5 juillet 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-40.014

Troisième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2018:C300798

Texte de la décision

CIV.3

COUR DE CASSATION



FB


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 5 juillet 2018




NON-LIEU A RENVOI


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 798 FS-D

Affaire n° R 18-40.014







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 5 avril 2018, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

1°/ M. Fernando X...,

2°/ Mme Léonor X...,

domiciliés tous deux [...],

[...] (Etats Unis),

D'autre part,

- la Ville de Paris, représentée par son directeur des affaires juridiques, domicilié [...] ,

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 juillet 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Z..., A..., Bureau, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Jacques, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, M. B..., avocat général, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Y..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, l'avis de M. B..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que, faisant grief à M. et Mme X... d'avoir changé l'usage d'un local d'habitation dont ils sont propriétaires en le donnant en location pour de courtes durées à une clientèle de passage, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris les a assignés devant le président du tribunal aux fins de voir prononcer une amende à leur encontre et ordonner, sous astreinte, le retour du local à l'habitation ; que le procureur de la République a interjeté appel de l'ordonnance rejetant ces demandes ; que la cour d'appel de Paris a transmis la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

"Vu l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, Prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation pour violation des droits de la défense (article 16 de la DDHC), atteinte à la nécessité et à la proportionnalité des peines (articles 7 et 8 de la DDHC), violation du droit à un recours juridictionnel effectif (article 16 de la DDHC), du droit de propriété (articles 2 et 17 de la DDHC), du principe d'égalité (articles 1 et 6 de la DDHC) et de l'article 34 de la Constitution" ;

Attendu que les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, ne sont pas applicables au litige, les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 étant d'application immédiate en ce qu'elles attribuent compétence au président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ;

Que la question est donc irrecevable en ce qu'elle porte sur des dispositions relatives à la procédure de référé et susceptibles de porter atteinte aux droits de la défense, au droit à un recours juridictionnel effectif et à l'article 34 de la Constitution ;

Attendu que le texte contesté, pris en ses autres dispositions, est applicable au litige et n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;

Qu'en effet, l'amende encourue, d'abord, constitue une sanction ayant le caractère d'une punition de sorte que le grief tiré d'une atteinte au droit de propriété apparaît inopérant, ensuite, est en lien direct avec l'agissement fustigé et ne paraît pas manifestement disproportionnée au regard de celui-ci et de l'objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location dans certaines zones du territoire national, lequel constitue un motif d'intérêt général ;

Que l'astreinte susceptible d'assortir l'injonction de retour à l'habitation du local transformé sans autorisation, d'abord, n'est pas constitutive d'une sanction ayant le caractère d'une punition devant répondre aux exigences de nécessité et de proportionnalité des peines, ensuite, est justifiée par le motif d'intérêt général précité, enfin, en ce qu'elle est soumise à l'appréciation du juge, qui en fixe le montant au regard des circonstances de l'espèce et de la volonté du propriétaire de se conformer à son injonction, n'est pas susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété ;

Que, par ailleurs, la disposition critiquée, qui n'opère aucune discrimination entre les propriétaires de logements situés dans le même périmètre et n'ayant pas satisfait aux exigences de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, n'est pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité devant la loi ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit.

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