31 janvier 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-13.046

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:CO00150

Titres et sommaires

DOUANES - procédure - frais et dépens - condamnation de l'administration des douanes au paiement des frais d'expertise judiciaire (non)

En vertu de l'article 367 du code des douanes, en matière douanière, en première instance et sur l'appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre. Viole ce texte la cour d'appel qui condamne l'administration des douanes au paiement de frais d'expertise judiciaire

Texte de la décision

COMM.

CGA

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 janvier 2018


Cassation


Mme X..., président


Arrêt n° 150 FS-P+B

Pourvoi n° M 16-13.046



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ le directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [...],

2°/ le directeur régional des douanes et droits indirects de Marseille, domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2015 par la cour d'appel d'[...] chambre B), dans le litige les opposant à la société Arkema France, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 décembre 2017, où étaient présents : Mme X..., président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mmes Darbois, Orsini, Poillot-Peruzzetto, MM. Sémériva, Cayrol, Mme Champalaune, conseillers, M. Contamine, Mmes Tréard, Le Bras, MM. Gauthier, Guerlot, Mme de Cabarrus, conseillers référendaires, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Y..., conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur général des douanes et droits indirects et du directeur régional des douanes et droits indirects de Marseille, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Arkema France, l'avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Arkema France (la société Arkema) produit, sur ses sites industriels de Fos-sur-Mer et de Lavéra, du chlore et de la soude, ainsi que du chlorure de vinyle monomère (CVM), en utilisant du gaz naturel pour lequel elle a acquitté la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) ; que faisant valoir que ce gaz était utilisé à double usage, comme combustible et dans ses procédés de production par électrolyse et réduction chimique, elle a demandé à bénéficier de l'exonération de la taxe ; que l'administration des douanes ayant rejeté sa demande, la société Arkema l'a assignée en remboursement du montant de la TICGN acquittée pour la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2009 ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que l'administration des douanes fait grief à l'arrêt de dire que la société Arkema est fondée à obtenir l'exonération de la TICGN au titre de la réduction chimique pour l'utilisation du gaz naturel dans la production du CVM sur ses sites de Fos-sur-Mer et de Lavéra et de la condamner en conséquence à rembourser à cette société certaines sommes alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 qu'est seul considéré comme employé à un double usage un produit énergétique dont la combustion est une étape nécessaire à sa transformation en vue d'obtenir un autre produit, recherché par l'opérateur, dans le but de l'utiliser et, en particulier, un produit énergétique utilisé pour les besoins d'un procédé de production faisant intervenir une opération de réduction chimique indispensable à l'obtention du produit final recherché, ce dont il résulte que l'utilisation du produit énergétique doit avoir directement pour effet d'obtenir le produit final recherché ; qu'en affirmant que l'exigence en vertu de laquelle l'opération de réduction chimique doit être en lien direct avec une consommation de gaz naturel pour l'obtention du produit final recherché, ajoute au décret du 24 septembre 2008 une condition qui n'y figure pas, la cour d'appel a violé les articles 1 et 2 de ce décret, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce ;

2°/ qu'est seul considéré comme employé à un double usage un produit énergétique dont l'utilisation a directement pour effet d'obtenir le produit final recherché ; qu'en considérant que le gaz naturel employé pour le "cassage" par pyrolyse de la molécule de dichloroéthane était en lien direct avec l'obtention du produit final recherché, au motif inopérant que ce "cassage" présenterait un caractère endothermique ne pouvant être mis en oeuvre sans une source extérieure de chaleur apportée par le gaz naturel, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le "cassage" pour lequel le gaz naturel était utilisé n'avait pas eu pour effet de provoquer des réactions en chaîne aboutissant à la formation de sous-produits et n'avait pas eu ainsi pour effet direct d'obtenir le produit final recherché, c'est-à-dire le CVM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 265 C et 266 quinquies du code des douanes et des articles 1 et 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ressort des articles 1 et 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 pris pour l'application de l'article 265 C du code des douanes que, pour qu'un produit énergétique soit considéré comme étant employé à un double usage, sa combustion doit être une étape nécessaire à sa transformation en vue d'obtenir un autre produit et il doit être utilisé pour les besoins d'un procédé de production faisant intervenir une opération de réduction chimique indispensable à l'obtention du produit final recherché ; que le moyen, qui, en sa première branche, postule qu'il en résulte que l'utilisation du produit énergétique doit avoir directement pour effet d'obtenir le produit final recherché, manque en droit ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que le procédé de production en cause est, selon l'expert judiciaire, une opération de réduction chimique faisant partie intégrante du processus de fabrication du CVM et que la réduction chimique qui se produit lors du crackage du dichloréthane est une opération indispensable à ce processus, ce dont il déduit que le gaz naturel a été employé à un double usage ; qu'en cet état, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche, inopérante, invoquée par la deuxième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 265 C du code des douanes dans sa rédaction applicable, ensemble les articles 1 et 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 ;

Attendu que pour dire que la société Arkema est fondée à obtenir l'exonération de la TICGN payée pour le gaz naturel utilisé pour l'élimination des sous-produits par un traitement thermique des évents et l'usage d'un incinérateur, et condamner l'administration des douanes à lui rembourser certaines sommes à ce titre, l'arrêt retient que, selon l'expert, le traitement d'élimination des sous-produits, le traitement thermique des évents et l'incinérateur font partie intégrante du processus de fabrication et que l'administration des douanes ne produit aucune donnée technique de nature à laisser supposer qu'ils pourraient en être dissociés, en sorte que le gaz naturel employé au cours de cette opération relève de la même exonération ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'opération d'élimination de sous-produits était indispensable à l'obtention du CVM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 265 C du code des douanes dans sa rédaction applicable, ensemble les articles 1 et 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 ;

Attendu que pour dire que la société Arkema est fondée à obtenir l'exonération de la TICGN payée pour le gaz naturel utilisé dans les procédés d'électrolyse sur son site de Fos-sur-Mer, et condamner l'administration des douanes à lui en rembourser le montant, l'arrêt retient que, selon l'expert, la fabrication de la soude s'effectue par électrolyse du chlorure de sodium, la chaleur servant à la fois à assurer le maintien en température des boucles saumure, c'est-à-dire la concentration d'eau de mer, et à concentrer la soude dans le cadre de la cellule électrolytique à diaphragme et à membrane ; qu'il relève que le procédé d'électrolyse est un double usage ouvrant droit à exonération ; qu'il en déduit que le titrage de la soude rentre dans le processus de production du produit final au sens des dispositions législatives et réglementaires ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'opération de titrage était indispensable à l'obtention de la soude par électrolyse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l' article 367 du code des douanes ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, en matière de douanes, en première instance et sur l'appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ;

Qu'en condamnant l'administration des douanes à prendre en charge les frais d'expertise judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects, et le directeur régional des douanes et droits indirects de Marseille

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société ARKEMA FRANCE de ses demandes de remboursement des sommes acquittées au titre de la TICGN pour la période postérieure au 1er avril 2008 et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que la société ARKEMA FRANCE est fondée à obtenir l'exonération de la TICGN au titre de la réduction chimique pour l'utilisation du gaz naturel dans la production du CVM sur ses sites de FOS-SUR-MER et LAVERA et d'AVOIR condamné en conséquence l'administration des douanes à rembourser à la société ARKEMA FRANCE la somme de 1.124.740 euros pour le site de FOS-SUR-MER et celle de euros pour le site de LAVERA ;

AUX MOTIFS QUE le litige devant la Cour ne porte plus que sur la demande de remboursement de la TICGN pour la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2009 ; que l'article 266 quinquies du Code des douanes prévoit l'exonération de la TICGN lorsque le gaz naturel est utilisé à un double usage au sens du 2° du I de l'article 265 C du Code des douanes ; que l'article 265 C I 2° du Code des douanes précise que font l'objet d'un double usage « les combustibles utilisés dans des procédés métallurgiques d'électrolyse ou de réduction chimique » ; que le décret du 24 septembre 2008 dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose : article 1 : « pour l'application du 2° du I de l'article 265 C du code des douanes
un produit énergétique est employé à un double usage lorsqu'à la fois il est utilisé comme combustible et lorsque sa combustion est une étape nécessaire à sa transformation en vue d'obtenir un autre produit recherché par l'opérateur dans le but de l'utiliser », article 2 : « sont considérés comme employés à un double usage au sens de l'article 1er du présent décret les produits énergétiques mentionnés à cet article qui sont utilisés pour les besoins d'un procédé de production faisant intervenir une opération de réduction chimique indispensable à l'obtention du produit final recherché » ; que la réduction est une opération au cours de laquelle une substance perd de l'oxygène ou gagne de l'hydrogène ; que lorsque cette réduction nécessite un apport de chaleur elle est dite endothermique, par opposition au cas où la réduction fournit un apport de chaleur (réduction exothermique) ; que la société ARKEMA FRANCE soutient que le procédé de production intègre une opération de réduction relevant à ce titre de l'exonération ; que Monsieur Z..., expert judiciaire, après avoir précisément décrit les processus chimiques intervenant au cours du processus de fabrication, relate l'utilisation de la chaleur dans les étapes suivantes : la chaufferie qui alimente l'atelier d'électrolyse, l'incinérateur, le cracking CDE (dichloroéthane) en VCM (chlorure de vinyle monomère) et TTE (traitement thermique des évents) ; qu'il conclut que « la réaction principale de transformation du 1,2 dichloroéthane en chlorure de vinyle monomère est une réaction d'oxydo interne donc il y a bien réduction donc nous estimons que ce procédé ainsi que celui du traitement d'élimination des sous produits traitement thermique des évents et incinérateur qui font partie intégrante du processus de fabrication du VCM entrent bien dans la notion de double usage » ; qu'après avoir rappelé que la réduction est gain d'électron, l'expert précise que les électrons ne sont pas libres, « ce qui est donné par un élément est pris par l'autre ce qui conduit à parler d'oxydo réduction », et rappelle encore la difficulté d'identifier l'élément chimique qui est oxydé et celui qui est réduit ; qu'à l'issue d'une démonstration figurant page 19 à 21 de son rapport, il examine le processus et les réactions parasites engendrées et identifie : - des molécules halogénures comme le trichloréthylène perchloroéthanes perchloroétylène et d'autres dérivés chlorés en 4 peuvent être considérés comme obtenues par oxydation du 1,2 dichloroéthane, - des hydrocarbures insaturés comme la butardière dont les degrés d'oxydation des carbones et -2 ou -1 soit 1,5 en moyenne ; qu'il conclut formellement : « comparé à la moyenne des degrés d'oxydation du carbone dans le 1,2 dichloroéthane il y a diminution donc réduction » ; que devant la Cour, l'administration des douanes ne discute plus l'assimilation de réduction et d'oxydo réduction et écrit page 9 de ses conclusions : « en chimie une réaction de réduction chimique s'entend toujours comme réaction d'oxydo réduction », admettant ce faisant nécessairement le caractère erroné du motif retenu par le premier juge ; que l'administration des douanes soutient désormais que le procédé d'oxydo réduction n'est pas en lien direct avec la consommation de gaz et que la réaction c) qui est l'opération de crackage de 1,2 dichloroéthane, est une réaction de pyrolyse qui n'est pas une réaction de réduction chimique ; que cette affirmation n'est confortée par aucun document technique et repose sur une analyse erronée des conclusions de l'expert judiciaire, puisque celui-ci a bien identifié un processus de réduction, confirmant ce faisant les conclusions de l'expert amiable CASTEL qui, dans son rapport daté du 2 novembre 2012, indiquait : « on ne peut considérer que la réaction de décomposition du 1,2 Dichloroéthane (DCE) est une réaction de réduction des radicaux libres chlorés obtenus par action de radicaux libres de chlore sur cette molécule obtenus au cours d'un état transitoire sous l'effet de hautes températures et présence d'un initiateur chloré » ; qu'en conséquence, au vu de ces avis techniques très circonstanciés et concordants, la contestation de l'administration des douanes sera écartée et il sera retenu l'existence d'une opération de « réduction chimique » au sens de l'article 2 du décret du 24 septembre 2008 ; que l'administration des douanes soutient, en second lieu, que l'opération de réduction n'est pas en lien direct avec une consommation de gaz naturel pour l'obtention du produit final recherché ; que cette exigence ajoute au décret une condition qui n'y figure pas ; qu'en tout état de cause et à titre surabondant, l'expert souligne le caractère endothermique de la réaction, ce dont il résulte qu'il ne peut être mis en oeuvre sans une source extérieure de chaleur qui est ici l'énergie apportée par le gaz naturel, ce qui prive de portée l'argumentation de l'administration des douanes ; qu'enfin, l'administration des douanes ne peut utilement inviter à une prise en considération dissociée et fragmentaire de chaque étape ; qu'en effet, il faut et il suffit que l'opération de réduction intervienne pour les besoins du procédé de production et qu'elle soit indispensable à l'obtention du produit final recherché, ce qui est bien le cas en l'espèce puisqu'elle se produit au cours du crackage du dichloroéthane en CVM, opération indispensable dont l'administration des douanes ne peut sérieusement soutenir qu'elle pourrait être exclue du processus de production ; que l'expert relève enfin que le traitement d'élimination des sous produits, traitement thermique des évents et incinérateur, fait partie intégrante du processus de fabrication ; et que l'administration des douanes ne produit aucune donnée technique de nature à laisser supposer qu'il pourrait en être dissocié ; que le gaz naturel employé au cours de cette opération relève de la même exonération ; qu'en conséquence et en l'absence de toute contestation sur le quantum des demandes et au vu des pièces versées aux débats, l'administration des douanes sera condamnée à payer : 1.124.740 euros pour le gaz naturel utilisé dans des procédés de réduction chimique pour le site de FOS-SUR-MER, euros pour le gaz naturel utilisé dans des procédés de réduction chimique pour le site de LAVERA ;

1°) ALORS QU'il résulte du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 qu'est seul considéré comme employé à un double usage un produit énergétique dont la combustion est une étape nécessaire à sa transformation en vue d'obtenir un autre produit, recherché par l'opérateur, dans le but de l'utiliser et, en particulier, un produit énergétique utilisé pour les besoins d'un procédé de production faisant intervenir une opération de réduction chimique indispensable à l'obtention du produit final recherché, ce dont il résulte que l'utilisation du produit énergétique doit avoir directement pour effet d'obtenir le produit final recherché ; qu'en affirmant que l'exigence en vertu de laquelle l'opération de réduction chimique doit être en lien direct avec une consommation de gaz naturel pour l'obtention du produit final recherché, ajoute au décret du 24 septembre 2008 une condition qui n'y figure pas, la Cour d'appel a violé les articles 1er et 2 de ce décret, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce ;

2°) ALORS QU'est seul considéré comme employé à un double usage un produit énergétique dont l'utilisation a directement pour effet d'obtenir le produit final recherché ; qu'en considérant que le gaz naturel employé pour le « cassage » par pyrolyse de la molécule de dichloroéthane était en lien direct avec l'obtention du produit final recherché, au motif inopérant que ce « cassage » présenterait un caractère endothermique ne pouvant être mis en oeuvre sans une source extérieure de chaleur apportée par le gaz naturel, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le « cassage » pour lequel le gaz naturel était utilisé n'avait pas eu pour effet de provoquer des réactions en chaîne aboutissant à la formation de sous produits et n'avait pas eu ainsi pour effet direct d'obtenir le produit final recherché, c'est-à-dire le chlorure de vinyle monomère (CVM), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 265 C et 266 quinquies du Code des douanes et des articles 1er et 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 ;

3°) ALORS QU'est seul considéré comme employé à un double usage un produit énergétique utilisé pour les besoins d'une opération indispensable à l'obtention du produit final recherché ; qu'en affirmant que le gaz naturel utilisé pour l'élimination des sous-produits par un traitement thermique des « évents » et l'usage d'un incinérateur était employé à double usage, au motif inopérant que l'administration des douanes ne produisait aucune donnée technique de nature à laisser supposer qu'une telle élimination pourrait être dissociée du processus de fabrication du chlorure de vinyle monomère (CVM), sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette opération d'élimination de sous-produits était indispensable à l'obtention du CVM, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 265 C et 266 quinquies du Code des douanes et des articles 1er et 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société ARKEMA FRANCE de ses demandes de remboursement des sommes acquittées au titre de la TICGN pour la période postérieure au 1er avril 2008 et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que la société ARKEMA FRANCE est fondée dans sa demande d'exonération de la TICGN payée pour le gaz naturel utilisé dans les procédés d'électrolyse pour le site de FOS-SUR-MER pour la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2009 et d'AVOIR condamné en conséquence l'administration des douanes à rembourser à la société ARKEMA FRANCE la somme de 674.683 euros en ce compris la part saumure de 27.674 euros déjà remboursée ;

AUX MOTIFS QUE l'article 266 quinquies du Code des douanes prévoit l'exonération de la TICGN lorsque le gaz naturel est utilisé à un double usage au sens du 2°du I de l'article 265 C du Code des douanes ; que l'article 265 C I 2° du Code des douanes précise que font l'objet d'un double usage « les combustibles utilisés dans des procédés métallurgiques d'électrolyse ou de réduction chimique » ; que le décret du 24 septembre 2008 dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose : article 1 : « pour l'application du 2° du I de l'article 265 C du code des douanes
un produit énergétique est employé à un double usage lorsqu'à la fois il est utilisé comme combustible et lorsque sa combustion est une étape nécessaire à sa transformation en vue d'obtenir un autre produit recherché par l'opérateur dans le but de l'utiliser », article 2 : « sont considérés comme employés à un double usage au sens de l'article 1er du présent décret les produits énergétiques mentionnés à cet article qui sont utilisés pour les besoins d'un procédé de production faisant intervenir une opération de réduction chimique indispensable à l'obtention du produit final recherché »; qu'en ce qui concerne le processus d'électrolyse, le site de LAVERA n'est pas concerné, car il n'y a pas sur ce site d'utilisation de gaz naturel pour l'électrolyse, la société ARKEMA FRANCE utilisant de la vapeur achetée à un tiers ; que l'administration des douanes conteste l'exonération pour le gaz naturel pour le titrage de la soude sur le site de FOS-SUR-MER ; que la fabrication de la soude s'effectue par électrolyse du chlorure de sodium ; que la chaleur sert à la fois à assurer le maintien en température des boucles saumure (c'est-à-dire la concentration d'eau de mer) et à concentrer la soude dans le cadre de la cellule électrolytique à diaphragme et à membrane (p.36 du rapport) ; que le procédé d'électrolyse est un double usage ouvrant droit à indemnisation ; que le titrage de la soude rentre dans le processus de production du produit final au sens des dispositions législatives et réglementaires rappelées ci dessus ; que cette étape ne saurait donc être exclue ; que le gaz naturel utilisé pour l'électrolyse bénéficie de l'exonération ; qu'en conséquence, au vu des justificatifs produits, la demande de la société ARKEMA FRANCE sera accueillie pour la somme de 674.683 euros, somme non contestée dans son montant au titre du gaz utilisé dans des procédés d'électrolyse pour le site de FOS-SUR-MER ;

ALORS QU'est seul considéré comme employé à un double usage un produit énergétique utilisé pour les besoins d'une opération indispensable à l'obtention du produit final recherché ; qu'en affirmant que le gaz naturel utilisé pour le « titrage » de la soude était employé à double usage, au motif inopérant qu'une telle opération rentrait dans le processus de production de la soude, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette opération de « titrage » était indispensable à l'obtention de la soude par électrolyse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 265 C et 266 quinquies du Code des douanes et des articles 1er et 2 du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé la décision déférée en ce qu'elle avait dit que le coût de l'expertise restera à la charge de la société ARKEMA FRANCE et d'AVOIR condamné l'administration des douanes et droits indirects à supporter la charge des frais d'expertise judiciaire ;

AUX MOTIFS QUE l'instance ne donne pas lieu à dépens ; que l'administration des douanes, partie perdante, sera condamnée à prendre en charge les frais d'expertise judiciaire ;

1°) ALORS QUE l'instruction de première instance et d'appel en matière douanière est faite sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ; qu'en condamnant néanmoins l'administration des douanes à supporter la charge des frais d'expertise judiciaire, la Cour d'appel a violé l'article 367 du Code des douanes ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant dans les motifs de l'arrêt que l'instance ne donnait pas lieu à dépens, tout en condamnant l'administration des douanes, dans le dispositif de sa décision, à supporter la charge des frais d'expertise judiciaire, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

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