28 mars 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-18.127

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:C100364

Texte de la décision

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 mars 2018




Cassation partielle sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 364 F-D

Pourvoi n° E 17-18.127

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 août 2017.







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Isabelle Y..., domiciliée [...]                             ,

contre l'arrêt rendu le 12 mai 2016 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre, section B), dans le litige l'opposant à M. Joël X..., domicilié [...]                                ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 février 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme B..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme B..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme Y..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. X..., l'avis de M. Z..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... et M. X..., qui ont vécu en concubinage, ont fait l'acquisition, le 6 avril 1994, en indivision, chacun pour moitié, d'un terrain sur lequel ils ont fait édifier une maison ; que cette acquisition a été financée au moyen d'un prêt bancaire dont le remboursement était garanti par une assurance ; qu'après la reconnaissance, en 1996, de l'invalidité de M. X..., l'assureur a pris en charge le remboursement des mensualités du prêt ; que des difficultés sont survenues lors de la liquidation et du partage de l'indivision ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la seconde branche de ce moyen :

Vu l'article 815-13 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que, lorsqu'un indivisaire a fait des impenses nécessaires à la conservation d'un bien indivis à l'aide de ses deniers personnels, il a droit à une indemnité ;

Attendu que, pour dire que les échéances de l'emprunt remboursées par l'assureur au titre de l'assurance invalidité souscrite par M. X... doivent être considérées comme ayant été versées par l'indivisaire personnellement, de sorte que celui-ci peut prétendre à une créance sur l'indivision, l'arrêt retient qu'il a continué à assumer la charge des remboursements du prêt immobilier à partir de son compte bancaire puis a perçu l'indemnité versée par l'assureur pendant la durée de son invalidité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les échéances de l'emprunt versées à l'établissement prêteur par M. X... lui avaient été remboursées par l'assureur au titre de la garantie invalidité, de sorte que l'indivisaire n'avait exposé aucune dépense de ses deniers personnels, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les échéances de l'emprunt qui ont été remboursées à la société de crédit par la compagnie d'assurance MNCAP au titre de l'invalidité de M. X... doivent être comptabilisées au même titre que des sommes versées par M. X... personnellement, de sorte que celui-ci peut prétendre à une indemnité qui sera fixée selon les règles édictées par l'article 815-13 du code civil, l'arrêt rendu le 12 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande d'indemnité présentée par M. X... au titre des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les échéances de l'emprunt qui ont été remboursées à la société de crédit par la compagnie d'assurance MNCAP au titre de l'invalidité de M. X... devaient être comptabilisés au même titre que les sommes versées par M. X... personnellement, de sorte que celui-ci pouvait prétendre à une indemnité qui serait fixée selon les règles édictées à l'article 815-13 du code civil ;

Aux motifs que « l'article 815-13 du code civil prévoit qu'il doit être tenu compte, au moment du partage de l'indivision, des dépenses nécessaires qu'un indivisaire a faites de ses deniers personnels pour la conservation du bien indivis, encore qu'elles ne l'aient point amélioré ; qu'il est notamment acquis que le règlement des échéances de l'emprunt contracté lors de l'acquisition du bien constitue une dépense nécessaire à la conservation de l'immeuble et donne lieu à indemnité sans que cette disposition n'exige de déterminer l'origine des fonds ainsi utilisés ; que pour s'opposer à l'application de cette disposition au bénéfice de Monsieur Joël X..., l'appelante soutient que celui-ci n'a pas remboursé le prêt à partir de ses deniers personnels et ne s'est donc pas appauvri au profit de l'indivision, l'assurance ayant assumé directement auprès du crédit immobilier le règlement des échéances de l'emprunt ; qu'elle invoque notamment à ce titre l'application des règles relatives à la stipulation pour autrui en matière d'assurance de groupe ; qu'étant en concubinage avec Madame Isabelle Y..., Monsieur Joël X... soutient que les sommes remboursées par l'assurance lui sont propres et que pour apprécier l'éventuelle indemnité qui lui serait due, il convient seulement de rechercher l'origine du règlement du prêt ; que sans contester le fait que l'assureur MNCAP ait au final pris en charge l'intégralité du prêt, suite à sa déclaration d'invalidité, il prétend ainsi que les échéances ont toujours été réglées à partir de son compte personnel, l'indemnisation par l'assurance intervenant a posteriori par des remboursements réguliers sur son compte bancaire ; qu'il convient de rappeler que la prestation d'un assureur conserve un caractère exclusivement personnel, même dans le cadre d'une assurance de groupe, puisqu'il s'agit de compenser l'invalidité du souscripteur ; qu'en cas de sinistre, la mise en oeuvre de l'assurance a pour effet d'éteindre à concurrence du montant de la prestation de l'assureur, la dette de contribution incombant à l'assuré ; qu'il n'est pas contesté que la mise en oeuvre de l'assurance dans le cas d'espèce découle de la mise en invalidité de Monsieur Joël X..., au titre de la garantie de l'incapacité temporaire totale qu'il avait souscrit ainsi qu'il était rappelé dans le courrier que lui a adressé le crédit immobilier de France le 22 juillet 2015 ; qu'il ressort également des conditions générales des assurances décès et incapacité de travail retranscrites en page 3 du bulletin de souscription signé par les parties le 12 février 1994 que dans le cadre de cette garantie, l'assurance s'engage à verser au souscripteur et non au prêteur, une indemnité journalière égale à 1/360ème de l'annuité pendant la durée de l'invalidité ; que le relevé de compte prestations établi par l'assureur A... le 16 septembre 2015 et produit aux débats par Mme Isabelle Y... confirme que le remboursement des échéances intervenait a posteriori, à une fréquence irrégulière, par des virements parfois espacés de plusieurs mois (22 décembre 1999, 11 février 2000, 10 avril 2000
) de sommes établies à partir du montant de l'indemnité journalière ; que contrairement aux allégations de Mme Y..., il résulte clairement des pièces produites par M. Joël X..., notamment du courrier que lui a adressé le crédit immobilier de France le 26 août 2011, que les échéances du prêt ont toujours fait l'objet de prélèvements automatiques sur son compte personnel, le crédit immobilier de France lui reversant les indemnisations de l'assurance à échéance régulière, par chèque puis par virement bancaire ; qu'il est dès lors établi par M. Joël X... qu'il assumait le règlement des échéances du crédit immobilier de France à partir de son compte bancaire et percevait ultérieurement l'indemnisation par son assurance, versement qui constituait des ressources personnelles dont il n'avait pas à justifier l'utilisation à Mme Isabelle Y... ; qu'outre sa part d'emprunt, il a également libéré son co-indivisaire de cette dette en continuant à payer les échéances du crédit ; que c'est à bon droit que le premier juge a considéré que l'article 815-3 du code civil devait s'appliquer au cas d'espèce, M. Joël X... ayant sur ces deniers personnels participé à la conservation du bien immobilier indivis par le règlement de l'intégralité des échéances du prêt, alors qu'il n'en était tenu que de la moitié en tant qu'indivisaire » (arrêt attaqué p. 5 à 7) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « en l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article 815-3 du code civil qui dispose que lorsqu'un indivisaire a fait des dépenses nécessaires de ses deniers personnels pour la conservation du bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; que les règlements d'échéances d'emprunts immobiliers effectués par un indivisaire constituent des dépenses nécessaires à la conservation de l'immeuble indivis et ouvrent droit à indemnité sur le fondement de l'article 815-3 susvisé ; qu'il convient de rappeler que les parties n'étaient pas mariées ; qu'il s'ensuit que l'indemnité due par l'assureur à son assuré était ipso facto la propriété de ce dernier ; que, par conséquent, en employant cette somme à payer plus de la moitié des échéances de l'emprunt, M. X... payait pour partie de la dette de son coindivisaire et s'ouvrait droit à une indemnité; qu'à cet égard est indifférent le fait que l'indemnité d'assurance ait été versée par délégation en l'acquit de l'emprunteur; qu'il n'en demeure pas moins que ce versement direct équivalait à un paiement qu'aurait fait M. X... de ses deniers (jugement p. 2) ;

1°) Alors que, d'une part, l'article 6-3 du contrat de prêt prévoyait la délégation de la créance d'assurance invalidité au profit de l'organisme préteur, afin qu'il puisse percevoir, le cas échéant, les indemnités dues à l'emprunteur ; que cette délégation avait créé un droit propre de la banque sur ces prestations, permettant ainsi la réalisation d'un double paiement en ce qu'étaient éteintes tant la créance de l'assuré sur l'assureur que celle du prêteur sur l'emprunteur; que pour estimer que M. X... s'était acquitté des échéances de prêts à partir de ses deniers personnels, la cour d'appel a estimé que le prêt avait été réglé par M. X..., la banque lui rétrocédant ensuite les prestations versées par l'assureur, lesquelles auraient été dues au souscripteur et non au prêteur ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'en réalité celui-ci avait renoncé, du fait de la délégation, à tout droit sur ces sommes, dont le versement par l'assureur à la banque opérait un double paiement, et que les versements de la banque constituaient dès lors le remboursement des échéances prélevées indûment sur le compte de M. X..., la cour d'appel a dénaturé le contrat de prêt et ainsi violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°)Alors que, d'autre part, l'article 815-13 du code civil permet à un indivisaire d'obtenir une créance sur l'indivision dès lors qu'il démontre qu'il s'est acquitté d'une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis sur ces deniers personnels ; qu'ainsi, il appartient à l'indivisaire de prouver que le paiement a été effectué à partir de valeurs dont il avait la disposition comme provenant de ses revenus ou substitut de revenus, de sorte que son patrimoine avait été appauvri par ce paiement au profit de l'indivision ; que tel n'est pas le cas lorsque l'indivisaire a été remboursé de sa dépense au moyen d'une indemnité d'assurance affectée par nature au remboursement de ladite dette ; que dans cette hypothèse, l'indivisaire ne supporte pas la charge finale de la dépense et ne s'appauvrit pas au profit de l'indivision ; qu'en retenant, pour accueillir la demande de M. X... qu'il avait réglé les échéances du prêt, tout en constatant qu'il n'en avait dès lors pas supporté la charge finale, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 815-13 du code civil.

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