10 octobre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-25.076

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:CO00795

Texte de la décision

COMM.

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 octobre 2018




Cassation partielle
sans renvoi


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 795 F-D

Pourvois n° N 16-25.076
et n° U 16-25.220 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois n° N 16-25.076 et U 16-25.220 formés par :

1°/ M. Robert X..., domicilié [...] ,

2°/ Mme Barbara X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,

3°/ Mme Katia X..., épouse Z..., domiciliée [...] ,

contre le même arrêt n° RG : 13/04533 rendu le 29 octobre 2014 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à M. François A..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation ;
M. A..., défendeur aux pourvois n° N 16-25.076 et n° U 16-25.220 a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs aux pourvois principaux invoquent, à l'appui de chacun de leurs recours, un moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt ;

Le demandeur aux pourvois incidents invoque, à l'appui de chacun de ses recours, un moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 juillet 2018, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme C..., conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme C..., conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. X... et Mmes Barbara et Katia X..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. A..., l'avis de Mme D..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., Mmes Barbara et Katia X... (les consorts X...) et M. A... ont conclu en novembre 2003 une convention intitulée « convention d'associés Multis », contenant une option de vente au bénéfice de M. A... par laquelle les consorts X... s'engageaient, dans certaines hypothèses, à acquérir l'intégralité des actions que M. A... détiendrait dans le capital de la société Multis ; que le 5 octobre 2006, M. A... a notifié aux consorts X... sa volonté de lever son option de vente des actions de la société Multis ; que les consorts X... ont donné leur accord sur le principe de la vente mais ont contesté le prix des actions ; qu'un expert a été désigné par ordonnance du juge des référés du 13 mars 2007, afin de « fixer le prix de cession des actions visées dans le pacte conformément au mode de calcul et d'estimation contractuellement convenu » ; que l'expert a rendu un rapport de carence eu égard au désaccord des parties quant à l'interprétation de la notion de « dernier bilan arrêté » à laquelle se référait la convention d'associés ; que M. A... a, de nouveau, saisi le juge des référés afin, notamment, que soit désigné un expert aux fins de voir fixer le prix de cession des actions visées dans le pacte conformément au mode de calcul et d'estimation contractuellement convenu en retenant la notion de dernier bilan arrêté ; que le juge des référés a,notamment, rejeté la demande de M. A... tendant à la désignation d'un nouvel expert et ordonné le retour du dossier à l'expert précédemment désigné afin qu'il exécute sa mission jusqu'à son terme ; que les consorts X... ont formé un appel-nullité contre cette décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, commun aux deux pourvois ;

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de déclarer son appel incident irrecevable alors, selon le moyen, qu'une partie est recevable à interjeter appel de l'ordonnance qui écarte le grief d'impartialité formulé à l'encontre de l'expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil ainsi qu'à former un appel incident du même chef, sur l'appel nullité formé contre l'ordonnance par une autre partie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1843-4 du code civil, 550 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que l'appel incident n'est recevable que si l'appel principal est recevable ou qu'une autre partie a interjeté un appel régulier, et que l'appel portant sur une décision statuant sur l'application des dispositions de l'article 1843- 4 du code civil n'est pas recevable, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'appel incident relevé par M. A... devait être déclaré irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, commun aux deux pourvois ;

Vu l'article 1843-4 du code civil ;

Attendu qu'après avoir annulé la décision qui lui était déférée pour excès de pouvoir, l'arrêt procède à la désignation d'un nouvel expert ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seul le président du tribunal, statuant en la forme des référés, a le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement donné aux parties ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois incidents ;

Et sur les pourvois principaux :

CASSE ET ANNULE, mais seulement, par voie de retranchement, en ce qu'il désigne un expert chargé de fixer le prix de cession des actions de la société Multis, l'arrêt rendu le 29 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE l'appel irrecevable ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit aux pourvois principaux n° N 16-25.076 et n° U 16-25.220 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mmes Barbara et Katia X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR désigné M. E... en qualité d'expert avec pour mission de fixer le prix de cession des actions Multis ;

AUX MOTIFS QUE par application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, « dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés et sans recours possible » ; que toutefois, la voie de l'appel-nullité pour excès de pouvoir est admise à l'encontre d'une ordonnance prise en vertu des dispositions précitées ; que la lecture de l'ordonnance rendue le 25 juin 2013, par le juge des référés commercial du tribunal de grande instance de Strasbourg démontre que le juge des référés a désigné de nouveau M. F... en qualité d'expert, en lui confiant la mission définie dans l'ordonnance de référé du 13 mars 2007, et a fixé les modalités du déroulement de cette expertise ; qu'or, dans le cadre des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, le juge saisi ne peut que désigner l'expert sollicité par les parties et l'application par le juge des référés des règles de procédure civile applicables aux experts judiciaires entache la décision de nomination de l'expert d'un excès de pouvoir, qui justifie l'annulation de la décision entreprise ; que les consorts X... ont sollicité qu'il soit fait retour à M. F..., expert initialement désigné du dossier ; qu'en raison de l'importance que revêt le rapport qui sera déposé par l'expert chargé de fixer le prix de cession des actions Multis, il convient de préserver une impartialité objective de ce rapport, et de décharger M. F... du dossier et de procéder à la désignation d'un autre expert ;

ALORS QUE le président du tribunal ayant seul le pouvoir, à défaut d'accord des parties, de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux en application de l'article 1843-4 du code civil d'ordre public, commet un excès de pouvoir la cour d'appel qui, bien que n'étant investie d'aucun pouvoir pour désigner un tel expert, désigne un nouvel expert chargé de fixer le prix de cession des actions ; qu'en énonçant, pour désigner un nouvel expert, qu'en raison de l'importance que revêtait le rapport qui serait déposé par l'expert chargé de fixer le prix de cession des actions Multis, il convenait de préserver une impartialité objective de ce rapport et de décharger M. F... du dossier et de procéder à la désignation d'un autre expert, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 1843-4 du code civil. Moyen produit aux pourvois incidents n° N 16-25.076 et n° U 16-25.220 par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. A...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel incident formé par M. A... ;

AUX MOTIFS QUE les consorts X... ont demandé à la Cour de déclarer irrecevable l'appel incident de M. A... ; que l'appel n'est pas recevable sur une décision statuant sur l'application des dispositions de l'article 1843- 4 du code civil ; que l'appel incident n'est recevable que si l'appel principal est recevable ou qu'une autre partie a interjeté un appel régulier ; qu'or, en l'espèce, l'appel n'est pas recevable et en conséquence, l'appel incident de M. A... doit être déclaré irrecevable ;

ALORS QU'une partie est recevable à interjeter appel de l'ordonnance qui écarte sur le grief d'impartialité formulé à l'encontre de l'expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil ainsi qu'à former un appel incident du même chef, sur l'appel nullité formé contre l'ordonnance par une autre partie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1843-4 du code civil, 550 du code de procédure civil, ensemble l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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