31 janvier 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-40.043

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C300154

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Droit des biens - Code du tourisme - Article L. 324-2-1 - Principe d'égalité devant les charges publiques - Reformulation de la question par le juge de transmission - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

CIV.3

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 31 janvier 2019




NON-LIEU A RENVOI


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 154 FS-D P+B+I

Affaire n° X 18-40.043





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le jugement rendu le 30 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Paris, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 6 novembre 2018, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

1°/ la société Airbnb France, dont le siège est 4 place de l'Opéra, 75002 Paris,

1°/ la société Airbnb Ireland Unlimited Compagny, dont le siège est 25/28 North Wall, Quay Dublin, 1D01 H104 (Irlande),

D'autre part,

la Ville de Paris, représentée par son maire en exercice, domicilié place de l'Hôtel de Ville, 75004 Paris,

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 janvier 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Guillaudier, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Bureau, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Kapella, avocat général, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des sociétés Airbnb Ireland Unlimited Compagny et Airbnb France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, l'avis de M. Kapella, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que la Ville de Paris a assigné en référé la société Airbnb Ireland unlimited company aux fins de voir ordonner la mention, sur plusieurs annonces publiées sur sa plateforme numérique, du numéro d'enregistrement de déclaration préalable auprès de la commune exigée pour la location de courte durée à une clientèle de passage et, à défaut, leur suppression, et l'interdiction de publier des annonces sur la Ville de Paris qui ne mentionnent pas un numéro d'enregistrement ; que le tribunal de grande instance de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 324-2-1 du code du tourisme en ce qu'il met à la charge des exploitants de plateformes électroniques les diligences suivantes :
- informer le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalables ;
- recueillir une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale ;
- faire apparaître le numéro de déclaration du logement, obtenu en application du II de l'article L. 324-1-1 dudit code ;
- veiller à ce que le logement proposé à la location ou à la sous-location ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an ;
- informer, à sa demande, annuellement, la commune du logement loué au-delà de cent vingt jours de location ;
Est-il compatible avec le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques consacré par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » ;

Que, toutefois, la question posée par la société Airbnb Ireland Unlimited Company dans son mémoire distinct était ainsi rédigée :

« L'article L. 324-2-1 du code du tourisme, qui édicte une obligation de surveillance à la charge des exploitants de plateformes électroniques et qui impose à ces dernières d'assumer une succession d'obligations destinées à faire échec à la diffusion d'annonces illicites, sans même leur offrir une indemnisation, est-il compatible avec le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques consacré par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » ;

Attendu que, si la question posée peut être reformulée par le juge à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, il n'appartient pas à celui-ci d'en modifier l'objet et la portée ; que, dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ;

Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que celle-ci ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les obligations prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme sont justifiées par un motif d'intérêt général, la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et la régulation des dysfonctionnements du marché, qu'elles s'imposent à toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, à la mise en location d'un logement soumis à l'article L. 324-1-1 du même code et aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation et qu'elles sont en lien direct avec son activité, de sorte qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-neuf.

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