16 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-17.536

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C100503

Titres et sommaires

SEPARATION DES POUVOIRS - conflit de compétence - renvoi devant le tribunal des conflits - conditions - existence d'une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse - cas - action en garantie intentée par l'oniam contre l'assureur d'un établissement de transfusion sanguine

Soulève une difficulté sérieuse justifiant le renvoi devant le Tribunal des conflits, la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître, dans le cas d'une action en garantie intentée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'encontre de l'assureur d'un établissement de transfusion sanguine, sur le fondement de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, de la responsabilité de cet établissement au titre de la fourniture de produits sanguins

Texte de la décision

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mai 2018




Renvoi devant le tribunal des conflits
Sursis à statuer ; renvoi à l'audience du 23 octobre 2018


Mme BATUT, président



Arrêt n° 503 FS-P+B

Pourvoi n° N 17-17.536







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dont le siège est [...],

contre l'ordonnance de référé rendue le 2 mars 2017 par le premier président de la cour d'appel de Versailles, dans le litige l'opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 avril 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, MmeDuval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, MM. Girardet, Truchot, Mme Teiller, MM. Betoulle, Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Ingall-Montagnier, premier avocat général, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de MmeDuval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Axa France IARD, l'avis de M.Ingall-Montagnier, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles ;

Attendu que, lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence ; que l'instance est suspendue jusqu'à la décision de ce Tribunal ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Versailles, 2 mars 2017), que, par un jugement du 6 juillet 2011, le tribunal administratif de Rouen, statuant sur la demande d'indemnisation de Mme X..., contaminée par le virus de l'hépatite C, a retenu l'origine transfusionnelle de sa contamination et condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) à payer différentes sommes à l'intéressée et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen au titre de cette contamination ; qu'à l'issue du versement de ces sommes et en vue d'en obtenir le remboursement, l'ONIAM a assigné la société Axa France IARD (l'assureur), en qualité d'assureur du Centre de transfusion sanguine de Bois-Guillaume (le CTS) ; que, par une ordonnance du 9 décembre 2016, le juge de la mise en état, retenant qu'il incombait au juge administratif de statuer sur la responsabilité de l'Etablissement français du sang (l'EFS), venant aux droits et obligations du CTS, dans la survenue de la contamination de Mme X..., a posé une question préjudicielle quant à cette responsabilité et sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative ; que l'ONIAM a assigné en référé l'assureur devant le premier président de la cour d'appel, afin d'être autorisé à interjeter appel immédiat de cette ordonnance ; que, sa demande ayant été rejetée, il a formé un pourvoi en cassation ;

Attendu que l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 a transféré au juge administratif les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés par des personnes morales de droit public ou par des organismes dont les droits et obligations ont été transférés à l'EFS ; que l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 a, ensuite, confié à l'ONIAM la mission d'indemniser l'ensemble des victimes de contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C ; que l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 lui a, enfin, donné la possibilité de directement demander à être garanti par les assureurs des structures reprises par l'EFS des sommes qu'il a versées à une victime et, le cas échéant, remboursées à des tiers payeurs, à l'issue d'une indemnisation transactionnelle ou d'une indemnisation ordonnée, soit par la juridiction administrative saisie d'une action indemnitaire de la victime et le cas échéant de tiers payeurs, soit par la juridiction judiciaire, saisie d'une telle action antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions que le juge administratif, saisi d'actions tendant à ce que l'indemnisation des dommages subis par les victimes de contaminations transfusionnelles et, le cas échéant, les créances des tiers payeurs soient mises à la charge de l'ONIAM, statue sur l'origine transfusionnelle de la contamination et les préjudices subis, sans que l'EFS et les assureurs des établissements, aux droits desquels il est venu, soient parties à ces instances ; qu'après avoir indemnisé les victimes et, le cas échéant, remboursé les créances des tiers payeurs, l'ONIAM est en droit d'agir directement à l'encontre de ces assureurs ; qu'il y a lieu, dans ce cas, de déterminer l'ordre de juridiction compétent pour apprécier si la responsabilité de l'établissement de transfusion sanguine, conditionnant la garantie de son assureur, est engagée au titre de la fourniture de produits sanguins ; que, dès lors, le litige présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse de nature à justifier le renvoi devant le Tribunal des conflits ;

PAR CES MOTIFS :

Ordonne le renvoi de l'affaire au Tribunal des conflits ;

Sursoit à statuer jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître, dans le cas d'une action en garantie intentée par l'ONIAM à l'encontre de l'assureur d'un établissement de transfusion sanguine, sur le fondement de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012, de la responsabilité de cet établissement au titre de la fourniture de produits sanguins ;

Dit que l'affaire sera de nouveau examinée à l'audience du 23 octobre 2018 ;

Réserve les dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

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