6 décembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-26.784

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2017:C101259

Titres et sommaires

AVOCAT - exercice de la profession - différend entre avocats - arbitrage du bâtonnier - domaine d'application - bâtonnier d'un barreau tiers - saisine - condition

Le bâtonnier d'un barreau tiers, désigné en application de l'article 179-2, alinéa 3, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, est saisi, conformément à l'article 142 du même décret, par l'une ou l'autre des parties, soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'ordre des avocats au barreau dont le bâtonnier désigné est membre, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à lui adressée, de sorte que le délai de quatre mois prévu à l'article 179-5 court à compter de cette saisine

Texte de la décision

CIV. 1

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 décembre 2017




Rejet


Mme X..., président



Arrêt n° 1259 FS-P+B

Pourvoi n° U 16-26.784





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Y... et associés-Cabinet Duel, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...], représentée par M. Guy Y...,

2°/ M. Guy Y..., domicilié [...],

contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2016 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme Sophie Z..., domiciliée [...],

2°/ à Mme A... Y..., domiciliée [...],

défenderesses à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 novembre 2017, où étaient présents : Mme X..., président, Mme D..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, MM. Betoulle, Avel, conseillers, Mmes Canas, Barel, D..., Kloda, conseillers référendaires, M. B..., avocat général, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme D..., conseiller référendaire, les observations de Me C..., avocat de la société Y... et associés-Cabinet Duel et de M. Y..., l'avis de M. B..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 28 septembre 2016), que la société Y... et associés-Cabinet Durel (la société) est une société inter-barreaux dans laquelle sont associés des avocats aux barreaux de Lille et de Paris ; que Mme Z..., avocat au barreau de Lille et associée au sein de la société, a été révoquée par décision d'une assemblée générale extraordinaire en date du 26 juin 2012 ; que, par requête du 26 juin 2015, elle a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Lille d'un différend l'opposant à la société et aux avocats associés ; qu'en application des articles 179-1 et suivants du décret du 27 novembre 1991, les bâtonniers de l'ordre des avocats aux barreaux de Lille et de Paris ont désigné le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Rouen pour régler le différend, par décision du 7 juillet 2015 reçue par ce dernier le 10 juillet suivant ; que, par décision du 4 janvier 2016, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Rouen a prorogé jusqu'au 10 mars 2016 le délai qui lui était imparti pour statuer et a fixé un calendrier de procédure ; que la société et M. Y..., gérant de celle-ci, ont interjeté un appel-nullité à l'encontre de cette décision, soutenant que le bâtonnier était dessaisi et n'avait plus qualité pour statuer, dès lors que sa saisine était intervenue le 10 juillet 2015, par sa désignation ;

Attendu que la société et M. Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la décision du 4 janvier 2016, alors, selon le moyen, que, lorsqu'un différend d'ordre professionnel naît entre avocats relevant de barreaux différents, l'avocat le plus diligent saisit son bâtonnier qui doit s'accorder avec celui de l'avocat défendeur sur la désignation du bâtonnier d'un barreau tiers ; que le tiers bâtonnier est saisi à réception de la décision le désignant ; qu'en décidant que le tiers bâtonnier n'avait pas été saisi le 10 juillet 2015 à réception de sa désignation mais le 8 octobre 2015 à réception des prétentions de la demanderesse, Mme Z..., la cour d'appel a violé les articles 179-2 et 179-5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Mais attendu que le bâtonnier d'un barreau tiers, désigné en application de l'article 179-2, alinéa 3, du décret du 27 novembre 1991, est saisi, conformément à l'article 142 du même décret, par l'une ou l'autre des parties, soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'ordre des avocats au barreau dont le bâtonnier désigné est membre, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à lui adressée ; que, selon l'article 179-5, le bâtonnier rend sa décision dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, susceptible de prorogation ;

Et attendu qu'ayant relevé que le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Rouen avait reçu la requête de Mme Z... le 8 octobre 2015, la cour d'appel en a justement déduit qu'il avait été saisi à cette date, de sorte que la décision du 4 janvier 2016 était intervenue dans le délai imparti ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Y... et associés-Cabinet Durel et M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour la société Y... et associés-Cabinet Duel et M. Y....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de la décision du bâtonnier de Rouen du 4 janvier 2016 ;

AUX MOTIFS QUE, au soutien de leur demande d'annulation de la décision entreprise, les appelants [la société Y... et associés - Cabinet Duel et M. Guy Y...], à la démonstration desquels Me A... Y... s'associe, font valoir que cette décision est intervenue alors que le bâtonnier de Rouen se trouvait dessaisi et n'avait plus qualité pour statuer, dès lors que sa saisine était intervenue le 10 juillet 2015 à la suite de sa désignation conjointe par les bâtonniers de Lille et de Paris et que le délai de quatre mois dans lequel il devait statuer sous peine de dessaisissement, en application de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991, était venu à échéance le 10 novembre 2015 ; que toutefois, comme l'expose le procureur général, le bâtonnier de Rouen a été saisi le 8 octobre 2015 par la réception de la requête de Me Sophie Z... et non comme le soutiennent les appelants le 10 juillet 2015 par sa désignation décidée conjointement par les bâtonniers de Lille et de Paris ; qu'il résulte en effet du décret du 27 novembre 1991 que : - en application de l'article 179-5, le bâtonnier rend sa décision dans le délai de quatre mois "à compter de sa saisine" ; - en application de l'article 179-1, le bâtonnier est saisi par "l'une ou l'autre des parties" ; que dans l'hypothèse de l'application de l'article 179-2 comme en l'espèce où il y a nécessité pour le bâtonnier saisi, en l'espèce celui de Lille, de s'entendre avec le bâtonnier d'un autre ressort sur la désignation d'un barreau tiers, ce dans un délai de quinze jours, les appelants sont mal fondés à prétendre que la réception par le bâtonnier tiers de la lettre le désignant constituerait la saisine de ce dernier au sens des articles 179-5 et 179-1 susvisés alors que ce courrier : - n'émane pas d'une des parties ; - ne correspond pas à la définition de la saisine telle qu'elle est donnée à l'article 142 auquel renvoie l'article 179-4, dont il résulte que "l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et prétentions du saisissant" ; qu'au demeurant, le bâtonnier tiers ne peut être tenu de statuer sans savoir connaissance des prétentions et pièces des parties, étant observé au surplus que dans l'hypothèse de l'article 179-2 visant le cas où les bâtonniers des barreaux différents ne s'entendent pas sur la désignation du bâtonnier tiers, le délai de quatre mois serait amputé non seulement et comme en l'espèce du délai de quinze jours prévu par l'alinéa 1 de cet article 179-2, mais en outre des délais cumulatifs, pour lesquels aucune limite n'est fixée par le texte, de la saisine du président du conseil national des barreaux, de la désignation par ce dernier du bâtonnier tiers et de la notification de cette désignation au bâtonnier tiers ; qu'en l'espèce, il résulte du dossier de procédure adressé par le bâtonnier de Rouen à la cour en application de l'article 729 du code de procédure civile que, après avoir pris connaissance de sa désignation le 10 juillet 2015, par un courrier dans lequel le bâtonnier de Lille lui indiquait avoir invité ses confrères lillois à lui faire parvenir leur acte de saisine et à lui faire connaître leurs prétentions dans les meilleurs délais, il a sollicité en vain des deux bâtonniers l'ayant désigné, par lettres du 17 juillet 2015 puis du 17 septembre 2015, que lui soient adressés le dossier et les actes de DB/19.101 saisine ; que le bâtonnier de Lille ne lui a répondu que le 5 octobre 2015 pour lui indiquer que, s'agissant non d'un différend déontologique mais d'un différend régi par les articles 20.2 du règlement intérieur national (RIN) et 179 et suivants du décret du 27 novembre 1991, il n'y avait pas lieu de lui transmettre le dossier mais qu'il relançait les parties pour qu'elles communiquent leurs prétentions ; qu'après avoir renvoyé un nouveau courrier le 6 octobre 2015 aux bâtonniers de Lille et de Paris pour les informer de ce que, n'ayant été contacté en aucune manière par les requérants ou les défendeurs, il était dans la "totale incapacité de pouvoir rendre un quelconque arbitrage, ni même de savoir si les différends existent toujours ou s'il y a urgence à ce qu'ils soient tranchés", le bâtonnier de Rouen a reçu du conseil de Me Sophie Z..., le 8 octobre 2016, la requête de cette dernière contenant ses prétentions ainsi que les pièces produites à l'appui de ces demandes ; que la réception de cette requête constitue ainsi la véritable et seule saisine du bâtonnier de Rouen qui a fait partir le délai de quatre mois prévu par l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991, de telle sorte que, ce délai de quatre mois venant à échéance le 8 février 2016, la décision entreprise du 4 janvier 2016 est intervenue avant que le bâtonnier ne puisse être dessaisi ; qu'il s'ensuit que la demande d'annulation de la décision entreprise n'est pas fondée ; que le bâtonnier de Rouen restant saisi du différend entre la société Y... et associés, Me Guy Y..., Me Sophie Z... et Me A... Y..., la demande de cette dernière visant à voir déclarer irrecevable Me Sophie Z... en ses demandes faites à son encontre n'est pas de la compétence de la cour qui renverra cette partie à mieux se pourvoir devant le bâtonnier de Rouen ;

ALORS QUE lorsqu'un différend d'ordre professionnel naît entre avocats relevant de barreaux différents, l'avocat le plus diligent saisit son bâtonnier qui doit s'accorder avec celui de l'avocat défendeur sur la désignation du bâtonnier d'un barreau tiers ; que le tiers bâtonnier est saisi à réception de la décision le désignant ; qu'en décidant que le tiers bâtonnier n'avait pas été saisi le 10 juillet 2015 à réception de sa désignation mais le 8 octobre 2015 à réception des prétentions de la demanderesse, Mme Z..., la cour d'appel a violé les articles 179-2 et 179-5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

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