30 novembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-25.312

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:C301224

Texte de la décision

CIV.3

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2017




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1224 F-D

Pourvoi n° U 16-25.312






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Isobat 93, société anonyme, dont le siège est [...]                                 ,

contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Bati Renov 91, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...]                                      , représentée par M. Christophe X... en qualité de liquidateur judiciaire,

2°/ à la société Telmma, société par actions simplifiée, dont le siège est [...]                                          ,

3°/ à M. Christophe X..., domicilié [...]                              , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bati Renov 91,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 octobre 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Y..., conseiller, les observations de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de la société Isobat 93, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Telmma, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société Isobat 93 du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bati Renov 91 et le liquidateur de cette société ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2016), que, en 2009 et 2010, la société Bati Renov 91, chargée par la société Telmma, agissant en qualité de maître d'ouvrage délégué, des travaux de réhabilitation de la tour Maine Montparnasse à Paris, a sous-traité une partie des travaux des 18e et 40e étages à la société Isobat 93 ; que, n'ayant pas été intégralement payée par la société Bati Renov 91, la société Isobat 93 a assigné en paiement cette société, placée depuis en liquidation judiciaire, et la société Telmma ;

Attendu que la société Isobat 93 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Telmma ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Isobat 93 ne contestait pas qu'elle ne s'était manifestée à aucun moment auprès du maître d'ouvrage ou de son mandataire pour l'informer de sa présence sur le chantier et que l'attestation établie le 18 septembre 2012, postérieurement à son départ à la retraite, par M. Z..., responsable des travaux au sein de la société Telmma, était rédigée en termes imprécis et ne faisait état d'aucune constatation directe, visuelle ou autre, précise, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui, sans ajouter à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a apprécié la valeur probante de l'attestation produite, a souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que la société Isobat 93 ne prouvait pas que la société Telmma avait eu connaissance de son intervention sur le chantier comme sous-traitante alors qu'elle exécutait ses travaux de sous-traitant et en tout cas préalablement au paiement de l'entrepreneur principal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Isobat 93 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Isobat 93 et la condamne à payer à la société Telmma la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Isobat 93

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Isobat 93 tendant à voir condamner la société Telmma solidairement avec la société Bati Renov 91 à lui payer la somme de 157.510,03 euros TTC en principal ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes dirigées contre la société Telmma : pour établir que la société Telmma avait connaissance de son intervention en qualité de sous-traitant, la société Isobat 93 produit une attestation de Monsieur Z... du 18 septembre 2012, responsable des travaux chez Telmma jusqu'au 30 mai 2011 ; que Monsieur Z... a rédigé cette attestation postérieurement à son départ à la retraite ; qu'il indique : « En tant que responsable travaux chez Telmma du 1er septembre 1976 au 30 mai 2011, je confirme avoir eu connaissance de l'intervention d'Isobat 96 en tant que sous-traitant de Bâti Renov 91 sur le chantier du 18ème et 40ème étages de la Tour Maine Montparnasse. J'atteste que les travaux effectués sur la base des ordres de services validés par mes soins ont bien été réglés par Telmma. L'ensemble des travaux réalisés par Isobat 93 sur le site étaient conforme au CCTP établi par la maîtrise d'oeuvre » ; que le fait que l'attestation mentionne qu'elle est destinée à être produite en justice dans le procès engagé entre Isobat 93 et Bâti Renov 91 n'entache cette attestation d'aucune irrégularité ; qu'il convient d'observer d'une part qu'à la date de sa rédaction, c'était principalement à son interlocuteur direct, l'entreprise principale, que s'adressait le sous-traitant, de sorte que la mention est exacte, et que d'autre part l'article 202 du code de procédure civile ne prévoit pas que l'attestation en justice précise pour quelle instance l'attestation produite est destinée à être produite en justice ; mais qu'ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, ladite attestation permet de déduire que la société Isobat 93 est bien intervenue sur le chantier, et que l'auteur de l'attestation en avait eu connaissance par ses fonctions, mais ne permet en aucune façon de retenir que la société Telmma elle-même avait eu personnellement connaissance de son intervention en qualité de sous-traitant ; que d'ailleurs le rédacteur de l'attestation, en employant l'expression "avoir eu connaissance" n'utilise que des termes imprécis et ne fait état d'aucune constatation directe, visuelle ou autre, précise ; que dès lors cette attestation à elle seule ne permet pas de retenir aux yeux de la cour que la société Telmma avait eu connaissance de cette intervention aux 18ème et 40ème étages compte-tenu de l'importance de ce bâtiment, qui compte 6 niveaux souterrains et 59 étages de 1700m² chacun ;

ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE sur la condamnation conjointe et solidaire de la société Telmma : que la société Isobat 93 a facturé sur la période allant du 31/12/2009 au 31/03/2010 la SARL Bâti Renov 91, pour les travaux réalisés par ses soins sur le chantier de rénovation situé aux 18ème et 40ème étages de la Tour Montparnasse ; qu'il apparait qu'aucune déclaration de sous-traitance concernant la société Isobat 93 et, dès lors, aucune demande d'acceptation et d'agrément n'a été remise et/ou adressée par la SARL Bâti Renov 91, l'entrepreneur principal, à la société Telmma, maître d'ouvrage ou à son mandataire ; que la société Isobat 93 ne conteste pas qu'à aucun moment elle se soit manifestée auprès du maître d'ouvrage ou de son mandataire pour l'informer de sa présence sur le chantier et lui demander le bénéfice de l'action directe ; qu'elle ne rapporte pas non plus la preuve que la société Telmma, le donneur d'ordre, ait eu la connaissance de sa présence sur le chantier de la tour Montparnasse alors qu'elle exécutait ses travaux de sous-traitance et en tous cas pas préalablement au paiement de la SARL Bâti Renov 91, l'entrepreneur principal ; que compte tenu de la taille et de la nature du chantier de la Tour Montparnasse, la société Isobat 93 ne peut raisonnablement soutenir que société Telmma aurait dû avoir connaissance personnelle de cette présence sur le chantier antérieurement au paiement de l'entreprise principale ; que c'est, par lettre recommandée avec AR, en date du 02/02/2011, que la société Isobat 93 a informé la société Telmma avoir travaillé en tant que sous-traitant de la SARL Bâti Renov 91et avoir rencontré des difficultés à obtenir le règlement de ses factures payables sous 60 jours à réception, par la SARL Bâti Renov 91 ; et qu'elle lui a demandé d'intervenir en tant que donneur d'ordre auprès de la SARL Bâti Renov 91 ; que les 3 factures litigieuses ont été établies respectivement en date du 31/12/2009, 28/07/2010, 30/06/2010 pour des travaux réalisés plusieurs mois avant que la société Isobat 93 adresse à la société Telmma son courrier en date du 02/02/2011 ; que pour soutenir néanmoins que la société Telmma aurait eu connaissance de sa présence sur le chantier la demanderesse met en avant une attestation en date du 18/05/2012 qu'elle a obtenue de Monsieur Z... responsable travaux chez Telmma jusqu'au 30/05/2011 soit un an après que ce dernier ait pris sa retraite ; qu'une lecture attentive de l'attestation n'infirme pas au demeurant ce qui a été énoncé précédemment, à savoir que la société Telmma n'avait pas connaissance personnelle de la présence de la société Isobat 93 sur le chantier ; surtout que Monsieur Z... indique clairement qu'il était informé que son attestation était destinée à être produite dans le procès engagé entre la société Isobat 93 et la SARL Bâti Renov 91 et qu'il apparait dès lors qu'il ne l'avait pas établi dans la perspective de la voire produite dans le cadre d'un contentieux opposant la société Isobat à son ancien employeur depuis 1976, la société Telmma, contrairement aux dispositions du 3ème alinéa du l'article 202 du CPC ; que par conséquent la société Isobat ne démontre d'aucune manière qu'elle peut prétendre se prévaloir des dispositions de l'article 12 et de l'article 14-1 de la loi du 31/12/1975 sur la sous-traitance ; que sur le fondement de ce qui précède, le tribunal, - relèvera, aucune faute délictuelle personnelle avérée, en relation causale certaine et directe avec le préjudice financier allégué n'étant démontrée par la société Isobat 93, l'absence de responsabilité de la société Telmma, - déboutera la société Isobat 93 de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Telmma ;

1°) ALORS QUE le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ces obligations ; qu'il résulte de l'attestation de M. Z... qu'il était « responsable travaux chez Telmma du 1er septembre 1976 au 30 mai 2011 », que les « travaux (étaient) effectués sur la base des ordres de services validés par (s)es soins » et qu'il confirmait « avoir eu connaissance de l'intervention d'Isobat 93 en tant que sous-traitant de Bâti Renov 91 sur le chantier du 18ème et 40ème étages de la Tour Maine Montparnasse » ; qu'en retenant toutefois que la connaissance "personnelle" par la SAS Telmma de la présence sur le chantier de la société Isobat 93 en qualité de sous-traitant de la société Bâti Renov 91 ne résulterait pas de cette attestation, sans rechercher si le fait qu'elle émanait du préposé assumant la direction des travaux n'établissait pas cette connaissance par la personne morale, peu important la taille du chantier au regard des énonciations de l'attestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°) ALORS QU'à tout le moins, en jugeant que l'attestation de M. Z... n'établirait pas le manquement de son employeur aux obligations énoncées à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 au prétexte qu'il évoquerait seulement « avoir eu connaissance » de la présence du sous-traitant et non avoir effectué une constatation directe, visuelle ou autre, précise, quand le texte impose au maître de l'ouvrage l'obligation de mettre en demeure l'entrepreneur de remplir ses obligations à l'égard du sous-traitant « s'il a connaissance de (sa) présence », la cour d'appel a ajouté à la disposition précitée une condition qu'elle ne prévoyait pas et l'a en conséquence violée.

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