7 février 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-10.818

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C100154

Titres et sommaires

SUCCESSION - passif - dettes - obligation à la dette successorale - décharge - condition - dette née avant la succession - caractérisation - défaut - applications diverses

La décharge prévue à l'article 786, alinéa 2, du code civil, ne s'applique qu'aux dettes successorales, nées avant le décès et qui sont le fait du défunt. Les sommes servies au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, qui peuvent être récupérées après le décès du bénéficiaire sur une fraction de l'actif net, en application de l'article L. 815-13 du code de la sécurité sociale, ne constituent pas des dettes successorales mais des charges de la succession, nées après le décès de l'allocataire. Ainsi, l'article 786, alinéa 2, du code civil n'est pas applicable à la récupération exercée par une caisse de retraite sur l'actif net de la succession d'un bénéficiaire de l'allocation de solidarité aux personnes âgées

Texte de la décision

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 février 2018




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 154 FS-P+B+I

Pourvoi n° K 17-10.818

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2016.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Paule X..., domiciliée [...],

contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2015 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre civile), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre, dont le siège est [...],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, M. Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, M. Roth, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, conseillers référendaires, Mme Y..., avocat général référendaire, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme X..., l'avis de Mme Y..., avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 novembre 2015), que le juge des tutelles a autorisé le tuteur de Pierre X... à placer, sur un contrat d'assurance sur la vie, le prix de vente d'un immeuble ; que Pierre X... est décédé le [...], laissant pour lui succéder quatre enfants, qui ont reçu, courant 2009, leur quote-part du capital de l'assurance sur la vie ; que, Pierre X... ayant bénéficié d'une allocation de solidarité aux personnes âgées de 1987 jusqu'à son décès, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre (la CARSAT) a demandé aux héritiers, notamment à Mme X..., par lettre du 18 octobre 2010, la récupération des sommes servies au défunt sur l'actif de la succession ; que cette dernière a contesté la demande devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, que lorsque la souscription d'un contrat d'assurance-vie et les primes versées à ce titre ont fait l'objet d'une autorisation du juge des tutelles, qui les a estimées conformes aux intérêts du majeur protégé, ces primes ne peuvent jamais être considérées comme manifestement exagérées et souscrites en fraude des droits des créanciers ; qu'en considérant que Mme X... ne pouvait pas s'opposer à la réintégration des primes en invoquant l'autorisation donnée par le juge des tutelles à la souscription de l'assurance-vie, la cour d'appel a violé l'article L. 132-13 du code des assurances ;

Mais attendu que l'autorisation donnée par le juge des tutelles à un tuteur de placer, sur un contrat d'assurance sur la vie, des capitaux revenant à un majeur protégé, ne prive pas les créanciers du droit qu'ils tiennent de l'article L. 132-13 du code des assurances de revendiquer la réintégration, à l'actif de la succession, des primes versées par le souscripteur qui sont manifestement excessives au regard de ses facultés ;

Et attendu que l'arrêt relève que l'autorisation du juge résulte de la nécessité d'assurer la gestion des ressources du majeur protégé en permettant au tuteur, soit de procéder au placement des fonds, ouvrant ainsi à la CARSAT la possibilité de récupérer les sommes versées au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, après le décès, dans les conditions fixées à l'article L. 815-13 du code de la sécurité sociale, soit d'affecter les fonds à l'entretien du majeur protégé, renonçant ainsi au bénéfice de cette allocation ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'autorisation judiciaire du placement ne faisait pas obstacle à la demande en réintégration à l'actif successoral des primes manifestement excessives au regard des très faibles ressources de Pierre X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu que Mme X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'héritier acceptant purement et simplement peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation lorsque l'acquittement de cette dette aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel, l'endettement devant s'apprécier à la date à laquelle le juge statue ; qu'en se fondant sur la circonstance que le paiement de la somme de 11 533,13 euros ne conduisait qu'à la restitution par Mme X... de la somme perçue le 23 avril 2009, correspondant à sa quote-part dans l'assurance-vie litigieuse sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme X... n'était pas dans l'incapacité, au jour de l'arrêt, de rembourser la somme de 11 533 euros, étant âgée de plus de 60 ans et bénéficiaire du revenu de solidarité active, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 786 du code civil ;

Mais attendu que la décharge prévue à l'article 786, alinéa 2, du code civil ne s'applique qu'aux dettes successorales, nées avant le décès et qui sont le fait du défunt ; que les sommes servies au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, qui peuvent être récupérées après le décès du bénéficiaire sur une fraction de l'actif net, en application de l'article L. 815-13 du code de la sécurité sociale, ne constituent pas des dettes successorales mais des charges de la succession, nées après le décès de l'allocataire ; que, la cour d'appel ayant relevé que la CARSAT avait demandé aux héritiers la récupération des sommes servies à Pierre X... au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, dans les conditions fixées par ce texte, il en résulte que l'article 786, alinéa 2, du code civil n'était pas applicable ; que, par ce motif de pur droit substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme Paule X... à rembourser à la CARSAT du Centre une somme de 11 533,13 euros correspondant au montant de sa quote-part héréditaire ;

Aux motifs qu'il ressort des dispositions des articles L. 815-9 et R. 815-25 du code de la sécurité sociale, que le bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées est soumis à un plafond de ressources ; que les biens immobiliers sont réputés procurer un revenu évalué à 3 % de leur valeur vénale ; qu'en outre, en application de l'article L. 815-13 du même code, les sommes servies au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées sont récupérées après le décès du bénéficiaire sur la fraction de l'actif net qui excède la somme de 39 000 euros ; qu'enfin, l'article L. 132-13 alinéa 2 du code des assurances autorise le recours des créanciers sur le capital versé au titre de l'assurance-vie lorsque les primes sont manifestement exagérées au regard des facultés contributives du souscripteur ; qu'en l'espèce, M. X... s'est vu reconnaître le 1er mars 1987 une allocation de solidarité aux personnes âgées, en considération de ses ressources qui, à la date de la souscription de l'assurance-vie, en février 2003, étaient inférieures au plafond de 591,89 euros par mois ; que suite à la vente de sa maison d'habitation, les fonds ont été placés sur un contrat d'assurance-vie suivant autorisation du juge des tutelles de [...]du 20 février 2003 ; que la Carsat justifie avoir versé au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, la somme de 50 606,77 euros alors que les primes d'assurance-vie se sont élevées à 46 000 euros au total ; que ce montant apparaît manifestement exagéré au regard des facultés contributives de M. X... qui percevait une allocation mensuelle de 220,27 euros à la date de la souscription de l'assurance-vie ; que la Carsat est donc en droit de solliciter la réintégration des primes comme l'y autorise l'article L. 132-13 alinéa 2 du code des assurances ; que Mme Paule X... ne peut pas s'opposer à cette réintégration au motif que la souscription de l'assurance-vie a été autorisée par le juge des tutelles ; qu'en effet, cette autorisation résulte de l'obligation d'assurer la gestion des ressources du majeur protégé, obligation qui incombait à l'UDAF en sa qualité de tuteur, et qui la conduisait, soit à procéder au placement du produit de la vente, soit à renoncer au bénéfice de l'allocation versée par la Carsat, ce qui en définitive aboutissait à une situation identique, la Carsat se révélant créancière des sommes versées, avec possibilité de récupération dans les conditions fixées par l'article L. 815-13 du code de la sécurité sociale ; qu'il s'ensuit que la réintégration est justifiée, Mme X... devant verser à la CARSAT en fonction de sa quote-part à la succession de M. X... la somme de 11 513,13 euros, le calcul de ces quotes-parts ne faisant pas l'objet d'une contestation ; que par ailleurs, Mme X... qui réclame le bénéfice de l'article 786 du code civil n'établit pas que le paiement de la créance de la Carsat a pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel ; qu'en effet, il résulte de ses propres pièces qu'elle a reçu du notaire, le 23 avril 2009, un chèque de 12 909,28 euros correspondant à sa quote-part dans l'assurance-vie après déduction des frais d'acte, qui conduit à une restitution des sommes souscrites à ce titre, et non pas à un appauvrissement de son patrimoine personnel ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement du 19 février 2014 sera confirmé ;

Alors 1°) que lorsque la souscription d'un contrat d'assurance-vie et les primes versées à ce titre ont fait l'objet d'une autorisation du juge des tutelles, qui les a estimées conformes aux intérêts du majeur protégé, ces primes ne peuvent jamais être considérées comme manifestement exagérées et souscrites en fraude des droits des créanciers ; qu'en considérant que Mme X... ne pouvait pas s'opposer à la réintégration des primes en invoquant l'autorisation donnée par le juge des tutelles à la souscription de l'assurance-vie, la cour d'appel a violé l'article L. 132-13 du code des assurances ;

Alors 2°) que l'héritier acceptant purement et simplement peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation, lorsque l'acquittement de cette dette aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel, l'endettement devant s'apprécier à la date à laquelle le juge statue ; qu'en se fondant sur la circonstance que le paiement de la somme de 11 533,13 euros ne conduisait qu'à la restitution par Mme X... de la somme perçue le 23 avril 2009, correspondant à sa quote-part dans l'assurance-vie litigieuse sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme X... n'était pas dans l'incapacité, au jour de l'arrêt, de rembourser la somme de 11 533 euros, étant âgée de plus de soixante ans et bénéficiaire du revenu de solidarité active, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 786 du code civil.

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