18 octobre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-24.256

Troisième chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:C310538

Texte de la décision

CIV.3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2018




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10538 F

Pourvoi n° S 17-24.256







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Reggiori, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 17 mai 2017 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Carnitec, dont le siège est [...] (Suisse),

2°/ à la société Soleval France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 septembre 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de les sociétés Allianz IARD et Reggiori, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Carnitec, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Soleval France ;

Sur le rapport de Mme X..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Allianz IARD et Reggiori aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour les sociétés Allianz IARD et Reggiori

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, d'avoir déclaré la société Reggiori responsable sur le fondement de l'article 1382 du code civil du dommage subi par la société Soleval, d'avoir condamné in solidum la société Reggiori et la société Allianz IARD, celle-ci dans la limite des franchises et plafonds de garantie du contrat d'assurance, avec la société Carnitec, à payer à la société Soleval les sommes suivantes : 907.134 € en réparation des ouvrages, somme réévaluée selon variation de l'indice BT01 intervenue entre décembre 2001 et le jour du paiement, 21.475 € représentant la perte de structure des silos, 124.347 € représentant la perte de remplissage des silos, 216.200 € représentant l'immobilisation des silos pendant les travaux, 6.960,66€ au titre des frais de l'Apave et 12.143,12€ au titre des travaux de réparations provisoires, d'avoir dit que les sommes non indexées porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, d'avoir dit que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Carnitec et Reggiori avec son assureur Allianz se relèveront et garantiront de cette condamnation dans la proportion de la moitié chacune, et d'avoir débouté les sociétés Reggiori et Allianz IARD du surplus de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE, sur la faute de la société Reggiori : la société Carnitec estime que la société Reggiori est seule à l'origine des désordres, par la mauvaise prise en compte des données de densité moyenne des produits stockés dans les silos alors qu'il lui appartenait en tant que sous-traitant spécialisé d'apporter toutes information utile à l'entrepreneur principal ; que la société Reggiori et sa compagnie d'assurance se prévalent quant à elles, de la faute de la société Carnitec qui a fourni des données inexactes sur la densité du produit, et de la faute de la société Progilor qui n'a fourni les renseignements et analyses nécessaires sur le produit ; qu'il est constant que le sinistre a pour origine la sous estimation de la densité du produit ensilé, le contrat de sous-traitance conclu le 21 janvier 1994 entre les sociétés Carnitec et Reggiori mentionnant une densité du produits à stocker dans les silos de 650 kg/m3 alors qu'il est établi par l'expertise, que la densité à prendre en compte aurait du être de 900kg/m3 ; qu'il résulte des pièces produites que la société Reggiori a, avant la signature du contrat de sous-traitance, par lettre du 17 décembre 1993, interrogé la société Carnitec sur les caractéristiques physiques du produit à ensiler, les risques d'effets de voûte et de gonflement du produit stocké afin de définir les charges et poussées à prendre en compte, que la société Carnitec lui a répondu le 17 janvier 1994 avoir procédé aux calculs de densité, et a spécifié à l'annexe I du contrat de sous-traitance, les caractéristiques des produits stockés, dont la densité moyenne comme étant de 650kg/m3, sans préciser s'il s'agissait d'une valeur avant ou après compactage ; qu'il ressort également de l'attestation établie le 28 mars 2008 par M. Y..., ingénieur chez Carnitec, que ce dernier a procédé à des mesures volumétriques, pondérales, ainsi qu'à une mesure de densité à grande échelle à partir des farines de viande en provenance de Progilor, et ce en présence de la société Reggiori , pour aboutir à une densité D= 0,650. laquelle a été inscrite au contrat sans prendre en compte comme relevé par l'expert, l'effet de tassement dans les silos ; qu'il s'en déduit que la société Reggiori, spécialisée dans la construction de silos, ne peut sérieusement soutenir que la cause des désordres tiendrait à la seule erreur manifeste d'appréciation des caractéristiques du produit à ensiler, commise par Carnitec, et qu'elle n'avait pas à contrôler les données fournies par le maître d'oeuvre, dès lors qu'ayant été associée à ces mesures de densité, elle n'a, pas plus que la société Carnitec, pris en compte la norme P 22 630 qui prévoit une valeur de densité du produit après compactage ; qu'en conséquence, le fait pour la société Reggiori de s'en tenir à une densité moyenne du produit n'intégrant pas l'effet de tassement et de poussée sur les trémies, calculée empiriquement et sans demande d'analyses complémentaires au maître d'ouvrage quant au comportement du produit ensilé, alors qu'elle était chargée d'effectuer les calculs nécessaires à la construction des silos, constitue une faute de négligence à l'origine du préjudice de la société Progilor, laquelle est bien fondée à demander la condamnation de Reggiori sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que par ailleurs, la société Reggiori ne peut sérieusement soutenir que la société Progilor aurait commis une faute en ne communiquant pas toutes les indications techniques sur le produit à ensiler, alors que la norme P22 630 précise dans son article 6-1 que c'est à la demande du maître d'oeuvre ou du constructeur que le maître d'ouvrage est tenu de communiquer les informations techniques sur la nature de la matière à ensiler, au besoin de recourir à un laboratoire spécialisé, et qu'il est établi que la société Reggiori n'a demandé à aucun moment d'information techniques sur la nature des produits à ensiler, les risques d'effets de voûte, ni d'analyses par un laboratoire spécialisé au maître d'ouvrage Progilor, pas plus qu'à la société Carnitec dont elle a accepté les mesures sur la densité en connaissance de cause, pour y avoir participé à deux reprises en septembre et novembre 1993 selon l'attestation de M. Y... ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré non fondée l'action de la société Progilor à l'encontre de la société Reggiori ; que la société Reggiori et sa compagnie d'assurances Allianz qui ne dénie pas sa garantie à son assurée Reggiori, seront condamnées in solidum avec la société Carnitec à payer à la société Soleval venant aux droits de Progilor, les montants sur lesquels il a été définitivement statué par l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 20 avril 2011, la société Allianz dans la limite des franchises et plafonds de garantie du contrat d'assurance ; que sur les demandes de garantie : en l'absence de toute faute du maître d'ouvrage, la demande de garantie faite par la société Reggiori et son assureur Allianz à l'encontre de la société Soleval Progilor n'est pas fondée, de sorte qu'elles en seront déboutées ; que la société Carnitec demande que la société Reggiori et son assureur la garantissent de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre aux motifs qu'elle a fourni des informations précises, complètes et correctes à la société Reggiori laquelle, spécialiste de la construction de silos, connaissait parfaitement la différence entre densité avant et après compactage, savait que la densité de 650kg/m3 indiquée au contrat était une densité avant compactage et a négligé les termes de la norme P 22 630 , tandis que la société Reggiori demande que la société Carnitec la garantisse de toute condamnation en raison des données erronées qui lui avaient été fournies par Carnitec, concepteur de l'ouvrage ; qu'il apparaît que la société Carnitec, concepteur et maître de l'ouvrage, en indiquant au contrat une densité du produit à ensiler sans mentionner s'il s'agissait d'une valeur avant ou après compactage , et qui n'a procédé à cette distinction qu'en cours d'expertise, ne peut donc prétendre sérieusement qu'il s'agissait d'une donnée avant compactage, alors que cet élément était déterminant pour les calculs de construction des silos par son sous-traitant, et que la norme P23 630 qui prévoit une densité de produit après compactage ; que la société Reggiori spécialiste de la construction de silos, qui a participé aux calculs de densité avant même la signature du contrat de sous-traitance, n'a pas plus tenu compte de cette distinction de densité avant et après compactage ; qu'en conséquence il y a lieu, compte tenu de cette faute commune, d'opérer un partage de responsabilité par moitié entre elles et dire qu'elles se relèveront et garantiront dans la proportion de 50% chacune ;

1°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que, selon l'attestation établie le 28 [lire : 25] mars 2008 par M. Alain Y..., ce dernier avait « procédé à des mesures volumétriques, pondérales ainsi qu'à une mesure de densité à grande échelle à partir des farines de viande en provenance de Progilor et ce en présence de la société Reggiori pour aboutir à une densité D =0,650» (arrêt, p. 8 § 9) ; qu'il résulte pourtant de l'attestation de M. Y... qu'il a procédé à des mesures sur le site de l'usine Progilor ayant donné une valeur pour la densité de 0,650, ainsi qu'à une mesure de densité à grande échelle dans une benne cubique de Progilor ayant donné une densité de 0,58, sans mentionner la présence de la société Reggiori lors de ces mesures ; que M. Y... a seulement affirmé que, par la suite, la société Reggiori s'était rendue sur site à deux reprises pour procéder à de « nouvelles mesures de densité », dont il ne donne pas le résultat (prod. 12) ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les termes de l'attestation de M. Y... et violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil, et le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS QU'EN OUTRE, nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en l'espèce, la société Carnitec, pour affirmer que la société Reggiori aurait participé aux mesures de densité du produit à ensiler qu'elle avait pratiquées sur le site de la société Progilor aux mois de septembre et novembre 1993, et qu'elle aurait eu dès lors eu une obligation de vérifier la conformité de ces mesures, a produit une attestation de M. Alain Y..., l'un de ses ingénieurs, en date du 25 mars 2008 (prod. 12) ; que la société Reggiori faisait valoir quant à elle qu'elle avait sollicité de la société Carnitec, représentant du maître de l'ouvrage, par une lettre du 17 décembre 1993 (prod.1) des précisions, notamment sur les risques d'effet de voûte et de gonflement du produit stocké dans le temps (concl., p. 9 § 5 et 6), ce qui excluait par hypothèse sa participation antérieure à une quelconque mesure de la densité du produit à ensiler ; qu'en se fondant sur la seule attestation de M. Y... pour considérer que les calculs sur cette densité avaient été effectués « en présence de la société Reggiori », qui y avait été « associée» (arrêt, p. 8 § 9 et 10), tandis que cette attestation était une preuve que la société Carnitec s'était constituée à elle-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du même code depuis l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ;

3°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHÈSE le sous-traitant chargé d'une mission d'exécution n'est pas tenu, pour la réalisation de se prestation, de vérifier l'exactitude des données transmises par l'entrepreneur principal, chargé d'une mission de conception ; qu'à supposer même qu'il soit admis que la société Reggiori aurait été présente lors de mesures de la densité de la matière à ensiler au sein des locaux de la société Progilor, la société Reggiori et la société Allianz faisaient valoir que la société Reggiori n'avait aucune compétence pour procéder à des mesures des matières à ensiler, et n'avait d'ailleurs reçu aucune mission contractuelle en ce sens (concl., p. 29 avant-dernier § et p. 36 § 10), que la norme P 22 630 version 1992 prévoyant, pour les constructions de silos, que le constructeur n'est tenu que d'interroger le maître de l'ouvrage sur les caractéristiques des matières à ensiler, lequel doit, le cas échéant, recourir à un expert pour apporter une réponse exacte (prod. 13, art. 6.1) et que la société Reggiori avait interrogé la société Carnitec sur les caractéristiques du produit à ensiler, satisfaisant ainsi à ses propres obligations, (concl., p. 28 § 7 à 10) ; qu'en jugeant que « le fait pour la société Reggiori de s'en tenir à une densité moyenne du produit n'intégrant pas l'effet de tassement et de poussée sur les trémies, calculée empiriquement et sans demande d'analyses complémentaires au maître de l'ouvrage quant au comportement du produit ensilé, alors qu'elle était chargée d'effectuer les calculs nécessaires à la construction des silos, constitue une faute de négligence à l'origine du préjudice de la société Progilor » (arrêt, p. 8 dernier §), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Reggiori qui n'avait aucune compétence pour procéder à des mesures des produits à ensiler ou en vérifier l'exactitude, eût-elle été présente lors de ces mesures n'était pas seulement tenue d'interroger le maître de l'ouvrage ou son représentant sur les caractéristiques des produits à ensiler, ce qu'elle avait fait par lettre du 17 décembre 1993, , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

4°) ALORS QUE la contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en retenant, pour statuer sur une prétendue faute de la société Reggiori, d'une part, que cette dernière avait, « avant la signature du contrat de sous-traitance, par lettre du 17 décembre 1993, interrogé la société Carnitec sur les caractéristiques physiques du produit à ensiler, les risques d'effets de voûte et de gonflement du produit stocké afin de définir les charges et poussées à prendre en compte » (arrêt, p. 8 § 6), et, d'autre part, qu'il était « établi que la société Reggiori n'a demandé à aucun moment d'information technique sur la nature des produits à ensiler, les risques d'effets de voûte, ni d'analyses par un laboratoire spécialisé au maître d'ouvrage Progilor, pas plus qu'à la société Carnitec » (arrêt, p. 9 § 1), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE SUBSIDIAIREMENT, le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'à supposer que la cour d'appel ait jugé que la société Reggiori ne pouvait satisfaire à son obligation de solliciter les caractéristiques du produit à ensiler qu'en n'interrogeant le maître de l'ouvrage, la société Progilor et non la société Carnitec, la société Reggiori et la société Allianz faisaient valoir dans leurs écritures que la société Carnitec s'était présentée et avait agi à son égard comme le mandataire du maître de l'ouvrage, ainsi qu'il résultait du contrat conclu avec la société Carnitec, qui mentionnait cette qualité à deux reprises (concl., p. 35 § 9 et 15, p. 36 § 7, p. 40 dernier § et prod. 3), de sorte que la lettre du 17 décembre 1993 interrogeant la société Carnitec, notamment, sur les risques d'effet de voûte, liés à la densité du produit à ensiler, satisfaisait à cette obligation ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant précis et opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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