10 janvier 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-80.816

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:CR03169

Texte de la décision

N° V 17-80.816 F-D

N° 3169


SL
10 JANVIER 2018


CASSATION


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-

Le procureur général près la cour d'appel de Paris,


contre l'arrêt de ladite cour, chambre 4-11, en date du 12 janvier 2017, qui a relaxé Mme A... Z... du chef d'exhibition sexuelle et, pour dégradations volontaires, l'a condamnée à 600 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;










La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. STEPHAN, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-32 du code pénal, 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;

Vu les articles 222-32 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que selon le premier de ces textes, est constitutive d'un délit l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public ;

Que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 juin 2014, Mme A... Z... s'est présentée au musée Grévin à Paris, dans la salle des chefs d'Etat, rassemblant plusieurs statues de cire de dirigeants mondiaux ; que, se dévêtant le haut du corps, sa poitrine étant nue, laissant apparaître l'inscription "Kill Y...", la prévenue a fait tomber la statue du président B..., M. X... Y..., dans laquelle elle a planté à plusieurs reprises un pieux métallique partiellement peint en rouge, en déclarant "Fuck dictator, Fuck X... Y..." ; qu'elle a été interpellée et s'est revendiquée membre du mouvement "Femen", donnant à son geste un caractère de protestation politique ; qu'elle a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs d'exhibition sexuelle et de dégradations volontaires du bien d'autrui ; que, par jugement, en date du 15 octobre 2014, le tribunal l'a déclarée coupable de ces deux délits, l'a condamnée à une amende de 1 500 euros et a prononcé sur les intérêts civils ; que la prévenue et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement lui étant déféré et relaxer Mme Z... du délit d'exhibition sexuelle, l'arrêt retient que l'exposition du torse nu d'une femme à la vue d'autrui, en dehors de tout élément intentionnel de nature sexuelle, ne peut, au regard des circonstances dans lesquelles cette exposition s'est déroulée le 5 juin 2014, recouvrir la qualification d'exhibition sexuelle, s'agissant de l'utilisation par la prévenue de sa poitrine dénudée portant un message écrit à des fins de manifestation d'une expression en dehors de toute connotation sexuelle ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle relevait, indépendamment des motifs invoqués par la prévenue, sans effet sur les éléments constitutifs de l'infraction, que celle-ci avait exhibé volontairement sa poitrine dans un musée, lieu ouvert au public, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 12 janvier 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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