17 septembre 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/20669

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2020



(n° 244 , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20669 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6WF



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Octobre 2019 -Président du tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 19/58127



APPELANTES



Association SHERPA, association régie par la loi du 1er juillet 1901, agissant par sa présidente en exercice, Madame [P] [G] domiciliée audit siège en cette qualité, dûment habilitée en vertu de l'article 12 des statuts de l'association de la décision du Conseil d'Administration du 06 juin 2019

[Adresse 6]

[Localité 13]



Association LES AMIS DE LA TERRE FRANCE, association régie par la loi du 1er juillet 1901, agissant par son président en exercice, Monsieur [E] [H] domicilié audit siège en cette qualité, dûment habilité en vertu de l'article 9 des statuts et autorisé à agir aux fins des présentes par la décision du bureau du 17 juillet 2019

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentées par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistées par Me François de CAMBIAIRE de la SELARL SEATTLE Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P206



INTIMÉE



Société PERENCO, prise en la personne de son Directeur général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 13]



Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée par Me Clément DUPOIRIER de Herbert Smith Freehills Paris LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J025



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 18 Juin 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique DELLELIS, Présidente

Mme Hélène GUILLOU, Présidente

M. Thomas RONDEAU, Conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Véronique DELLELIS, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffiers, lors des débats : Mme Anais SCHOEPFER et Mme [V] [F]



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hélène GUILLOU, Présidente pour Véronique DELLELIS, Présidente, empêchée et par Lauranne VOLPI, Greffière,








Exposé du litige



Perenco, alias Perrodo Energy Company, est un groupe pétrolier spécialisé dans l'exploitation des champs pétroliers en fin de vie ou dont le rendement est en forte baisse. Il opère dans treize pays allant de l'Europe du Nord à l'Afrique et de l'Amérique latine à l'Asie du Sud-Est



La société Perenco SA est une société anonyme au capital de 202 898.40 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris, sous le n° 330 416 074, dont le siège social est situé [Adresse 4]. L'actuel président du conseil d'administration (CA) et Directeur Général de la SA Perenco est [O] [T].



Son objet social couvrait 'l'exploitation de gisements d'hydrocarbures et toutes prestations de service et d'ingénierie se rapportant à l'industrie pétrolière'



Son objet social, modifié en cours de procédure, est défini désormais comme incluant : 'la fourniture de toutes prestations de services et d'études ainsi que toutes activités connexes relatives à des opérations en mer et sur terre notamment (') liées aux reconnaissances, recherches et exploitations pétrolières en mer et sur terre ainsi que l'ingénierie de reconnaissance et la supervision technique en ce qui concerne l'exploitation, l'extraction, le traitement et le transport d'hydrocarbures'.



Les associations Sherpa et Les Amis de la Terre sont des associations intervenant dans le domaine de la protection de l'environnement.



Elles estiment avoir des soupçons légitimes de ce que la SA Perenco a, via des activités d'exploitation de champ de pétrole menées par des sociétés congolaises dépendant du groupe en République Démocratique du Congo (RDC), créé un grave préjudice écologique à l'encontre de plusieurs villages de la région, notamment en violant les normes de traitement des déchets pétroliers.



Le 24 juillet 2019, les associations appelantes ont en conséquence saisi sur requête Mme la présidente du tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin d'obtenir l'instauration de mesures d'instruction qu'elles estiment indispensables pour établir, avant tout procès, les faits dont pourrait dépendre la solution du litige à venir et notamment obtenir des informations sur :



- la structure du groupe Perenco et en particulier les liens contractuels et de contrôle de Perenco SA et de ses dirigeants sur les sociétés en République Démocratique du Congo ;

- l'implication de la société Perenco et de ses dirigeants dans la conception, le pilotage et la surveillance des champs pétroliers où sont survenus les dommages environnementaux sur les zones de [Localité 8] et [Localité 11] ;

- des manquements à la réglementation, aux obligations et engagements pris par le groupe Perenco en matière environnementale, d'hygiène et de sécurité dans le cadre des dommages survenus sur les zones de [Localité 8] et [Localité 11].

L'ordonnance du 2 août 2019 qui a fait droit pour partie à la mesure d'instruction n'a pu être exécutée.



Par acte d'huissier en date du 23 septembre 2019, autorisées pour ce faire par une ordonnance présidentielle, les associations Sherpa et Les Amis de la Terre ont assigné d'heure à heure la SA Perenco devant le juge des référés pour obtenir l'instauration d'une mesure d'instruction cette fois au contradictoire de Perenco.



La SA Perenco avait de son côté assigné les associations Sherpa et les Amis de la Terre France aux fins d'obtenir du juge des requêtes le prononcé de la caducité et la rétractation de l'ordonnance rendue le 2 août 2019.



Le 23 octobre 2019, les conseils de Perenco formalisaient leur désistement de cette instance en rétractation.



Les associations dans le cadre de leur référé demandaient à la juridiction saisie de :



- dire et juger bien fondée la mesure d'instruction sollicitée par les associations Sherpa et les Amis de la Terre sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

En conséquence,

- désigner la SCP Bouvet ' Llopis, huissiers de Justice associés, sis [Adresse 1] ou tout autre huissier de justice compétent,

Avec pour mission de:

- se rendre dans les locaux de la société Perenco SA, situés [Adresse 3]

- se faire communiquer l'emplacement des bureaux, postes de travail, archives papiers, et les adresses emails des personnes identifiées dans la liste de dirigeants et salariés ci-après :

- [O] [S] (actuellement PDG et anciennement 'Group Projects Manager' et également dirigeant de la filiale RDC entre 2010 et 2012),

-'Benoit de la Fouchardière (dirigeant Lirex membre du CA de Perenco SA, ancien directeur général de Perenco et ancien directeur général de filiales en République Démocratique du Congo de 2008 à 2016) ;

- [U] [N] (directrice des ressources humaines de Perenco SA, entrée chez Perenco en 2002) ;

- [K] [A] (Directeur Forage Perenco) ;

- se faire communiquer les noms, l'emplacement des bureaux, postes de travail, archives papiers, et adresses emails des personnes qui occupaient les postes de 'Responsable HSE / Sécurité et environnement' ou 'Directeur HSE / Sécurité et environnement' pour la période de 2012-2013 et entre le 30 juin 2018 et jusqu'au jour de l'exécution de la mesure lors de la première présentation de l'huissier commis, au sein de Perenco SA et dans les sociétés en République Démocratique du Congo ;

-rechercher sur les ordinateurs et les archives papiers des dirigeants et salariés susmentionnés, y compris le 'Responsable HSE / Sécurité et environnement' et le 'Directeur HSE / Sécurité et environnement' pour la période de 2012-2013 et entre le 30 juin 2018 et jusqu'au jour de l'exécution de la mesure lors de la première présentation de l'huissier commis, dont les noms auront été communiqués à l'huissier :

- la copie de toutes les correspondances papiers ou électroniques émises ou reçues sur et vers leurs adresses email professionnelles 'Perenco', pour la période de 2012-2013 et entre le 30 juin 2018 et jusqu'au jour de l'exécution de la mesure lors de la première présentation de l'huissier commis, dans lesquelles apparaîtrait le nom des sites pollués suivants (en minuscules ou en majuscules) :

' [Localité 11]' ' [Localité 8]' / '[Localité 7]' / ' [Localité 8]' ; '[Localité 10]' ' [Localité 9]' '[Localité 12]' ; '[Localité 14]' ; combinés avec un ou plusieurs des mots-clefs suivants (en minuscules ou en majuscules) : 'Pollution', 'Contamination','fouling', 'land pollution', 'risk of contamination';'Déversements', 'spill', 'spillage' ; 'Déchets', 'waste', 'scrap' ; 'Boue', 'contaminé', 'contaminated', 'mud', ' sludge', ' ooze' ; 'Toxique', ' toxic' ; 'Hydrocarbure aromatique polycyclique', 'polycyclic aromatic hydrocarbon' ; 'QHSE', 'Qualité, Hygiène, Sécurité, Environnement', 'Quality Health Safety and Environment', 'HSE'/ 'Hygiène, Sécurité, Environnement'.

- tous documents trouvés sur les supports cités ci-dessus par l'huissier et/ou l'expert informatique, y compris les fichiers qui auraient été supprimés, écrasés, et/ou déplacés, en rapport avec toute mission effectuée par la société Perenco SA dans la gestion des dommages environnementaux survenus sur les sites de [Localité 11] et [Localité 8], et comportant les mots-clés suivants : '[Localité 10]' ; '[Localité 9]' '[Localité 11]' ; '[Localité 8]' / ' [Localité 7]' / '[Localité 8]' ; '[Localité 12]'; ' [Localité 14]' ;

-tout ou partie desdits documents, y compris les fichiers informatiques, qui ont été supprimés et le cas échéant d'en obtenir la communication ;

- rechercher les dossiers, fichiers, documents, correspondances suivantes situées dans lesdits locaux, quel qu'en soit le support, informatique ou autre, y compris les fichiers qui auraient été supprimés, écrasés, et/ou déplacés, pour la période de 2012-2013 et entre le 30 juin 2018 jusqu'au jour de l'exécution de la mesure lors de la première présentation de l'huissier commis:

-les offres d'emploi publiées par Perenco SA pour des opérations de management environnemental ou HSE en RDC, visant les postes suivants :

' Corporate QSHE Advisor'

' HSE Manager' / ' HSE Manager'

' HSE Coordinator' / 'Coordinateur HSE'

' HSE supervisor' / 'Superviseur HSE'

' HSE advisor' / 'Conseiller HSE'

' HSE Leader workover'

' HSE Director' / 'Directeur HSE' / 'Directeur sécurité et environnement',

-la copie papier ou électronique des formulaires S9203 ' Avis de mission', des formulaires de détachement et d'expatriation des personnels de Perenco SA vers la République Démocratique du Congo, en particulier vers les sites de [Localité 11] et [Localité 8], et les questionnaires de demande de maintien d'affiliation au régime français de sécurité sociale pour ces personnels détachés ;

-la copie papier ou électronique des études d'impact environnemental portant spécifiquement sur les sites de [Localité 11] et [Localité 8] ;

-la copie papier ou électronique des relevés et documents internes relatifs à la pollution et les relevés annuels effectués sur les sites de [Localité 11] et [Localité 8] ;

- la copie des rapports de suivi des incidents relatifs aux sites de [Localité 11] et [Localité 8] ;

- d'autoriser l'huissier à se saisir de tout ou partie des documents, y compris les fichiers informatiques, qui ont été supprimés et à défaut d'en obtenir la communication;



Et à cette fin :

- d'autoriser l'huissier à se faire assister, en tant que de besoin, d'un ou plusieurs experts et/ou technicien informatique de son choix, de la force publique territorialement compétente, d'un serrurier, d'un photographe ou de toute autre personne compétente, l'ensemble des participants étant en tout état de cause indépendant des parties ;

- d'autoriser l'huissier et/ou l'expert informatique effectuant des recherches par l'intermédiaire des mots-clés ci-dessus listés sur l'ensemble des terminaux informatiques et téléphoniques se trouvant dans les locaux de la société Perenco SA, situés [Adresse 3], à se faire représenter, à recherche, à compulser, à copier ou photocopier, si nécessaire en les emportant, à charge d'en dresser préalablement l'inventaire, puis de les restituer après photocopies, au besoin à parapher ne variatur, tout document de quelque nature relatif aux sujets suivants :

-d'autoriser l'huissier ainsi commis et/ou l'expert informatique à saisir par voie de description, ou sous forme de copie, photocopies ou de photographies, tous documents compulsés lors de ses opérations tels que : dispositif de communications, papiers, livres, catalogues, brochures, prospectus, factures, et tous autres écrits quelconques, permettant de déterminer la matérialité, la nature, l'étendue, l'origine et la destination des violations alléguées, l'huissier instrumentaire étant autorisé à emporter momentanément les documents précités afin de les reproduire à son étude, à charge pour lui de les restituer au saisi une fois les reproductions effectuées ;

- d'autoriser l'huissier ainsi commis et/ou l'expert informatique à se faire communiquer les identifiants et mots de passe permettant d'accéder aux matériels et logiciels concernés, et en cas de refus ou de difficulté, autoriser l'huissier et les experts et/ ou techniciens informatiques à accéder aux disques durs et plus généralement à toutes unités de stockage (y compris serveur externe ou cloud) susceptibles de contenir tout ou partie des éléments susvisés ;

- d'autoriser l'huissier ainsi commis et/ou l'expert informatique, si nécessaire à procéder à l'extraction des disques durs des unités centrales des ordinateurs concernés, à leur examen à l'aide des outils d'investigation de son choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unité centrale respective après en avoir pris copie ;

- d'autoriser l'huissier ainsi commis et/ou l'expert informatique à effectuer toutes copies sur tous supports, notamment papier ou informatique, des éléments ainsi obtenus ;

- d'autoriser l'huissier ainsi commis et/ou l'expert informatique et/ou un technicien informatique, en cas de difficulté dans la réalisation des mesures ci-dessus exposées (et notamment en cas de traitement sur place d'une durée excessive) à effectuer des copies complètes des disques durs et autres supports, lesquels seront conservés en séquestre en l'étude de l'huissier ainsi commis aux fins d'analyse et de copie ultérieures, le tri de ces données pouvant être effectué postérieurement à la condition que les données sans rapport avec l'objet de la mission soient détruites ;

- d'autoriser le ou les experts informatiques assistant l'huissier ainsi commis à installer tout logiciel ou brancher tout périphérique pour les besoins des opérations ;

- autoriser l'huissier ainsi commis, dans le cas où l'accomplissement complet de sa mission aurait été impossible à réaliser lors de la première intervention, à poursuivre cette intervention dans des conditions identiques le premier jour ouvré suivant ;

- autoriser l'huissier ainsi commis à poser à l'ensemble du personnel de Perenco SA présents dans les locaux toutes les questions utiles à l'exécution de sa mission ;

- autoriser l'huissier ainsi commis à consigner les déclarations des parties susvisées et toutes paroles prononcées au cours des opérations en s'abstenant de toute interpellation autres que celles nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

- dresser un procès-verbal des opérations effectuées, en déposer une copie près le greffe du Tribunal de Grande Instance de Paris et en remettre une copie aux demanderesses ;

- dire que l'huissier ainsi commis devra établir un document permettant l'identification des éléments appréhendés qui sera remis aux requérantes, ainsi qu'aux parties visées par la mesure;

- dire que l'huissier ainsi commis conservera en séquestre tous les éléments recueillis sans pouvoir en donner connaissance aux requérantes ;

- dire qu'il sera statué sur l'examen des pièces ainsi séquestrées et leur communication aux requérantes dans les conditions prévues par les articles R. 153-1 et suivants du Code de commerce ;

- dire qu'en vue de cet examen, l'huissier ainsi commis tiendra à la disposition des parties auprès desquelles il les aura obtenues, une copie des pièces séquestrées sur un support adapté, afin que ces parties puissent, pour les besoins de leur examen par Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Paris, sélectionner celles de ces pièces à la communication desquelles elles s'opposent ;

- fixer le montant de la provision à consigner par les demanderesses.



En défense, la SA Perenco demandait pour l'essentiel au juge saisi de :



- à titre principal, déclarer irrecevables les demandes des associations requérantes pour défaut de qualité à agir ;

- à titre subsidiaire, débouter les associations requérantes de toutes leurs demandes ;

- en tout état de cause, condamner in solidum les associations requérantes à payer à la SA Perenco la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ordonnance du 22 octobre 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a :



- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SA Perenco;

- débouté les associations requérantes de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné in solidum les associations requérantes à payer à la SA Perenco la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Le juge a estimé que les associations requérantes avaient bien qualité à agir sur le fondement de l'article 1248 du code civil.



Il a cependant estimé que la mesure d'investigation demandée n'était pas soutenue par un motif légitime, le procès au fond mené par les associations étant voué à l'échec. En effet, les associations ont certes qualité à agir en droit français, mais le litige ne sera pas soumis à ce droit mais au droit congolais. La France n'est ni le lieu du dommage (qui s'est déroulé en RDC), ni le lieu du fait générateur, les décisions ayant pu être prises à son siège social à [Localité 13] par la SA Perenco ne constituant pas le fait générateur du dommage écologique.



Par déclaration en date du 7 novembre 2019, les associations Sherpa et LAT ont relevé appel de cette décision.



Aux termes de leurs conclusions communiquées par la voie électronique le 2 juin 2020, elles demandent à la cour de :





- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a reconnu leur qualité à agir ;

- juger bien fondée la mesure d'instruction sollicitée par les associations Sherpa et LAT ;

- désigner un huissier de justice avec la même mission et dans les mêmes conditions que dans la demande de première instance des associations, la cour renvoyant à cet égard au dispositif repris plus haut ;

- ordonner la communication forcée sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard, à compter de l'exécution de la mesure à intervenir, des documents qui auraient été supprimés, écrasés ou déplacés et que l'huissier n'aurait pas pu se faire remettre lors de l'exécution de la mesure ;

- dire qu'un refus par la SA Perenco de donner accès à ses locaux pour la réalisation de la mesure d'expertise donnera lieu au paiement d'une astreinte de 20.000 euros par jour de retard à compter du jour du premier refus ;

- condamner la SA Perenco à payer aux associations requérantes la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.



Les associations Sherpa et LAT exposent en substance les éléments suivants :



- il ressort de la jurisprudence que pour obtenir que soit ordonnée une mesure d'instruction in futurum, le demandeur n'a pas à établir le bien-fondé de son action au fond, mais seulement qu'il existe un litige éventuel et que son action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec ;

- en l'espèce, le juge a refusé d'accorder la mesure d'instruction au motif que les associations ne faisaient qu'alléguer que la SA Perenco avait manqué aux normes environnementales ;

- en portant une appréciation sur le bien fondé de l'action au fond des associations, le juge des référés a outrepassé ses pouvoirs ;

- par ailleurs, les associations ont apporté beaucoup d'éléments prouvant que la SA Perenco a violé les normes environnementales et provoqué un désastre écologique ;



-il ressort du règlement européen Rome II qu'en cas de préjudice écologique, la loi compétente est soit celle du dommage, soit celle du fait générateur ;

- le juge des référés a estimé à tort que les décisions prises à [Localité 13] par la SA Perenco ne pouvaient être considérées comme le fait générateur du préjudice écologique, puisqu'il ne s'agissait pas d'un acte positif ayant un lien direct avec le dommage ;

- même si la SA Perenco n'a pas de liens capitalistiques directs avec les sociétés locales qui exploitent les champs de pétrole en RDC, elle est bien l'organe de décision et est le dirigeant de fait des sociétés congolaises;

- c'est bien elle qui est à l'origine de la violation des normes environnementales ayant provoqué le désastre écologique;

- quand bien même la loi applicable au litige serait la loi congolaise, on ne peut en déduire automatiquement l'incompétence du juge français ;

- il ressort en tout état de cause de la jurisprudence que quand bien même l'action au fond ne relèverait pas du juge français ou de la loi française, le juge français peut ordonner une mesure d'instruction qui doit être exécutée en France ;

- l'intérêt à agir et la qualité à agir doivent être déterminés selon la loi du for, ici la loi française et non pas selon la loi de l'action au fond;

- l'intérêt à agir des associations appelantes découle du principe selon lequel une association a qualité à agir pour les atteintes causées aux intérêts collectifs qu'elle défend;

- il découle également de l'article 1248 qui dispose qu'en cas de préjudice écologique, les associations de défense de l'environnement créées depuis au moins 5 ans peuvent agir;



S'agissant du motif légitime :

- aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, une demande de mesure d'instruction doit être accueillie lorsqu'elle est soutenue par un motif légitime, c'est à dire lorsqu'elle a pour but d'obtenir des preuves en vue d'un procès au fond ultérieur;

- en l'espèce, il est incontestable que les sociétés congolaises agissant pour le compte de la SA Perenco sont à l'origine d'un grave préjudice écologique dont souffrent plusieurs villages de RDC;

- comme il l'a déjà été démontré, l'action au fond des associations n'est pas vouée à l'échec, puisqu'elle sera soumise au juge français et à la loi française ;

-le lieu du fait générateur n'est pas forcément le lieu de pollution, mais peut aussi être celui de la prise de décision à l'origine du dommage, en l'espèce le siège social parisien de la SA Perenco, coordinateur de fait des exploitations pétrolières congolaises;

- quand bien même le droit applicable serait le droit congolais, cela ne s'oppose ni à la compétence du juge français, ni à une action en responsabilité, le droit congolais de la responsabilité étant très inspiré du droit français.



S'agissant de la prescription :

- l'action en réparation d'un préjudice écologique se prescrit en 10 ans à compter du moment où le demandeur en a eu connaissance (article 2226-1 du code civil) ;

- la SA Perenco prétend que l'action des associations serait prescrite, puisque les atteintes à l'environnement auraient cessé en 2009 ;

- en réalité, la pollution de l'eau a perduré au moins jusqu'en 2013. La catastrophe écologique en cours en RDC n'a de toute façon été connue du grand public qu'en 2013;

- par ailleurs, le droit congolais prévoit un délai de prescription de 30 ans;

- l'action des associations appelantes n'est donc en aucun cas prescrite;



S'agissant de l'intérêt probatoire de la mesure d'instruction :

- plusieurs éléments laissent penser que la SA Perenco entretient des liens importants (et dirige de fait) les sociétés congolaises à l'origine du dommage malgré l'absence de liens capitalistiques avérés;

- la mesure d'instruction sollicitée aura notamment pour but de mieux comprendre l'organisation complexe (et relativement opaque) du groupe Perenco, qui comprend des sociétés situées au Royaume-Uni, aux Bahamas, en France et en RDC.

- elle aura également pour but d'évaluer le rôle de la SA Perenco en termes de ressources humaines, la plupart de ses salariés français semblant travailler en RDC.;

- enfin, elle permettra d'établir que la SA Perenco a la main mise technique sur les opérations pétrolières menées en RDC;

S'agissant de la légalité de la mesure d'instruction :

- les documents dont les associations demandent la recherche sont précisément définis et sont en lien avec le rôle supposé de la SA Perenco dans la survenance du dommage écologique;

- aucune atteinte au secret des affaires n'est à craindre : les associations ne sont pas des concurrentes de la SA Perenco et les documents seront mis sous séquestre.



Par conclusions communiquées par la voie électronique le 15 juin 2020, la SA Perenco demande à la cour de:

- à titre principal, juger irrecevables en leurs demandes et débouter les associations Sherpa et LAT ;

- à titre subsidiaire, juger que les conditions posées à l'article 145 du code de procédure civile ne sont pas remplies;

- à titre plus subsidiaire, juger que la mesure d'instruction s'apparente à une perquisition civile et/ou est incompatible avec les règles régissant les huissiers de justice ;

- juger que la mesure d'instruction concerne des périodes de temps sans lien avec les faits de pollutions allégués, lesquels remonteraient aux années antérieures à 2006 ;

En conséquence,

- rejeter en l'état la demande de mesure d'instruction ;

- en tout état de cause, confirmer l'ordonnance entreprise ;

- condamner in solidum les associations Sherpa et LAT à payer à la SA Perenco la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Patricia Hardouin.



La SA Perenco expose en résumé ce qui suit :



- même pour demander une mesure d'instruction, le demandeur doit prouver qu'il a un intérêt à agir au fond.

- les associations n'ont pas d'intérêt à agir et qualité à agir sur le fondement du droit commun.

- elles ne sont pas victimes du dommage allégué.

- une association peut agir pour défendre l'intérêt collectif de ses membres, sous condition que son objet social soit suffisamment défini, ce qui n'est pas le cas en l'espèce;



S'agissant du droit applicable :

- contrairement à ce qu'affirme les associations, la question du droit applicable est essentielle et ne peut être reporté à l'action au fond, puisqu'elle détermine si les associations peuvent se prévaloir de l'article 1248 du code civil pour justifier de leur qualité à agir ;

- en l'espèce, le droit applicable n'est pas le droit français. En effet, la France n'est ni le lieu du dommage (qui est incontestablement la RDC), ni le lieu du fait générateur au sens de la règle de conflit prévue par Rome II;

- il ressort en effet des législations nationales et internationales que le fait générateur d'un dommage écologique est un acte positif en lien direct avec la pollution,

- les décisions prises à [Localité 13] par la SA Perenco en lien avec les activités d'exploitation pétrolières en RDC ne peuvent donc être considérés comme le fait générateur de la pollution,

- quand bien même ces décisions seraient considérés comme fait générateur, ce fait devrait être localisée là où il a pris effet, c'est à dire en RDC,

- une interprétation contraire viendrait à étendre de façon excessive le champ d'application de la loi française alors que tant le lieu du dommage que les parties incitent à considérer que le litige doit être soumis au droit congolais,

S'agissant de l'absence de motif légitime :

- il ressort de l'article 145 du code de procédure civile et de la jurisprudence qu'une mesure d'instruction est dépourvue de motif légitime lorsque l'action au fond envisagé est manifestement vouée à l'échec,

- en l'espèce, l'action au fond des associations est manifestement vouée à l'échec pour plusieurs raisons :

- les associations n'ont pas d'intérêt et de qualité à agir,

- les faits de pollutions allégués sont prescrits car connus depuis plus de 10 ans : leur existence a en effet été révélée entre 2006 et 2009 (des procédures sont en cours en RDC depuis 2008) ;

La SA Perenco ne peut être considérée comme responsable du dommage écologique.



S'agissant de la responsabilité susceptible d'être encourue par la SA Perenco :

- sauf exception, au regard du droit de la responsabilité, une personne ne peut répondre que des conséquences de ses propres actes,

- la SA Perenco ne peut donc être tenue pour responsable des actes commis par des sociétés congolaises, dont elle n'est pas la société-mère,

- la responsabilité d'un groupe de sociétés n'est en effet pas reconnu en droit français, encore moins en l'absence de liens capitalistiques, comme c'est le cas en l'espèce entre la SA Perenco et les sociétés congolaises,

- les associations reconnaissent elles-mêmes que la SA Perenco n'est pas responsable du dommage écologique, ne lui reprochant qu'un 'contrôle' (notion indéfinie juridiquement) des sociétés congolaises,

- la demande des associations est donc dépourvue de motif légitime,

S'agissant de l'illégalité de la mesure d'instruction :

- Il ressort de la jurisprudence qu'un juge ne peut pas, au titre de l'article 145 du code de procédure civile, ordonner une mesure d'investigation générale,

- le rôle de l'huissier doit être limité à des constatations et ne peut pas procéder à une appréciation personnelle des documents,

- en l'espèce, la saisie sollicitée par les associations concerne un nombre très important de documents, pas toujours en lien direct avec les faits de pollution allégués et potentiellement confidentiels, qui peut être assimilé à une 'pêche aux informations',

- la mesure sollicitée conduirait également à donner un pouvoir d'investigation quasi illimitée à l'huissier instrumentaire, qui pourrait déterminer personnellement quels documents il doit saisir.



Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des faits, moyens ou prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE LA COUR :



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.



Il en résulte que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure ' in futurum' étant précisément destinée à l'établir, mais qu'il doit justifier d'éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il sollicite cette mesure d'instruction n'est pas dénué de toute chance de succès. Ni l'urgence, ni l'absence de contestation sérieuse, ne sont des conditions d'application de ce texte.



Les deux associations appelantes soulignent le fait qu'elles disposent d'un motif légitime à solliciter la mesure d'instruction dans la perspective d'une action délictuelle susceptible d'être intentées par elles devant le juge français.



Elles énoncent à cet égard que cette action en responsabilité délictuelle à l'encontre de la partie intimée en France pourrait ainsi être fondée sur au moins quatre manquements susceptibles de lui être personnellement imputables, la mesure d'instruction ayant pour objet légitime d'obtenir des éléments de preuve relatifs à ces manquements quant à leur nature exacte et leur ampleur



Ces manquements ou causes de responsabilité sont les suivants :

- fautes commises par la SA Perenco dans son contrôle des sociétés du groupe opérant en République Démocratique du Congo ;

-responsabilité en raison d'un contrôle de droit en application de l'article L. 233-16 du Code de commerce, peu important l'absence prétendue de liens capitalistiques, dès lors que la société française exerce une influence dominante sur les sociétés situées en République Démocratique du Congo ainsi qu'en raison d'un contrôle de fait en raison de son immixtion dans la gestion des sociétés pétrolières en République Démocratique du Congo ;

- fautes commises par la SA Perenco au titre de la conception, du pilotage et du contrôle des activités pétrolières du groupe en RDC selon les termes de son PDG, [O] [T] sur une page du site internet révélant sa qualité d'exploitant effectif ;

- manquement de la SA Perenco à son obligation de vigilance de droit commun qui trouve sa source dans son implication dans l'activité dommageable et sa capacité d'intervention dès lors qu'il est établi que la SA Perenco est intervenue pour délivrer 18M€ de prestations de services aux sociétés pétrolières en République Démocratique du Congo ;

- manquement contractuel commis par la SA Perenco dans l'exécution des contrats de prestations de services passés entre cette dernière et les sociétés pétrolières en République Démocratique du Congo invocable par un tiers au contrat sur le fondement de la responsabilité délictuelle



Il est exact comme le font valoir les deux associations demanderesses que le juge saisi au visa de l'article 145 du code de procédure civile n'a pas à préjuger du fond du litige.



Il est tout aussi exact que la jurisprudence affirme de manière claire et établie la compétence du juge français pour autoriser toute mesure d'instruction devant s'exécuter contre un défendeur français, indépendamment de la loi applicable au litige au fond et que la procédure exercée au visa de l'article 145 du code de procédure civile est suivie en principe suivant la lex fori à savoir la loi française.



Cependant, en dépit du fait qu'elle consiste par définition à anticiper un futur procès, la demande fondée sur l'article 145 n'en reste pas moins l'exercice d'une action en justice. Or l'action portée devant le juge pour qu'il ordonne une mesure d'instruction in futurum est soumise, comme toutes les autres, à l'adage 'pas d'intérêt, pas d'action'. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, la recevabilité d'une prétention est conditionnée à la démonstration d'un ' intérêt légitime ', voire à la caractérisation d'une qualité particulière lorsque la loi a entendu restreindre le cercle des personnes titulaires du droit d'agir



Or, dans ce cadre, il ne peut être fait abstraction de la loi étrangère et il ne peut être question de faire droit à la demande de mesure d'instruction in futurum si cette loi étrangère est nécessairement applicable au litige au fond, quel que soit le juge compétent pour en connaître, et si celle loi ne reconnaît pas d'action à la partie qui sollicite la mesure d'instruction. Comme l'indique la société Perenco 'dans les cas d'action 'attitrée', c'est-à-dire réservée à certaines personnes, c'est en fait le droit substantiel lui-même qui est réservé, et la lex fori n'est donc pas compétente.



Cela est vrai en particulier lorsque ce demandeur est une association qui lorsqu'elle envisage de demander non pas la réparation d'un préjudice personnel, mais d'agir aux motifs de l'atteinte aux intérêts collectifs qu'elle représente voire même encore d'agir au titre d'un préjudice environnemental objectif, le préjudice écologique pur, ce dernier préjudice n'étant pas subi par ' autrui', c'est-à-dire par une personne, qu'elle soit publique ou privée, mais par la nature elle-même et par la collectivité.



Elle exerce nécessairement une action attitrée c'est-à-dire une action qui lui est reconnue spécifiquement par le droit substantiel applicable au litige au fond.



S'agissant précisément du droit applicable au fond, au regard des éléments d'extranéité du présent litige il y a lieu effectivement de se référer l'article 7 du règlement Rome II, ce règlement déterminant le droit applicable, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. Cet acte européen de droit dérivé est le résultat d'une harmonisation de règles de conflit de lois, règles de rattachement objectif qui coordonnent le droit matériel des Etats membres.



Ce règlement possède une règle de rattachement spécifique à la matière environnementale contenue dans l'article 7 intitulé 'Atteinte à l'environnement'.



La loi applicable en vertu de l'article 7 sera celle qui résulte de l'application de l'article 4, § 1er du règlement, à moins que le demandeur en réparation n'ait choisi de fonder ses prétentions sur la loi du pays dans lequel le fait générateur du dommage s'est produit.



L'article 7 consacre ainsi une alternative entre le lieu du fait générateur et celui de la survenance du dommage.



Comme le relèvent justement les appelantes elles-mêmes dans leurs écritures ' la proposition [de Règlement Rome II] est éclairante. Cette proposition indique à propos de l'article 7 que le choix offert au demandeur se justifie dans la mesure où l'application ' de la seule loi du lieu du dommage, en effet, pourrait inciter un opérateur à s'installer à la frontière pour y introduire des produits nocifs dans un fleuve, en comptant sur la réglementation moins stricte du pays voisin. Une telle solution serait contraire à la philosophie sous-jacente du droit matériel européen de l'environnement et son principe 'the polluter pays'. (Commission des Communautés Européennes, Proposition de Règlement du Parlement européen et du conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), 2003/0168, 27 juillet 2003)'.



Cette proposition envisage elle-même le fait générateur comme le lieu de survenance de l'événement matériel polluant dans un contexte de volonté d'objectivation des critères de rattachement.



Force est de constater qu'en la présente espèce, il n'y a pas de distorsion entre le lieu d'émission des substances polluantes et le lieu de survenance des dommages lesquels sont tous les deux situés en République Démocratique du Congo.



Comme l'a exactement énoncé le premier juge, la rédaction même des allégations des parties demanderesses qui reprochent à la société Perenco une immixtion ou un défaut de contrôle des activités n'établissent pas l'existence d'un fait générateur en France qui correspond à l'événement ayant une causalité directe et immédiate par rapport au dommage environnemental.



Il y a lieu constater que le texte n'a pas prévu que la loi du lieu du siège social du défendeur pourrait être retenue comme loi applicable et que tant le recours au texte de droit commun en matière de responsabilité civile à savoir l'article 4 que le texte dérogatoire de l'article 7 désignent en réalité la loi de la République Démocratique du Congo comme loi applicable.



C'est donc à bon droit que le premier juge en a conclu que la loi congolaise serait nécessairement applicable au litige.



Certes, l'ordonnance entreprise est erronée en ce qu'elle énonce que 'le possible procès futur concernant le dommage environnemental est soumis aux dispositions précitées de l'article 4 du règlement n°864/2007 Rome 2 et ne pourrait s'exercer qu'en République Démocratique du Congo' dans la mesure où elle opère sur le dernier point une confusion entre la règle de conflit de juridictions et la règle de conflit de lois.



A cet égard, les associations appelantes font justement valoir que les juridictions françaises pourraient être amenées à connaître d'un litige contre Perenco puisque:



- l'article 4 du Règlement (UE) n° 1215/2012 Bruxelles I dispose que :

'1. Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

2. Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l'État membre dans lequel elles sont domiciliées sont soumises aux règles de compétence applicables aux ressortissants de cet État membre'.



- en droit français, ce sont les articles 42 et suivants du code de procédure civile qui règlent les questions de compétence territoriale en offrant au demandeur la possibilité en matière délictuelle de saisir, outre le lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle où le dommage a été subi.

- en l'espèce, il y a lieu d'appliquer la règle de principe selon laquelle la juridiction française est compétente s'agissant d'un défendeur français, soit le tribunal judiciaire de Paris pour Perenco SA, dont le siège social est situé [Adresse 3] ;



Il n'en demeure pas moins que le juge français serait amené pour les motifs susdits à appliquer la loi congolaise, la question du droit substantiel applicable étant dissociée de la règle de compétence judiciaire.



Dès lors l'argumentaire des parties appelantes selon lesquelles elle seraient recevables à agir dans la perspective d'un litige ultérieur fondé sur les dispositions de l'article 1248 du code civil n'a pas lieu d'être suivi. Il y a lieu de constater au demeurant que ce sont les dispositions de cet article que les parties appelantes ont invoqué en première instance pour fonder leur action, rappelant à cet égard les dispositions de la loi du 8 août 2016 qui a donné un fondement législatif au régime de la responsabilité en matière de dommage écologique pur, défini précisément les associations susceptibles d'intervenir et instauré un régime dérogatoire à la règle selon laquelle le demandeur à l'action en responsabilité peut disposer de l'indemnisation allouée à la suite de cette action.



Force est de constater que ces dispositions n'ont pas vocation à être invoquées dans le cadre d'un litige au fond soumis à la loi étrangère en l'espèce et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que ces dispositions exorbitantes du droit commun auraient leur équivalent en droit congolais.



Certes en cause d'appel, les deux associations appelantes font valoir qu'elles pourraient agir sur le fondement du droit commun y compris selon la loi congolaise.



Cependant les associations appelantes ne prétendent avoir subi un préjudice personnel à l'occasion des événements polluants.



Il y a donc lieu d'en conclure que l'action serait une action en préjudice moral au titre de l'atteinte aux intérêts collectifs qu'elles représentent.



Or à cet égard les appelantes ne justifient pas davantage, s'agissant d'une action attitrée, que la loi congolaise donne qualité à des associations françaises pour agir à ce titre au titre de dommages survenus au Congo.



Il convient dès lors pour la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de demande de mesure d'instruction in futurum, cette demande étant en réalité irrecevable pour défaut de qualité des parties appelantes.



Le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront réglés comme précisé au présent dispositif





PAR CES MOTIFS



Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné in solidum les associations requérantes aux dépens de première instance,



Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,



Dit irrecevable la demande d'instruction in futurum pour défaut de qualité,



Condamne in solidum les parties appelantes aux dépens d'appel,



Autorise la distraction des dépens au profit de l'avocat de l'intimé,



Condamne in solidum les parties appelantes à payer à la SA Perenco la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel.





Le Greffière, Pour la Présidente empêchée,

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