14 mars 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-16.482

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C100286

Titres et sommaires

MARIAGE - effets - logement de la famille - disposition - concours nécessaire des deux époux - article 215, alinéa 3, du code civil - application - appartement appartenant à une société civile immobilière dont l'un des époux est associé

Si l'article 215, alinéa 3, du code civil, qui a pour objectif la protection du logement familial, subordonne au consentement des deux époux les actes de disposition portant sur les droits par lesquels ce logement est assuré, c'est à la condition, lorsque ces droits appartiennent à une société civile immobilière dont l'un des époux au moins est associé, que celui-ci soit autorisé à occuper le bien en raison d'un droit d'associé ou d'une décision prise à l'unanimité de ceux-ci, dans les conditions prévues aux articles 1853 et 1854 du code civil

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2018




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 286 F-P+B

Pourvoi n° S 17-16.482






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Majda X..., divorcée H..., domiciliée [...],

contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Y... H..., domicilié société Makeda parfums Paris, [...],

2°/ à la société Z..., société civile professionnelle, dont le siège est [...], prise en la personne de M. François Z...,

3°/ à M. A... E... I..., domicilié [...],

4°/ à la société [...], société civile immobilière, dont le siège est [...],

5°/ à la société Alpha home, société civile immobilière, dont le siège est [...],

6°/ à la société Bank Audi Saradar, société anonyme, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme X..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Z..., prise en la personne de M. Z..., de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de la société Alpha home, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Bank Audi Saradar, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2017), que la société civile immobilière [...] (la SCI) a été constituée le 13 juin 2002, au capital social de cent parts dont quatre-vingt-dix-neuf détenues par M. H... et une par son épouse, Mme X... ; que, le 28 octobre suivant, la SCI a acquis un appartement qui a été occupé par les époux et leurs enfants ; que, suivant acte reçu par M. Z..., notaire (le notaire) le 19 décembre 2008, M. H..., gérant de la SCI, autorisé par l'assemblée générale des associés de celle-ci, a, sans que le consentement de son épouse ait été recueilli, vendu l'appartement à la société civile immobilière Alpha home (l'acquéreur), à laquelle la société Bank Audi Saradar (la banque) avait consenti un prêt ; qu'après avoir engagé une procédure de divorce, Mme X... a assigné la SCI, M. H..., le notaire, l'acquéreur, la banque, ainsi que M. E... I..., à qui elle avait cédé sa part dans la SCI, en annulation de la vente et du bail d'habitation meublé concomitant consenti par l'acquéreur aux occupants de l'appartement ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que la vente du bien immobilier a été réalisée conformément aux statuts de la société et, en conséquence, de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que, lorsqu'un immeuble constitue le logement familial et qu'il appartient à une société civile immobilière dont les époux sont seuls porteurs de parts, la validité de la vente de cet immeuble par le mari gérant, est subordonnée au consentement de l'épouse ; qu'en l'espèce, il est constant que l'appartement constituant le logement de la famille était la propriété d'une société civile immobilière dont M. H... détenait 99 % des parts et Mme X..., son épouse, 1 % ; que la cour d'appel qui a considéré que Mme X... ne pouvait revendiquer la protection accordée par l'article 215, alinéa 3, du code civil, dès lors que l'appartement litigieux n'appartenait pas à son mari mais à la SCI et qu'aucune disposition des statuts ne conférait la jouissance des locaux et à sa famille, s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé l'article 215, alinéa 3, du code civil ;

Mais attendu que, si l'article 215, alinéa 3, du code civil, qui a pour objectif la protection du logement familial, subordonne au consentement des deux époux les actes de disposition portant sur les droits par lesquels ce logement est assuré, c'est à la condition, lorsque ces droits appartiennent à une société civile immobilière dont l'un des époux au moins est associé, que celui-ci soit autorisé à occuper le bien en raison d'un droit d'associé ou d'une décision prise à l'unanimité de ceux-ci, dans les conditions prévues aux articles 1853 et 1854 du code civil ;

Et attendu qu'après avoir souverainement estimé qu'il n'était justifié d'aucun bail, droit d'habitation ou convention de mise à disposition de l'appartement litigieux par la SCI au profit de ses associés, la cour d'appel en a exactement déduit que l'épouse ne pouvait revendiquer la protection accordée par l'article 215, alinéa 3, du code civil au logement de la famille ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que le premier moyen étant rejeté, le second moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés Alpha home et Bank Audi Saradar et à M. Z... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la vente du bien immobilier situé [...] intervenue le 19 décembre 2008 entre la société Boulevard Flandrin et la société Alpha Home a été réalisée conformément aux statuts de la société propriétaire et d'avoir en conséquence débouté Madame Majda X..., épouse H... de ses demandes en nullité de la vente du 19 décembre 2008, du bail conclu le même jour , comme celles tendant à la nullité et la radiation des inscription d'hypothèques prises sur le bien immobilier par la Bank Audi Saradar

Aux motifs que, en premier lieu, Madame X... ne peut revendiquer la protection accordée par l'article 215, alinéa 3 au logement de la famille, dès lors que l'appartement du [...] n'appartenait pas à Monsieur Y... H... mais à la SCI 86 boulevard Flandrin et qu'aucune disposition des statuts ne conférait la jouissance des locaux à son gérant ou à sa famille ; en second lieu si l'objet social de la SCI 86 bld Flandrin est circonscrit à « l'acquisition, la location, la gestion , l'administration et l'exploitation de tous biens immobiliers(...) l'emprunt de tous fonds nécessaires à la réalisation de cet objectif (...) » il doit être interprété en fonction des statuts qui prévoient en leur article 9-2 relatif aux pouvoirs du gérant que « dans les rapports entre associés et sans que cette clause puisse être opposée aux tiers ou invoquée par eux, il est convenu que le gérant ne pourra, sans y être autorisé préalablement par une décision des associés représentant plus de la moitié du capital social, effectuer les opérations suivantes : « (...) effectuer les achats, échanges et ventes d'immeuble », d'où il suit a contrario que le gérant a le pouvoir de vendre les immeubles dépendant du patrimoine de la SCI à la seule condition d'y être autorisé par une décision des associés représentant plus de la moitié du capital social ; enfin, il est indifférent que Madame Majda X... n'ait pas été convoquée ou n'ait pas participé à l'assemble générale du 24 novembre 2008 autorisant Monsieur Y... H... à vendre ledit bien ,car ce dernier, détenteur de 99 parts sur 100 de la SCI, représentait à lui seul plus de la moitié du capital social ;

1° Alors que lorsqu'un immeuble constitue le logement familial et qu'il appartient à une société civile immobilière dont les époux sont seuls porteurs de part, la validité de la vente de cet immeuble par le mari gérant, est subordonnée au consentement de l'épouse ; qu'en l'espèce il est constant que l'appartement constituant le logement de la famille était la propriété d'une SCI dont Monsieur H... détenait 99% des parts et Madame X... son épouse 1% ; que la cour d'appel qui considéré que Madame X... ne pouvait revendiquer la protection accordée par l'article 215 alinéa 3 du code civil dès lors que l'appartement litigieux n'appartenait pas à son mari mais à la SCI et qu'aucune disposition des statuts ne conférait la jouissance des locaux et à sa famille, s'est prononcée par des motifs inopérants a violé l'article 215 alinéa 3 du code civil

2° Alors que lorsque l'objet social d'une société civile immobilière ne prévoit pas aux termes de ses statuts la vente ou l'aliénation d'immeuble le gérant n'a pas le pouvoir d'aliéner l'unique immeuble de la SCI ; que l'article 2 des statuts de la SCI 86 boulevard Flandrin est ainsi rédigé : - « la société a pour objet : l'acquisition , la location, la gestion, l'administration et l'exploitation de tous biens immobiliers et de locaux à usage industriel, commerciaux et de bureaux et notamment de locaux situés [...] ; - l'emprunt de tous fonds nécessaires à la réalisation de cet objet, et de plus particulièrement la souscription et/ou la reprise de contrat de crédit-bail immobilier ;- Et toutes opérations financières mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement à cet objet et susceptibles d'en favoriser la réalisation, à condition toutefois d'en respecter le caractère civil ; qu'il en résulte clairement et sans ambigüité la vente d'immeuble ne fait pas partie de l'objet social ; que la cour d'appel qui a considéré que l'objet social devait être interprété au regard de l'article 9-2 des statuts définissant les pouvoirs du gérant, et décidé au vu de cette interprétation que la vente d'immeuble entrait dans les pouvoirs du gérant majoritaire, a dénaturé les statuts de la société et violé l'article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de ses demandes indemnitaires dirigées contre Maître Z... notaire,

Aux motifs que Madame F... X... soutient que Monsieur Z... a engagé sa responsabilité en concluant une vente portant sur le domicile conjugal des époux sans s'assurer de son consentement et qu'il s'est rendu complice de fraude en permettant un recel de communauté par Monsieur Y... H... ; elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 20.000€ de dommages intérêts et, solidairement avec la SCI Alpha Home au paiement de la somme de 435.349,94€ qui correspondait aux fonds de communauté divertis ; la vente étant valide comme il a été dit, il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité professionnelle de Monsieur Z... en ce qu'il l'a reçue sans vérifier, comme le prétend à tort Madame X... que le bien objet de la vente constituait le domicile conjugal ou que le gérant outrepassait ses pouvoirs ; quant aux demandes concernant le recel de communauté, d'une part elles apparaissent nouvelles en cause d'appel, ne procédant d'aucune évolution du litige dès lors que la comptabilité du notaire figurait dans les pièces produites en première instance, d'autre part, elles seraient en tout état de cause mal fondées, le produit de la vente, d'un actif social ne constituant pas un actif commun susceptible de participer d'un recel de communauté ; Monsieur Z... fait valoir à juste titre que les fonds issus de la vente revenaient à la SCI et ont été affectés au règlement des créanciers soit : -609.414,74 € pour le Crédit du Nord, 879.628,92€ pour la société Bank Audi Saradar ; -3367,03€ pour le syndicat des copropriétaires du [...] ; 200.000€ et 670.699,88€ pour Monsieur C..., gérant de la SCI Alpha Home ,et que la cession du bien était nécessaire pour éviter sa vente forcée à la barre du tribunal à l'initiative de la banque Crédit du Nord qui avait notifié à chacun des associés de la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière, le 16 décembre 2008, trois jours avant la vente ; les demandes de condamnation formées par Madame Majda X... de même que ses demandes de productions de pièces par Monsieur Z... et la société Bank Audi Saradar, sans rapport avec le litige seront donc rejetées ;

1° Alors que la cassation de l'arrêt sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de Madame X... à l'égard de Monsieur Z... faute d'avoir vérifié si le bien vendu n'était pas le domicile conjugal, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2° Alors qu'une cour d'appel qui décide qu'une demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; que la cour d'appel qui a décidé que les demandes indemnitaires relatives au recel de communauté dirigées contre maître Z... étaient nouvelles en cause d'appel et débouté l'exposante de ses demandes indemnitaires dirigées contre Maître Z..., a excédé ses pouvoirs et violé les articles 562 et 564 du code de procédure civile

3° Alors que les juges du fond sont tenu de viser et d'analyser les documents sur lesquels ils se fondent ; que la cour d'appel qui a énoncé que les demandes concernant le recel de communauté étaient mal fondées, au motif que Monsieur Z... faisait valoir à juste titre que les fonds issus de la vente revenaient à la SCI et avaient été affectés au règlement de ses créanciers, sans viser ni analyser le moindre documents justificatif, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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