15 septembre 2020
Cour d'appel de Rennes
RG n° 18/04241

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N°343/2020



N° RG 18/04241 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O6OL













Mme [M] [Y] [W] épouse



C/



M. [N] [V] [L] [K]

Mme [J] [A] veuve [E]

Me Viviane GUIMBERTEAU

SAS SAUR



























Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 23 Juin 2020



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****



APPELANTE :





Madame [M] [Y] [W]

née le [Date naissance 7] 2001 à [Localité 12]

[Adresse 2]

Foyer des Jeunes Travailleurs 'Ker Yaouennic'

[Localité 8]



venant aux droits de son père, [S] [W], décédé le [Date décès 9] 2019



Représentée par Me Paul-Olivier RAULT, avocat au barreau de RENNES



INTIMÉS :



Monsieur [N] [V] [L] [K]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 15] (ALLEMAGNE)

[T] [O]

[Localité 16]



Représenté par Me Christelle FLOC'H de la SELARL LEXOMNIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST



Madame [J] [A] veuve [E]

née le [Date naissance 6] 1952 à [Localité 17] (ALLEMAGNE)

[T] [O]

[Localité 16]



Représentée par Me Christelle FLOC'H de la SELARL LEXOMNIA, avocat au barreau de BREST





Maître Viviane GUIMBERTEAU

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 16]



Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Constance PARIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES



La société SAUR, SAS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 10]



Représentée par Me Michel PEIGNARD, avocat au barreau de VANNES







Par acte authentique du 5 juin 2009, passé devant Me [Z] [I], notaire à [Localité 16], Mme [J] [E] et M. [N] [K] ont vendu à M. [S] [W] une longère située [Adresse 13], cadastrée section C numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 5], pour le prix de 117 000 euros.



La vente avait été précédée, le 14 octobre 2008, d'un diagnostic de l'installation d'assainissement non collectif effectué par la société Saur dont la synthèse de l'évaluation est «Installation qui nécessite la recherche des ouvrages».



À la demande de la mairie de [Localité 14], un second diagnostic d'assainissement a été réalisé le 10 décembre 2012 par la société Véolia. Ce diagnostic a conclu à l'existence d'une installation vétuste, incomplète et polluante.



M. [W] a obtenu, par ordonnance de référé du 24 juillet 2013, la désignation d'un expert aux fins d'examiner la filière d'assainissement de l'immeuble. M. [P] a déposé son rapport le 20 novembre 2015 et a conclu que celle-ci était incomplète, non conforme aux dispositions réglementaires en vigueur, générant un rejet polluant.



Par acte du 28 juin 2016, M. [W] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Quimper Me [I], Mme [E] et M. [K], la société Saur et Mme le Maire de la commune de [Localité 14], aux fins de voir principalement prononcer la nullité de la vente de l'immeuble et obtenir le paiement de dommages et intérêts.



Par jugement du 15 mai 2018, le tribunal de grande instance de Quimper a :

- rejeté les demandes formées par M. [S] [W] à l'encontre de Mme [E] et de M. [K], à l'encontre de la société Saur et à l'encontre de Me [I],

- rappelé que le juge de la mise en état a renvoyé M. [W] à mieux se pourvoir s'agissant des demandes formées à l'encontre de la commune de [Localité 14], représentée par son maire,

- condamné M. [W] à payer à Mme [E] et M. [K] une indemnité de 1 500 euros, à la société Saur une indemnité de 1 500 euros et à Me [I] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [W] aux entiers dépens.



Par déclaration du 26 juin 2018, M. [W] a relevé appel de ce jugement. Il a intimé M. [K] et Mme [E], la SAS Saur, Me [I].



M. [S] [W] est décédé le [Date décès 9] 2019. Sa fille, Mme [F] [W], venant aux droits de son père pour la totalité de la succession, est intervenue à la procédure.



Vu les conclusions du 13 juin 2019, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de Mme [W] qui demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et la dire bien fondée,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- prononcer l'annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés,

- condamner M. [K] et Mme [E] à lui rembourser le prix de 117.000 € et à lui payer des dommages et intérêts comme suit :

* droits de mutation inhérents à l'opération, soit 5 955 €,

* honoraires ainsi qu'aux émoluments réclamés par le notaire, soit 8 899,20 €,

* perte locative depuis le 19 novembre 2014, sort 26 950 € arrêtée à décembre 2018, à parfaire,

* perte de jouissance consécutive à l'insalubrité de la propriété pour la famille, soit 25.000 €,

* préjudice moral, soit 25.000 €,

* remboursement de la taxe foncière payée depuis l'entrée en jouissance, soit sauf à parfaire 2.698 €,

- mettre à la charge de M. [K] à Mme [E] les droits de mutation et frais de publicité au Service de la Publicité foncière consécutifs à la décision à intervenir,

- donner acte à Mme [W] de ce qu'elle restituera l'immeuble à M. [K] et à Mme [E] dès que la décision à intervenir sera définitive et qu'elle aura été remplie de ses droits,

- dire que la Saur et Me [I] ont commis des fautes et engagé leur responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du Code civil,

- condamner solidairement et conjointement la Saur et Me [I] à garantir les vendeurs de toutes les condamnations qui seront prononcées à leur encontre,

à titre subsidiaire :

- prononcer l'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur,

- condamner M. [K] et Mme [E] à rembourser M. [W] le prix de 117.000 € et à lui payer des dommages et intérêts comme suit :

* droits de mutation inhérents à l'opération, soit 5 955 €,

* honoraires ainsi qu'aux émoluments réclamés par le notaire, soit 8 899,20 €,

* perte locative depuis le 19 novembre 2014, soit 26 950 € arrêtée à décembre 2018, à parfaire,



* perte de jouissance consécutive à l'insalubrité de la propriété pour la famille, soit 25.000 €,

* préjudice moral, soit 25.000 €,

* remboursement de la taxe foncière payée depuis l'entrée en jouissance, soit sauf à parfaire 2.698 €,

- mettre à la charge de M. [K] et Mme [E] les droits de mutation et frais de publicité au Service de la Publicité foncière consécutifs à la décision à intervenir,

- donner acte à Mme [W] de ce qu'elle restituera l'immeuble à M. [K] et à Mme [E] dès que la décision à intervenir sera définitive et qu'elle aura été remplie de ses droits,

- dire que la Saur et Me [I] ont commis des fautes et engagé leur responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du Code civil,

- condamner solidairement et conjointement la Saur et Me [I] à garantir les vendeurs de toutes les condamnations qui seront prononcées à leur encontre,

à titre très subsidiaire :

- condamner solidairement et conjointement M. [K], Mme [E], la Saur et Me [I] à payer à M. [W] des dommages et intérêts correspondant aux préjudices suivants :

* travaux de remise en état, 19 434,50 € + 936 €,

* perte locative depuis le 19 novembre 2014, soit 26.950 € arrêtée à décembre 2018, à parfaire,

* perte de jouissance consécutive à l'insalubrité de la propriété pour la famille, soit 25 000 €,

* préjudice moral, soit 25 000 €,

* remboursement de la taxe foncière payée depuis l'entrée en jouissance, soit sauf à parfaire 2.698 €,



en toute hypothèse :

- condamner solidairement et conjointement M. [K], Mme [E], la Saur et Me [I] à payer à Mme [W] la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement et conjointement [K], Mme [E], la Saur et Me [I] aux entiers dépens qui devront comprendre les frais d'expertise et les éventuels frais d'exécution.



Vu les conclusions du 20 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de M. [K] et Mme [E] qui demandent à la cour de :

à titre principal,

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Quimper du 15 mai 2018 en ce qu'il a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de M. [K] et de Mme [E],

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Quimper du 15 mai 2018 en ce qu'il a condamné M. [W] à payer à M. [K] et Mme [E] une indemnité de 1 500 euros, sur le fondement du code de procédure civile, outre les dépens de première instance,

à titre infiniment subsidiaire,

- réduire en de notables proportions les demandes indemnitaires de M. [W] fondées sur la résolution de la vente,

- débouter Mme [W] de sa demande de condamnation de la somme de 15 405, 50 € au titre des travaux de remise aux normes, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de Mme [E] et M. [K],

- condamner la Saur et Me [I] à garantir Mme [E] et M. [K] de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre,

en toute hypothèse,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques dont relève l'immeuble,

- condamner Mme [W] à payer à M. [N] [K] et Mme [J] [E] une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

- condamner Mme [W] au titre des dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexiroise en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Vu les conclusions du 26 juin 2019, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de Me [I] qui demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de :

- dire que l'action à bref délai prévue par l'article 1648 du code civil a été introduite plus de deux ans après la découverte du vice,

- débouter Mme [W] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Me [I],

- débouter les consorts [K]-[E] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'égard de Me [I],

- débouter la Saur de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'égard de Me [I]

à titre subsidiaire, en cas de condamnation in solidum,

- condamner les consorts [K]-[E] et la Saur à supporter la majorité de la charge de la dette,

- condamner Mme [W] ou tout succombant à verser à Me [I] une indemnité de 2.500 € au titre des frais irrépétibles,

- condamner les mêmes aux entiers dépens



Vu les conclusions du 1er juillet 2019, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la SAS Saur qui demande à la cour de :

au principal,

- confirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Quimper le 15 mai 2018,

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la Société Saur,

- débouter les Consorts [K]-[E] et Me [I] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la Société Saur.

Subsidiairement,

Au titre du préjudice matériel,

- constater qu'il n'y a eu aucune aggravation de l'état de la fosse,

- débouter par conséquent Mme [W] et plus généralement toutes parties de leurs demandes formulées au titre des travaux préparatoires,

Au titre des préjudices annexes,

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes formulées au titre des préjudices annexes,

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner les Consorts [K]-[E] et Me [I] à garantir la Société Saur à hauteur de 95% des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre des préjudices annexes,

Reconventionnellement et en toute hypothèse,

- condamner Mme [W] ou tout succombant à régler à la société Saur la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner Mme [W] ou tout succombant aux entiers dépens tant de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire que d'appel.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 mars 2020.



Par arrêt avant dire droit du 9 juin 2020, la cour a :

- renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 23 juin 2020 à 14 heures,

- invité les parties à faire valoir leurs observations sur le moyen suivant uniquement que la cour envisage de soulever d'office dans l'hypothèse où elle retiendrait la responsabilité de la Saur : la qualification du préjudice de Mme [W], venant aux droits de M. [S] [W], qui ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance de n'avoir pu négocier l'achat à de meilleures conditions compte tenu des coûts prévisibles pour la remise en état de l'installation d'assainissement,

- invité Mme [W] à verser à la cour les pièces 28 à 30 de son bordereau,

- sursis à statuer sur les demandes et les dépens.



La société Saur a observé le 22 juin 2020 que si la cour soulevait d'office le moyen de la perte de chance, elle statuerait ultra petita dans la mesure où Mme [W] n'a à aucun moment formé de demande indemnitaire liée à la perte de chance ou même relative à un préjudice distinct de la remise en état du système d'assainissement et de ses conséquences matérielles ; qu'il s'agirait d'une demande nouvelle en cause d'appel. Elle ajoute qu'il n'est pas justifié qu'il y a eu une perte de chance de négocier le bien. Dans l'hypothèse d'une condamnation de la Saur sur ce fondement, elle sollicite la garantie de Me [I].



Mme [W] a observé le 23 juin 2020 que la responsabilité de la société Saur est pleinement engagée et que le préjudice qui en résulte doit être intégralement réparé, ou subsidiairement, que l'indemnisation devra être de 98% du montant dont il est sollicité le paiement pour chaque poste de préjudice.



Me [I] a observé le 17 juin 2020 que les développements de la société Saur sur la faute du notaire sont hors de propos.



Mme [E] et M. [K] ont observé le 23 juin 2020 que Mme [W] avait limité ses prétentions sans solliciter en première instance ou en appel d'indemnité au titre de la perte de chance.




MOTIFS DE LA DÉCISION :



Sur la recevabilité de l'action fondée sur la garantie des vices cachés :



Il résulte des dispositions de l'article 1648 du code civil que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.



Ce délai étant un délai de forclusion, il n'est pas susceptible d'être suspendu mais il peut être interrompu, notamment par une demande en justice. Il résulte des dispositions de l'article 2242 du code civil, que l'interruption résultant d'une demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.



M. [W] n'avait pas demandé, devant le premier juge, la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Il s'en est prévalu pour la première fois dans ses conclusions d'appelant du 28 juin 2018. Mme [W] soutient que le point de départ du délai de forclusion ne peut être fixé antérieurement au dépôt du rapport d'expertise, le 20 novembre 2015, et qu'il a été interrompu par l'assignation au fond du 28 juin 2016, puis par la déclaration d'appel du 26 juin 2018.



Il ressort des investigations de M. [P] que la filière d'assainissement «est non- conforme à la réglementation» ; qu'elle «est nettement sous-dimensionnée, vétuste, et constitue un point de pollution directe du milieu naturel» ; que «son état et sa configuration font de plus qu'elle présente un risque sanitaire non négligeable».



Mme [E] et M. [K] soutiennent que M. [W] avait connaissance du vice dès l'année 2009.



Il ressort du courrier adressé le 2 septembre 2009 par M. [W] à la société Saur, et du contrat de bail qu'il a consenti sur l'immeuble le 29 août 2010, qu'il avait conscience de dysfonctionnements de l'installation, mais sans connaître le vice dans toute son ampleur tel qu'il est décrit dans le rapport d'expertise.



En revanche, le vice lui était connu dès le 11 décembre 2012, date de réception du rapport Véolia. La société Véolia, dans un avis du contrôleur que M. [W] a repris dans son assignation du 28 mai 2013 devant le juge des référés, a décelé une «installation vétuste, incomplète et polluante. La majeure partie des ouvrages est inaccessible (fosse septique, préfiltre, puisard). Risques sanitaires avérés. Le trop-plein de la fosse septique se déverse à même la parcelle par le tuyau d'évacuation des toilettes ('). Une réhabilitation totale de l'installation est à prévoir dans les meilleurs délais (...)».



Ainsi, le point de départ du délai de forclusion est le 11 décembre 2012. Ce délai a été interrompu par l'assignation du 28 mai 2013 devant le juge des référés jusqu'à l'ordonnance du 24 juillet 2013. À défaut de nouvel acte interruptif de forclusion avant le nouveau délai qui expirait le 24 juillet 2015, Mme [W] est forclose en son action fondée sur la garantie des vices cachés.



Sur la demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur :



Il résulte des dispositions de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de la vente, que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.



M. [W] a acquis un bien décrit ainsi à l'acte de vente :

Une longère composée de deux logements, édifiée en pierres sous couverture en ardoises, distribuée comme suit :

1°) la maison principale (')

2°) le petit studio indépendant (')

Terrain alentour avec abris de jardin en bois.



Mme [W] ne démontre pas que M. [W] avait mis la conformité et l'état de fonctionnement de l'installation d'assainissement dans le champ contractuel comme étant un caractère substantiel de la chose acquise. Dans le compte rendu de diagnostic annexé à l'acte de vente, la synthèse de l'évaluation faite par la Saur est «Installation qui nécessite la recherche des ouvrages», et M. [W] n'a pas fait à l'acte de déclaration particulière sur ce point.



À défaut pour Mme [W] de démontrer que le consentement de son père a été vicié par une erreur sur la substance de la chose acquise, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la vente.



Sur les demandes subsidiaires en paiement de dommages et intérêts :



Mme [W] ne se prévaut à l'encontre des vendeurs d'aucun fondement de responsabilité distinct des actions en annulation de la vente en lesquelles elle succombe. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de toutes ses demandes à l'encontre de M. [K] et Mme [E].



Sur la responsabilité de la Saur :



Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 1996 fixant les modalités du contrôle technique exercé par les communes sur les systèmes d'assainissement non collectif applicable lors de l'intervention de la Saur, le 14 octobre 2008 :

«- Le contrôle technique exercé par la commune sur les systèmes d'assainissement non collectif comprend :

1. La vérification technique de la conception, de l'implantation et de la bonne exécution des ouvrages. Pour les installations nouvelles ou réhabilitées, cette dernière vérification peut être effectuée avant remblaiement ;

2. La vérification périodique de leur bon fonctionnement qui porte au moins sur les points suivants :

- vérification du bon état des ouvrages, de leur ventilation et de leur accessibilité ;

- vérification du bon écoulement des effluents jusqu'au dispositif d'épuration ;

- vérification de l'accumulation normale des boues à l'intérieur de la fosse toutes eaux.

Dans le cas d'un rejet en milieu hydraulique superficiel, un contrôle de la qualité des rejets peut être effectué. Des contrôles occasionnels peuvent en outre être effectués en cas de nuisances constatées dans le voisinage (odeurs, rejets anormaux) ;

3. Dans le cas où la commune n'a pas décidé la prise en charge de leur entretien :

- la vérification de la réalisation périodique des vidanges ;

- dans le cas où la filière en comporte, la vérification périodique de l'entretien des dispositifs de dégraissage'».



Il ressort du rapport de diagnostic que la dernière vidange a été faite le 1er janvier 2000 et que la société Saur a préconisé un entretien ; qu'il n'existe pas de rejet d'effluents vers le milieu superficiel. Entre les quatre possibilités d'évaluation que présente le document de synthèse, la société Saur a approuvé «Installation qui nécessite la recherche des ouvrages». En, répondant ainsi, elle n'a pas approuvé la première de ces possibilités qui est «installation en bon état de fonctionnement». Cette synthèse apparaît contradictoire avec les réponses aux quatre questions précédentes dans lesquelles la Saur a répondu que la filière était complète et sans irrégularité, en bon état de fonctionnement, acceptable au regard des exigences de la santé publique et de la qualité du rejet dans le milieu.



M. [P] a relevé que le rapport omet de mentionner plusieurs points qui étaient visuellement relevables :'

- la corrosion des ouvrages visitables,

- le net sous-dimensionnement des filières,

- l'existence d'un point de rejet polluant dans l'ancien bief.



Par ailleurs, si la société Saur a préconisé un entretien et noté l'absence de ventilation haute, l'expert relève qu'elle n'a assorti son rapport d'aucune observation sur la nécessité d'une vidange rapide des installations, la dernière datant de 2000, et n'a pas mentionné l'absence de ventilation haute des deux filières alors présentes.



La Saur a fait valoir dans un dire à expert qu'une partie des installations était recouverte de plusieurs décimètres de terre. En page 37 de son rapport, M. [P] a maintenu ses conclusions sur le caractère incomplet et partiellement erroné de l'avis établi, en ce que ce contrôle basé sur des constatations visuelles et les déclarations de M. [K] ne permettait pas de conclure à l'existence de filières complètes, en bon état et de fonctionnement acceptable eu égard à leur sous-dimensionnement, aux ventilations insuffisantes et l'existence d'un rejet dans l'ancien bief.



En délivrant un rapport contradictoire entre la synthèse et les réponses aux questions et en omettant des points de nature à modifier son avis quant au bon état des ouvrages et le bon écoulement des effluents, la Saur a délivré un rapport erroné et a manqué à ses obligations telles qu'énoncées par l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 1996. L'avertissement inscrit en fin de rapport selon lequel la responsabilité de la Saur ne saurait être retenue en cas de dysfonctionnements apparus postérieurement à la date du contrôle, ne peut l'exonérer de la responsabilité qui résulte d'un manquement à ses obligations. En l'espèce, la société Saur a engagé sa responsabilité délictuelle envers M. [W], qui à la lecture de ce rapport, a pensé que l'installation était pérenne et en état de fonctionnement.



La société Saur, consciente que la comme de [Localité 14] n'étant pas à la cause elle ne peut solliciter sa garantie, soutient néanmoins que la cour doit prendre en compte que les travaux réalisés par la commune ont contribué à l'aggravation des dysfonctionnements préexistants. Mais dès lors que la société Saur ne démontre pas que ses erreurs trouvent leur origine, au moins partielle, dans l'existence d'une faute de la commune, elle ne peut invoquer les travaux réalisés par la commune postérieurement à son diagnostic pour s'exonérer de sa responsabilité.



Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes à l'encontre de la société Saur.



Sur le préjudice de Mme [W] :



En premier lieu, le paiement des taxes foncières ne présente aucun lien de causalité avec la faute de la Saur.



En deuxième lieu, Mme [W] demande la réparation d'une perte de loyer. M. [W] avait loué son bien à Mme [R]. Dans une attestation du 23 avril 2016, celle-ci explique être l'ancienne compagne de M. [W], s'être installée dans le bien litigieux avec celui-ci, et y être demeurée après le départ de M. [W] en 2011. Dans un récit qui mêle l'insalubrité des lieux et le harcèlement d'un voisin, Mme [R] déclare avoir fait l'objet d'un «arrêté d'expulsion prononcé par la mairie du [Localité 14]». L'expert confirme qu'il existe depuis le 19 novembre 2014, un arrêté du maire de la commune de [Localité 14], consacrant l'impropriété totale du bâtiment à sa destination et que celui-ci n'est plus habitable. Toutefois, M. [W] connaissait la nécessité de réaliser des travaux sur son installation depuis le rapport Véolia de 2012. Dès lors, la perte de loyer à compter du 19 novembre 2014 ne trouve sa source que dans l'incurie de M. [W] qui n'a pas fait réaliser les travaux nécessaires pendant plus de deux années. Il en est de même pour son impossibilité de jouir personnellement de sa propriété à compter de 2014, étant précisé que, jusqu'à cette date, il a bénéficié de loyers.



En troisième lieu, Mme [W] ne justifie pas de l'existence du préjudice moral qu'elle invoque.



En quatrième lieu, dès lors que Mme [W] a présenté une demande de dommages et intérêts, il appartient à la cour de donner à chacun des préjudices invoqués sa véritable qualification. Les dispositions de l'article L1331-11-1 du code de la santé publique, visées à l'article L271-4 du code de la construction et de l'habitation, ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2011. À la date de la vente litigieuse, le diagnostic de l'installation d'assainissement n'était pas un document que le vendeur était tenu de porter à la connaissance de l'acquéreur. Dès lors que M. [W] devait, en tout état de cause, réaliser des travaux pour remettre l'installation en état de conformité et de fonctionnement, le seul préjudice qu'il a subi du fait du diagnostic erroné de la société Saur est de n'avoir pu anticiper, lors de la vente, les dépenses qu'il aurait à réaliser.

Ce préjudice s'analyse en une perte de chance. Compte tenu du rapport entre le prix de vente (117 000 euros) et le prix des travaux (19 434,50 € TTC), le préjudice qui résulte de cette perte de chance est équivalent à 15% du prix de vente, soit 17 550 €. La société Saur sera condamnée à ce paiement.









Sur la responsabilité du notaire :



Ainsi qu'il a été exposé plus haut, le diagnostic de l'installation d'assainissement n'était pas, à la date de la vente, un diagnostic devant être obligatoirement annexé à l'acte de vente. Même si le notaire a annexé à l'acte de vente le diagnostic qui lui avait été communiqué par le vendeur, son obligation de renseignement ne s'étendait pas à la vérification de la compétence du contrôleur et de la réalité des informations contenues dans ce diagnostic. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes à l'encontre de Me [I].



Sur les recours en garantie de la Saur :



Il résulte de ce qui précède que le notaire n'ayant pas commis de faute, le recours en garantie à son encontre ne peut prospérer.



S'il est exact que M. [K] et Mme [E] n'avaient pas fait vidanger leur installation depuis plus de quatre ans, cette information a été donnée au diagnostiqueur qui ne peut dès lors se prévaloir d'une faute des consorts [K]-[E] à son égard. La Saur se borne à alléguer, sans en justifier, que M. [K] «était un professionnel», que les consorts [K]-[E] avaient eux mêmes réalisé un système non conforme ; qu'ils lui ont fait de fausses déclarations. À supposer que, comme le relève l'expert, les consorts [K]-[E] ne lui aient pas fait part de l'existence d'un rejet superficiel, il appartenait en tout état de cause au diagnostiqueur de rechercher l'existence de ces rejets.



Par voie de conséquence, la Saur n'établit pas l'existence d'une faute des consorts [K]-[E] et sera déboutée de ses recours en garantie.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant par arrêt contradictoire ;



Déclare irrecevable la demande de résolution de la vente sur le fondement des vices cachés ;



Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté M. [W] de ses demandes à l'encontre de la société Saur ;

- condamné M. [W] à payer à la société Saur une indemnité de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles ;



Statuant à nouveau :



Condamne la société Saur à payer à Mme [F] [W], venant aux droits de M. [S] [W], la somme de 17 550 € ;



Déboute la société Saur de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance ;



Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;



Y ajoutant ;



Déboute la société Saur de ses demandes en garantie ;



Déclare sans objet les recours en garantie de Me [I], Mme [E] et M. [K] ;



Condamne la société Saur aux dépens en cause d'appel à l'exception de ceux afférents à la mise en cause de Mme [E] et M. [K] qui resteront à la charge de Mme [W] ;



Condamne la société Saur à payer aux titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel :

- la somme de 3 000 € à Mme [F] [W] ;

- la somme 1 000 € à Me [Z] [I] ;



Condamne Mme [F] [W] à payer à Mme [J] [E] et M. [N] [K] une somme de 3 000 € au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel.



Déboute les parties du surplus de leurs demandes au titre de frais irrépétibles.



LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.