22 septembre 2020
Cour d'appel de Besançon
RG n° 19/02479

Chambre Sociale

Texte de la décision

ARRET N° 20/

LM/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2020



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 03 juillet 2020

N° de rôle : N° RG 19/02479 - N° Portalis DBVG-V-B7D-EGPH



S/appel d'une décision

du Tribunal de Grande Instance de BESANCON

en date du 26 novembre 2019

Code affaire : 88B

Demande d'annulation d'une mise en demeure ou d'une contrainte





APPELANTE



Société BD PRODUCT,



dont le siège social [Adresse 2]



représenté par Me Myriam ARRIZI-GALLI, avocat au barreau de BESANCON



INTIMEE



URSSAF DE FRANCHE-COMTE Prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège,

[Adresse 1]



représenté par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON



COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 03 Juillet 2020 :



Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller

qui en ont délibéré,



Mme Cécile MARTIN, Greffier lors des débats



sans plaidoirie conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 et après accord des parties,



Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 22 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe.






**************





EXPOSE DU LITIGE



Du 1er juin 2011 au 31 mars 2013 la SARL BD Product a confié à la SARL APM une partie de ses activités de polissage.



L'URSSAF de Franche-Comté a effectué le 8 janvier 2013 un contrôle inopiné dans l'un des établissements de la SARL APM. Au cour de ce contrôle il lui a été donné de constater que la SARL APM avait assuré sa prestation en violation des articles L.8221-1 à 3 et R.8222-1 du code du travail.



Un procès-verbal a alors été établi le 4 juillet 2014 lequel a été transmis au procureur de la république de Besançon. Le 18 février 2015 une lettre d'observations a été adressée à la SARL APM.



Considérant que la SAS BD Product n'avait pas satisfait à son obligation de vigilance l'URSSAF de Franche-Comté a décidé de mettre en oeuvre la règle de la solidarité financière énoncée à l'article L.8222-2 du code du travail en lui adressant une lettre d'observations le 4 février 2017.



L'URSSAF maintenant sa position nonobstant ses contestations, la SAS BD Product a saisi le 22 novembre 2017 la commission de recours amiable laquelle a, par décision du 18 décembre 2017, rejeté le recours.



Le 1er février 2018 la SAS DD Product a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon aux fins de voir annuler les opérations de contrôle et de redressement portant sur la somme de 13.860,00 euros.



Par jugement du 26 novembre 2019 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon a confirmé la décision de la commission de recours amiable et a condamné la SAS BD Product au paiement de la somme de 13.860,00 euros.



Par courrier recommandé expédié le 10 décembre 2020 la SAS BD Product a relevé appel du jugement.



Dans ses dernières conclusions, déposées le 27 février 2020, la SAS BD Product poursuit l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de céans de :



- à titre principal, annuler la décision de la CRA ainsi que l'ensemble des opérations de contrôle et de redressement portant sur la somme de 13.860,00 euros,

- à titre subsidiaire, enjoindre l'URSSAF de Franche-Comté de communiquer le PV n°2013/000304DDPAF BMRA 25 en date du 4 juillet 2014, annuler la décision de la CRA ainsi que le redressement opéré à hauteur de 13.860,00 euros,

- en tout état de cause, condamner l'URSSAF de franche-Comté à lui payer la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



Dans ses dernières écritures, transmises le 30 avril 2020, l'URSSAF de Franche-Comté conclut à la confirmation de la décision querellée et à la condamnation de la société appelant à lui verser la somme de 1.500,00 euros au titre des frais irrépétibles.





L'affaire a été appelée à l'audience du 3 juillet 2020. A ladite audience les parties se sont expressément référées à leurs écritures respectives.



Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère donc à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur la demande de nullité du redressement



Attendu qu'il est constant dans la présente affaire que la SARL APM Polissages a fait l'objet le 8 janvier 2013 dans un de ses établissements d'un contrôle inopiné de l'URSSAF de Franche-Comté au cours duquel il a été donné à l'inspecteur de constater des infractions aux dispositions des article L.8221-1 à 3, L.8222-5 et L.8222-1 du code du travail ; qu'un procès-verbal a été dressé le 4 juillet 2014 et transmis au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Besançon



Que le 18 février 2015 une lettre d'observations a été adressée par l'URSSAF de Franche-Comté à la SARL APM Polissages, suivie le 14 août 2015 par une mise en demeure d'un montant de 522.432,00 euros;



Que la SARL BD Product ayant confié à la SARL APM Polissages une partie de son activité en qualité de donneur d'ordre, elle se devait de vérifier la situation juridique et administrative de son co-contractant ; que la SAS BD Product ayant manqué à son obligation de vigilance au titre de plusieurs années, l'URSSAF de Franche Comté a donc mis en oeuvre sa solidarité financière;



Attendu que pour résister aux prétentions de l'URSSAF de Franche-Comté , la SAS BD Product soutient que la procédure initiée par l'organisme de recouvrement à l'encontre de la SARL APM Polissages est entachée d'irrégularité dès lors que celui-ci a eu recours à la procédure de droit commun et non à celle prévue à l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale ; qu'aux termes de cette disposition légale la lettre d'observations qui lui a été adressée aurait du être signée par le directeur de l'organisme et non par l'agent inspecteur;



Attendu qu'au soutien de son argumentation la SAS BD Product invoque les dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale , pris dans sa rédaction applicable au 1er janvier 2014, lequel disposait :



'Lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L. 8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l'employeur ou le travailleur indépendant qu'il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix.';



Attendu qu'il résulte de la lettre d'observations adressée à la SARL APM Polissages par l'URSSAF de Franche-Comté le 18 février 2015 que le contrôle inopiné avait pour seul cadre la lutte contre le travail dissimulé; que cette lettre d'observations liste toutes les régularisations de cotisations consécutives aux constatations de travail dissimulé; qu'il échet d'en déduire que l'article R.133-8 du code la sécurité sociale, ci-dessus rappelé, avait vocation à s'appliquer à la procédure initiée à l'encontre de la SARL APM Polissages dès lors qu'il n'a été abrogé que le 25 septembre 2017;



Qu'il s'évince de l'examen formel de la lettre d'observations que celle-ci porte la signature de l'inspecteur ayant réalisé le contrôle et non celle du directeur de l'organisme de recouvrement;

qu'il est donc établi que ladite lettre d'observations est entachée d'irrégularité;



Mais attendu aussi que le redressement à l'origine de la mise en oeuvre de la solidarité financière n'ayant pas été contesté par la société sous-traitante, débitrice des cotisations dues au titre du travail dissimulé, l'entreprise donneur d'ordre n'a pas la qualité pour le contester pour son Modernisation et simplification des déclarations sociales ainsi que du recouvrement des cotisations et contributions socialescompte, notamment au motif que la lettre d'observations qui ne lui était pas destinée était irrégulière; que ce moyen sera donc rejeté ;



Attendu que la SAS BD Product soutient ensuite que la lettre d'observations qui lui a été adressée le 4 janvier 2017 méconnaîtrait également les dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale en ce quelle ne comporte pas la signature du directeur de l'organisme mais celle de l'inspecteur;



Attendu qu'il convient de relever que l'article R.133-8 du code la sécurité sociale est inséré dans chapitre dédié à la 'modernisation et simplification des déclarations sociales ainsi que du recouvrement des cotisations et contributions sociales'; que la lettre d'observations litigieuse ayant pour finalité la mise en oeuvre de la solidarité financière de la SAS BD Product, la disposition réglementaire précitée n'a donc pas vocation à s'appliquer ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que l'URSSAF de Franche-Comté a fait application de la procédure de droit commun;



Attendu que l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable à la présente espèce, dispose que l'organisme de recouvrement a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe du contradictoire par l'envoi de la lettre d'observations au donneur d'ordre avant l'envoi de toute mise en demeure, sans être tenue de joindre le procès-verbal constatant le délit ; que ce moyen sera en conséquence rejeté;



Attendu qu' il convient en considération des développements qui précèdent de débouter la SAS BD Product de sa demande de nullité du redressement opéré à son encontre;



Sur la solidarité financière



Attendu que l'article L.8222-1 du code du travail dispose :



Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte :



1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;



2° de l'une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.



Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret.



Attendu que la SAS Product indique dans ses écritures que ses relations avec la SARL APM polissages ont débuté en 2006 pour s'interrompre en 2007 puis reprendre en 2011; qu'elle explique avoir eu recours aux prestations de la SARL APM Polissages pour absorber des surplus de productions;



Attendu que l'absence d' écrit est indifférente à caractériser l'existence d'un contrat au sens de l'article L.8222-1 du code du travail dès lors que la SAS BD Product reconnaît avoir sollicité la SARL APM Polissages pour diverses prestations durant les périodes considérées; qu'il est également sans incidence pour la solution du litige que les prestations demandées pouvaient être interrompues à tout moment;



Attendu qu'il est ainsi établi que les relations entre les deux sociétés étaient répétées et successives et s'inscrivaient bien dans un contrat global supérieur à la somme de 3 000 €; qu'il ya donc lieu de considérer que les conditions posées par l'article L.8222-1 du code du travail sont satisfaites, étant ajouté que la mise en oeuvre de ce dispositif n'est pas subordonnée à la défaillance avérée du débiteur principal;



Attendu que la SAS BD Product n'a produit à l'URSSAF de Franche-Comté que deux attestations de vigilance en date des 9 avril 2013 et 27 juin 2014; que l'organisme de recouvrement est donc bien fondé à souligner la carence de la société appelante antérieurement;



Que la somme réclamée par l'URSSAF de Franche-Comté ne donne lieu à aucune discussion de la part de la SARL BD Product;



Qu'il échet en conclusion de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a validé le redressement litigieux et a condamné la SAS BD Product à payer à l'URSSAF de Franche-Comté ;



Sur les demandes accessoires



Attendu que la SAS BD Product qui succombe à hauteur de cour sera condamnée à payer à l'URSSAF de Franche-Comté la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, lesdites condamnations emportant nécessairement rejet de ses prétentions formées à ces titres;





-

PAR CES MOTIFS -



La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,



Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2019 par le Pôle social du tribunal de grande instance de Besançon,



Et y ajoutant,



Déboute la SAS BD Product de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne sur ce fondement à payer à l'URSSAF de Franche-Comté la somme de mille cinq cents euros (1.500,00 €).



Condamne la SAS BD Product aux dépens d'appel .



Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt deux septembre deux mille vingt et signé par Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Cécile MARTIN, Greffier.



LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.