27 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-50.062

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2017:C101062

Titres et sommaires

ETRANGER - mesures d'éloignement - légalité - appréciation - compétence - détermination - portée

Le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement, quand bien même leur illégalité serait invoquée par voie d'exception à l'occasion de la contestation, devant le juge judiciaire, de la décision de placement en rétention. Le juge judiciaire excède ses pouvoirs en appréciant la légalité d'un arrêté de transfert, décision administrative distincte de l'arrêté de placement en rétention

Texte de la décision

CIV. 1

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2017




Cassation partielle sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1062 FS-P+B+R+I

Pourvois n° W 16-50.062
et V 17-10.206 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Statuant sur le pourvoi n° W 16-50.062 formé par le procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, [...],

contre l'ordonnance rendue le 5 novembre 2016 par le premier président de la cour d'appel de Douai (chambre des libertés individuelles), dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet du Nord, domicilié [...],

2°/ à M. Stanislav Y..., domicilié [...],

défendeurs à la cassation ;

II - Statuant sur le pourvoi n° V 17-10.206 formé par le préfet du Nord, contre la même ordonnance dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Stanislav Y...,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur au pourvoi n° W 16-50.062 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi n° V 17-10.206 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 septembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, Mme Wallon, MM. Hascher, Reynis, Mmes Reygner, Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, conseillers référendaires, M. Ingall-Montagnier, premier avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations et plaidoirie de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat du préfet du Nord, l'avis de M. Ingall-Montagnier, premier avocat général, auquel l'avocat a été invité à répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 16-50.062 et sur le moyen unique du pourvoi n° 17-10.206 pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article L. 512-1, III, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu qu'il résulte du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, posé par les deux premiers de ces textes, qu'à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf disposition législative contraire, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours contre les décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ;

Attendu qu'aux termes du dernier, "en cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent, le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1" ;

Attendu que l'article L. 512-1 prévoit que le juge administratif statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine ; que, selon l'article L. 552-1, le juge judiciaire statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ;

Attendu que le législateur a ainsi organisé deux compétences parallèles, exclusives l'une de l'autre ;

Qu'il s'en déduit que le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement, quand bien même leur illégalité serait invoquée par voie d'exception à l'occasion de la contestation, devant le juge judiciaire, de la décision de placement en rétention ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. Y..., de nationalité biélorusse, en situation irrégulière sur le territoire national, a été interpellé à Lille alors qu'il voyageait sans titre de transport dans le train effectuant la liaison Lyon-Bruxelles ; que, pendant la retenue pour vérification des titres de séjour, le préfet a pris une décision de transfert en Suisse et de placement en rétention ; que, le 2 novembre 2016, M. Y... a présenté au juge des libertés et de la détention une requête en contestation de la régularité de cet arrêté et le préfet une requête en prolongation de la mesure ;

Attendu que, pour remettre en liberté M. Y..., l'ordonnance retient, par motifs adoptés, que l'arrêté de transfert de l'intéressé aux autorités suisses est intervenu en méconnaissance de l'article 24 du règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président, qui a porté une appréciation sur la légalité de cette décision administrative distincte de l'arrêté de placement en rétention, a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi n° 17-10.206 :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 5 novembre 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Douai, demandeur au pourvoi n° W 16-50.062

Par un moyen unique, tiré de la violation des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un manque de base légale, il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir dit que le juge des libertés et de la détention pouvait, en se fondant sur le droit de l'Union Européenne, se prononcer sur la légalité des décisions administratives supports de la décision de placement en rétention,
Aux motifs que, "Le législateur, par la loi du 7 mars 2016, a attribué au juge des libertés et de la détention compétence pour statuer sur les contestations de la décision de placement en rétention mais conservé au juge administratif la connaissance des contestations des décisions administratives qui en sont à l'origine ce dont on peut déduire qu'il n'a pas entendu permettre au administratives qui en sont à l'origine ce dont on peut déduire qu'il n'a pas entendu permettre au juge judiciaire de connaître de ces dernières même par voie d'exception.
Cependant, par une décision du 17 octobre 2011 le tribunal des conflits, prenant notamment en compte l'exigence de bonne administration de la justice et le principe selon lequel tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable, a jugé que, si en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en est autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.

Tel n'est pas le cas en ce qui concerne les dispositions susvisées issues de la loi du 7 mars 2016 applicables depuis quelques jours seulement.

Toutefois, comme l'a rappelé le premier juge, le tribunal des conflits, par la même décision, a envisagé le cas particulier du droit de l'Union Européenne et dit que le juge national, qui a l'obligation d'appliquer ce droit et d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre initiative, toute disposition de droit interne contraire, doit pouvoir l'appliquer, s'il s'agit du juge judiciaire sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union Européenne.

Il en résulte que le juge des libertés et de la détention, chargé de trancher la contestation d'une mesure de rétention administrative, ne peut se prononcer sur la légalité des décisions administratives qui la fondent, même par voie d'exception, sauf au regard du droit de l'Union Européenne.

Il doit en être ainsi, alors même que la juridiction administrative est parallèlement saisie d'une contestation d'une telle décision administrative et n'a pas statué, dès lors qu'il doit se prononcer dans un délai plus bref que celui dont dispose le juge administratif sur la régularité du placement en rétention.

L'ordonnance entreprise n'est donc pas contestable en ce qu'elle s'est prononcée à titre incident, sur la légalité de la décision de transfert de l'étranger concerné au regard du règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

La lecture que le juge a faite de l'article 24 dudit règlement et la conséquence qu'il en a tirée sur la légalité de la décision de transfert de l'étranger concerné, au regard des circonstances de fait de l'espèce à la date à laquelle a été prise cette décision, et, par voie de conséquence, de la mesure de placement en rétention, n'appelle pas de critique »,

Alors que, l'article L 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) énonce que «la décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention »; qu'il s'en déduit que ces dispositions concernent le contentieux du placement en rétention administrative et non pas celui de la mesure d'éloignement, qui fonde ledit placement, laquelle relève depuis toujours de la compétence du juge administratif ;
Qu'en décidant le contraire, l'arrêt a violé le texte en y ajoutant une compétence qu'il ne comporte pas. Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour le préfet du Nord, demandeur au pourvoi n° V 17-10.206

Le moyen reproche à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir déclaré la procédure de placement en rétention diligentée à l'encontre de M. Y... irrégulière et, en conséquence, dit n'y avoir lieu à la prolongation du maintien en rétention,

AUX MOTIFS QUE

« le préfet du Nord fait grief au juge des libertés de la détention d'avoir déclaré irrégulier le placement en rétention de Monsieur Stanislav Y... au motif tiré de ce que la décision de transfert de l'intéressé en Suisse, fondant la décision de placement en rétention, était elle-même irrégulière alors que l'appréciation de la régularité d'une décision ne relève que de la compétence du juge administratif lequel, au cas présent, en était d'ailleurs parallèlement saisi et n'avait pas encore statué, il ne saurait donc être débattue devant le juge judiciaire, même par voie d'exception.

Le législateur, par la loi du 7 mars 2016, a attribué au juge des libertés et de [la détention] compétence pour statuer sur les contestations de la décision de placement en rétention et conservé au juge administratif la connaissance des contestations des décisions admiratives qui en sont à l'origine, ce dont on peut déduire qu'il n'a pas entendu permettre au juge judiciaire de connaître de ces dernières, par voie d'exception.

Cependant, par une décision du 17 octobre 2011 le tribunal des conflits, prenant notamment en compte l'exigence de bonne administration de la justice et le principe selon lequel tout justiciable a droit ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable, a jugé que, si en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative il en est autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge principal.

Tel n'est pas le cas en ce qui concerne les dispositions susvisés issues de la loi du 7 mars 2016, applicables depuis quelques jours seulement.

Toutefois, comme l'a rappelé le premier juge, le tribunal des conflits, par la même décision, a envisagé le cas particulier du droit de l'Union européenne et dit que le juge national, qui a l'obligation d'appliquer ce droit et d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre initiative, toute disposition de droit interne contraire, doit pouvoir l'appliquer, s'il s'agit du juge judiciaire, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne.

Il en résulte que le juge des libertés de la détention, chargé de trancher la contestation d'une mesure de rétention administrative, ne peut se prononcer sur la légalité des décisions administratives qui la fondent, même par voie d'exception, sauf au regard du droit de l'Union européenne.

Il doit en être ainsi, alors même que la juridiction administrative est parallèlement saisie d'une contestation d'une telle décision administrative et n'a pas statué, dès lors qu'il doit se prononcer dans un délai plus bref que celui dont dispose le juge administratif sur la régularité du placement en rétention.

L'ordonnance entreprise n'est donc pas contestable en ce qu'elle s'est prononcée à titre incident, sur la légalité de la décision de transfert de l'étranger concerné au regard du règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

La lecture que le juge a fait de l'article 24 dudit règlement et la conséquence qu'il en a tirée sur la légalité de la décision de transfert de l'étranger concerné, au regard des circonstances de fait de l'espèce à la date à laquelle a été prise sa décision, et par voie de conséquence de la mesure de placement rétention, n'appelle pas de critique »,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« le conseil de Monsieur Y... sollicite qu'il soit reçu des exceptions d'irrégularité de la procédure d'éloignement qui est le support nécessaire de la décision de rétention dont la loi du 7 mars 2016 confie au juge l'appréciation de la régularité ;

qu'à cet effet le préfet du Nord par la voix de son représentant fait valoir que l'article L. 512–1du CESEDA s'oppose à ce que le juge judiciaire soit saisi de l'ensemble de la procédure d'éloignement,

Attendu qu'il résulte de l'article L. 512–1 III du CESEDA que le juge judiciaire est seul compétent à compter du 1er novembre 2016 pour se prononcer sur la régularité d'un arrêté de placement en rétention d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; que cette compétence est attribuée à l'autorité judiciaire par le législateur sur le fondement de l'article 66 de la Constitution ; que la loi n° 2016–274 du 7 mars 2016 dont sont issues les dispositions ci-dessus n'a pas entendu faire du juge judiciaire le juge de l'ensemble de la procédure administrative dont l'appréciation demeure de la compétence du juge administratif conformément au principe posé lors de la Révolution française (article 13 de la loi des 16–24 août 1790 et décret du 16 fructidor an III) ;

Que, toutefois, tout en restant dans le rôle que lui confient les institutions de la République, le juge judiciaire peut non seulement se voir confier de façon exceptionnelle par la loi des prérogatives naturellement dévolues à son homologue administratif mais il doit aussi être en mesure d'exercer pleinement ses prérogatives ; il en résulte nécessairement qu'il ne peut se contenter d'apprécier la régularité du seule acte privatif de liberté sans que lui soit donnée la possibilité d'apprécier la procédure qui sert de fondement à cet acte ; qu'un raisonnement contraire reviendrait à prendre le risque inacceptable et contraire même à l'intervention du juge judiciaire de valider une privation de liberté qui reposerait sur une procédure irrégulière ;

Que cette perspective a justement été condamnée par la CEDH qui dans son arrêt du 12 juillet 2016 (A.M. c/France) a exigé que l'autorité juridictionnelle compétente soit en mesure d'exercer le contrôle complet la procédure (§ 41 et 42) ;

Qu'il en résulte que le contrôle par voie d'exception est recevable, natures et conforme à l'ensemble des principes posés par l'article 66 et par celui résultant de la séparation des pouvoirs et des ordres juridictionnels en France,

Attendu toutefois que le respect de ce principe nécessite de respecter les limites posées par le tribunal des conflits selon le juge judiciaire est fondé à apprécier « à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne » (du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011 SCEA du Chéneau.

Attendu qu'en l'espèce le conseil de Monsieur Y... soulève entre autres moyens que la décision de transfert aux autorités helvétiques du 1er novembre 2016, fondement de l'arrêté de placement en rétention administrative du même jour, contrevient dispositions de l'article 24 du règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 qui exige que la demande de transfert repose sur des preuves de l'existence d'une demande d'asile dans l'Etat sollicité qui ne sont pas réunies en l'espèce ; qu'il est précisé que la décision de transfert a été formalisée sur le seul fondement des déclarations de Monsieur Stanislav Y... qui a déclaré lors de la procédure judiciaire avoir « fait une demande d'asile en Suisse » sans qu'aucun autre élément, en particulier consultation du fichier EURODAC, ne vienne légitimer sa décision au moment où elle est prise,

Que le préfet du Nord par la voix de son représentant à l'audience répond que les éléments fournis par Monsieur Stanislav Y... repris dans l'arrêté de placement en rétention étaient bien suffisants pour décider du transfert et solliciter les autorités helvétiques et qu'ils ont d'ailleurs été complétés dès le lendemain par le résultat positif de la consultation EURODAC ;

Attendu qu'en l'espèce l'article 24 règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 permet que la demande soit fondée sur « des éléments de preuves autres que des données obtenues par le système EURODAC, il est bien acquis que ce fondement est subsidiaire et suppose une pluralité d'éléments ; que les seules déclarations de l'étranger placé en retenue ne sont pas suffisantes à envisager la mise en oeuvre du mécanisme prévu par le règlement précité et ce d'autant plus qu'aucune diligence ne résulte de la procédure pour y apporter immédiatement le fondement premier qu'est l'enregistrement au fichier EURODAC pas plus qu'il p n'est établi en quoi cette recherche spécifique devait être différée ;

Attendu par conséquent que la décision de transfert, fondement nécessaire du placement en rétention de Monsieur Y... comme en atteste si besoin en était le fait qu'il fasse l'objet d'une seule décision administrative est irrégulière en ce que son fondement n'est pas conforme aux exigences de la réglementation européenne qui la légitime ;

Attendu par conséquent que s'agissant d'une non-conformité au droit de l'Union européenne, il convient d'en conclure à l'irrégularité de la décision de placement en rétention qu'elle supporte nécessairement et de faire droit la requête de Y... sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés dans le même sens »,

ALORS QUE si l'effectivité du droit communautaire autorise le juge judiciaire, par exception au principe de séparation des pouvoirs, à se prononcer sur la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne sans renvoi préalable à la juridiction administrative, la possibilité de contestation par la personne retenue de la mesure, d'éloignement ou de transfert, préalable au placement en rétention administrative devant le juge administratif, jugée dans des délais extrêmement courts permettant d'assurer l'effectivité du droit de l'Union fait obstacle à ce que le juge judiciaire puisse examiner la conformité au droit de l'Union d'une telle décision, a fortiori lorsque le juge administratif est déjà saisi d'un tel recours formé dans les 48 heures et jugé dans les 72 heures de sorte qu'en se fondant, pour annuler le placement en rétention, sur la prétendue inconventionnalité de l'arrêté de transfert, qui faisait l'objet d'un recours devant le juge administratif permettant d'assurer l'effectivité du droit communautaire et en indiquant que le juge judiciaire était compétent pour statuer à cet égard quand bien même le juge administratif était saisi d'un recours contre cet acte, le magistrat délégué de la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE si l'application erronée d'un critère de responsabilité de la demande d'asile peut être invoquée par un demandeur dans le cadre d'un recours contre une décision de transfert prise à son égard, la seule insuffisance des éléments de preuve pour requérir l'Etat considéré comme responsable ne saurait justifier l'illégalité de la décision de transfert si bien qu'en se fondant, pour annuler le placement en rétention, sur la prétendue illégalité de l'arrêté de transfert résultant de la prétendue insuffisance des éléments pour désigner la Suisse comme Etat responsable, sans caractériser en quoi cet Etat n'aurait pas dû être ainsi désigné, le magistrat délégué de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 521-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ET ALORS, PLUS SUBISIDIAREMENT ENCORE, QUE l'exigence de la preuve ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour déterminer l'Etat responsable de sorte que la consultation du fichier EURODAC, préalablement à l'arrêté de transfert n'est pas obligatoire si d'autres éléments suffisent à désigner l'Etat responsable de sorte qu'en considérant cette consultation comme prioritaire et incontournable et les déclarations du demandeur d'asile comme insuffisantes pour déterminer l'Etat responsable, le magistrat délégué de la cour d'appel a violé les dispositions des articles 22 et 24 du règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013.

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