignera que si les policiers pouvaient raisonnablement se douter de l'enregistrement de la 3e rencontre par Maître I... compte tenu de la connaissance qu'ils avaient de son enregistrement clandestin du 2e rendez-vous, rien ne permet d'affirmer qu'ils avaient connaissance de cette intention dès la 2e rencontre puisque leur intervention aurait pu conduire Maître I... à renoncer à toute initiative personnelle. En tout état de cause, le concept de "participation", même indirecte, suppose l'accomplissement, par les enquêteurs, d'un acte positif, si modeste soit-il. Or, le seul reproche d'un "laisser faire" des policiers, dont le rôle n'a été que passif, ne peut suffire à caractériser un acte constitutif d'une véritable implication.

D'ailleurs, dans une affaire où un plaignant se disait victime d'une tentative de corruption, la chambre criminelle a admis la dissimulation des enquêteurs dans le bureau de la victime pour surprendre et consigner une conversation entre celle-ci et la personne suspectée et ce, après avoir relevé le caractère souverain de l'appréciation de la cour d'appel qui soulignait que "s'il est exact que les policiers se sont cachés dans le bureau de X pour y surprendre la conversation..., un tel procédé de la part des enquêteurs, demeurés passifs qui "ont laissé faire les événements", était exclusif de toute provocation envers Y à commettre une infraction" (Crim., 22/04/1992, n° 90-82.125). Il doit en être de même pour les enregistrements clandestins que, de surcroît, les enquêteurs n'avaient pas le pouvoir d'interdire à la partie civile. Ce raisonnement peut d'ailleurs être rapproché de plusieurs décisions de la chambre criminelle qui a admis la possibilité pour les services de police qui se sont montrés "passifs" au regard de l'enregistrement de conversations téléphoniques, de "profiter" du contenu de celles-ci :
- c'est ainsi qu'a été jugée recevable la transcription d'enregistrements de propos tenus par un détenu qui s'incriminait, résultant de la sonorisation de la cellule de détention dans laquelle il avait été placé, alors que celle-ci avait été sonorisée du fait de son occupation par un autre détenu mis en cause dans une cache d'armes, la chambre criminelle estimant que, nonobstant la conjugaison de la mesure de sonorisation de la cellule de X et l'arrivée le même jour d'un codétenu Y mis en examen dans le cadre d'une instruction ouverte devant le même juge d'instruction, il n'y avait aucun "stratagème dans la recherche des preuves par un agent de l'autorité publique" (Crim., 17/03/2015, n° 14-88.351, Bull. 54) ;
- de même on a admis la transcription d'une interception téléphonique autorisée au cours de laquelle les enquêteurs entendaient une conversation entre la personne "écoutée" et un tiers se trouvant à ses côtés, induisant l'implication de ce dernier : la chambre criminelle a, là encore, considéré que "le recueil des renseignements obtenus par les enquêteurs, lors d'une conversation fortuite du suspect avec un tiers, à l'occasion d'une interception téléphonique régulièrement autorisée par le juge d'instruction, n'a pas constitué un procédé de recherche des preuves déloyal ou portant une atteinte illégale à la vie privée" (Crim., 14/04/2015, n° 14-88.515, Bull. 83) ;
- enfin, la chambre criminelle a admis l'interception de communication téléphonique ordonnée par un juge d'instruction de Clermont-Ferrand révélant que X organisait la dissimulation d'éléments intéressant une autre instruction suivie par un juge de Cusset et orientant l'enquête vers Y, interception qui était communiquée par le premier juge d'instruction au second : la chambre criminelle a estimé que "le recueil, par le juge d'instruction, des preuves résultant de l'exploitation des conversations téléphoniques passées clandestinement par X à partir de son lieu de détention a été obtenu sans actes positifs de l'autorité publique susceptibles de caractériser un stratagème constituant un procédé déloyal" (Crim., 14/04/2015, n° 14-87.914, Bull. 87).

QU'en considération de tous ces éléments de fait résultant du contenu de la procédure soumise à l'appréciation de la chambre de l'instruction, il convient de considérer que la preuve n'est pas rapportée en l'espèce d'une participation même indirecte des services enquêteurs aux enregistrements clandestins effectués par Maître I... des conversations des 21 et 27 août 2015 ;

1°) ALORS QUE la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, dans des lieux publics ou privés, n'est autorisée que lorsque l'information porte sur un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction a relevé que "les enquêteurs ne pouvaient pas juridiquement procéder à la sonorisation de l'endroit où avaient lieu les rencontres" ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les enquêteurs ont procédé indirectement, par l'intermédiaire du représentant du plaignant, à l'obtention de telles preuves ; qu'en validant les enregistrements tandis que les enquêteurs ont obtenu ces preuves en dehors de tout cadre légal, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

2°) ALORS QUE le droit au procès équitable et le principe de loyauté des preuves imposent aux autorités publiques de ne pas participer, directement ou indirectement, à la confection irrégulière de preuves ; que l'autorité publique participe indirectement à l'obtention des enregistrements par un particulier dès lors que sont établis la présence constante des enquêteurs sur les lieux de rencontres, la remise à ceux-ci, par le particulier, des enregistrements suivis de leur retranscription, les contacts réguliers entre les enquêteurs et le particulier et l'autorité judiciaire, éléments conduisant à l'interpellation des mis en cause ; qu'en se fondant précisément sur ces mêmes éléments d'"existence de contacts réguliers entre Maître I... et les enquêteurs", de "surveillances policières mises en place par les enquêteurs lors des rencontres des 21 et 27 août 2015", de "remise des enregistrements dès la fin des rencontres et la transcription des propos par les services enquêteurs" et de "contacts téléphoniques intervenus entre Maître I... et les enquêteurs au cours de la rencontre du 27 août 2015 ayant permis l'interpellation d'Eric Y... et de Catherine Z... en possession des 80 000 euros et d'exemplaires de l'engagement de renonciation à publication", pour estimer cependant que cette participation des enquêteurs dans l'administration de ces preuves était valide, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe précités ;

3°) ALORS QUE porte atteinte au procès équitable et au principe de loyauté des preuves l'enregistrement effectué par les autorités publiques par le truchement d'un tiers et ayant pour but d'obtenir des indices de commission d'une infraction ; que les mis en examen invoquaient l'administration des preuves par les autorités publiques par les enregistrements clandestinement réalisés par l'avocat du plaignant sur les instructions constantes des autorités de poursuite, d'enquête et d'instruction ; qu'en estimant les enregistrements valables en ce que la preuve d'une instigation par les services enquêteurs n'était pas rapportée sans répondre aux arguments péremptoires des mis en examen et en mentionnant au contraire que ces derniers ne reprochaient pas une instigation des services de police, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les textes et le principe susvisés ;

4°) ALORS QU'en outre, en déduisant l'absence d'instigation par les services enquêteurs, de l'absence de participation des services de police à l'enregistrement du premier entretien du 11 août 2015 tandis que cet enregistrement ne fait pas l'objet de la requête en nullité, ou encore du risque de dépossession des moyens d'action d'une victime, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs inopérants à justifier l'absence d'instigation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

VIOLATION des articles 6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, préliminaire, 41, 81, 100-5, 171, 174, 591, 593, 706-73, 706-96 et 802 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

EN CE QUE l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;

AUX MOTIFS QUE sur la violation du secret des sources, si l'article 100-5, alinéa 4, du code de procédure pénale dispose que "à peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse", les mis en examen qui invoquent sa violation n'établissent pas en quoi la transcription des enregistrements litigieux des 2 et 27 août 2015 a permis d'identifier leurs sources. Cet argument ne saurait donc prospérer ;

ALORS QUE les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 100-5 du code de procédure pénale et 2 de la loi du 29 juillet 1881 prévoient le secret des sources des journalistes et organisent leur protection contre les ingérences de l'autorité publique, même si les mesures d'investigations sont demeurées sans résultat ; qu'en énonçant l'absence d'atteinte au secret des sources en l'absence d'identification des sources des journalistes, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

VIOLATION des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 41, 80-1, 81, 114, 116, 171, 174, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

EN CE QUE l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;

AUX MOTIFS QUE sur le contenu du dossier mis à la disposition lors des interrogatoires de première comparution, les mis en examen invoquent la violation des articles 114 et 80-1 du code de procédure pénale en soutenant que, lors de leur interrogatoire de première comparution et leur mise en examen des 28 et 29 août 2015, le dossier ne comportait ni la plainte déposée au nom du Roi du Maroc et du Royaume du Maroc, laquelle ne sera versée au dossier que le 4 septembre suivant, ni la retranscription du premier entretien du 11 août précédent. Lors de leur interrogatoire de première comparution, coté D212 pour Eric Y... et D218 pour Catherine Z... :
- le dossier comportait déjà la retranscription de la première conversation en D26 ;
- en revanche, n'y figurait pas encore la plainte déposée au nom du Roi du Maroc, laquelle n'a été versée au dossier que postérieurement à la cote D228.
S'agissant de l'absence de cette dernière pièce, le grief invoqué ne saurait constituer une violation de l'article 114 du code de procédure pénale dès lors que le juge d'instruction a mis à la disposition des parties le dossier dont il disposait lui-même. Par ailleurs, si la plainte déposée au nom du Roi du Maroc n'a été versée au dossier que le 4 septembre 2015, soit après l'interrogatoire de première comparution des intéressés les 28 et 29 août 2015, il n'en est résulté aucun préjudice pour les mis en examen, étant observé :
- que Eric Y... a fait des déclarations démontrant qu'il était informé très précisément des faits qui lui étaient reprochés ;
- que Catherine Z... a préféré s'abstenir de toute déclaration invoquant son état de fatigue ;

ALORS QUE le droit au procès équitable et les droits de la défense imposent le droit d'accès des parties à l'entier dossier de la procédure ; que la plainte de la partie civile sur laquelle repose l'accusation et toute la procédure fait partie du dossier auquel les parties doivent avoir accès ; qu'en l'absence de communication de ladite pièce, le dossier est incomplet dans des conditions qui font nécessairement grief aux intérêts des mis en examen en portant atteinte aux principes de loyauté, de l'égalité des armes et aux droits de la défense ; qu'ayant constaté l'absence de la plainte au dossier de la procédure, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître les textes et principes susvisés, en déduire l'absence de nullité.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

VIOLATION des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 312-1 et 312-10 du code pénal, préliminaire, 41, 80-1, 81, 114, 116, 171, 174, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

EN CE QUE l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;

AUX MOTIFS QUE sur la mise en examen contestée de Eric Y..., eu égard aux éléments du dossier et à son interpellation à l'issue de la rencontre du 27 août 2015, en compagnie de Catherine Z... qui était en possession de 2 enveloppes contenant chacune 40 000 euros en espèces et d'exemplaires signés par les trois intéressés de l'engagement de renonciation à publication du livre projeté, force est de constater qu'il existait bien des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à la commission des infractions visées et justifiant sa mise en examen ;

ALORS QUE ne peut être mise en examen que la personne à l'encontre de laquelle existent des indices graves ou concordants de participation à la commission d'une infraction ; que le délit d'extorsion réprime l'usage de violences, menaces ou contraintes pour obtenir une remise de fonds de la victime, et le délit de chantage réprime la menace de révéler des propos attentatoires à l'honneur ou à la considération de la personne pour obtenir une remise de fonds ; que le mis en examen invoquait l'absence de toutes violences, menaces ou contraintes ainsi que l'absence de propos attentatoires à l'honneur du Roi du Maroc, ce qui exclut tout indice grave ou concordant de commission de ces délits ; qu'en ne répondant pas à ces arguments péremptoires, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.