8 septembre 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/09476

Chambre 1-9

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2020



N° 2020/441

N° RG 18/09476 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC354







[L] [N]

[X] [R] [Z] [S] [N]





C/



Société LE CREDIT LOGEMENT

Société CAF DES ALPES MARITIMES

[Y] [T]

Société MMA IARD















Copie exécutoire délivrée

le : 08 septembre 2020

à :

Me Nicolas SIROUNIAN

Me Paul GUEDJ



+ Notifications LRAR à toutes les parties

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de CAGNES SUR MER en date du 17 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 11-17-896, statuant en matière de surendettement.



APPELANTS



Monsieur [L] [N]

né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 10], demeurant [Adresse 5]



comparant en personne



Madame [X] [R] [Z] [S] [N]

née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 10], demeurant [Adresse 8]



représentée par M. [L] [N] (Conjoint) en vertu d'un pouvoir général



INTIMES



Société LE CREDIT LOGEMENT

REF M06114855201

M06114855202, demeurant [Adresse 7]



représentée par Me Nicolas SIROUNIAN de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX PROVANSAL D'JOURNO GUILLET & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alice FADY, avocat au barreau de MARSEILLE



Société CAF DES ALPES MARITIMES

REF 0669487, demeurant [Adresse 6]



défaillante



Maître [Y] [T]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 11] (ALGERIE) (99), demeurant [Adresse 9]



représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Société MMA IARD, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





Conformément à l'article R332-1.2 devenu R331-9-2 du code de la consommation et à l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller









Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVIGNAC.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2020.







ARRÊT



Réputé contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2020



Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVIGNAC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***





















































FAITS ET PROCÉDURE :



Par déclaration du 02 mars 2017, Monsieur [L] [N] et Madame [X] [C] épouse [N] ont saisi la Commission de surendettement des particuliers des Alpes Maritimes d'une demande de traitement de leur situation financière, déclarée recevable le 21 avril 2017.



Par décision du 07 septembre 2017, la commission a préconisé un rééchelonnement de tout ou partie de leurs dettes :

sur une durée de 333 mois au taux de 1,50% s'agissant de la dette immobilière,

sur une durée de 3 mois pour les autres dettes, les débiteurs ayant déjà bénéficié de mesures pendant 36 mois, au taux de 0,00%.



Au vu de leurs ressources à hauteur de 3 356 euros et de leurs charges évaluées à 1 799 euros, leur mensualité de remboursement a été fixée à la somme de 1 557 euros.



Consécutivement à la notification de cette décision faite par lettre recommandée, les époux [N] ont formé une contestation.



Par jugement dont appel du 17 mai 2018, le juge du Tribunal d'Instance de CAGNES SUR MER a :

déclaré recevable le recours,

confirmé les mesures imposées par la commission, la situation financière des époux [N] ayant fait l'objet d'une juste appréciation par la commission de surendettement.



Le 05 juin 2018, les consorts [N] ont interjeté appel du jugement qui lui a été notifié par lettre recommandée le 26 mai 2018.



Par mémoire reçu le 03 décembre 2019, Monsieur [L] [N] demandait à la cour:

de transmettre à la Cour de Cassation une question prioritaire de constitutionnalité relative à la mise en 'uvre de l'article L733-3 du code de la consommation, qui dans son dossier pouvait être analysée comme contraire à la liberté d'aller et venir ou de choisir son domicile, et contraire également à la DDHC,

de surseoir à statuer jusqu'à réception de la décision du conseil constitutionnel.



Par arrêt du 11 février 2020, la Cour de Céans a dit n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soumise, qu'elle a jugée dépourvue de caractère sérieux.



Le dossier a été évoqué à l'audience du 12 juin 2020 concernant la demande de traitement de son dossier de surendettement par monsieur [N], à la suite du refus de transmission de la QPC.



Monsieur [N] dit être séparé de son épouse depuis le 1er août 2019, attributaire par le groupe SNI d'un logement HLM et être revenu dès lors, habiter seul dans l'immeuble commun. Il représente néanmoins selon procuration du 10 juin 2020, cette dernière, madame [X] [C].

Monsieur [N] soutient désormais :

l'annulation du plan de redressement,

le prononcé d'un rétablissement personnel,

juger excessif et illicite l'inscription au FICP, au regard de l'article L752-3 du code de la consommation, laquelle existe le concernant depuis 11 ans,

ordonner au Crédit Logement et à la Banque de France, la main levée de son fichage.



Il soutient leur bonne foi, et un surendettement lié à une perte d'emploi. Monsieur [N] estime son revenu à 647,90 € par mois, le plaçant dans une extrême fragilité sociale. Il a également été recruté comme juriste assistant à [Localité 10] (1660,21 € net). Il admet la souscription d'un « micro crédit » pour acheter un véhicule nécessaire au trajet pour le travail et revient sur la difficulté de vendre l'immeuble dont il est propriétaire avec sa femme, acheté selon la méthode « Stemmer » mais qui pose d'importantes difficultés juridiques et implique un coût d'entretien non négligeable. Toutes les tentatives de vendre l'immeuble ont échoué jusqu'alors. Il dit verser une pension alimentaire à son épouse de 407,29 € par mois, bien que le dossier de divorce ne progresse pas, les avocats des époux les incitant à le différer puisque l'immeuble commun n'est pas partageable. Ainsi il ne disposerait que de 1171,14 € à titre personnel pour faire face à ses dépenses incompressibles.

Deux créanciers subsistent, le Crédit Logement pour 418 004,26 € et Me [T], notaire pour 3 477,84 €.

Sur le fondement de l'article R733-1 du code de la consommation, il soutient qu'il ne lui a pas été proposé de plan amiable par la commission de surendettement, contrairement à ce qu'elle écrivait le 13 juillet 2017 et que dès lors, il y a lieu de déclarer la nullité du plan conventionnel auquel il n'a pas été associé.



Pour le compte de son épouse, monsieur [N] dans un argumentaire très similaire qui ne sera pas repris intégralement, mais synthétisé, rappelle que la bonne foi du débiteur est toujours présumée, qu'elle n'a jamais été contestée jusqu'alors, après 11 ans de procédure, la charge de cette preuve reposant sur le créancier qui l'invoque. Il reprend la charge importante sur le plan financier que représente la résidence familiale, son coût d'entretien et le fait qu'elle est difficilement cessible puisque construite sur un terrain indivis, malgré une baisse notable de son prix à 390000 €. Dans ces conclusions, émanant de madame [N], il est indiqué que le couple est séparé depuis le mois d'août 2018 puis dans le dispositif des demandes le 1er août 2019. Madame [N] affirme un salaire de 2362 €, une pension alimentaire de 300 € par mois et des prestations familiales pour 292 €. Elle indique également la paralysie du divorce puisque le bien immobilier ne peut être partagé et ne pouvoir faire face à ses charges courantes. Elle demande à la cour de :

la déclarer recevable à la procédure,

juger que la vente amiable de l'immeuble n'est pas possible,

annuler le plan de redressement,

- juger excessif et illicite l'inscription au FICP, au regard de l'article L752-3 du code de la consommation, laquelle existe le concernant depuis 11 ans,

- ordonner au Crédit Logement et à la Banque de France, la main levée de son fichage.



Par conclusions du 05 juin 2020, la SA MMA IARD MUTUELLE DU MANS et Me [T] demandent à la Cour de :

donner acte à Monsieur et Madame [N] du règlement de la somme de 3 477,84 euros au titre de la créance détenue par les MMA,

dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle fait valoir que la créance d'un montant de 3 477,84 euros a été réglée au mois de mai 2020 et renonce à la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Le Crédit Logement soutient devant la cour d'appel :

la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,

la condamnation solidaire des époux [N] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.







Il rappelle qu'il a cautionné deux prêts consentis le 25 novembre 2006 par la Société Générale pour financer l'acquisition d'une maison d'habitation dont les mensualités n'ont pas été honorées de sorte qu'elle s'est substituée aux débiteurs, obtenant par la suite un arrêt définitif de condamnation le 15 janvier 2015 pour qu'ils la remboursent. Il expose que la situation des débiteurs n'est pas irrémédiablement compromise compte tenu d'une capacité de remboursement indéniable et qui a été appréciée de manière adaptée. Il est bien entendu de l'intérêt de tous, et le Crédit Logement ne s'y oppose pas, de procéder à la vente de l'immeuble pour réduire la dette. Il n'est justifié d'aucun grief pour l'annulation du plan.



Vu les convocations adressées à l'ensemble des créanciers, qui en ont tous accusé réception,




MOTIVATION DE LA DÉCISION :



Il ne sera pas revenu sur les questions tranchées par l'arrêt du 11 février 2020 quant à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.



* sur la nullité du plan conventionnel :



Pour soutenir la nullité du plan conventionnel de règlement du 7 septembre 2017, monsieur et madame [N] indiquent que le gestionnaire du dossier à l'époque avait considéré que les débiteurs refusaient le montant proposé par la commission de surendettement qui consistait en un réaménagement des dettes sur 333 mois afin de conserver leur résidence principale. De fait, la suite de la procédure a effectivement démontré que les débiteurs étaient opposés à une telle durée de remboursement, contraire selon eux à leur liberté.



Mais quoiqu'il en soit, par la suite, à l'occasion de leur recours, et de leur comparution devant le juge, ils ont pu faire toutes observations, contestations, ce qui a introduit le contradictoire dans la prise de décision judiciaire alors que jusqu'alors, aucune critique procédurale n'avait été présentée, de sorte que cette difficulté est purgée et ne cause pas grief aux époux [N].



Il ne sera pas fait droit à la demande d'annulation.



* sur la décision critiquée en date du 17 mai 2018 :



Cette décision confirme un plan permettant aux deux époux de conserver leur résidence familiale et d'apurer leurs dettes sur une très longue période qu'ils ont critiquée. Ils sont aujourd'hui séparés selon leurs dires, bien qu'aucune procédure de divorce ne soit en cours, le caractère non partageable de l'immeuble n'étant pas aux yeux de la cour un moyen juridique suffisant pour expliquer la suspension de la démarche procédurale de divorce. Cette séparation n'avait pas été clairement établie ni invoquée devant la cour, en particulier à l'occasion de l'arrêt sur QPC du 11 février 2020, qui les mentionne tous deux à la même adresse.



Il ressort des propres explications de monsieur [N], tandis que la cour d'appel est présentement saisie d'un recours contre une jugement de surendettement rendu le 17 mai 2018, précité, que postérieurement à ce dossier, une nouvelle saisine est intervenue, en raison d'un changement de situation, qui au vu de la pièce 7, tenait à l'obtention d'un autre logement, et que la commission le 9 octobre 2018, a déclaré le dossier irrecevable pour mauvaise foi des débiteurs, pour n'avoir pas respecté les mesures précédentes et aggravé leur situation financière en prenant une location en juin 2018, un nouveau crédit, et en ne réglant pas leurs charges fiscales courantes.









Monsieur et madame [N] indiquent que par décision du 21 juin 2019, le tribunal de Cagnes sur mer a jugé leur recours irrecevable, en raison de l'effet dévolutif de l'appel suite à la décision du 17 mai 2018, mais néanmoins statué en confirmant la décision de la commission de surendettement du 9 octobre 2018.



Dès lors, dans le cadre de l'instance relative à la décision du 17 mai 2018, en considération des éléments qui étaient soumis au magistrat, la décision sera confirmée, étant cependant souligné que l'interêt d'une telle confirmation reste restreint dès lors d'une part, qu'une autre procédure a été entreprise postérieurement, devant le premier juge et que d'autre part, les époux [N] affirment aujourd'hui vivre séparément.



Monsieur [N] est âgé de 46 ans, madame [N] née [C] de 47 ans, ils ont deux enfants à charge, les revenus qui sont mentionnés ne permettent pas d'admettre leur situation comme irrémédiablement compromise.



sur l'inscription au FICP :



Le FICP signale les incidents de paiement caractérisés aux entreprises, et en particulier financières, et leur radiation suppose le paiement intégral des sommes dues.



En matière de surendettement cependant, l'article L752-3 du code de la consommation, dispose que « le FICP recense les mesures du plan conventionnel de redressement mentionnées à l'article L. 732-2. Ces mesures sont communiquées à la Banque de France par la commission. L'inscription est conservée pendant toute la durée de l'exécution du plan conventionnel, sans pouvoir excéder sept ans.

Le fichier recense également les mesures prises en vertu des articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 qui sont communiquées à la Banque de France par la commission ou le greffe du tribunal judiciaire. L'inscription est conservée pendant toute la durée d'exécution de ces mesures, sans pouvoir excéder sept ans.

Lorsque les mesures du plan conventionnel mentionnées à l'article L. 732-2 et celles prises en application des articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 sont exécutées sans incident, les informations relatives aux mentions qui ont entraîné leur déclaration sont radiées à l'expiration d'une période de cinq ans à compter de la signature du plan conventionnel, de la date de la décision de la commission qui impose des mesures ou de la date du jugement ordonnant des mesures. Lorsque, pour une même personne, sont prescrits successivement, dans le cadre d'une révision ou d'un renouvellement du plan ou des mesures, un plan conventionnel mentionné à l'article L. 732-2 et des mesures prises en application des articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7, l'inscription est maintenue pendant la durée globale d'exécution du plan et des mesures sans pouvoir excéder sept ans.

Pour les personnes ayant bénéficié de la procédure de rétablissement personnel, les informations relatives aux mentions correspondantes sont radiées à l'expiration d'une période de cinq ans à compter de la décision de la commission ou de la clôture de la procédure. La même durée de cinq ans est applicable aux personnes physiques ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire en application de l'article L. 670-6 du code de commerce. »

Il convient toutefois de relever, en l'espèce, que ce texte se rapporte à la durée d'un plan conventionnel tel que théoriquement prévu par le législateur, d'une durée maximum de 7 ans, sauf nécessité de conserver un logement, résidence familiale (point abordé dans la QPC), mais que les époux [N], ont successivement déposé plusieurs saisines de la commission de surendettement et bénéficié de divers plans, selon leurs dires, le 8 décembre 2011, le 16 septembre 2014, le 21 janvier 2016, le 8 septembre 2017. Ils seront déboutés de leur demande de ce chef, qui ne correspond pas à leur situation juridique.



sur les autres demandes



Il est inéquitable de laisser à la charge du Crédit Logement les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 1 000 € lui sera allouée sur ce fondement.





PAR CES MOTIFS :



La Cour, après en avoir délibéré, statuant en matière de surendettement, par arrêt réputé contradictoire,



CONFIRME la décision du tribunal d'instance de Cagnes sur mer du 17 mai 2018,



Y ajoutant,



DEBOUTE les époux [N] de leur demande en annulation du plan du 7 septembre 2017,



CONSTATE le paiement à la SA MMA IARD MUTUELLE DU MANS et Me [T] de la somme de 3 477,84 euros,



CONDAMNE solidairement les époux [N] à payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société Crédit Logement.



LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.









LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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