7 novembre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-27.618

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C101023

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Demande de mainlevée de la mesure - Procédure devant le juge des libertés et de la détention - Réception de la demande par le greffe - Enregistrement immédiat - Limites - Circonstances exceptionnelles

En l'absence de circonstances exceptionnelles, l'enregistrement d'une demande de mainlevée d'une mesure de soins psychiatriques doit intervenir dès réception de la requête par le greffe du tribunal de grande instance. Le juge statue dans les douze jours à compter de cette date

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Demande de mainlevée de la mesure - Procédure devant le juge des libertés et de la détention - Délai pour statuer - Point de départ - Détermination

Texte de la décision

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2018




Cassation sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1023 FS-P+B+I

Pourvoi n° W 17-27.618

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 septembre 2017.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. L. X..., domicilié [...],

contre l'ordonnance rendue le 27 février 2017 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet de l'Essonne, domiciliétour Lorraine, immeuble France Evry, 6-8 rue Prométhée, 91035 Evry cedex,

2°/ au centre hospitalier Sud francilien, dont le siège est116 boulevard Jean Jaurès, 91100 Corbeil-Essonnes,

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domiciliéen son parquet général, palais de justice, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 octobre 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. X..., de Me Le Prado , avocat du centre hospitalier Sud francilien, l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 21 octobre 2016, le représentant de l'Etat dans le département a pris, à l'égard de M. X..., une décision de réadmission en soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, en application des dispositions de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique ; que ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la mesure ;

Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier Sud francilien, relevée d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique ;

Attendu que le pourvoi formé contre le centre hospitalier Sud francilien, présent à l'audience pour avoir été avisé conformément aux textes précités, mais qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles R. 3211-10, R. 3211-11 et R. 3211-30 du code de la santé publique, ensemble les articles L. 123-1 et R. 123-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention est saisi d'une demande de mainlevée d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal de grande instance et enregistrée dès sa réception ; qu'il statue dans les douze jours à compter de cet enregistrement ;

Attendu que, pour dire que le juge a statué dans le délai imparti, l'ordonnance retient que si la requête est parvenue au greffe du tribunal de grande instance le 26 janvier 2017, elle n'a été reçue par le service du juge des libertés et de la détention que le 31 janvier, lequel l'a enregistrée le 3 février, de sorte que sa décision du 9 février a été rendue dans les douze jours à compter de l'enregistrement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de circonstances exceptionnelles, l'enregistrement devait intervenir dès réception de la requête par le greffe du tribunal de grande instance, de sorte que le délai de douze jours était expiré au moment où le juge a rendu sa décision, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier Sud francilien ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 27 février 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir ordonné le maintien de l'hospitalisation sous contrainte avec demande d'avis d'un collège d'expert ;

AUX MOTIFS QUE Sur le délai de 12 jours pour statuer sur la requête en mainlevée.
Il résulte de l'article R. 3211-30 du code de la santé publique que l'ordonnance du juge saisi d'une requête en mainlevée est rendue dans un délai de 12 jours à compter de l'enregistrement de la requête au greffe.
En l'espèce la requête de mainlevée est parvenue au tribunal de grande instance d'Évry le 26 janvier 2017, mais n'a été reçue au greffe du juge des libertés et de la détention que le 31 janvier 2017, date portée par le greffier dudit service, et le juge des libertés et de la détention a statué par ordonnance du 9 février 2017 c'est-à-dire dans le délai de 12 jours.
L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur les conditions de placement à l'isolement.
M. X... conteste les conditions dans lesquelles il a été placé à l'isolement.
Il fait valoir qu'en application de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique un registre doit être mis en place pour les personnes placées en l'isolement et que celui-ci n'a été mis en place qu'en octobre 2016 c'est-à-dire postérieurement à son placement en isolement.
Il demande de ce fait la mainlevée de la mesure de maintien en soins sans consentement.
Cependant c'est par des motifs appropriés que le Premier juge a relevé que le registre des mesures d'isolement et de contention est un document interne à l'établissement hospitalier; qu'il a été mis en place dans cet établissement en octobre 2016. La commission départementale de soins psychiatriques a validé la pratique procédurale des mesures d'isolement. Cette validation a nécessairement concerné la mesure dont M. X... a fait l'objet.
En outre le centre hospitalier Sud francilien précise que la procédure de mesure d'isolation dont a fait l'objet M. X... a été respectée et que les termes de cette procédure ne peuvent figurer dans le dossier destiné au juge des libertés de la détention dès lors qu'elle est incluse dans le dossier médical du patient qui bénéficie de la protection du secret médical. Or aucun élément ne démontre que tel n'avait pas été le cas. Il s'ensuit que la procédure concernant la pratique de l'isolation a respecté les droits de M. X....
L'ordonnance sera également confirmée de ce chef.

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE

Attendu que l'article R. 3211-30 du Code de la santé publique dispose que "l'ordonnance du juge est rendue dans un délai de douze jours à compter de l'enregistrement de la requête au greffe".
Attendu que la requête de mainlevée est parvenue au tribunal de grande instance d'Evry le 26 janvier 2017. Qu'elle a été reçue par le greffe du juge des libertés et de la détention le 31 janvier 2017, date portée par le greffier dudit service seul habilité à établir la date de réception utile, pour être enregistrée le 3 février 2017.
Que dès lors, le délai de douze jours imparti au juge des libertés et de la détention pour rendre son ordonnance est respecté.

Attendu que le registre des mesures d'isolement et de contention est un document interne à l'établissement hospitalier, qui apparaît avoir été mis en place dans cet établissement en octobre 2016 ;
Attendu cependant que la Commission départementale de soins psychiatriques a validé la pratique procédurale des mesures d'isolement lors de son passage en octobre 2016 ; que cette validation a nécessairement concerné la mesure dont Monsieur L. X... fait l'objet ;
Attendu en outre que le Centre hospitalier Sud Francilien a précisé lors de l'audience que la procédure de la mesure d'isolement dont a fait l'objet Monsieur L. X... a été respectée; que les termes de cette procédure ne peuvent figurer dans le dossier destiné au juge des libertés et de la détention dès lors qu'elle est incluse dans le dossier médical du patient qui bénéficie du secret médical; que le conseil de Monsieur L. X... ne démontre pas que tel n'aurait pas été le cas ;
Que dès lors, force est de constater que la procédure concernant la pratique de l'isolement a respecté les droits de l'intéressé.

ALORS QUE le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil est saisi par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal de grande instance, dès réception de la requête, le greffe l'enregistre, l'ordonnance du juge est rendue dans un délai de douze jours à compter de l'enregistrement de la requête au greffe ; qu'il est constant en l'espèce que la requête est parvenue au tribunal de grande instance d'Évry le 26 janvier 2017, mais n'a été reçue au greffe du juge des libertés et de la détention que le 31 janvier 2017 et enregistrée le 3 février ; que la requête aurait dû être enregistrée par le greffe du juge des libertés et de la détention dès sa réception le 26 janvier date à laquelle commençait à courir le délai de 12 jours et en décidant que le délai de douze jours avait été respecté, le magistrat délégataire a violé les articles R. 3211-10, R. 3211-11 et R. 3211-30 du code de la santé publique ;

ALORS QUE l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l'établissement lequel mentionne pour chaque mesure d'isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; qu'en l'espèce, il est constant que le registre n'a été mis en place qu'en octobre 2016, postérieurement à la mesure d'isolement imposée à M. X... mais pour écarter toute irrégularité, le magistrat délégataire a retenu que le registre était un document interne à l'établissement, que la pratique procédurale de mise à l'isolement dans l'établissement a été validée par la commission départementale des soins psychiatriques et que l'établissement précisait que la procédure avait été respectée mais que les termes de cette procédure ne peuvent figurer dans le dossier destiné au juge des libertés de la détention dès lors qu'elle est incluse dans le dossier médical du patient qui bénéficie de la protection du secret médical ; qu'en statuant comme il l'a fait, le magistrat délégataire a violé l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

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