10 juillet 2020
Cour d'appel de Rennes
RG n° 18/01073

8ème Ch Prud'homale

Texte de la décision

8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°234



N° RG 18/01073 et 18/01243 joints

N° Portalis DBVL-V-B7C-OTZH













SAS PROECOWATT



C/



Mme [P] [N]



-Me [T] [Z] (commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SAS PROECOWATT

-Me [D] [Y] (mandataire judiciaire de la SAS PROECOWATT et mandataire liquidateur de la SARL NORMES HABITAT 44)

-Me [K] [S] (mandataire liquidateur de la SARL GLOBAL SERVICES)

-AGS CGEA DE [Localité 17]

-AGS CGEA DE [Localité 16]

















Jonction et infirmation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 JUILLET 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



En chambre du Conseil sanitaire du 04 Juin 2020 en application des dispositions de l'article 6 alinéa 3 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020



ARRÊT :



Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 10 Juillet 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats







****



APPELANTE et INTIMÉE :



La SAS PROECOWATT admise au bénéfice du redressement judiciaire par un plan de continuation, prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 10]



Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Marie-Pascale VALLAIS de la SELARL VALLAIS AVOCAT, Avocat plaidant du Barreau de NANTES







INTIMÉE et APPELANTE :



Madame [P] [N]

née le [Date naissance 6] 1986 à [Localité 13] (92)

demeurant [Adresse 12]

[Localité 4]



Représentée par Me Augustin MOULINAS de la SELARL MOULINAS AUGUSTIN, Avocat au Barreau de NANTES





.../...





INTIMÉS, DE LA CAUSE :



La SELARL de Mandataires Judiciaire [Y] MJ-O prise en la personne de Me [D] [Y] es qualités de mandataire liquidateur de la SARL NORMES HABITAT 44 et de mandataire judiciaire de la SAS PROECOWATT ayant son siège :

[Adresse 11]

[Localité 9]



intimée non constituée



Maître [K] [S], Mandataire Judiciaire es qualités de mandataire liquidateur de la SARL GLOBAL SERVICES ayant son siège :

[Adresse 5]

[Localité 1]



intimé non constitué





AUTRES INTIMÉES et appelantes à titre incident,



Le Centre de Gestion et d'Études AGS (C.G.E.A.) DE [Localité 17] - Délégation régionale AGS, Unité déconcentrée de l'UNEDIC, Association prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 8]



Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES





Le Centre de Gestion et d'Etudes AGS (C.G.E.A.) DE [Localité 16] - Délégation régionale AGS, Unité déconcentrée de l'UNEDIC, Association prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 3]



Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES





INTERVENANT VOLONTAIRE à la cause :



Maître [T] [Z] de la SCP de Mandataires Judiciaires THEVENOT PARTNERS, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SAS PROECOWATT

[Adresse 7]

[Localité 10]



Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Marie-Pascale VALLAIS de la SELARL VALLAIS AVOCAT, Avocat plaidant du Barreau de NANTES





===





Mme [P] [N] a été engagée en contrat à durée indéterminée à compter du 5 octobre 2014 par la SARL GLOBAL SERVICES, en qualité de VRP exclusif, les termes de son contrat de travail faisant également mention d'engagements envers la SARL NORMES HABITAT 44.



Suivant un avenant signé le 1er novembre 2015, le contrat de travail de Mme [P] [N] a été transféré à la SAS PROECOWATT.



Par jugement du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL NORMES HABITAT 44, convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 2 novembre 2016, Me [Y] étant désigné mandataire liquidateur.



Par jugement en date du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS PROECOWATT, Me [T] [Z] étant nommé administrateur judiciaire, Me [Y] étant nommé mandataire judiciaire.



Par jugement du 29 novembre 2016, le tribunal de commerce d'Antibes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL GLOBAL SERVICES, Me [S] étant désigné mandataire liquidateur.



Les salariés de la SAS PROECOWATT ont été placés en chômage partiel du 1er décembre 2016 au 6 avril 2017.



Le 27 juin 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes afin de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et visant une situation de co-emploi, condamner in solidum les sociétés GLOBAL SERVICES, NORMES HABITAT 44 et PROECOWATT à lui verser diverses sommes.



En cours d'instance, le licenciement pour motif économique de Mme [N] lui a été notifié le 30 août 2017.



Un plan de continuation de la SAS PROECOWATT a été adopté par jugement du 31 janvier 2018, Me [Z] étant nommé commissaire à l'exécution du plan.



La cour est saisie d'appels régulièrement formés les 13 et 20 février 2018 par la SAS PROECOWATT et par Mme [N] contre le jugement prononcé le 29 janvier 2018 par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que la SAS PROECOWATT, la SARL GLOBAL SERVICES et la SARL NORMES HABITAT 44 sont responsables in solidum des préjudices de Mme [N],

' Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS PROECOWATT et dit que celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Fixé les créances de Mme [N] à l'encontre du redressement judiciaire de la SAS PROECOWATT et des liquidations judiciaires de la SARL GLOBAL SERVICES et de la SARL NORMES HABITAT 44, aux montants suivants :

- 10.836,55 € net à titre de remboursement de frais professionnels,

- 10.927,02 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.463,51 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 546,35 € brut au titre des congés payés afférents,

- 910,59 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 2.185,40 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Limité l'exécution provisoire à celle de droit et fixé à 1.821,17 € le salaire mensuel moyen de référence,

' Débouté les parties de leurs autres demandes,

' Déclaré le jugement opposable aux CGEA de [Localité 17] et de [Localité 16], mandataires de l'AGS, dans les limites prévues par le code du travail,

' Laissé les dépens à la charge du redressement judiciaire de la SAS PROECOWATT et des liquidations judiciaires des SARL GLOBAL SERVICES et NORMES HABITAT 44.



Vu les écritures notifiées le 19 mars 2018 par voie électronique suivant lesquelles Mme [N] demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a refusé de reconnaître l'existence du travail dissimulé,

' Condamner in solidum les intimés en raison du travail dissimulé,

' Dire que les sociétés défenderesses sont responsables in solidum de son préjudice,

' Fixer sa créance aux sommes suivantes :

- 10.836,55 € net à titre de remboursement de frais professionnels,

- 10.927,02 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6.009,86 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

- 910,59 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 2.185,40 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 10.927,02 € au titre du travail dissimulé,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Vu les écritures notifiées conjointement le 11 mai 2018 par voie électronique suivant lesquelles la SAS PROECOWATT et la SCP THEVENOT PARTNERS prise en la personne de Me [T] [Z], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et :

' Débouter Mme [N] de sa demande de reconnaissance d'une situation de co-emploi entre les sociétés PROECOWATT, GLOBAL SERVICES, et NORMES HABITAT 44,

' Débouter Mme [N] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

' Subsidiairement, dire que cette résiliation prend effet au 30 août 2017, date du licenciement pour motif économique,

' Condamner Mme [N] à payer à la SAS PROECOWATT et la SCP THEVENOT PARTNERS, chacune, la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Vu les écritures notifiées conjointement le 3 septembre 2018 par voie électronique suivant lesquelles les CGEA de [Localité 17] et de [Localité 16] demandent à la cour de :

' Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que les sociétés PROECOWATT, GLOBAL SERVICES, et NORMES HABITAT 44 étaient responsables du préjudice de Madame [N],

' Dire et juger que les créances résultant de la rupture du contrat de travail ne sauraient être garanties par le CGEA de [Localité 17] et le CGEA de [Localité 16],

En toute hypothèse,

' Donner acte à l'AGS de ce qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

' Dire que l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale,

' Dire que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail.



La SELARL [Y] MJ-O prise en la personne de Me [D] [Y], intimée ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS PROECOWATT et de liquidateur judiciaire de la SARL NORMES HABITAT 44, n'a pas constitué avocat.





Me [K] [S] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL GLOBAL SERVICES n'a pas constitué avocat.



L'ordonnance de clôture est datée du 19 mai 2020. Les deux procédures ayant trait au même litige seront jointes.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.






MOTIFS DE LA DÉCISION :



Sur le co-emploi



Pour infirmation de la décision entreprise, la société PROECOWATT et Maître [Z] ès-qualités soutiennent en substance que les activités des sociétés PROECOWATT, Global Services et Normes Habitat 44 sont distinctes ; que la société Normes Habitat 44 est étrangère au litige, Mme [N] n'en ayant jamais été la salariée ; que la société Global Service ne fait pas partie du groupe Probatiso ; que Mme [N] est dans l'impossibilité de démontrer une quelconque immixtion dans la gestion économique et sociale d'une société dans une autre.



Pour confirmation, Mme [N] réplique que le co-emploi est reconnu en cas de confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre plusieurs personnes morales apparemment distinctes; qu'elle a été l'employée conjointement des sociétés Global Services et PROECOWATT ; que M. [H], dirigeant du groupe Probatiso dont la société PROECOWATT est la principale filiale, est le véritable donneur d'ordres représentant l'employeur ; qu'outre l'état de subordination caractérisé, il existe une véritable confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés Global Services, PROECOWATT et Normes Habitat 44 ; que pour toutes ces raisons le co-emploi est manifeste.



Il est constant que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.



En l'espèce, postérieurement à la signature de 'l'avenant'au contrat de travail conclu entre Mme [N] et la société PROECOWATT, aux termes duquel Mme [N] 'salariée de la société Global Services en CDI depuis le 5 octobre 2014 migre vers la société PROECOWATT à compter du 1er novembre 2015" (sic), aucun élément ne permet d'établir l'existence d'un lien de subordination entre la salariée et la société Global Services à compter du 1er novembre 2015.



Selon l'extrait K bis versé au débat, la société Global Services était gérée par M [O] [A] et avait pour activité l'isolation, le calorifugeage et l'étanchéité. La société PROECOWATT est dirigée par M [B] [H]. Spécialisée dans la valorisation de certificats d'économie d'énergie (CEE) et la maîtrise de la consommation énergétique, elle fait partie du groupe Probatiso. Il n'est nullement établi que la société Global Services appartenait également au groupe Probatiso. En tout état de cause, aucun élément du dossier ne caractérise une quelconque confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la société Global Services par la société PROECOWATT. Mme [N] ne produit aucun élément à l'appui de sa demande et procède par simples allégations.



En conséquence, la décision entreprise sera confirmée de ce chef.





Sur le remboursement de frais professionnels



Pour infirmation à ce titre, l'employeur soutient que la salariée n'a produit aucun justificatif de ses frais professionnels à rembourser, qu'elle n'a pas communiqué le détail de son activité commerciale et des kilomètres parcourus pour la période postérieure à octobre 2015, qu'elle omet les primes logistiques versées pour compenser ses frais professionnels et que les pièces communiquées n'apportent pas d'informations suffisantes pour fonder sa demande.



Pour confirmation, Mme [N] fait observer que son contrat de travail prévoit une indemnisation forfaitaire de ses frais, que l'employeur n'a pas respecté ses engagements et que ses frais ne lui ont jamais été remboursés.



Selon l'article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.



En l'espèce, le contrat de travail prévoit l'indemnisation forfaitaire de la salariée pour l'ensemble des frais engagés dans le cadre de son activité.



Mme [N] qui affirme avoir engagé plus de 10.000 € au titre de ses frais professionnels sans être remboursée, vise seulement dans ses écritures un courriel envoyé par elle-même le 31 octobre 2016 à la direction des ressources humaines de la SAS PROECOWATT (pièce n°8 de la salariée), lequel évoque une demande d'indemnités kilométriques au titre des années 2015 et 2016 sans décompte détaillé des déplacements fondant cette demande et sans distinction au titre de l'année 2015 des périodes précédant et suivant le transfert de son contrat de travail à la SAS PROECOWATT.



Cette seule pièce n'est pas suffisante pour justifier la demande de Mme [N] à l'encontre de la contestation formulée par l'employeur faisant valoir que ses frais de déplacement ont été couverts par les 'primes logistiques' mentionnées sur les bulletins de paie en application du principe d'indemnisation forfaitaire prévu au contrat de travail.



Le document intitulé 'Attestation kilométrique 2015" (pièce n°20 de la salariée), retenu par les premiers juges pour faire droit à la demande de Mme [N], n'apporte pas davantage de précisions ; tandis que l'employeur soutient que cette 'attestation' aurait été dictée par Mme [N] et fait observer qu'elle vise pour la plus grande part une période durant laquelle celle-ci n'était pas salariée de la SAS PROECOWATT mais d'une autre société, Mme [N] ne produit dans ses dernières écritures en cause d'appel aucun commentaire relatif à cette pièce.



D'autre part, Mme [N] ne fait aucune mention d'autres frais professionnels réclamés et non remboursés.



La salariée ne démontrant donc pas que des frais professionnels lui resteraient dus, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.





Sur le travail dissimulé



Pour infirmation à ce titre, Mme [N] fait valoir l'absence de déclaration annuelle des données sociales et du paiement des cotisations sociales à l'URSSAF.





Pour confirmation, l'employeur fait observer que le retard de dépôt de ses déclarations sociales s'explique par les erreurs d'une collaboratrice et par les difficultés économiques de l'entreprise, mais a été régularisé avant la saisine de la juridiction prud'homale par Mme [N]. Il soutient que le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi n'est pas caractérisé, surtout dans le contexte des difficultés économiques de la SAS PROECOWATT, laquelle était en état de cessation de paiements depuis le 20 juin 2016.



Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



Selon l'article L.8221-5 du même code en sa rédaction applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.



En l'espèce, Mme [N] a versé aux débats une lettre de l'URSSAF (pièce n°21 de la salariée) indiquant que la SAS PROECOWATT n'a pas établi sa déclaration annuelle des données sociales pour l'année 2015.



Il appert que la SAS PROECOWATT a, à tout le moins, régularisé la situation antérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée. Aucun autre élément du dossier ne permet d'établir que la société a agi de manière intentionnelle.



Pour la période antérieure au 1er novembre 2015, Mme [N] était salariée de la société Global Services. Aucun des éléments du dossier ne permet de caractériser l'intention de ladite société de dissimuler le travail de Mme [N].



Il convient donc de débouter Mme [N] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé. Le jugement sera confirmé à ce titre.





Sur la rupture du contrat de travail



Pour infirmation à ce titre, Mme [N] soutient que les fautes de l'employeur sont à la fois multiples, répétées et d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Outre les faits précédemment évoqués, Mme [N] vise les manquements suivants de l'employeur à ses obligations :

- Des retards de paiement des salaires,

- La modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur,

- L'abus par l'employeur de son pouvoir disciplinaire.



Pour confirmation, l'employeur soutient que Mme [N] procède principalement par affirmations sans apporter d'autres éléments permettant de les étayer et invoque des griefs inexistants. Il ajoute notamment que les retards de paiement des salaires s'expliquant dans le contexte des difficultés économiques de l'entreprise ne caractérisent pas une faute d'une gravité et d'une contemporanéité suffisantes pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.



Par application des articles L.1231-1 et suivants du code du travail, le contrat de travail peut être résilié en cas de manquements graves de l'employeur dans l'exécution de ses obligations, qu'il appartient au salarié de démontrer.



* Quant au retard de paiement des salaires :



A ce titre, Mme [N] fait observer qu'elle a régulièrement été payée avec retard ; que sur 27 mois,10 salaires n'ont pas été payés à temps ; que ces retards lui ont causé un préjudice matériel tenant à des paiements d'agios, ainsi qu'un préjudice moral tenant aux perturbations répétées chaque mois.



L'employeur rétorque que sur la période d'emploi de Mme [N] par la SAS PRECOWATT, quatre versements ont eu lieu peu de temps après le 10 du mois soit les 17 mai 2016, 17 novembre 2016, 15 décembre 2016 et 15 février 2017 et trois versements seulement ont été effectués plus de quinze jours après le 10 du mois en décembre 2015, juillet 2016 et octobre 2016, les autres salaires ayant été versés à la date prévue.



Aux termes du contrat de travail (pièce n°1 de la salariée), les salaires de Mme [N] devaient lui être versés le 10 de chaque mois pour le mois écoulé.



Il n'est pas discuté que cette obligation n'a pas été respectée par l'employeur, certains salaires ayant été versés avec un retard variable.



Mme [N] justifie avoir mis en demeure l'employeur de lui payer à temps son salaire, à deux reprises, en octobre et novembre 2016.



Il résulte bien des pièces versées aux débats par la salariée (n°15 et 16) que sur les six derniers mois précédant sa demande de résiliation judiciaire, Mme [N] a perçu ses salaires avec retard à trois reprises :

- Le 17 novembre 2016 (avec sept jours de retard),

- Le 15 décembre 2016 (avec cinq jours de retard),

- Le 15 février 2017 (avec cinq jours de retard).



Cela étant, outre que les salaires ont été réglés dans leur totalité, Mme [N] produit certes plusieurs relevés bancaires, d'ailleurs presque entièrement biffés (pièce n°15) mais ceux-ci ne permettent pas de caractériser les difficultés financières évoquées par la salariée, moins encore de démontrer une quelconque relation de causalité entre les retards de paiement de certains salaires et le paiement d'agios bancaires.



Il n'est pas fait état d'autre difficulté à cet égard après la saisine du conseil de prud'hommes par Mme [N] et jusqu'à son licenciement prononcé le 30 août 2017.



* Quant à la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur :



A ce titre, Mme [N] reproche à l'employeur d'avoir modifié ses fonctions en dépit de son refus de signer un avenant au contrat de travail en juin 2015.



Il convient de rappeler que celle-ci n'a intégré la SAS PROECOWATT qu'à compter du 1er novembre 2015, par l'effet d'un avenant (pièce n°3 de la salariée) que Mme [N] ne conteste pas avoir personnellement signé à cette même date.



Mme [N] affirme en page 4 de ses écritures que ce transfert lui a été 'imposé' mais ne soutient pas que son consentement aurait été vicié et n'apporte aucune autre précision quant à la modification 'unilatérale' reprochée à l'employeur.



Ce grief n'est donc pas établi.



* Quant à l'abus par l'employeur de son pouvoir disciplinaire :



A ce titre, Mme [N] reproche à la SAS PROECOWATT d'avoir proposé à des salariés une rupture conventionnelle de leur contrat, en juillet 2016 dans le seul but d'échapper à une procédure de licenciement économique, puis d'avoir envisagé à son encontre un licenciement pour motif personnel en octobre 2016, selon elle sans motif réel si ce n'est celui d'exercer une pression.



Au vu des pièces communiquées, il est avéré que Mme [N] a été convoquée à un entretien fixé au 26 juillet 2016 dans le cadre d'un projet de rupture conventionnelle auquel celle-ci n'a pas adhéré (pièces n°4 et 5 de la salariée) ; qu'elle a ensuite reçu une convocation datée du 17 octobre 2016 (pièce n°7) pour un entretien préalable à son éventuel licenciement, le 28 octobre 2016 à l'issue duquel l'employeur lui a notifié, le 24 novembre 2016, sa décision de ne pas la sanctionner, tout en lui demandant 'à l'avenir de respecter les objectifs fixés contractuellement ou par avenant' (pièce n°9).



Cependant, en l'absence d'autres développements ou d'autres pièces justificatives à l'appui de l'affirmation de Mme [N], celle-ci n'apporte aux débats aucun élément de nature à démontrer que ces deux procédures seraient susceptibles de caractériser un comportement fautif de l'employeur dans l'usage de son pouvoir de direction et de sanction, aux dates considérées.



Compte tenu des précédents développements, les griefs formulés par Mme [N] à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ne sont donc pas fondés à l'exception de plusieurs retards de paiement de ses salaires dans les circonstances déjà évoquées.



Etant observé que les salaires ont continué à être réglés à Mme [N], même avec un retard variable comme indiqué plus haut mais qui n'a pas excédé quelques jours dans les six mois précédant la demande de résiliation judiciaire, ces retards de paiement n'ont pas eu pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail de Mme [N].



Dans ces conditions la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [N] n'est pas fondée.



En conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.



Le licenciement pour motif économique n'étant pas autrement discuté, le jugement entrepris sera donc également infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de Mme [N] relatives à la rupture du contrat de travail.





Sur les frais irrépétibles



Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.





***





*

PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,



ORDONNE la jonction des affaires RG n°18/01073 et 18/01243 sous le n°18/01073 ;



INFIRME partiellement le jugement entrepris ;



Statuant à nouveau,



DÉBOUTE Mme [P] [N] de l'ensemble de ses demandes,



CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus



Y ajoutant,



CONDAMNE Mme [P] [N] à verser à la SAS PROECOWATT et la SCP THEVENOT PARTNERS prise en la personne de Me [T] [Z], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan, la somme de 500 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



DÉBOUTE Mme [P] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE Mme [P] [N] aux dépens d'appel.





LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

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