7 décembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-23.190

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02555

Texte de la décision

SOC.

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2017




Cassation


Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2555 F-D

Pourvoi n° N 16-23.190







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Oulfa Y..., domiciliée [...]                                                           ,

contre l'arrêt rendu le 30 juin 2016 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Reltex, société par actions simplifiée, dont le siège est [...]                        ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 novembre 2017, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z... , conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z... , conseiller, les observations de la SCP François-Henri Briard, avocat de Mme Y..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Reltex, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen soulevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail ensemble l'article L. 1225-4 de ce code, en sa rédaction alors applicable ;

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées de ces textes que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et qu'il ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l'accouchement ou à l'adoption, de maintenir le contrat ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée par la société Reltex le 29 mai 2001 en qualité d'ouvrière spécialisée ; qu'elle a été placée en congé maternité jusqu'au 23 janvier 2010 puis a bénéficié de congés payés jusqu'au 22 février 2010 ; qu'elle a été licenciée le 11 mars 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement nul, l'arrêt retient qu'elle a été licenciée pendant la période de protection prévue par l'article L. 1225-4 du code du travail, qu'elle a été déclarée inapte à reprendre un poste en contact avec le latex, le caoutchouc ou les produits ou outils contenant du nickel mais apte à un poste de bureau sans exposition à ces produits, aux termes de deux visites médicales des 28 janvier 2010 et 16 février 2010, que le médecin du travail avait procédé au sein de l'entreprise à une étude de poste, que la société avait recueilli l'avis des délégués du personnel et loyalement mais vainement recherché une possibilité de reclassement au sein de ses effectifs, notamment par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail et justifié ainsi d'un motif légitime pour procéder au licenciement de la salariée pendant la période de protection de quatre semaines prévues par l'article L. 1225-4 du code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne mentionnait aucun des motifs limitativement exigés par l'article L. 1225-4 du code du travail, ce dont elle aurait dû déduire que le licenciement était nul, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la société Reltex aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, et Mme Piquot, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le sept décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme Y... était régulier et en ce qu'il l'a débouté cette dernière de toutes ses demandes.

Aux motifs propres que « l'article L. 1225-4 du code du travail dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. Il précise toutefois que l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

Par ailleurs, il est de principe que la période de protection de quatre semaines suivant le congé maternité est suspendue par la prise de congés payés ou de congés parental et que son point de départ est reporté à la date de reprise du travail par la salariée. En l'espèce, Mme Y... a été placée en congé maternité jusqu'au 23 janvier 2010. Elle a ensuite bénéficié de ses congés payés jusqu'au 22 février 2010. Selon courrier du 2 février 2010 remis en main propre à son employeur le S février 2010, elle a sollicité le bénéfice d'un congé parental jusqu'au 1er novembre 2012, Il convient de relever que la demande de congés parental formée par Mme Y... n'a pas été présentée par celle-ci à l'expiration de son congés maternité. Il lui appartenait en conséquence de respecter le délai de prévenance de deux mois prévu par l'article L. 1225-50 du code du travail.

Elle ne peut en conséquence prétendre que sa demande de congés parental a entraîné la suspension de la période de protection prévue par l'article L. 1225-4 du code du travail. Il en résulte que ladite période de protection de quatre semaines a été suspendue jusqu'au 22 février 2010, date de la fin de ses congés payés. Mme Y... a été licenciée le 11 mars 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, soit pendant la période de protection prévue par l'article L. 1225-4 du code du travail. Il ressort de l'article R. 4624-31 du code du travail que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à sort poste. de travail que s'il a réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires mais que toutefois, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de pré reprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen. Il en résulte par ailleurs qu'il incombe au médecin du travail de procéder à une étude de ce poste de travail et à une étude des conditions de travail dans l'entreprise. En l'espèce, au terme d'une visite médicale du 28 janvier 2010, le médecin du travail a estimé que Mme Y... était inapte à reprendre un poste en contact avec le latex, le caoutchouc ou les produits ou outils contenant du nickel et qu'elle était apte à un poste de bureau sans exposition à ces produits. Il a réitéré ces conclusions au terme d'une seconde visite médicale du 16 février 2010. Il est constant que Mme Y... était en congés payés lors de 1a visite médicale du 28 janvier 2010. Il convient de rappeler que l'article R. 4624-23 du code du travail édicte que dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit la médecine du travail qui organise l'examen de reprise dans le délai de huit jours de la reprise du travail par le salarié. Par ailleurs, l'article R. 4624-28 du code du travail prévoit que le temps nécessité par les examens médicaux, y compris les examens complémentaires, est soit pris sur les heures de travail des salariés sans qu'aucune retenue de salaire puisse être opérée, soit rémunéré comme temps de travail normal longue ces examens ne peuvent avoir lieu pendant les heures de travail. Le congé maternité de la salariée prenait fin le 23 janvier 2010.

Dès lors, la SA Reltex, pour respecter le délai de huit jours précité, pouvait organiser la première visite médicale de reprise de Mme Y... pendant les congés payés de celle-ci. De surcroît, il convient de relever que Mme Y... s'est présentée à la visite médicale de reprise du 28 janvier 2010 et que le certificat médical dressé à l'issue de celle-ci mentionne expressément que l'examen du 28 janvier 2010 constitue une visite médicale de reprise.

Par ailleurs, les 10 et 16 février 2010, le médecin du travail a procédé au sein de l'entreprise à une étude de poste.

En conséquence, Mine Y... ne peut valablement contester la validité de l'examen médical du 28 janvier 2010 et soutenir que ravis d'inaptitude formulé par le médecin du travail a été délivré sur la base d'Un seul examen médical. Il n'est pas contesté que l'inaptitude de Mme Y... est d'origine professionnelle. La SA Reltex rapporte la preuve que le 23 février 2010 elle a recueilli l'avis des délégués du personnel conformément aux prescriptions de l'article L. 122640 du code du travail et que, selon courrier du 25 février 2010, elle a porté à la connaissance de Mme Y... par application de l'article L. 1226-12 du code du travail, les motifs qui s'opposaient au reclassement. Par ailleurs, il n'est pas contesté par Mme Y..., que les effectifs de la SA Reltex, qui n'est pas intégrée dans un groupe, ne comprennent que des postes exposés au latex ou au nickel ou des postes administratifs (comptable ou assistant trilingue) ne ressortant pas de la compétence de Mme Y.... Là SA Reltex démontre qu'elle a loyalement mais vainement recherché s'il existait au profit de Mme Y... une possibilité de reclassement au sein de ses effectifs, notamment par la mise en oeuvre dé mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Le grief formé de ce chef par Mme Y... apparaît en conséquence infondé. Il résulte de ce qui précède que la SA Reltex justifiait d'un motif légitime pour procéder au licenciement de Mme Y... pendant la période de protection de quatre semaines prévues par l'article L. 1225-4 du code du travail. Le jugement déféré, qui a débouté Mme Y... de ses demandes d'indemnité pour licenciement nul et en application de l'article 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 sera par conséquent confirmé. Par ailleurs, les demandes nouvelles formées en appel par Mme Y... et fondées sur la nullité ou l'irrégularité de son licenciement, seront également rejetées.Enfin Mme Y... partie perdante sera condamnée aux dépens. Eu égard aux circonstances du litige, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ».

Et aux motifs réputés adoptés que « Sur la régularité du licenciement : Attendu l'article L.1226.24 du Code du Travail qui dispose, notamment, dans le cadre de congé maternité, que "la salariée avertit l'employeur du motif de son absence et de la date à laquelle elle entend y mettre fin ", Qu'en l'espèce, les pièces versées aux débats par les parties, à savoir, l'attestation Pôle Emploi fournie par la salariée ainsi que le courrier de la société Reltex à Mme A... Y... du 22 janvier 2010, Que ces pièces précisent que l'employeur a été informé par appel téléphonique le 19 janvier 2010, que la salariée bénéficiait d'un congé maternité débutant le 4 octobre 2009 et prenant fin le 23 janvier 2010, Qu'en conséquence, il est matériellement vérifiable de déterminer la fin du congé maternité à la date du 23 janvier 2010, Attendu l'article L.1226.2 du Code du Travail, et notamment la Cour de Cassation du 3 mai 2000 qui prévoit que " le salarié qui a acquis le droit aux congés payés et qui n'a pas pu les prendre en raison de sa maladie, est en droit d'en réclamer le bénéfice à son retour dans l'entreprise ", Qu'en l'espèce, la pièce 3 établie par la salariée mentionne "je suis actuellement en congés payés jusqu'au 22 février 2012 ", Qu'en l'espèce, la lettre 1 de la société défenderesse et non contestée par la demanderesse établit que Mme A... Y... a demandé le solde de ses congés payés à compter du 24 janvier 2010, Qu'en conséquence, il est bien établi la date de prise de congés payés au 24 janvier 2010, Attendu que l'article R.4624.21 du Code du Travail prévoit que la salariée bénéficie d'un examen de reprise de travail après un congé maternité, Qu'en l'espèce, l'employeur a pris les mesures nécessaires pour prendre rendez-vous à la visite médicale fixée initialement au 29 janvier 2010, comme l'atteste la pièce 1 versée aux débats, Qu'en conséquence, les dispositions en la matière ont été respectées, Attendu l'article R.4624.22 du Code du Travail, qui édicte que cet examen a lieu lors de la reprise de travail, et au plus tard dans un délai de huit jours, Qu'en l'espèce, les congés payés ne sont pris qu'à la reprise de travail du salarié, et que dès lors, on peut fixer la fin de la suspension du contrat de travail (Cour de Cassation du 3 mai 2000 précitée ), Qu'en conséquence, la date de reprise du travail est établie à la date du 24 janvier 2010. Concernant la régularité de la procédure de licenciement : Attendu l'article L.1226.10 du Code du Travail, En l'espèce, l'avis médical d'aptitude de la médecine du travail spécifie que Mme A... Y... est inapte à reprendre un poste contenant du nickel ou en contact avec le latex, Que l'activité de la société Reltex - extrait du registre du commerce et des société, toutes opérations commerciales et industrielles se rapportant à l'exploitation du latex, Qu'il n'existe qu'un seul site, Qu'en l'espèce, la société a consulté et informé les délégués du personnel ainsi que le CHSCT, Que l'entreprise a convoqué Mme A... Y... à un entretien préalable, Qu'en l'espèce, la lettre de notification du licenciement précise les motifs vérifiables, Qu'en conséquence, l'intégralité des droits de Mme A... Y... ont été respectés ».

1° Alors qu'en vertu de l'article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auquel elle a droit au titre du congé maternité, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de cette période ; qu'en outre, en vertu de l'article R 4624-31 du même code, l'employeur ne peut, hors danger immédiat, licencier un salarié pour inaptitude qu'après deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ; que ces examens médicaux de reprise doivent être effectués après la reprise du travail par le salarié et non pendant une période de suspension de son contrat de travail ; que, dès lors, en validant le licenciement pour inaptitude de Mme Y... tandis que ce dernier a été pris en l'absence de deux visites médicales de reprise effectuées hors période de suspension du contrat de travail puis notifié pendant la période légale de protection, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

2° Alors que en vertu de l'article L 1225-47 du code du travail, pendant la période qui suit l'expiration du congé de maternité tout salarié justifiant d'une ancienneté minimale d'une année à la date de naissance de son enfant a le droit au bénéfice d'un congé parental d'éducation durant lequel le contrat de travail est suspendu ; qu'en vertu de l'article 1225-50 du code du travail, le salarié informe son employeur du point de départ et de la durée de la période pendant laquelle il entend bénéficier d'un congé parental d'éducation ; que le bénéfice de ce congé parental est de droit ; que le non-respect du délai de prévenance assortissant ce droit n'entraine pas l'irrecevabilité de la demande ; qu'en l'espèce, Mme Y... a bien informé son employeur, par courrier daté du 2 février 2010 remis en main propre le 5 février 2010, que son congé parental débuterait à la fin de ses congés payés, soit le 23 février 2010 et ce jusqu'au 1er novembre 2012 ; que quand bien même, elle n'aurait pas respecté pas les formalités prévues par la loi quant au délai de prévenance, sa demande n'est pas entachée d'irrecevabilité ; que, dès lors, c'est bien afin d'éviter la suspension du contrat de travail de Mme Y..., résultant du congé parental d'éducation dont elle devait bénéficier de droit, que la société Reltex a veillé à ce que le licenciement intervienne antérieurement à sa réponse sur ledit congé parental ; qu'en validant la procédure de licenciement, et par là ce contournement des droits de Mme Y..., en avançant que cette dernière ne pouvait se prévaloir de la suspension liée au congé parental du fait du non-respect du délai de prévenance, la cour d'appel de Grenoble a violé les textes visés au moyen ;

3° Alors que pèse sur l'employeur une obligation de reclassement lorsque le salarié est déclaré inapte à son poste de travail ; qu'en se bornant à énoncer que la SAS Reltex démontre qu'elle a loyalement mais vainement recherché s'il existait au profit de Mme Y... une possibilité de reclassement au sein de ses effectifs, lesdits effectifs ne comprenant que des postes exposés au latex ou au nickel ou des postes administratifs qui ne correspondaient pas à la compétence de cette dernière, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il n'existait pas d'autres postes qu'elle pouvait occuper, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-10 du code du travail.

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