13 juillet 2020
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/04734

4e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 JUILLET 2020



N° RG 18/04734

N° Portalis

DBV3-V-B7C-SP2P



AFFAIRE :



[R] [E]



C/

[R] [E]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 4

N° Section :

N° RG : 15/01269



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Valérie

SCHMIERER-LEBRUN



Me Alain CLAVIER





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE TREIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [R] [E]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Valérie SCHMIERER-LEBRUN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 164

Représentant : Me Na-ima OUGOUAG BERBER de la SCP BENICHOU OUGOUAG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0203



Compagnie d'assurances GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE dénomination commerciale de la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentant : Me Valérie SCHMIERER-LEBRUN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 164

Représentant : Me Na-ima OUGOUAG BERBER de la SCP BENICHOU OUGOUAG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0203



Monsieur [O] [H]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Alain CLAVIER de l'ASSOCIATION ALAIN CLAVIER - ISABELLE WALIGORA - AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 - N° du dossier 072525





APPELANTS

****************





Monsieur [R] [E]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Valérie SCHMIERER-LEBRUN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 164

Représentant : Me Na-ima OUGOUAG BERBER de la SCP BENICHOU OUGOUAG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0203



Compagnie d'assurances GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE dénomination commerciale de la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentant : Me Valérie SCHMIERER-LEBRUN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 164

Représentant : Me Na-ima OUGOUAG BERBER de la SCP BENICHOU OUGOUAG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0203













Monsieur [O] [H]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Alain CLAVIER de l'ASSOCIATION ALAIN CLAVIER - ISABELLE WALIGORA - AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 - N° du dossier 072525





SA MAAF ASSURANCES

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représentant : Me Alain CLAVIER de l'ASSOCIATION ALAIN CLAVIER - ISABELLE WALIGORA - AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 - N° du dossier 072525





INTIMES





****************



L'affaire était fixée à l'audience du 18 Mai 2020, devant la cour composée de :



Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU-DURAND, Conseillère,

Madame Marie-Pierre BAGNERIS, Conseillère,



qui en ont délibéré,



En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience.



Les parties en ont été avisées par le greffe le 30/04/2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans le délai de quinze jours.



Greffier : Madame Sabine NOLIN




FAITS ET PROCEDURE :



Mme [C] est propriétaire d'un chalet en bois sur un terrain situé au [Adresse 5]). M. [H] est propriétaire du terrain voisin situé aux numéros 4 à 10 de la même rue.



M. [H], envisageant de faire construire une ou deux maisons individuelles sur sa parcelle, a confié à M. [E] la réalisation de travaux d'aménagement et de terrassement du terrain.



Lors de ces travaux qui ont débuté en janvier 2007, un glissement de terrain est survenu, affectant le terrain de Mme [C] et celui de M. [H].



Par ordonnance de référé du 12 juillet 2007, Mme [C] a obtenu la désignation d'un expert judiciaire. Une ordonnance de référé du 24 avril 2008 a étendu la mission de l'expert à l'examen des désordres affectant les parcelles de M. [H]. Une ordonnance de référé du 11 mai 2010 a rendu les opérations d'expertise communes à M. [Y], architecte.



Par assignation des 19, 25 et 29 novembre 2010, Mme [C] a fait citer M. [H] et son assureur la société Mutuelle d'assurance des artisans de France Assurances (ci-après 'la MAAF'), M. [E] et son assureur la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire exerçant sous la dénomination commerciale Groupama, ainsi que M. [Y] aux fins de se voir indemniser de ses préjudices.



L'expert, M. [Z], a déposé son rapport le 30 avril 2014.





Par jugement contradictoire du 14 juin 2018, le tribunal de grande instance de Versailles a :



- Déclaré irrecevables les exceptions de péremption d'instance et de prescription soulevées par M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire,



- Déclaré irrecevable car prescrite l'action de M. [H] à l'encontre de M. [E] et de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire,



- Déclaré M. [E] seul et entièrement responsable des préjudices subis par Mme [C],



- Condamné solidairement M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire ' celle-ci dans les conditions et limites de sa police d'assurance ' à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

- 662 028,01 euros TTC au titre du coût de la remise en état et de réparation pour les parcelles de terrain de Mme [C],

- 5 000 euros au titre de l'entretien annuel des drains sur 20 ans,

- 413 958,49 euros TTC au titre des travaux sur le soubassement du chalet, la réfection du muret en jardin, aux travaux de confortement du mur situé en limite ouest du terrain le long de la [Adresse 11],

- 35 445,84 euros TTC au titre des travaux de consolidation de la fondation du chalet appartenant à Mme [C],

- 68 253 euros TTC au titre des ouvrages d'accès à la parcelle AL[Cadastre 1],

- 15 000,00 euros au titre du préjudice de jouissance,avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,



- Condamné solidairement M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire à payer à Mme [C] la somme de 50 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamné Mme [C] à payer :

à M. [H] une somme de 6 000,00 euros,

à M. [Y] une somme de 2 500,00 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,



- Rejeté les demandes de Mme [C] pour le surplus,



- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,



- Condamné solidairement M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire aux dépens,



- Autorisé Me de la Ferte, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.



Par jugement rectificatif contradictoire du 10 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Versailles a :



- Rectifié de la façon suivante le jugement rendu le 14 juin 2018 n° RG 15/01269,



- Remplacé, en page 7 du jugement, le paragraphe 4 ainsi libellé :

"M. [H] se fonde sur l'article 1792-4-3 du code civil qui dispose que, "en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux",



par le paragraphe suivant :

"M. [H] et la MAAF se fondent sur l'article 1792-4-3 du code civil qui dispose que, "en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux",



- Remplacé, en page 7 du jugement, le paragraphe 10 ainsi libellé :

"Il est constant que M. [H] n'a diligenté aucun acte interruptif de prescription à l'égard de M. [E] et de Groupama Paris Val de Loire entre l'ordonnance de référé du 24 avril 2008 et l'assignation du 18 janvier 2017. Son action est en conséquence prescrite à l'égard de M. [E] et de Groupama",



par le paragraphe suivant :

"Il est constant que M. [H] n'a diligenté aucun acte interruptif de prescription à l'égard de M. [E] et de Groupama Paris Val de Loire entre l'ordonnance de référé du 24 avril 2008 et l'assignation du 18 janvier 2017. Son action et celle de la MAAF sont en conséquence prescrites à l'égard de M. [E] et de Groupama",



- Remplacé, en page 10, le paragraphe 3 du dispositif du jugement ainsi libellé :

"Déclare irrecevable car prescrite l'action de M. [H] à l'encontre de M. [E] et de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire",



par le paragraphe suivant :

"Déclare irrecevables car prescrites l'action de M. [H] et de la société MAAF à l'encontre de M. [E] et de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire",



- Dit que les dépens afférent au présent jugement seront à la charge du Trésor Public.



Par déclaration reçue au greffe le 4 juillet 2018 (RG N°18/04734), M. [H] a interjeté appel du jugement du 14 juin 2018 à l'encontre de M. [E] et de la société d'assurances Groupama Paris Val de Loire.



Par déclaration reçue au greffe le 24 juillet 2018 (RG N°18/05354), M. [E] et la compagnie d'assurances Groupama Paris Val de Loire ont interjeté appel de ces décisions à l'encontre de M. [H] et de la MAAF Assurances.



Par ordonnance de jonction du 5 février 2019, le magistrat chargé de la mise en état de la 4e chambre de la cour d'appel de Versailles a joint ces procédures et dit qu'elles seront suivies sous le n° 18/4734.



Par leurs dernières conclusions du 10 mai 2019, M. [H] et la MAAF Assurances invitent cette cour à :



Sur l'appel de la société Groupama et de M. [E] :



- Les déclarer recevables en leur appel,



- Déclarer leur demande en garantie élevée à l'encontre de M. [H] irrecevable car prescrite,



- Au fond, les y dire non fondés ; les en débouter de toutes fins qu'il comporte et confirmer le jugement sur les chefs qu'ils critiquent,



Sur l'appel de M. [H] :



- Déclarer M. [H] recevable et fondé en son appel,



Y faisant droit, réformer le jugement en son chef entrepris et, statuant à nouveau :



- Déclarer M. [H] recevable et fondé en son action indemnitaire à l'encontre des intimés,



- Déclarer M. [E] seul et entièrement responsable du sinistre ayant affecté le terrain du concluant aux mois de janvier et février 2007,



- Condamner in solidum M. [E] et son assureur la société Groupama à payer à M. [H] les sommes ci-dessus définies de :

stabilisation terrain : 735 466,17 euros,

stabilisation accès : 142 408,62 euros,

frais induits : 56 500,00 euros,

prestations complémentaires : 13 000,00 euros,

préjudices immatériels : 338 808,40 euros,

lesquelles sommes seront indexées sur l'indice BT01 du bâtiment entre le mois de décembre 2013 et le jour de la décision à intervenir, pour porter intérêts postérieurement avec anatocisme si elles venaient à rester dues pour une année entière,



- Condamner les intimés à verser à M. [H] une somme de 35 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront ceux de référé et d'expertise, dont distraction, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile, au profit des avocats constitués.



Par leurs dernières conclusions du 15 avril 2019, M. [E] et la compagnie Groupama Paris Val de Loire invitent cette cour, au visa des articles 1134 ancien, 1792 et 2224 du code civil et de l'article L 121-12 du code des assurances, à :



- Les recevoir en leurs conclusions et en leur appel, et les y déclarer bien fondés,



Vu l'article 2224 du code civil,



- Confirmer le jugement de la 4ème chambre civile du tribunal de grande instance de Versailles du 14 juin 2018, rectifié par une décision du 10 juillet 2018, en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de M. [H], et l'a en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes,



- Et les recevant en leur appel,



- Infirmer le jugement de la 4ème chambre civile du tribunal de grande instance de Versailles du 14 juin 2018, rectifié par une décision du 10 juillet 2018 en ce qu'il a retenu la responsabilité exclusive de M. [E] dans la survenance des désordres litigieux, et l'a condamné solidairement avec son assureur la compagnie Groupama Paris Val de Loire au paiement de la réparation du préjudice subi par Mme [C], soit la somme totale de 1 289 711,69 euros,



- Voir retenir la responsabilité de M. [H] à concurrence de 50% dans la survenance des sinistres litigieux,



- Condamner M. [H] in solidum avec son assureur la compagnie MAAF Assurances, à payer à titre de remboursement au profit de la compagnie Groupama Paris Val de Loire dénomination commerciale de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire en sa qualité de subrogée dans les droits de son assuré, la somme de 644 855,85 euros correspondant à 50% des condamnations dont elle s'est acquittée au profit de Mme [C], en exécution du jugement du 14 juin 2018 aujourd'hui définitif,



- Voir dire et juger l'appel de M. [H] et de la MAAF Assurances mal fondé et le rejeter,



A titre subsidiaire,



Vu l'article 1134 ancien du code civil et l'article L 121-12 du code des assurances,

Vu l'article 1792 du code civil,



- Voir dire et juger M. [H] et son assureur la compagnie MAAF Assurances tant irrecevables que mal fondés en leur appel en garantie à leur égard, en application des dispositions de l'article 1792 du code civil,



- Voir dès lors rejeter l'intégralité des demandes indemnitaires formulées par M. [H],



- Déclarer M. [H] tant irrecevable que mal fondé en ses demandes d'indemnisations au titre des préjudices invoqués à titre personnel,



A titre infiniment plus subsidiaire,



- Voir réduire dans de plus justes proportions, comme précisé ci-dessus, les préjudices allégués invoqués par M. [H] dans l'hypothèse où par extraordinaire la cour le déclarerait non prescrit et recevable en ses demandes,



- Voir dire et juger en tout état de cause et à titre infiniment plus subsidiaire, que la responsabilité de M. [E] dans la survenance du sinistre litigieux ne saurait excéder la proportion de 50%,



- Voir juger que la garantie de la compagnie Groupama Paris Val de Loire ne saurait excéder ses obligations contractuelles, soit le plafond de garantie de 1 712 988 euros,



- Voir condamner M. [H] in solidum avec son assureur la compagnie MAAF Assurances au paiement d'une indemnité de 35 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant 50% du coût des opérations d'expertise, dont distraction est requise au profit de Me Pinard pour ceux avancés par lui dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.



La clôture de l'instruction a été ordonnée le 18 mai 2020.






SUR CE





Sur les limites de l'appel



Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les exceptions de péremption d'instance et de prescription soulevées par M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire à l'encontre de Mme [C].



Il n'est pas non plus critiqué en ce qu'il a fixé à la somme de 1 289 711,69 euros les condamnations au profit de Mme [C].



Du reste, Mme [C] n'a pas été intimée.





Ces dispositions sont donc devenues irrévocables.





Sur la prescription de l'action de M. [H] à l'encontre de M. [E]



M. [H] poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déclaré irrecevable à agir, pour cause de prescription, à l'égard de M. [E] et de son assureur.



Il soutient que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il était bien lié à M. [E] par un contrat de louage d'ouvrage visé aux articles 1792 et 1792-1 du code civil, que les travaux commandés étaient constitutifs d'un ouvrage et que son action en responsabilité se prescrivait donc par 10 ans et non par 5 ans, le délai de l'article 2224 du code civil n'étant pas applicable.



Il ajoute que si la prescription décennale devait être écartée, la prescription quinquennale qui s'appliquerait alors a de toutes façons été interrompue par la mise en cause, par ordonnance de référé du 11 mai 2010, de l'architecte du projet, M. [Y], à la procédure d'expertise en cours et qu'ayant conclu le 4 mai 2015, aucune prescription ne peut lui être opposée.



M. [E] conclut à la confirmation du jugement, estimant que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les travaux commandés portaient exclusivement sur un terrassement et n'étaient pas constitutifs d'un ouvrage au sens des articles 1792 et 1792-1 du code civil. Il dénie par ailleurs tout effet interruptif de la prescription à la mise en cause de l'architecte au cours des opérations d'expertise.





En application de l'article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur de l'ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou toute autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage.



Le tribunal a estimé que le contrat liant les parties n'était pas un contrat de louage d'ouvrage mais un contrat de prestations de services. Il en a déduit que l'action en responsabilité découlant de ce contrat était soumise à la prescription quinquennale de droit commun et non à la prescription décennale prévue à l'article 1792-4-3 du code civil.



Cependant, au delà de la qualification du contrat, le critère premier de l'application de la prescription/garantie décennale est l'existence d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.



Il est donc nécessaire, pour déterminer la prescription applicable aux demandes formées par M. [H], de dire si les travaux effectués par M. [E] sont ou non constitutifs d'un ouvrage.









Sur la nature des travaux confiés à M. [E]



Les travaux litigieux ont fait l'objet d'un devis du 7 décembre 2006, dont le tribunal a relevé qu'il n'avait pas été produit.



Ce devis est versé au débat devant la cour et il en ressort qu'ont été confiés à M. [E] les travaux suivants :



1- Arrachage des souches

2- Terrassement de 2 trous, enfouissement des souches

3- Terrassement côté voisin jusqu'à la dilatation

4- Démolition d'une partie du mur d'entrée pour l'accès de chantier

5- Accès chantier : décapage de la terre sur 0,25m terre laissé sur place, fourniture et mise en place de matériaux de blocage avec des matériaux plus fins sur le dessus type score- grave,



8- Terrassement planimétriques de la 1ère plate forme

9- Terrassement pleine masse de la 2ème plate-forme,

10-Terrassement planimétrique de la 3ème plate-forme



Le devis prévoyait également :



6- En tranchée de la maison à la limite de propriété fourniture et pose de : 1 tuyau d'eau 19/25, 1 fourreau gaz, 1 fiurreau EDF daim 75, 1 fourreau EDF téléreport, 3 fourreaux diam 40 (sonnette, portail automatique, éclairage extérieur)



7- En tranchée fourniture et pose 2 tuyeaux PVC diam 100 série assainissement pour l'écoulement des eaux pluviales



Cependant, ces deux postes du devis ont été rayés et au dos du devis figure la mention manuscrite suivante : ' Bon pour accord sous réserve d'annulation des points 6 et 7 ".



Il ressort ainsi du devis que les travaux confiés à M. [E] étaient des travaux de simple terrassement et aménagement du terrain, ce qui est confirmé par le rapport d'expertise qui ne parle que de terrassement en évoquant les travaux de M. [E].



Les travaux de viabilisation qui étaient de nature à entraîner la garantie décennale, n'ont finalement pas été confiés à M. [E] et ils ont été réalisés par la société SCMB.



C'est sans fondement et sans motiver autrement que M. [H] affirme, de façon péremptoire, qu'il est acquis que l'exécutant du lot terrassement d'une opération de construction est nécessairement qualifié de constructeur au sens des articles 1792 et suivants du code civil.



C'est au contraire à bon droit que les premiers juges ont rappelé, au visa d'un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2002, que les terrassements ne peuvent être constitutifs d'un ouvrage que s'ils incorporent des matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction.



M. [E] ne démontre pas en quoi les travaux qu'il a réalisés répondent à ces critères, étant rappelé que les travaux de viabilisation du terrain ont finalement été réalisés par une autre entreprise.



Il ne démontre pas non plus que l'ampleur des travaux réalisés permettrait de retenir la qualification d'ouvrage, alors que tel était manifestement le critère retenu dans les arrêts de la Cour de cassation cités par M. [H] pour contredire l'arrêt du 12 juin 2002.



C'est toujours en vain que M. [H] souligne que M. [E] avait connaissance du projet de construction, cette connaissance n'étant pas de nature à modifier la qualification des travaux.



Enfin, il ne démontre pas non plus que les travaux litigieux se seraient intégrés dans un ouvrage de construction, permettant en raison de leur intégration, de les qualifier d'ouvrage. En tout état de cause , le glissement de terrain s'est produit avant l'élévation de l'immeuble, de telle sorte qu'aucune intégration ne peut être utilement alléguée.



Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a décidé que les demandes présentées par M. [H] à M. [E] étaient soumises à la prescription de droit commun de cinq ans.





Sur l'interruption de la prescription



M. [H] soutient que, dans le cas où la prescription quinquennale serait retenue, elle aurait été interrompue par l'ordonnance de référé du 11mai 2010 ayant déclaré l'expertise commune à l'architecte du projet, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation.



Cependant, ainsi que le souligne très justement M. [E], les décisions de jurisprudence visées par M. [H] concernaient des cas d'extension de la mission de l'expert, pour lesquels la Cour de cassation a estimé qu'elle interrompait la prescription à l'égard de toutes les parties présentes à la procédure.



L'attendu récurrent adopté par la Cour de cassation est le suivant (souligné par la cour) 'toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties'.



Or le fait de déclarer une expertise commune à une nouvelle partie ne modifie nullement la mission d'expertise.



L'assignation en référé en vue de rendre l'expertise commune à l'architecte constitue effectivement une citation en justice, mais elle n'a d'effet interruptif qu'à l'encontre de la partie assignée, en l'espèce M. [Y].



M. [E] ne démontrant pas avoir accompli un acte interruptif de prescription à l'égard de M. [E] depuis le 3 avril 2008, date des conclusions qu'il a déposées dans le cadre de la procédure de référé engagée par Mme [C], est prescrit en ses demandes formées à l'encontre de ce dernier.



Le jugement sera confirmé sur ce point.



Sur le partage de responsabilité sollicité par M. [E]



Le tribunal, estimant qu'aucun élément ne permettait d'engager la responsabilité de M. [H], a rejeté les demandes de Mme [C] à son encontre ainsi la demande de partage de responsabilité formée par M. [E].



M. [E] et son assureur soutiennent qu'au contraire M. [H] a manqué à son devoir d'information pré-contractuelle en ne remettant pas les résultats des deux études de sol qu'il a avait fait réaliser en 2004 et qu'il a délibérément accepté les risques. Ils font également valoir que M. [H] a remis des plans laissant croire qu'il était propriétaire de la totalité du terrain, alors qu'en réalité Mme [C] en possédait une partie, ce qui a conduit M. [E] à intervenir sur le terrain de cette dernière sans aucune autorisation de sa part.



M. [H] et son assureur sollicitent la confirmation du jugement. Ils soutiennent tout d'abord que l'appel en garantie exercé par M. [E] et son assureur est prescrit pour ne pas avoir été formalisée dans les cinq ans de l'assignation délivrée à leur encontre par Mme [C]. Ils font valoir ensuite que M. [H] ne saurait être considéré comme ayant exercé les fonctions de maîtrise d'oeuvre ou comme s'étant immiscé dans la réalisation des travaux de construction, pas plus qu'il aurait accepté les risques puisqu'il ignorait leur existence. Ils soutiennent enfin que les fautes commises par M. [E], qui a procédé à des travaux de terrassement en période humide et sur un terrain présentant une pente importante sans se préoccuper de la nature du terrain, sont les causes directes et uniques du glissement de terrain.



Sur la prescription de l'appel en garantie



M. [E] et son assureur ont réglé à Mme [C] l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre par le jugement, lequel était revêtu de l'exécution provisoire.



Estimant que M. [H] est responsable à 50% des désordres survenus, ils demandent à la cour de le condamner, in solidum avec son assureur, à leur rembourser la moitié des ces condamnations, soit la somme de 644 855,85 euros.



M. [H] affirme, au visa de l'article 2224 du code civil, que M. [E] serait prescrit en sa demande car, s'agissant d'un appel en garantie, il aurait dû être formé dans les cinq ans de l'assignation principale, à savoir celle délivrée par Mme [C] en novembre 2010.



Cependant, il convient de constater que M. [E] poursuit en réalité l'infirmation de la disposition du jugement qu'il l'a déclaré entièrement responsable des désordres survenus à l'occasion de ses travaux et demande à la cour d'opérer un partage de responsabilité à parts égales avec M. [H].



Il n'exerce donc pas à proprement parler un appel en garantie. En outre un tel appel en garantie impliquerait que M. [E] reconnaît être responsable à part entière envers Mme [C] alors qu'au contraire il recherche un partage de responsabilité.



A supposer que l'on puisse considérer que la demande en remboursement soit constitutive d'un appel en garantie, la prescription ne pourrait en tout état de cause commencer à courir qu'à compter de la date du jugement, puisque c'est bien la condamnation prononcée qui fonde l'appel en garantie.



M. [E] et son assureur seront donc déclarés recevables en leurs demandes dirigées à l'encontre de M. [H] et de son assureur.





Sur le fond du partage de responsabilité



M. [E] poursuit l'infirmation du jugement qui l'a déclaré entièrement responsable, en soutenant que M. [H] a commis une faute en ne lui communiquant pas le résultat des deux études de sol qu'il a fait réaliser en 2004 et qui attiraient son attention sur les spécificités de la nature du sol et la complexité des travaux notamment de terrassement qui en découlait. Il poursuit en affirmant que constitue également une faute de sa part le fait de ne pas lui avoir remis un plan du terrain postérieur à sa division, ce qui l'a amené à intervenir sur le terrain de Mme [C] sans autorisation préalable de sa part. Enfin, il souligne que la deuxième étude de sol réalisée pour le compte de M. [H] révélait que les travaux de terrassement devaient être réalisés en période sèche, ce qu'il ignorait puisque M. [E] a caché les résultats de cette étude de sol.



Il ressort des écritures de M. [E] que celui ci développe exactement les mêmes moyens devant la cour que ceux avancés devant le tribunal et auxquels il a été répondu de façon pertinente et circonstanciée. Il n'apporte aucun élément nouveau permettant de remettre en cause l'appréciation des premiers juges, qui sera en conséquence confirmée.



Il sera seulement ajouté que M. [E] a accepté les travaux qui lui étaient demandés sans solliciter de la part de son client davantage de renseignements ou sans prendre de précautions particulières, alors pourtant que le terrain présentait une déclivité particulièrement importante, ce qui aurait pu l'alerter. Il lui appartenait le cas échéant, en tant que professionnel, de conseiller à M. [H], profane, de faire réaliser au préalable une étude du sol afin de s'assurer de l'absence de tout risque à réaliser des travaux de terrassement.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré M. [E] entièrement responsable des désordres survenus à la suite de ses travaux et en ce qu'il a condamné solidairement M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire ' celle-ci dans les conditions et limites de sa police d'assurance ' à payer à Mme [C] la somme de totale de 1 289 711,69 euros.



La cour déboutera par conséquent M. [E] et son assureur de leur demande en remboursement de la somme de 644 855,85 euros.





Sur les demandes accessoires



Le sens du présent arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives au frais irrépétibles et aux dépens.



L'équité commande de condamner in solidum M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire à payer à M. [H] et la société MAAF Assurances la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire supporteront les dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Statuant contradictoirement, dans les limites de l'appel,



Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Déclare M [E] et la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire recevables en leur demande de remboursement de la moitié des sommes versées à Mme [C],







Déboute M [E] et la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire de leur demande de remboursement de la moitié des sommes versées à Mme [C],



Condamne in solidum M [E] et la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire à payer à M. [H] et la société MAAF Assurances la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Condamne in solidum M. [E] et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire aux dépens qui pourront être recouvrés directement, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Anna MANES, Présidente et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier,La présidente,

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